La Duchesse de Bourgogne et l’Alliance savoyarde/01

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LA DUCHESSE DE BOURGOGNE
ET
L’ALLIANCE SAVOYARDE

I
L’HIVER DE 1709

Nous avons abandonné, il y a si longtemps, notre Duchesse de Bourgogne qu’il est nécessaire de rappeler brièvement dans quelle situation nous l’avons laissée. Nous avons vu que durant toute la désastreuse campagne de 1708, depuis la bataille d’Oudenarde où le Duc de Bourgogne et Vendôme s’étaient fait battre par Marlborough jusqu’à la capitulation de Lille qu’ils avaient laissé prendre sous leurs yeux, elle n’avait cessé de prêter au Duc de Bourgogne l’appui le plus ferme, et qu’elle avait pris ouvertement sa défense contre la cabale de Vendôme. Nous avons raconté le retour du Duc de Bourgogne à Versailles, puis celui de Vendôme, et l’accueil que leur fit à tous deux Louis XIV, accueil par lequel il semblait vouloir tenir entre eux la balance égale, et ne donner ni à l’un ni à l’autre le sentiment de la disgrâce. Enfin nous avons montré comment par sa fière contenance, la Duchesse de Bourgogne avait réussi à chasser Vendôme de Versailles où elle se refusait à lui parler, tandis que le Duc de Bourgogne, toujours prompt à pardonner, avait consenti au contraire à recevoir les hommages publics de celui dont la cabale ne cessait de le déchirer en secret. Vaincu, Vendôme s’était retiré dans son château d’Anet, et sur le terrain de Versailles, tout au moins, la Duchesse de Bourgogne demeurait maîtresse du champ de bataille ; Nous reprenons ici notre récit où l’on verra avec quelle ténacité elle sut poursuivre et compléter sa victoire.


I

Cependant Vendôme se morfondait à Anet. Confiant dans sa vieille popularité, il avait compté y recevoir de nombreuses visites dont l’affluence serait comme une protestation muette et éclatante à la fois contre son apparente disgrâce. Son attente fut vaine. Bien que l’opinion de la Cour fût assurément plus favorable à Vendôme qu’au Duc de Bourgogne, cependant l’autorité morale du Roi demeurait assez grande pour que les courtisans craignissent de déplaire en environnant d’égards l’exilé. Vendôme ne voyait point venir à lui les hommages qu’un demi-siècle plus tard Choiseul devait recueillir à Chanteloup. « L’herbe poussait à Anet, » dit Saint-Simon. Mais « ce prince des superbes, » comme il l’appelle, n’était pas homme à accepter ainsi sa défaite. S’il était battu sur le terrain de Versailles, s’il n’y pouvait plus paraître, il en était deux autres où il se croyait de force à continuer la lutte : c’était Marly et Meudon.

« Marly, Sire, » disaient à demi-voix les courtisans qui se pressaient sur le passage de Louis XIV, et en effet, être invité à Marly était déjà une marque de faveur. Audacieusement Vendôme sollicita cette faveur et l’obtint. Il parut à Marly au commencement de l’année 1709, exactement le mercredi 6 février. Il s’y présentait de nouveau le vendredi 15. « Il y fut bien reçu du Roi et gracieuse, » écrit la marquise d’Huxelles à son correspondant ordinaire le marquis de la Garde[1]. Et elle ajoute : « Il luy a esté défendu de parler de tout ce qui se passe, accordé à Madame la Duchesse de Bourgogne qui en veut à ce prince. » Mais soit que Vendôme n’eût pas observé assez exactement cette défense, soit que sa présence même parût un affront à la fière princesse, elle entreprit de le faire bannir également de ce lieu privilégié, et elle y réussit. Habilement elle saisit une occasion qui lui fut offerte par une maladresse de Monseigneur. Le brelan était alors un jeu à la mode. Monseigneur y jouait souvent avec la Duchesse de Bourgogne. Manquant un soir d’un cinquième, il aperçut Vendôme à un bout du salon et le fit appeler pour faire sa partie. Laissons ici parler Saint-Simon : « A l’instant Madame la Duchesse de Bourgogne dit modestement, mais fort intelligiblement, à Monseigneur que la présence de M. de Vendôme à Marly lui étoit déjà bien assez pénible, sans l’avoir encore au jeu avec elle et qu’elle le supplioit de l’en dispenser. Monseigneur, qui n’y avoit pas fait la moindre réflexion, ne le put trouver mauvais ; il regarda par le salon et en fit appeler un autre. Vendôme, cependant, arrivoit à eux et en eut le dégoût en plein et en face, devant tout le monde. On peut juger à quel excès cet homme superbe fut piqué de l’affront… Il pirouetta, s’éloigna dès qu’il le put, et bientôt après regagna sa chambre, où il ragea à son loisir[2]. »

