L’Encyclopédie/1re édition/SYMPATHIE

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SYMPATHIE, dans un sens plus naturel & plus vrai, s’emploie pour exprimer l’aptitude qu’ont certains corps pour s’unir ou s’incorporer, en conséquence d’une certaine ressemblance, ou convenance dans leurs figures. Comme antipathie signifie une disposition contraire, qui les empêche de se joindre ; bien entendu qu’on n’attache à ces mots d’autres idées que celle de la propriété qu’ils expriment, sans prétendre que cette propriété vienne de quelque être métaphysique, ou qualité occulte résidente dans ces corps.

Ainsi, le mercure qui s’unit à l’or, & à beaucoup d’autres métaux, roule dessus le verre, la pierre, le bois, &c. & l’eau qui mouille le sel, & qui le dissout, coule sur le suif sans s’y attacher ; de même que sur une surface couverte de poussiere, & sur les plumes des oiseaux de riviere.

Deux gouttes d’eau ou de mercure se joindront immédiatement par le contact, & ne feront qu’une ; mais si vous versez sur du mercure de l’huile de tartre, de l’esprit-de-vin & de l’huile de térébenthine par-dessus, & enfin qu’il y ait de l’air par-dessus le tout ; tout ces fluides resteront dans le vaisseau sans se mêler ou s’unir en aucune sorte les uns avec les autres.

La différence de pesanteur spécifique de ces liqueurs paroît être la principale cause de ce phénomene. Car l’hydrostatique nous apprend que si deux fluides d’inégale pesanteur sont dans un vase, le plus léger se mettra toujours au-dessus du plus pesant. Il faut cependant, pour que les fluides ne se mêlent pas, que la différence de pesanteur soit un peu considérable. Car le vin, par exemple, quoique plus léger que l’eau, se mêle avec elle, à-moins qu’on ne le verse fort doucement, ou à-moins qu’on ne le verse sur quelque corps nageant sur la surface de l’eau (tel par exemple, qu’une tranche de pain), & qui amortisse la force que le vin peut avoir reçu en tombant. (O)

Sympathie, (Physiolog.) cette convenance d’affection & d’inclination ; cette vive intelligence des cœurs, communiquée, répandue, sentie avec une rapidité inexplicable ; cette conformité de qualités naturelles, d’idées, d’humeurs & de tempéramens, par laquelle deux ames assorties se cherchent, s’aiment, s’attachent l’une à l’autre, se confondent ensemble, est ce qu’on nomme sympathie. Quelle est rare & délicieuse, sur-tout quand elle est si forte, que pour me servir des termes d’un auteur anglois, il ne peut naître de troisieme amour entre deux ! mais ce n’est point de cette heureuse liaison, dont je dois entretenir le lecteur. Il s’agit ici de cette communication qu’ont les parties du corps les unes avec les autres, qui les tient dans une dépendance, une position, une souffrance mutuelle, συνπάθεια, & qui transporte à l’une des douleurs, les maladies qui affligent l’autre. Il est vrai pourtant que cette communication produisoit aussi quelquefois par le même méchanisme un transport, un enchaînement de sensations agréables.

La sympathie, en physique anatomique, est donc l’harmonie, l’accord mutuel qui regne entre diverses parties du corps humain par l’entremise des nerfs, merveilleusement arrangés, & distribués pour cet effet.

La nature s’est proposé trois choses principales dans leur distribution ; 1°. de donner du sentiment aux organes des sens.

2°. De donner du mouvement aux muscles & aux fibres.

3°. De mettre les parties du corps dans une dépendance réciproque les unes des autres. L’œil, comme s’exprime un écrivain sacré (c’est S. Paul), ne peut pas dire à la main, je n’ai que faire de toi, ni la tête aux piés, je n’ai que faire de vous : ainsi les nerfs sont autant de renes dont l’ame se sert pour tourner le corps de tous côtés ; ce n’est qu’à eux que les parties doivent leurs mouvemens ; les rameaux que leur envoient les mêmes troncs, ou ceux qui se communiquent, les tiennent dans une dépendance mutuelle, & portent à l’une les maux ou les plaisirs, qui affligent l’autre.

Fausse hypothèse sur la sympathie. Quelques auteurs ont attribué cette espece de commerce qui se trouve entre les parties, aux membranes qui leur sont communes ; mais il n’y eut jamais d’opinion moins fondée ; l’expérience nous apprend que les membranes perdent le sentiment de l’action, dès qu’elles n’ont plus de liaison avec les nerfs ; ce n’est donc pas sur elles qu’on doit rejetter les accidens qui s’étendent d’une partie à l’autre ; souvent la partie qui partage la couleur d’une autre est fort éloignée, & ce qui se trouve dans l’entredeux, ne souffre point.

