L’Exode/3/6

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Oscar Lamberty (p. 195-208).
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VI


À La Panne, le mois de septembre se termina dans l’optimisme. Durant la foudroyante avance des Allemands sur Paris, beaucoup de réfugiés s’étaient enfuis en Angleterre.

Quand on osa respirer, après la victoire de la Marne, on se moqua des « froussards « qui avaient abandonné leur maison, les douceurs de la villégiature. Surtout, on éprouvait une satisfaction patriotique à se sentir encore sur le dernier lambeau du territoire.

Tout à coup, au début d’octobre, les événements devinrent si désastreux que la panique, à nouveau, dispersa les baigneurs. Un à un, les magasins se fermèrent ; l’on eut peine à se procurer du pain.

Marthe écrivit à Philippe de revenir au plus vite. Mais à Ypres on était tranquille : les Allemands venaient de quitter la ville ; puis l’arrivée des Anglais rendit aux plus pessimistes le sentiment de la sécurité.

Marthe insista néanmoins sur les dangers qui menaçaient La Panne. Le courrier qu’elle envoya se perdit en route ; elle attendit avec angoisse une réponse qui ne vint pas ; et, en quelques jours, on apprit la chute incroyable d’Anvers, la retraite de l’armée sur l’Yser et l’avance des Allemands vers Nieuport !

Mme Forestier en perdit la tête :

— Ecoutez, Bernard, s’écria-t-elle, il n’y a pas de bon sens à traîner ainsi. Déjà le chemin de fer est supprimé à Dunkerque. Si les Allemands nous surprennent, il n’y aura plus moyen de partir. Qui sait si, bientôt, nous ne serons pas réduits à nous sauver à pied, sans rien pouvoir emporter ?

Marthe ajoutait, avec un soupir :

— Il ne reste que des chars à bancs et des bateaux de pêche. Encore manqueront-ils avant huit jours ! Et elle s’emportait en songeant à Philippe, qu’elle accusa d’égoïsme, d’impéritie ; car, enfin, il ne semblait pas comprendre la gravité de la situation et que son premier devoir était de s’occuper de sa femme et de son enfant !

— Calmez-vous ! répliquait M. Forestier. Si Philippe ne revient pas, c’est que nous n’avons rien à craindre. Il est à la source des informations. Les Anglais le renseignent. S’il y avait le moindre danger, soyez sûre qu’il serait auprès de vous.

Encore que la prise d’Anvers eût donné le coup de grâce à son optimisme, le rentier résistait de son mieux à la panique des femmes. La perspective de l’exil épouvantait son humeur casanière, et c’était par faiblesse, par frayeur de l’inconnu, qu’il se montrait si brave.

En dépit de sa casquette marine et de sa moustache rude, coupée court, il était timide et fort irrésolu. Avec de larges épaules, une santé de matelot, une taille brève et un embonpoint de sédentaire, il avait l’âme toute en douceur. M. Grassoux l’estimait ridicule ; mais Philippe le tenait pour un des hommes les plus aimables qu’il connût. Sans être grand lecteur ni savant, M. Forestier aimait les livres, la science, notamment la botanique, dont il était grand amateur. Sur le conseil de Philippe, il étudiait les plantes, afin d’y découvrir des phénomènes de coopération, l’écrivain s’étant exalté pour les ouvrages de Kropotkine, lequel montrait dans le monde animal les innombrables bénéfices de l’entr’aide et de la sociabilité.

Bien qu’assez riche, M. Forestier était généreux. Il répandait sim sa famille, sur son prochain la bienveillance d’une âme optimiste, naturellement obligeante et qui ne se croyait pas dupe en se confiant à la bonté.

