L’américanisme/02

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CHAPITRE DEUXIEME.


L’ALLIANCE-ISRAÉLITE-UNIVERSELLE.


Ceux qui ne connaissent la marche actuelle du monde que par les informations qu’ils puisent dans leur journal, — et c’est le très grand nombre, — s’étonneront sans doute, qu’ayant à leur parler de l’ « Américanisme » et d’un « catholicisme américain », nous commencions par appeler leur attention sur « l’Alliance-Israélite-Universelle », entrant par là dans une question, la question juive, qui passionne actuellement le monde et qui est étudiée à tous les points de vue, mais qui semble n’avoir qu’un rapport bien éloigné avec le Catholicisme américain. Ce n’est pourtant point fantaisie de notre part. L’Alliance-Israélite-Universelle est le centre, le foyer, le lien de la conjuration antichrétienne, à laquelle l’Américanisme nous semble apporter un appoint qu’il ne voit pas, qu’il ne voudrait point donner s’il en avait conscience et sur lequel ce livre demande à appeler son attention.

L’existence du peuple juif est, depuis dix-huit siècles, le phénomène le plus étonnant qu’il y ait au monde. « On ne voit plus, dit Bossuet, aucun reste ni des anciens Mèdes, ni des anciens Perses, ni des anciens Grecs, ni même des anciens Romains. La trace s’en est perdue, et ils se sont confondus avec d’autres peuples. Les Juifs, qui ont été la proie de ces anciennes nations, si célèbres dans les histoires, leur ont survécu. » Le peuple juif n’a plus rien de ce qui constitue une nation, rien de son organisme, rien de ce qui en fait un corps et lui permet de subsister et de vivre. Faites qu’un peuple, durant de longs siècles, n’ait plus ni pouvoir central, nécessaire à la conservation de toute nation, ni la hiérarchie sociale qui ne l’est pas moins ; dispersez ce peuple à travers le monde ; comment expliquerez-vous qu’il se conserve en dépit de tout et que rien ne soit plus visible que l’existence de ce peuple ? « Quand on voit les Juifs dispersés sur la terre, selon la parole de Dieu, on est surpris sans doute, dit Chateaubriand ; mais pour être frappé d’un étonnement surnaturel, il faut les retrouver à Jérusalem ; il faut voir ces légitimes maîtres de la Judée esclaves et étrangers dans leur propre pays ; il faut les voir attendant, sous toutes les oppressions, un roi qui doit les délivrer. Écrasés par la Croix qui les condamne, et qui est plantée sur leurs têtes, cachés près du Temple dont il ne reste pas pierre sur pierre, ils demeurent dans leur déplorable aveuglement. Les Perses, les Grecs, les Romains ont disparu de la terre ; et un petit peuple, dont l’origine précéda celle de ces grands peuples, existe encore sans mélange dans les décombres de sa patrie. Si quelque chose parmi les nations porte le caractère du miracle, nous pensons que ce caractère est ici. »

Les Juifs ne pensent pas et ne parlent pas autrement.

Les Archives israélites, dans le N° du 21 mars 1864, posaient au monde cette question : « Le Miracle unique dans la vie du monde d’un peuple tout entier dispersé depuis dix-huit cents ans dans toutes les parties de l’univers, sans se confondre ni se mêler nulle part avec les populations au milieu desquelles il vit, cette conservation incroyable n’aurait-elle aucune signification ? » Tout homme sensé est obligé de répondre : « Évidemment, le doigt de Dieu est là, » et de se demander : Quels sont les desseins de la Providence dans ce fait aussi étrange qu’unique ?

Mais voici qui est plus étonnant encore. Ce peuple dispersé depuis dix-huit siècles, objet durant tout ce temps du mépris et de l’hostilité du genre humain, est entré depuis cent ans, par le fait de la Révolution française, dans une voie qui bientôt l’a conduit, sinon encore au triomphe qu’il rêve, du moins à une situation qui lui donne vraiment tout pouvoir chez les plus puissantes nations.