Comment pourroit-il se faire qu’une membrane qui transporte ces mouvemens irréguliers, ne fît aucun ravage dans le milieu ? D’ailleurs, ceux qui soutiennent l’opinion dont nous parlons, s’imaginent que c’est par des oscillations que les membranes se communiquent leurs mouvemens ; mais qui pourra croire que des membranes pressées fortement de tous côtés, attachées à chaque point de leur surface, flottantes dans une infinité d’endroits, lâches presque partout, conduites par plusieurs détours, soient capables de vibrations ? Ce n’est donc qu’aux nerfs & aux vaisseaux qu’il faut rapporter la sympathie qui se trouve entre les parties du corps. Entrons dans l’explication de ce méchanisme.

Sympathie de la tête avec d’autres parties du corps expliquées. Dans diverses maladies du cerveau, comme dans les contusions, les yeux s’enflamment ; le suc nerveux porté dans les nerfs qui vont à l’œil, donne beaucoup de force aux vaisseaux, & pousse le sang dans les arteres lymphatiques ; les nerfs de la troisieme, quatrieme & sixieme paires, mettent les muscles en convulsion, & le regard devient féroce, ce qui pronostique le délire prochain.

Les douleurs de l’oreille sont des plus aiguës ; le grand nombre de rameaux de la septieme paire, & sa communication avec la huitieme, en donnent la raison ; il survient des pustules à la langue, & quelquefois on ne peut plus parler quand le cerveau est abscédé : d’abord les nerfs envoient beaucoup de suc dans les muscles de la langue, y engorgent les vaisseaux, & forment par-là des pustules ; enfin par la violente compression des nerfs, la langue devient paralytique.

Dans les blessures de tête, on vomit de la bile ; en voici la raison ; par l’action des nerfs qui vont à ce viscere, les tuyaux sont resserrés, & comme le sang n’a pas un grand mouvement, il s’accumule & filtre plus de bile ; mais l’action ne doit pas se terminer seulement au soie, elle peut s’étendre sur d’autres parties ; aussi a-t-on remarqué que dans les blessures de tête, il se répandoit dans la cuisse un engourdissement ; l’intercostal qui s’étend aux cuisses, explique ce phénomene.

Sympathie des yeux expliquée. Les parties de la tête qui sont hors du crâne, ont beaucoup d’empire sur les autres. 1°. Les yeux reçoivent des nerfs de la cinquieme paire ; ainsi la dure-mere est agitée quand les yeux le sont ; de-là vient que l’ophthalmie produit une douleur de tête avec des battemens : 2°. quand un œil est attaqué, l’autre l’est dans la suite, c’est peut-être parce que les deux branches de la troisieme paire sortent du même endroit : 3°. quand les humeurs d’un œil s’écoulent par quelque blessure, l’autre diminue ; cet accident vient du vaisseau sympathique, lequel communique avec les deux yeux : 4°. les yeux nous marquent les passions ; parce que la cinquieme paire qui se répand dans l’œil, communique avec les nerfs des visceres : dès qu’il y a quelque grande agitation dans le cerveau, le suc nerveux qui est envoyé dans les nerfs des yeux, y imprime divers mouvemens. 5°. La diarrhée, selon Hippocrate, guérit l’ophtalmie ; cela doit être ainsi, puisqu’alors les vaisseaux engorgés dans les yeux se desemplissent. 6°. Dans certaines maladies, les yeux se bouffissent, parce que le sang ne peut pas retourner par les veines, car quand on lie la jugulaire d’un chien, son œil se gonfle extraordinairement. 7°. Dans les grandes passions, il succede une inflammation de l’œil ; cela vient de ce que les nerfs contractent les extrémités capillaires des arteres ; alors le sang étant accumulé, & poussé avec plus de force, se jette dans les arteres lymphatiques de l’œil. 8°. Quand le corps est privé de nourriture, les yeux s’enfoncent, parce que ce qui forme leur masse, & la graisse qui les environne diminue. 9°. Comme il y a beaucoup de houpes nerveuses dans les paupieres, elles doivent être sensibles ; & quand elles seront fort irritées, il pourra survenir des convulsions dans tout le corps, à cause des communications de la cinquieme paire d’où elles tirent leur naissance.