M. Grassoux raillait parfois son humeur bonasse. Mais M. Forestier souriait avec finesse, quand l’industriel parlait de « sens pratique » et du « goût de l’action » qu’avaient élevé à la hauteur d’une philosophie les Anglais de l’ancienne école et les Allemands de la nouvelle. Sans avoir lu Goethe, il prétendait modestement qu’il est plus facile d’agir que de penser. Et il s’accordait avec Philippe à voir dans cette guerre l’ultime résultat de cette folie d’action désordonnée, de ce culte de l’énergie, qui n’est en somme que l’effort musculaire de la bête humaine, la ruée du matérialisme contre l’esprit.

Pauvre M. Forestier, quelle ne fut point sa douleur, quand l’armée belge en déroute se replia sur l’Yser ! Cette fois, il s’éveilla de son rêve bucolique, et le monde réel lui apparut dans la souffrance et l’horreur.

Au devant de l’armée régulière, qui résistait encore, un torrent de soldats et de civils envahit La Panne. Un flot noir passait devant la mer : celui des fugitifs, chassés des villages en ruines et des villes incendiées par les envahisseurs ; un autre s’écoulait au long de la route, avec un bruit sourd et monotone.

Bientôt la digue en fut toute submergée, puis les rues, les cabines, les terrasses des villas. C’était une interminable confusion de voitures, de chariots, de chevaux, de bétail, de civils et de soldats. Des femmes, trébuchant de fatigue, se retenaient aux ridelles des charrettes ou se laissaient tomber au bord du chemin ; des cavaliers dormaient en selle ; des religieuses passaient, en priant, le front baissé ; des baigneurs, surpris par la tourmente, suivaient, en souliers de plage, une carriole chargée de colis. On voyait des paysannes endimanchées assises parmi des meubles, un parapluie entre les genoux et déchevelées par le vent de mer. Des gardes civiques tiraient le pas vers la France, espérant y gagner leur pain ; des chiens, bavant de soif, haletaient devant des brouettes, où l’on avait mis un vieux, un malade, un enfant.

Partout, des chevaux, des vaches, des moutons, des porcs se mêlaient à cette humanité confuse, réduite à l’état nomade, comme au temps des premiers barbares, des grands cataclysmes de l’histoire. Et le claquement des fouets, le meuglement des bœufs, les cris, les plaintes, les jurons s’élevaient dans le bruit monotone des pieds fatigués se tramant sur la route. Une poussière flottait jusqu’à l’horizon, comme une vapeur sur le lit d’un torrent.

Cette misère se rua dans la ville, où des affamés pillèrent les magasins ; chez les boulangers, on vola le pain brûlant, dans les fours ; on enfonça les portes des villas pour y prendre le vin, les draps, les couvertures de laine ; on arracha des rideaux pour envelopper des pieds saignants ; on se jeta sur tout ce qui peut servir à lutter contre le froid, la faim, sur tout ce qui peut servir à prolonger la vie.

Le soir, des feux s’allumèrent dans les dunes et sur la plage, entre les cabines. On campait, on cuisinait les pommes de terre arrachées dans les champs. Parfois, un long souffle de la mer avivait les flammes : un visage s’éclairait, on voyait des ombres accroupies, des femmes couchées, une écharpe qui flottait… On dormit sur les pierres de la digue, sur les trottoirs des rues, au tâtonnement continu de la foule, au sabotement des chevaux, au roulement des chariots.

Quand la nourriture vint à manquer, les traînards se levèrent, poussés par la faim, et les mendiants partirent pour la France, parce qu’il ne restait rien à leur donner.

Jour et nuit, M. Forestier avait ouvert sa porte aux malheureux. Sa maison en fut pleine ; des inconnus se couchèrent sur les tapis, sur les marches de l’escalier, jusque sur les tables de la cuisine. De toutes les histoires épouvantées qu’il entendit, M. Forestier jugea qu’il était temps de déguerpir.

Le canon, d’ailleurs, tonnait à Dixmude, où l’armée belge agonisante s’arrêtait pour mourir, face à l’ennemi.

Sans plus hésiter, M. Forestier alla chez un loueur, afin de retenir une voiture et un camion pour les bagages.

Toute la journée, on cloua des caisses ; toute la nuit, on prépara les valises, et l’on enterra des objets précieux dans le sable du jardin. À l’aube, le voiturier parut.