Nous savons le pourquoi de la miraculeuse conservation des Juifs : « Il fallait, dit Pascal, que, pour donner foi au Messie, il y eût des prophéties précédentes et qu’elles fussent portées par des gens non suspects et d’une diligence et fidélité extraordinaires et connues de toute la terre… Si les Juifs eussent été tous convertis par Jésus-Christ, nous n’aurions plus que des témoins suspects ; s’ils avaient été exterminés, nous n’en aurions plus du tout. »

Mais pourquoi leur affranchissement et leur puissance actuels après un si long temps de servitude et d’humiliation ?

Si nous les interrogeons, ils nous diront : « Les temps sont proches ! » Quels temps ? Ceux de leur règne, de leur triomphe et de leur domination sur tous les peuples de la terre.

« Les Juifs, dit Mgr Meurin, archevêque de Port-Louis, dans son livre La Franc- Maçonnerie, synagogue de Satan[1], n’ont pas compris le sens spirituel des prophéties et figures de l’alliance que Dieu avait faite avec leur nation[2]. Ils se sont imaginé que le Roi promis serait un roi terrestre, son royaume un royaume de ce monde, et le Kether-Malkhuth une couronne semblable à celle des rois des nations humaines. »

Pour eux le roi promis devait être le roi de toutes les nations, son royaume devait s’étendre sur toute la terre, son diadème royal renfermer. tous les diadèmes royaux qui n’en seraient qu’un écoulement, une émanation partielle. C’est ainsi que, dans son espoir, le Juif serait le maître suprême, temporel de l’univers, et toutes les prédictions de ses prophéties se réaliseraient dans leur sens matériel. »

Puis, après avoir reproduit quelques passades de l’Ancien Testament, le vénérable auteur ajoute :

« Lisez ces prophéties, entendez-les dans le sens littéral et terrestre, et vous avez la solution de l’énigme, l’explication de l’activité fébrile, vous avez le Rêve des Juifs. Ils se croient le peuple destiné par Jéhovah à dominer sur toutes les nations. Les richesses de la terre leur appartiennent et les couronnes des rois ne doivent être que des émanations, des dépendances de leur Kelher-Malkhuth. »

Considérons la force immense qu’une idée révélée, majestueuse et ravissante, mais faussée et naturalisée, doit avoir sur un peuple qui en est imbu depuis des milliers d’années et y tient avec une ténacité et une obstination plus que prodigieuse. Pour les Juifs, l’idée de la domination universelle est devenue comme leur religion ; elle s’est enracinée dans leur esprit, elle s’y est comme pétrifiée, et elle est indestructible. »

Jusqu’ici les Juifs avaient espéré le triomphe qu’ils attendent d’année en année par le fait d’un homme, par le Messie temporel qui a été constamment dans leurs vœux.

Aujourd’hui, leurs pensées, celles du moins d’un grand nombre d’entre eux, de ceux-là mêmes que nous voyons s’être rendus maîtres dans le monde entier des deux plus puissants organes de la vie moderne : la banque et la presse, et que l’on voit occuper tous les postes d’où ils peuvent exercer quelque influence, — les pensées de ceux-là, disons-nous, se sont modifiées. Le Messie, disent-ils, qui doit établir notre domination sur toute la terre, ce n’est point un homme, c’est une idée, et cette idée est celle qui a été proclamée en 1789 : « les droits de l’homme », « les immortels principes : liberté, égalité, fraternité[3]. »

Le 29 juin 1869, année du concile du Vatican, convoqué après la publication du syllabus qui démasque les « grands principes » et les poursuit dans leurs dernières conclusions, les Juifs réunirent à Leipzig un concile du judaïsme. Il adopta par acclamation une proposition du grand rabbin de Belgique, M. Astruc, ainsi conçue : « Le synode reconnaît que le développement et la réalisation des principes modernes sont les plus sûres garanties du présent et de l’avenir du judaïsme et de ses membres. Ils sont les conditions les plus énergiquement vitales pour l’existence expansive et le plus haut développement du judaïsme[4] ». Ce qui veut dire : Israélites, si vous voulez arriver à pénétrer partout et à vous rendre partout les maîtres, vous n’avez que cette seule chose à faire : travailler à développer les principes modernes, à en tirer toutes les conséquences qu’ils renferment, puis à les réaliser, c’est-à- dire à faire que ces conséquences dernières passent de l’ordre des idées dans l’ordre des faits[5].