Sympathie des narines expliquée. La dépendance mutuelle des narines & du diaphragme s’explique par le nerf intercostal, qui donne un rameau au diaphragme, & en reçoit un de chaque côté des nerfs diaphragmatiques. Baglivi s’est imaginé, que le nez avoit quelque liaison particuliere avec les intestins, parce que quand on fume, on est quelquefois purgé ; mais c’est qu’alors, on a avalé de la fumée de tabac. Pour ce qui regarde le cerveau, il n’est pas surprenant que certaines matieres comme l’héllebore, puissent causer des convulsions ; la communication de la cinquieme paire avec le nez explique ce phénomene : mais il y a une chose singuliere qui arrive très-souvent, c’est qu’on éternue en regardant fixement le soleil ; cela vient de ce que la branche nasale de l’ophtalmique donne un rameau qui rentre dans le crâne, & en sort avec l’olfactif, pour s’aller répandre dans la membrane pituitaire.

Sympathie des oreilles expliquée. Nous avons vu la liaison du cerveau avec les oreilles ; mais il reste à expliquer plusieurs phénomenes qui regardent d’autres parties.

1°. Wincler a dit qu’en faisant faire des mouvemens violens à un homme qui avoit une fluxion à l’oreille, il le délivra de cette incommodité ; c’est que par des mouvemens violens il agita les nerfs, & rendit le cours aux liqueurs arrêtées.

2°. Fabrice de Hildan rapporte d’une femme, que les douleurs qu’elle sentoit à l’oreille s’étendoient jusqu’au bras ; c’est que la portion dure communique avec la seconde & troisieme vertébrale, qui de leur côté, communiquent avec les nerfs brachiaux.

3°. Quelquefois les douleurs s’étendent à la cuisse ; ce symptome ne peut résulter que de la communication des nerfs lombaires avec l’intercostal ; le suc nerveux étant poussé par ce dernier nerf, retrécit les extrémités capillaires des vaisseaux, & par les engorgemens qu’il y forme, il y cause des douleurs.

4°. Dans les maux d’oreille, il arrive quelquefois une difficulté d’avaler ; cet effet procede de ce que les nerfs de la cinquieme paire, qui vont à la langue, communiquent avec la portion dure.

5°. Selon l’observation de Baglivi, la surdité qui survient dans les maladies, arrête le cours-de-ventre : quand il arrive des dérangemens dans les nerfs de l’oreille, l’intercostal étant secoué, envoie plus de suc nerveux dans les plexus mésentériques, & retrécit les extrémités capillaires des arteres.

6°. Les douleurs d’oreilles naissent souvent dans les maladies aiguës, & sont un bon signe ; c’est qu’alors la matiere qui cause la maladie, se dépose dans les glandes parotides ; plusieurs médecins font appliquer un cautere actuel à ces glandes, & cela reussit fort bien. Au reste, ce dépôt arrive par la facilité que trouve la matiere à s’arrêter dans les cellules glanduleuses.

Sympathie des dents expliquée. Les dents n’ont pas moins de liaisons que l’oreille avec plusieurs parties du corps. 1°. Le mal aux dents cause une tumeur & une inflammation ; nous le concevons en ce que les nerfs de la cinquieme paire qui vont aux dents, envoyent des rameaux aux joues, aux gencives, aux muscles du visage ; ainsi, quand la douleur de dents est violente, les nerfs contractent les extrémités artérielles ; les engorgemens qui arrivent alors, forment des inflammations, & font filtrer beaucoup de liqueur dans les interstices des fibres, soit des gencives, soit de la joue : en un mot, il arrive ici ce qu’on voit arriver quand on lie la jugulaire d’un chien, c’est-à-dire, que le voisinage se gonfle.

2°. La douleur des dents s’étend jusqu’aux oreilles, à cause de la communication de la portion dure avec la cinquieme paire.

3°. Les yeux souffrent du mal des dents ; quelquefois il survient une tumeur sous l’œil, & la paupiere paroit palpiter : la branche qui se porte aux dents de la mâchoire supérieure, envoie un rameau dans le canal qui est sous l’orbite, va se répandre aux tégumens du visage, & à la levre supérieure ; or ce nerf étant agité, le suc qui y coule contracte les extrémités artérielles sous l’œil, & y cause une tumeur par ce retrécissement. L’origine commune de cette branche & de l’olphtalmique de Willis, fait voir encore que l’œil doit pâtir du mal des dents.