— Impossible ! cria-t-il dès la porte, on vient de m’enlever mes chevaux. L’armée a tout pris, même les mules et les ânes.

Mme Forestier leva les mains au ciel :

— Je l’avais prédit !… J’en étais sûre !… À présent, nous voilà bien !

Bernard, un moment consterné, frappa du poing sur la table :

— Je veux des chevaux, coûte que coûte. Il m’en faut, j’en aurai !

— Mais vous n’en trouverez plus, monsieur Bernard, puisque je vous assure qu’on vient de les prendre jusqu’au dernier.

Le paysan conseilla de louer un bateau de pêche, s’il n’était pas trop tard.

Mais la mer était mauvaise à épouvanter des marins ! Jusqu’à l’horizon, les vagues éclaboussaient le ciel bas et plombé, le sable des dunes grêlait sur les carreaux des chambres, et le vent, depuis la veille, tournait à la tempête.

— N’attendez pas qu’ils s’en aillent avec la marée, insista le voiturier. Il faut vous décider tout de suite. Il n’en reste plus que deux.

M. Forestier courut donc au village, bien que le cœur lui battît à la perspective d’un voyage en mer, par un temps à couler des navires.

N’importe ! Il fallait se décider.

Le patron de la première chaloupe refusa de tenter l’aventure :

— Faut attendre, m’sieur Bernard, c’est pas Dieu possible ! Faut que le vent tombe ! Peut-être demain… mais je ne promets pas…

La seconde chaloupe se préparait à partir pour l’Angleterre. C’était folie de faire une telle traversée, dans une coquille de noix. Mais c’était aussi la seule chance de sauver les bagages, d’échapper aux Allemands.

— Combien ? demanda M. Forestier.

— Trois cents francs.

— Les voici ! Quand partez-vous ?

— À quatre heures du matin.

— Soit.

Vers le soir, des pêcheurs vinrent prendre les colis, pour les porter dans l’embarcation.

— Soyez prêts à trois heures et demie, recommanda le patron, en emportant la dernière caisse.

On se jeta tout habillé sur son lit, sans pouvoir fermer l’œil.

On écouta hurler la tempête, une sourde canonnade se mêler au bruit des vagues, et l’on pensait à des naufrages, puis à l’horreur d’un bombardement…

Une heure s’écoula, puis une autre, et le patron n’arrivait pas ! Dès que le jour parut, M. Forestier sortit, craignant il ne savait quoi, qui l’empêcherait de partir. Dehors, il faisait noir, on voyait à peine la mer livide et sale, marbrée d’écume, où ne restait qu’un bateau, sans personne à bord.

— Qu’est-ce que cela signifie ? demanda M. Forestier aux pêcheurs de crevettes qu’il rencontra sur la plage.

— Voilà, m’sieur Bernard…

À cause du temps féroce, l’autre barque était partie, la nuit, avec les bagages, sans pouvoir prendre les passagers. Elle avait dû fuir devant la tempête…

— Mille dieux ! jura M. Forestier.

Que faire ? Plus de voitures, de trains, ni de tramways. Se mettre en route avec un chargement de valises ? Impossible ! Les femmes tomberaient de fatigue, avant d’atteindre Bray-Dunes…

Restait la dernière chaloupe.

— Nous verrons, se dit M. Forestier.

Et il entra chez le maître pêcheur qui la lui avait refusée la veille. Sans préambule, il tira cinq cents francs de son portefeuille et les mit sur la table :

— Oui ou non, voulez-vous nous conduire à Calais ? Le patron parut hésiter, mais on voyait à son regard malicieux qu’il avait prévu l’aubaine :

— Je veux bien essayer, m’sieur Bernard, mais je ne vous garantis point d’aller plus avant que Dunkerque.

Et, faisant un signe de croix, il ajouta :

— C’est vous qui l’aurez voulu !