Quand on voit que ces principes ont eu pour premier effet l’affranchissement des Juifs, et que leur affranchissement a été bientôt suivi de leur prépondérance[6], on conçoit qu’ils mettent dans ces principes, qui leur ont déjà été si utiles, leurs meilleures espérances. Aussi ne cessent-ils de s’appliquer dans la presse dont ils sont les maîtres, et dans la législation qu’ils arrivent à dicter et à imposer par les sociétés secrètes, à développer ces principes et à les réaliser.

Grâce à cette tactique, le juif Crémieux a pu s’écrier, dans une assemblée de l’Alliance-israélite-universelle : « Comme déjà tout est changé pour nous et en si peu de temps ! » Et Disraéli, premier ministre de l’Angleterre pendant quarante ans, malgré son origine juive : « Après des siècles et des décades de siècles, l’esprit du Juif se relève, il reprend sa vigueur, et de nos jours enfin il arrive à exercer sur les affaires de l’Europe une influence dont le prodige est saisissant[7]. »

Enfin un autre Juif, celui-ci converti et prêtre catholique : « Quand on s’est aperçu que les Juifs étaient citoyens, ils étaient déjà en partie les maîtres. Chose inconcevable, deux phénomènes gigantesques sont, depuis quelques années, sous nos yeux : la prépondérance croissante de la race juive et la crise attristante des États chrétiens. »

Cette prépondérance, les Juifs nous ont appris, dans leur concile, à quoi ils l’attribuent ; cette crise, les papes depuis Pie VI jusqu’à Léon XIII n’ont cessé de nous la montrer dans la même cause : les principes de 89, leur développement et leur réalisation.


Déjà nous pourrions montrer dans les principes de 89 un point de contact entre les Américanistes et les Juifs, mais nous devons auparavant nous procurer les moyens de pousser notre démonstration aussi loin que possible, de manière à la rendre évidente à tous les yeux qui ne veulent point se fermer obstinément.

Crémieux, après s’être écrié : « Comme déjà tout est changé pour nous ! » disait avec le même enthousiasme : « Quand on a si vite et si bien conquis le présent, que l’avenir est beau ! »

C’est qu’en effet, les Juifs, — tous, aussi bien ceux qui attendent un Messie personnel que ceux qui croient que ce Messie est né, grandit, et n’est autre que l’idée de 89, — tous ont l’espoir de voir se réaliser, et bientôt — « les temps sont proches » — les prophéties messianiques dans le sens où ils les ont toujours entendues, c’est-à-dire, leur règne sur le monde entier, l’assujettissement de tout le genre humain à la race d’Abraham et de Juda[8].

Pour cela, se disent-ils maintenant, il faut deux choses : 1° que les nations, renonçant à tout patriotisme, se fondent dans une république universelle ; 2° que les hommes renoncent également à toute particularité religieuse pour se confondre dans une même vague religiosité.

Que ce soit bien là leur pensée ; qu’ils poursuivent activement et non sans succès ce double but, les preuves abondent.

L’un des hommes les plus néfastes de ce siècle, le Juif Crémieux, qui fut grand-maître du Grand-Orient de France, qui profita de la révolution de 1848 pour se hisser au ministère de la Justice, et des désastres de 1870 pour donner la naturalisation française à tous les Juifs de l’Algérie, fonda en 1860 une société cosmopolite qu’il décora du nom d’Alliance-israélite-universelle. Cette association n’est point, comme son nom pourrait le faire croire, une internationale juive, un lien de plus entre les Juifs cosmopolites, facilitant les rapports entre les Israélites répandus sur toute la surface du globe ; ses visées portent beaucoup plus haut. C’est une association ouverte à tous les hommes sans distinction de nationalité ni de religion, sous la haute direction d’Israël.