4°. Quand les dents sortent aux enfans, ils éprouvent des diarrhées, des fievres, des vomissemens. Comme les nerfs de la cinquieme paire sont fort agités, la huitieme qui communique avec elle dans la bouche, & avec l’intercostal, qui tire son origine de la cinquieme, contracte à diverses reprises les extrémités artérielles des intestins, il doit donc s’exprimer une liqueur qui se filtrera dans les intestins ; si la contraction est telle que tout soit bouché, alors la fievre & des vomissemens succéderont.

5°. Il survient aux enfans des mouvemens épileptiques, l’agitation de la cinquieme, huitieme paire, & de l’intercostal, en donnent la raison ; d’ailleurs le sang arrêté dans les visceres, agite de tous côtés les nerfs par diverses secousses qu’il reçoit du cœur ; & de-là dépend l’observation d’Hippocrate ; savoir, que les convulsions ne surviennent pas aux enfans qui ont des diarrhées, car les vaisseaux se désemplissent.

6°. Les remedes qu’on met dans l’oreille, appaisent quelquefois le mal de dents ; on le conçoit par la communication de la cinquieme paire avec la portion dure.

7°. Les vésicatoires guérissent quelquefois l’odontalgie. C’est un principe constant que tout étant en équilibre dans le corps humain, l’effort se jette vers l’endroit où cet équilibre est interrompu ; or par les vésicatoires l’équilibre est interrompu dans un point, & alors l’effort se portant vers ce point-là, il est moindre aux environs des dents.

8°. Pour ce qui regarde la liaison du larynx & du pharynx, la paire vague y envoie des rameaux de dessous le corps olivaire, & le récurrent en donne à l’œsophage & à la trachée-artere.

Sympathie des poulmons expliquée. La poitrine nous offre plusieurs phénomenes curieux ; mais il y a beaucoup de faits qu’on rapporte à la sympathie, qui dépendent d’une autre cause. 1°. Les poumons étant attaqués, les nerfs intercostaux doivent produire des inspirations fréquentes ; car l’intercostal joint aux nerfs dorsaux, communique avec la huitieme paire.

2°. Les inflammations des poulmons font sentir de la douleur vers les clavicules & l’omoplate, parce que le nerf intercostal forme avec la seconde paire dorsale le nerf qui se porte au muscle souclavier.

3°. Les joues rougissent dans les phthisiques. Pour expliquer ce phénomene, il faut observer que le sang ne coulant pas librement dans les poumons, il se trouve arrêté dans la veine cave supérieure ; les arteres doivent donc nécessairement se gonfler, & envoyer plus de sang au visage. Autre remarque, c’est que le réseau est considérable aux joues ; or les parties venant à se sécher dans la phthisie, & le réseau du visage étant plus gros aux joues, il arrive que le sang s’y jette en plus grande quantité.

4°. Le cerveau souffre dans les maladies du poumon ; cela peut résulter de la communication de la huitieme paire avec la cinquieme, laquelle envoie des rameaux à la dure-mere ; mais il faut surtout avoir égard au sang qui ne peut pas descendre commodément du cerveau.

5°. Baglivi croit qu’il y a de la sympathie entre la poitrine & les testicules, parce que les maladies du poumon se jettent dans les bourses ; mais cet accident rare ne vient pas de leur liaison. Les matieres qui forment un abscès dans le tissu pulmonaire, se peuvent transporter dans tout le corps, soit par la disposition des parties, soit par quelque accident.

6°. En appliquant des vésicatoires aux jambes, on a soulagé quelquefois les pleurétiques. On a dit que dans l’endroit où agissent les vésicatoires, il se fait une dérivation, & que la matiere déposée dans les poulmons se porte aux jambes ; mais cette explication n’est qu’un jeu d’esprit, & le fait même est douteux.

7°. Quand le diaphragme est enflammé, on tombe dans la phrénésie, qui n’est quelquefois qu’une inflammation des meninges ; cela vient de ce que le diaphragme n’ayant plus de mouvement libre, le sang s’arrête dans les poumons, & par conséquent dans le cerveau ; d’ailleurs le nerf diaphragmatique communiquant avec l’intercostal, agite la cinquieme paire qui donne des rameaux à la dure-mere ; ce même nerf se rendant au cerveau, peut encore y porter une agitation qui causera la phrénésie.