La mer, déroulant ses vagues, bouillonnait jusqu’au seuil des cabines. Au delà des grosses lames, le bateau piquait de la tête et ruait contre ses amarres.

On mit à l’eau une lourde barque, où le pêcheur et ses deux fils portèrent les femmes, tandis que M. Forestier gardait les valises, attendant sur la plage qu’on vînt le prendre au second tour.

La barque, rejetée par les flots, ne pouvait se maintenir au flanc de la chaloupe en folie, où deux pêcheurs hissèrent les femmes au bout d’un cordage, tandis que M. Forestier, les mains devant les yeux, s’asseyait sur ses valises, presque défaillant de terreur. Un des hommes seulement revint à la côte, épuisé, soufflant, les bras rompus. Sans doute, avait-il trop présumé de ses forces, car il tira son embarcation sur le sable au moment où M. Forestier s’avançait, une valise à chaque main.

— Inutile… Je ne pars pas.

— Vous dites ?

L’autre brutalement répliqua :

— Je n’ai pas envie de me noyer pour vous !

M. Forestier pensa lui sauter à la gorge. Mais à quoi bon ? L’homme semblait rendu de fatigue, et lui-même ne se sentait plus l’énergie de lutter contre le mauvais sort.

Laissant tomber ses valises, il s’assit au bord du canot, immobilisé par la tristesse et la stupeur.

Comme en rêve, il entendit le marin parler dans la bourrasque, et il ne comprit pas ce que lui voulait cet homme, qui, le bras tendu, montrait la plage, où des femmes s’étaient rassemblées, dont les jupes claquaient au vent. Des cris aigus et des voix rauques percèrent la tempête :

— Eh ! hop !… Eh ! hop !

C’était la barque de sauvetage qu’on poussait dans les vagues : à cent mètres du bateau de pêche, un autre s’échouait, le mât brisé, la voile flottant sur l’eau.

L’instant d’après, douze rameurs saisirent les avirons et, d’un geste puissant, luttèrent contre la mer démontée. Gagnant un peu d’espace à chaque plongée des avirons, ils le perdaient, le regagnaient pour le perdre encore, et, redoublant d’efforts, ils se renversaient tous ensemble, sans se laisser vaincre par la mer.

Enfin, ils franchirent la barre d’écume qui se brisa sur eux…

Trop accablé par ses propres misères, M. Forestier ne donnait point d’attention à l’héroïsme des sauveteurs. Les bras en sémaphore, il tâchait de répondre aux signaux de Marthe et de sa femme, qu’il apercevait entre deux vagues, et dont les mouchoirs agités l’appelaient en vain.

Dans sa détresse, il courait de l’un à l’autre pêcheur demeurés sur la plage, espérant les séduire à prix d’or.

Mais on ne l’écoutait pas.

Soudain, traversant la barre d’écume, les sauveteurs reparurent. Bientôt, à mi-corps dans l’eau, ils apportèrent sur la plage des naufragés ruisselants, des femmes échevelées, quelques religieuses, une jeune fille évanouie dont la poitrine saignait.

Ces malheureux, partis d’Ostende, annoncèrent l’approche des Allemands. À peine sauvés de la mort et s’essuyant le visage, ils suppliaient les pêcheurs de les aider à fuir. Une horrible peur dilatait leurs paupières ; ceux qui avaient pu saisir leur bagage aussitôt se mirent à marcher vers la France ; d’autres, gesticulant, répandaient la terreur ; et M. Forestier, s’agitant parmi les mariniers, leur offrait des billets de banque, leur montrait le bateau où les femmes continuaient leurs appels de détresse. Grâce à l’arrivée des fugitifs, quelques hommes se dévouèrent.

On se battit pour grimper dans la barque où M. Forestier jeta ses valises. Quand elle fut pleine à chavirer, d’autres rescapés accoururent. Les plus audacieux s’avançaient dans la mer. Une religieuse, luttant des genoux contre les vagues, réussit à s’approcher du canot, au moment où celui-ci fut soulevé par le flot. On se pencha pour la saisir. Trop tard ! Une masse liquide la renversa.