Pour s’en convaincre, il suffit d’ouvrir la publication qui en est l’organe, les Archives israélites. « L’alliance-israélite-universelle, disent-elles, veut pénétrer dans toutes les religions comme elle pénètre dans toutes les contrées ». (XXV, p. 514-515. An. 1861). « J’appelle à notre association nos frères de tous les cultes ; qu’ils viennent à nous !… Que les hommes éclairés, sans distinction de culte, s’unissent dans cette Association-israélite-universelle. » (Ibid.) Et pourquoi ? « Faire tomber les barrières qui séparent ce qui doit être uni un jour, voilà, Messieurs, la belle, la grande mission de notre Alliance-israélite-universelle. » (Ibid.)

Le but ne peut pas être plus clairement marqué, ni répondre plus directement au mouvement qui, à l’heure actuelle, emporte le monde : « Faire tomber les barrières qui séparent ce qui doit être uni. » Unir tous les hommes, « quelle que soit actuellement leur religion, à quelque contrée qu’ils appartiennent, » dans une commune indifférence.

Voilà le but que se sont proposé les fondateurs et directeurs de l’Alliance-israélite-universelle, et elle n’en a point d’autre. « Le programme de l’Alliance ne consiste pas dans des phrases creuses. Il est la grande œuvre de l’humanité…, l’union de la société humaine dans une fraternité solide et fidèle. » ( Univers israélite, VIII, p. 357, an. 1867.) Tandis que leurs transatlantiques sillonnent les mers et que leurs chemins de fer passent d’un continent à un autre, tandis que leurs banques donnent vie et mouvement à ce merveilleux outillage qu’ils n’ont point créé, mais dont ils sont les maîtres, les Juifs veulent agir sur les esprits comme ils agissent sur la matière, et pour agir sur tous les esprits, il n’est rien de mieux que de pénétrer dans toutes les religions ; et ils y pénètrent par les principes de 89.

Qu’est-ce que pénétrer dans une religion ? C’est surtout y introduire ses idées.

Les Juifs cherchent-ils à introduire leurs idées dans l’Église catholique ? Ils l’affirment. Cette étude a pour but de voir et de faire voir si et jusqu’à quel point ils peuvent se vanter d’y réussir. La question est étrange, son étrangeté même appelle l’attention.



  1. Mgr Meurin, que nous aurons plusieurs fois occasion de citer, avant d’être archevêque de Port-Louis, fut de longues années évêque de Bombay. Il put retrouver là et étudier de près, dans ce milieu des Indes, les mystères que la franc-maçonnerie a en commun avec tous les paganismes, et donner plus de précision aux conjectures faites par les historiens sur les origines de cette secte. Ces connaissances lui servirent à composer un livre magistral, étude à la fois historique et philosophique, dont le titre dit tout : La franc-maçonnerie, synagogue de Satan. Mgr Meurin a reçu du Pape un bref disant que son livre est le meilleur ouvrage publié jusqu’à ce jour sur la secte.
  2. Voir aux Documents, N. IV.
  3. Mgr Meurin fait une observation bien juste lorsqu’il dit :

    « Les mots : liberté, fraternité, égalité, vérité, vertu, patrie, bienfaisance, ont une tout autre signification dans la bouche d’un franc-maçon que dans celle d’un profane ou que celle qui leur est donnée dans les dictionnaires. Aussi, c’est se tromper étrangement que de croire que, parce qu’on emploiera les mêmes mots qu’eux, il pourra y avoir entente entre eux et nous. » Pie IX disait : < Il faut rendre aux mots leur vraie signification. > Mgr Sonnois fit la même recommandation au Congrès des catholiques du Nord, en 1894. Voir les procès-verbaux des séances des commissions, p. 65-66.

  4. Voir Le Juif le judaïsme et la judaïsation du peuple chrétien par Gougenot des Mousseaux.
  5. « Cette revendication des principes modernes en faveur du judaïsme, dit le publiciste Kuhn, est des plus humiliantes pour nos démocrates. »
  6. La prépondérance juive c’est le titre de l’un des ouvrages de M. l’abbé J. Lémann, juif converti. C’est l’un des faits les plus manifestes de ce temps.
  7. Voir aux Documents, N. v.
  8. Voir aux Documents, N. VI.