Sympathie du ventricule expliquée. Les maux qui surviennent au ventricule, se répandent presque de toutes parts. 1°. Les douleurs de tête, le délire, le vertige, la rougeur du visage, les affections soporeuses dépendent très-souvent de ce viscere. Les nerfs du ventricule étant agités, ceux des reins, de la rate, du foie, des plexus mésentériques le sont aussi, & contractent les vaisseaux. La contraction des extrémités artérielles arrête le sang dans toutes ces parties ; c’est donc une nécessité que les liqueurs se portent en plus grande quantité vers la tête, & y produisent les effets dont nous venons de parler.

2°. Les nerfs qui vont au ventricule, fournissent des rameaux au larynx, au pharynx, aux muscles de l’os hyoïde & à l’œsophage ; ainsi le ventricule étant agité, les rameaux le seront, & envoyeront plus de suc nerveux dans ces endroits ; aussi l’excrétion de la salive précede le vomissement. Souvent les esquinancies se guérissent par les purgatifs ; & la langue, selon Baillou, se sent toujours de l’état du ventricule.

3°. Pour la poitrine, elle n’a pas moins de liaison avec le ventricule. On sait que la huitieme paire qui donne des rameaux à la trachée-artere, va former les plexus pneumoniques, & se répand sur l’œsophage. Il ne faut donc pas être surpris si le trouble qui arrive dans ce viscere, excite des toux opiniâtres, & si les matieres qui relachent le ventricule, sont si salutaires dans l’inflammation des poumons.

4°. Mais si les poumons sont troublés par le ventricule, le cœur ne l’est pas moins. Les rameaux qui vont au plexus cardiaque, au cœur, aux oreillettes, doivent nécessairement être agités, quand les nerfs du ventricule le sont ; car ils sortent de la huitieme paire ; alors l’esprit nerveux se portera dans le cœur en si grande abondance, que ce muscle demeurera longtems en contraction ; or cela ne sauroit arriver qu’on ne tombe en syncope, & les praticiens en rapportent plusieurs exemples.

Outre les liaisons dont nous venons de parler, le ventricule en a encore d’autres avec l’abdomen. D’abord, le plexus semilunaire qui forme par ses rameaux le plexus splénique, communique avec le plexus stomachique ; ainsi quand la rate sera remplie de sang épais dans les hypocondriaques, ses mouvemens irréguliers se communiqueront au ventricule, & en resserrant son pylore, ils donneront lieu à l’air de se raréfier, & de causer des gonflemens. Le foie ne souffrira pas moins des mouvemens irréguliers du ventricule ; les fibres nerveuses que la huitieme paire envoie au pylore, se joignent au plexus hépatique ; ainsi quand elles seront agitées, la bile coulera sur le champ.

Le plexus stomachique communique avec le plexus mésentérique : donc les douleurs de l’estomac peuvent passer dans les intestins ; en outre le plexus rénal gauche communique avec le plexus stomachique ; ainsi les reins s’enflammant, le vomissement pourra succéder. Les vomissemens qui surviennent aux femmes grosses, naissent de ce que le sang qui sortoit de l’utérus, n’ayant plus cette issue, il se jette en plus grande quantité dans l’artere cœliaque. Enfin comme les nerfs de la huitieme paire qui se terminent presque au ventricule, communiquent avec les nerfs qui se répandent au-dehors, on ne sera pas surpris si les maux qui arrivent à l’estomac, excitent des sueurs, ou suppriment la transpiration ; la grande contraction qu’éprouvent alors les vaisseaux, exprimera d’abord les liqueurs des couloirs, & finira par boucher les tuyaux secrétoires.

Sympathie des intestins expliquée. Les intestins reçoivent leurs nerfs des intercostaux ; ces nerfs forment le plexus cardiaque & le splénique, qui communiquent avec les nerfs dorsaux, les nerfs de l’estomac & ceux de la vessie ; ainsi 1°. dans la passion iliaque il surviendra souvent des syncopes par l’agitation du plexus cardiaque ; 2°. la respiration sera difficile, parce que les nerfs costaux seront tirés par l’intercostal ; 3°. on vomira à cause de la communication des plexus mésentériques avec le stomachique ; 4°. il surviendra un grand écoulement de bile, & peut-être une inflammation au foie, parce que le plexus hépatique sort du plexus semilunaire, qui jette des rameaux pour former les plexus du mésentere ; 5°. l’urine s’arrêtera, parce que les plexus rénaux retréciront les extrémités capillaires des arteres rénales ; 6°. les coliques pourront causer des maux de tête, puisque le sang étant arrêté dans les intestins, dans les reins & dans le foie, se porte à la tête en plus grande quantité. Les tiraillemens causés par les nerfs inférieurs, pourront aussi produire des convulsions, & ces convulsions pourront causer la paralysie.