On vit une main dans un éclaboussement d’écume, puis une lame se gonfla et la main disparut… Accroupis au fond du bateau, s’accrochant les uns aux autres, malades, culbutés par le roulis, les passagers s’abandonnaient aux fureurs de la tempête. La chaloupe fuyait sous le vent comme un oiseau qui vole au sommet des vagues. Avec un clapotement rapide et monotone, elles glissaient au long de la carène, et, pendant des heures, couchés à fond de cale, les fugitifs, transis entre des paquets de cordage, grelottaient aux clameurs affolantes de l’ouragan qui sifflait, gémissait, hurlait, se taisait tout à coup, puis faisait claquer la voile.

Des coups de bélier soulevaient la proue ; la chaloupe se renversant, une montagne liquide se coulait sous elle ; on glissait à l’abîme, qu’une autre montagne comblait brusquement, et roulé, d’une part, éclaboussé d’une autre, on franchissait dans une continuelle épouvante l’interminable succession des grosses lames.

On était à bout de force, en vue de Dunkerque, où le marinier essaya de se sauver du naufrage, lorsque soudain le crépitement d’une fusillade résonna sur la coque du bateau. Des balles sifflèrent, on aperçut comme une pluie sur les vagues, et, en un moment, la voile se troua comme un rideau gonflé où se seraient enfoncés d’invisibles doigts.

— Gare ! Tonnerre de Dieu !

Baissant la tête, le pêcheur fit tourner la barque ; la vergue, d’un bond, sauta vers l’autre bord, et la chaloupe s’enfuit au large, avant que les passagers anéantis eussent pris conscience du péril.

Quand on fut hors de danger, on aperçut, minuscules dans la distance, des points rouges et bleus sur le sable de la côte. C’étaient des soldats, essayant des mitrailleuses, qui tiraient à l’aveugle sur l’étendue de la mer…

Et le supplice du voyage recommença. De nouveau, les heures se passèrent dans une angoisse qui accablait jusqu’à la défaillance. Au fond du rouf d’arrière, Marthe, Lysette et Mme Forestier, couchées à plat sur le lit du marinier, avaient perdu le sentiment de la réalité. Dans la cale, sur un monceau de cordages, Bernard fermait les yeux, pour ne plus voir autour de lui les femmes aux cheveux déroulés et ruisselants qui, dans l’eau jusqu’aux genoux, s’accrochaient désespérément à des anneaux de fer, à des paniers, à la poutre des filets de pêche, les hommes, hagards, nu-tête, sous l’éclaboussement des vagues, les enfants, accroupis sous une voile, tous ces rasages de misère et de terreur…

Enfin, vers le soir, un soleil rouge apparut à l’horizon. Bientôt, les grosses lames s’allongèrent, le vent hurla moins fort, et le bateau, secoué tout le jour, glissa dans un clapotement monotone qui endormit l’âme épuisée des fugitifs. On était en vue de Calais.

Au loin, le feu tournant d’un phare semblait chercher le canot sur l’infini des flots. On aperçut des clartés, puis un scintillement de réverbères. On passa, devant la masse énorme d’un navire, sur les calmes ondulations d’un port… Des gens coururent le long de la jetée ; une corde tomba sur la barque qui bientôt s’arrêta. On était à Calais !

La nuit était fort avancée, que les Forestier, Marthe, Lysette et les deux bonnes erraient encore par les rues, dans leurs vêtements mouillés.

Plus une chambre à trouver dans la ville, plus un abri, plus un matelas ! Épuisés de faim, de fatigue et des angoisses du voyage, ils échouèrent à la gare, déjà pleine de réfugiés. Un veilleur ouvrit un fourgon pour y lancer une botte de paille :

— C’est tout ce que je puis vous donner, braves gens…

Et les Forestier, Marthe, Lysette s’y étendirent, tout habillés, exténués par les émotions de cette première journée d’exil.