Sympathie du foie expliquée. Le foie reçoit son plexus du nerf intercostal qui lui envoie trois rameaux, après qu’il en a donné un au diaphragme. Voyons ce que doit produire une telle origine. 1°. Dans les inflammations du foie, il arrive des hémorrhagies par la narine droite ; cela vient de ce que le nerf intercostal droit qui fournit le plexus hépatique, communique avec les nerfs qui vont au nez, & y cause des engorgemens qui sont suivis d’une hémorrhagie. 2°. Ceux qui ont le foie trop gros & enflammé, sentent, selon Baillou, une douleur aux clavicules & aux omoplates ; il faut remarquer qu’alors on ne respire qu’en élevant les côtes ; on tient l’omoplate & la clavicule élevés, ce qui ne peut se faire quelque tems sans douleurs. 3°. Il arrive des vomissemens, à cause que les fibres de la huitieme paire qui vont au pilore, se joignent au plexus hépatique. 4°. Hollier rapporte qu’il a vu deux ou trois fois à la cuisse des douleurs insupportables qui ne cédoient à rien, & qu’il a trouvé du pus entre les muscles. Dans ce cas, le foie avoit quelque vomique ; car ce phénomene ne dépend pas des nerfs ; peut-être que le pus de la jambe s’étoit déposé dans le foie, ou que du foie il étoit venu en circulant au-travers la substance celluleuse jusqu’aux extrémités.

Sympathie de la rate expliquée. Nous avons déja dit quelque chose de la rate. 1°. Ses incommodités se font sentir quelquefois au côté droit ; cela doit arriver par la communication du plexus sémi-lunaire gauche avec le plexus hépatique ; car c’est ce plexus semi-lunaire qui donne origine au plexus splénique. 2°. Quand il y a quelque obstruction, on est sujet au vomissement ; cela vient de la communication du plexus semi-lunaire avec le plexus stomachique. 3°. Les hypocondriaques ont une difficulté de respirer ; les rameaux de l’intercostal qui se joignent aux nerfs dorsaux, doivent causer ce symptome, & la branche intercostale qui va s’unir à la huitieme paire près des plexus pneumoniques, peut encore contribuer à cet effet, de même que l’union du plexus semi-lunaire avec le nerf gauche de la huitieme paire. 4°. Par la derniere communication dont nous venons de parler, les hypocondriaques sentent du resserrement à la région de l’estomac ; il faut y ajouter encore la grande quantité du sang que reçoit le ventricule à cause de l’obstruction de la rate. 5°. Comme le plexus cardiaque reçoit des branches de l’intercostal gauche, le cœur peut participer aux maux de la rate. 6°. On doit sentir un poids, surtout quand on a mangé ; car le resserrement causé par les nerfs accumule le sang dans les arteres, & la rate est comprimée par les alimens.

Sympathie des reins expliquée. Une partie qui cause bien des dérangemens dans la machine, c’est les reins. 1°. S’il y a quelque pierre, il survient une difficulté de respirer ; cela se conçoit par la communication de l’intercostal avec les nerfs costaux & avec la huitieme paire ; d’ailleurs, afin que le diaphragme ne comprime pas le rein, on éleve les côtes, on se tient droit. De cette même cause naissent quelquefois des douleurs de côté semblables à celles de la pleurésie.

2°. Lister remarque qu’il survient des palpitations, quand on a quelque pierre aux reins ; cela peut arriver par les contractions fréquentes que causent dans le cœur les branches de l’intercostal qui forment le plexus cardiaque.

3°. Le pouls est petit du côté malade ; car comme l’intercostal communique avec les nerfs brachiaux, ces nerfs qui sont alors agités, contractent les arteres, & les empêchent d’obéir comme auparavant, aux mouvemens du cœur.

4°. Il survient des coliques & des vomissemens ; la communication des plexus mésentériques & du stomachique avec les plexus rénaux, produisent ces accidens.

5°. Le testicule se retire en haut, à cause des rameaux lombaires qui se jettent dans les vaisseaux spermatiques, & qui vont au muscle crémaster, lequel en se contractant, doit de nécessité soulever le testicule.

6°. On sent un engourdissement à la cuisse, en conséquence de la compression du nerf intercostal près du rein.

7°. Il arrive une suppression d’urine, parce que les nerfs irrités contractent les extrémités artérielles des reins.

8°. On éprouve une douleur aux lombes, parce que vers l’endroit où naissent les branches des plexus rénaux, il y a des filets qui vont se jetter aux lombes ; d’ailleurs les plexus semi-lunaires, après avoir donné des plexus aux reins, donnent des branches aux lombes.

9°. Les douleurs d’un rein s’étendent à l’autre ; souvent même elles ne se font pas sentir dans le rein qui est affligé, mais dans l’autre. Comme les plexus semi-lunaires communiquent ensemble, lorsqu’un rein est malade, la contraction que les plexus porteront dans les arteres de l’autre rein, y pourront causer une suppression ; mais si les pierres causent une grande compression dans un rein, il n’y aura plus de sentiment ; cependant les distensions que causeront ces pierres, tirailleront les nerfs de l’autre rein, & y transporteront la douleur.

Sympathie de la vessie expliquée. Nous finirons les mouvemens sympathiques qui regardent les couloirs de l’urine, par le rapport de la vessie avec quelques parties. 1°. Quand elle contient quelque pierre, on sent de la douleur au gland ; ce symptome résulte de ce que les nerfs étant irrités par la pierre, contractent les vaisseaux tendres qui sont au gland, & y causent quelque séparation dans les fibres. 2°. Quand on urine avec douleur, on sent de petits mouvemens convulsifs presque par tout le corps ; c’est que les nerfs intercostaux agitent les nerfs épineux, qui peuvent porter leur mouvement dans toutes les parties. 3°. La vessie doit communiquer ses mouvemens à l’abdomen, à cause qu’elle reçoit les nerfs du plexus mésentérique inférieur. 4°. A l’anus, aux protastes, aux vésicules séminales ; car les nerfs que reçoit la vessie, viennent de la même origine, c’est-à-dire, du plexus mésentérique & de l’intercostal.

Sympathie de l’uterus expliquée. Si quelque partie a de la liaison avec les autres, c’est assûrement la matrice. 1°. Dans la passion hystérique les femmes sentent quelquefois un froid glaçant derriere la tête ; les nerfs vertébraux qui communiquent avec l’intercostal, sont tellement agités par ce dernier nerf, qu’ils envoient dans les tégumens de la tête une grande quantité de suc nerveux ; de sorte que les vaisseaux sont entierement resserrés ; & comme le sang n’y peut pas couler, la diminution du mouvement fait sentir le froid.

2°. Il survient une grande douleur de tête, parce que le sang arrêté dans les parties inférieures se porte en grande quantité vers les parties superieures ; c’est de-là que dépend encore le vertige dont l’origine consiste dans le gonflement des arteres qui vont à l’œil ; c’est encore à cette même cause, qu’il faut rapporter le tintement d’oreille ; car les vaisseaux qui accompagnent le nerf acoustique, agitent ce nerf par leurs battemens.

3°. La pâleur qui survient dans cette maladie, peut s’expliquer par le gonflement des gros tuyaux qui compriment les petits & empêchent le sang d’y couler.

4°. Les convulsions naissent du sang arrêté, qui, par ses secousses, agite par-tout le genre nerveux.

5°. Il survient un grand resserrement au larynx & aux pharynx ; ce resserrement procede de la liaison du plexus glangliforme de l’intercostal, avec la branche de la huitieme paire qui se porte au larynx & au pharynx.

6°. La difficulté de respirer, résulte de l’agitation que cause l’intercostal dans les plexus pneumoniques, par le rameau qui s’insere à la huitieme paire. Le sang étant arrêté dans les poumons, parce qu’il ne peut pas couler vers les parties inférieures, peut encore rendre la respiration pénible : ajoutez la communication du nerf diaphragmatique avec l’intercostal, & vous verrez que toutes ces causes ne seront que trop suffisantes pour déranger la respiration.

7°. Le vomissement peut venir, 1°. du sang qui se jette en trop grande quantité dans le ventricule ; 2°. de l’agitation que les plexus mésentériques causent dans les rameaux que la huitieme paire envoie à l’œsophage ; & 3°. de l’agitation des branches lombaires, qui vont aux muscles de l’abdomen.

8°. La syncope procede de ce que les plexus cardiaques tiennent le cœur dans une longue contraction, par la grande quantité de suc nerveux qui y est envoyé.

9°. Le foie doit pareillement être attaqué, car le plexus hépatique est formé par l’intercostal : ainsi les vomissemens seront bilieux, comme le remarque Sydenham.

10°. Il se forme souvent une tumeur mobile dans le bas-ventre. Les plexus mésentériques qui naissent de l’intercostal, communiquent avec ce nerf ; ils envoient aussi des branches à la matrice, lesquelles contractent les intestins.

11°. On conçoit qu’il pourra survenir des coliques affreuses, ainsi que des douleurs de lombes, en conséquence des branches de nerfs, que les plexus mésentériques & l’intercostal fournissent à ces parties.

12°. L’urine est claire comme de l’eau, parce que l’intercostal étant agité, les plexus rénaux le sont aussi ; alors la grande quantité de suc nerveux poussé dans les extrémités artérielles des reins, y cause un resserrement qui ne permet pas aux parties grossieres de s’échapper ; l’eau seule a des parties assez subtiles pour passer par les couloirs.

Ce sont-là les phénomenes que présente ordinairement la passion hystérique, cette maladie si variée dans ses jeux, qu’on peut la comparer au pouvoir qu’avoit Prothée de se changer en toutes sortes de formes.

Passons aux phénomenes sympathiques qui accompagnent la grossesse. Le vomissement dépend plutôt des vaisseaux que des nerfs ; car s’il dépendoit des nerfs, il seroit plus violent. Quand le fœtus croît, le sang qui ne peut se décharger par la matrice, est obligé de se porter en plus grande quantité dans le ventricule, & y cause le vomissement. Les femmes enceintes sentent de la douleur aux cuisses lorsqu’elles se mettent à genoux ; cela vient de ce que le cordon que forment les vaisseaux & le nerf crural sont extrèmement tendus dans cette situation. Il y en a qui tomberoient en foiblesse, si elles restoient quelque tems à genoux ; comme l’abdomen est alors fort pressé, le diaphragme ne peut pas descendre, & par conséquent la respiration ne peut se faire qu’avec peine. La vessie, le rectum & la matrice reçoivent des nerfs des mêmes troncs ; on ne sera donc pas surpris que ces parties partagent réciproquement leurs maladies. Enfin dans l’amour, l’utérus partage aussi les impressions des parties du corps qui en sont les plus éloignées. L’on sait les effets que produisent dans cet organe de la génération, les baisers des amans sur les levres, par une suite de la communication des nerfs de la cinquieme paire. Cette cinquieme paire distribuant ses ramifications aux deux levres, à l’œil, à la langue, & par l’inoculation d’un de ses nerfs, au cœur, aux visceres, à la matrice, toutes ces parties sont agitées ; & le léger contact de quelques mamelons veloutés d’un corps spongieux, couvert d’une pellicule très-fine, cause tout cet embrâsement.

Remarques. Je finis par un fait particulier rapporté dans l’hist. de l’acad. des Scienc. En 1734, M. Hunauld fit à l’académie la démonstration d’un rameau de nerf assez considérable, qui partant du plexus gangliforme semilunaire de M. Vieussens, remonte du bas-ventre à la poitrine, & va se perdre à l’oreillette droite, & à la base du cœur, où il se distribue. Comme les nerfs qui portent le sentiment dans la machine, font que des parties assez éloignées sont en commerce de sensations, on comprendra par ce nouveau nerf, le commerce qui se rencontre quelquefois entre les visceres du bas-ventre & le cœur.

Il faut pourtant avouer que si ces sortes de communications servent à un commerce réciproque de mouvemens, il y une communication plus cachée & primitive, qu’il faut chercher dans l’origine des nerfs. Des faits incontestables nous la démontrent, & nous la rendent assez sensible pour que nous puissions la reconnoître. Cette communication est telle, qu’un nerf étant irrité, celui qui lui répond dans le cerveau entre en mouvement. Est-ce à une cause de cette espece que l’on pourroit rapporter le premier mouvement machinal, je veux dire, le mouvement du cœur ?

Tels sont les détails physiologiques de M. Senac sur cette matiere. Willis y a mêlé sans cesse ses fausses hypothèses, mais il nous manque toujours un ouvrage complet sur un sujet si curieux ; cette besogne savante exigeroit tout ensemble un ramas d’observations bien avérées touchant les mouvemens sympathiques des diverses parties du corps humain, beaucoup de génie, de lumieres & de connoissances de la Nevrologie. (Le chevalier de Jaucourt.)

Sympathie, (Peint.) les Peintres se servent de ce terme pour signifier l’union & comme l’amitié qui est entre certaines couleurs ; le goût & la pratique apprennent aux artistes à connoître cette union. (D. J.)