Forte de ce premier avantage, la Duchesse de Bourgogne entreprit de le rendre plus complet. Elle eut recours à Mme de Maintenon. Le soir même, elle lui témoigna avec vivacité tout ce que la présence continuelle de Vendôme à Marly avait pour elle de pénible. Sans parler de ces rencontres qu’elle ne pouvait éviter, le seul fait qu’il y fût admis était une marque de l’amitié du Roi pour lui, et après tout ce qui s’était passé, « elle ne pouvoit supporter qu’avec la dernière douleur que cette amitié parût égale entre son petit-fils et elle d’une part, et M. de Vendôme de l’autre. » Mme de Maintenon entra dans les sentimens de la Duchesse de Bourgogne. Le soir même elle parla au Roi, et le Roi qui voulait la paix, et qui avait à cœur de ne pas mortifier la Duchesse de Bourgogne, fit dire le lendemain au duc de Vendôme par Blouin, son premier valet de chambre, le successeur de Bontemps, de ne plus demander pour Marly où la Duchesse de Bourgogne avait peine à le voir et où il n’était pas juste de lui en imposer la contrainte. Furieux, Vendôme partit brusquement pour Clichy où il passa quelques jours chez son ami le financier Crozat. Ce départ inopiné fit même répandre le bruit que Vendôme avait été chassé de Marly. Il n’en était rien, et il y reparut même encore une fois pour sauver les apparences, mais ce fut la dernière.

Banni de Marly, Meudon lui restait. Là, il se trouvait sur son terrain. La cabale de Monseigneur lui avait toujours été ouvertement favorable. Monseigneur lui-même avait reçu assez froidement le Duc de Bourgogne au retour de la campagne de Flandre. Du père au fils, il y avait peu de tendresse, l’attitude du fils semblant une perpétuelle censure de la conduite du père. La duchesse de Bourbon, qui partageait avec Mlle Choin le petit royaume de Meudon, s’était déclarée parmi les adversaires les plus acharnés du Duc de Bourgogne, qu’elle poursuivait de ses railleries et de ses malicieux couplets. Ainsi soutenu, Vendôme pouvait se croire inexpugnable, comme dans une place forte. Mais il commit l’imprudence d’abuser de ses avantages. Il se mit à fréquenter Meudon avec affectation, ne manquant pas de s’y présenter à tous les voyages que faisait Monseigneur, arrivant la veille, et y passant tout le temps du séjour. La Duchesse de Bourgogne ne venait à Meudon qu’en visite, sa situation y étant assez délicate ; Vendôme au contraire y séjournait, et, à chaque fois, se présentait devant elle comme pour lui faire sentir que, là du moins, il était le plus fort. Tant d’insolence ne devait pas lui profiter. La Duchesse de Bourgogne le guettait et ne manqua pas l’occasion. A l’une des visites qu’elle fit à Meudon, il eut la hardiesse de s’avancer un des premiers à l’arrivée du carrosse pour la contraindre à le saluer. Blessée, la Duchesse de Bourgogne détourna la tête avec affectation, après une apparence de révérence. Au lieu de battre en retraite, Vendôme fit la folie de la poursuivre encore l’après-dînée, à son jeu, comme pour s’imposer à elle. Même attitude de la part de la Duchesse de Bourgogne, au point que Vendôme, décontenancé, finit par se retirer dans sa chambre ; mais il devait payer cher cette incartade. La Duchesse de Bourgogne eut recours au même procédé qu’à Marly. Elle se plaignit d’abord à Monseigneur, puis à Mme de Maintenon, puis au Roi lui-même, et ses plaintes ne furent pas vaines. Le lendemain, Vendôme jouait dans un cabinet particulier lorsque d’Antin, arrivant de Versailles, l’aborda et lui dit qu’il avait à lui rendre compte de ce dont il l’avait chargé : « Moi, dit Vendôme avec surprise, je ne vous ai prié de rien. — Pardonnez-moi, lui répliqua d’Antin. Vous ne vous souvenez donc pas que j’ai une réponse à vous faire. » Vendôme comprit alors qu’il y avait quelque chose, et, s’étant retiré avec d’Antin, apprit de lui que le Roi lui avait donné commission « de prier Monseigneur de sa part de ne plus le mener à Meudon, comme lui-même avoit cessé de le mener à Marly, que sa présence choquoit Madame la Duchesse de Bourgogne et que le Roi vouloit aussi que le Duc sût qu’il désiroit qu’il ne s’y opiniâtrât pas davantage. » Là-dessus, fureur de Vendôme, qui vomit tout ce que la fureur peut inspirer. Il tint bon quelques jours encore, mais, le jour du départ de Monseigneur, il s’enfuit non pas à Anet, mais à son autre terre de la Ferté-Aleps, où, « sous prétexte de chasse, il s’enferma un mois, sans nulle compagnie, donnant ainsi de sa fureur une marque si publique que le bruit en transpiroit partout. »

Tel est le récit de Saint-Simon, dont il n’y a point lieu de mettre en doute l’exactitude, et dont nous trouvons d’ailleurs la confirmation dans la correspondance de la marquise d’Huxelles. « On prétend, écrivait-elle, que Madame la Duchesse de Bourgogne n’en revient pas à l’égard de M. de Vendôme, et qu’on a fait entendre sous main à ce prince de ne plus aller à Meudon ni à Marly, ce dont il est si affligé qu’il envisage Anet comme un séjour épouvantable. » Nous devons dire cependant que suivant Bellerive, ce secrétaire de Vendôme, dont le récit très partial et passionné en tout ce qui concerne son ancien chef a déjà été plusieurs fois cité et contredit par nous, les choses se seraient passées autrement, et l’attitude du Duc et de la Duchesse de Bourgogne, comme celle de Vendôme, aurait été toute différente. Le Duc de Bourgogne ayant, le jour de la Chandeleur, rencontré Vendôme à Versailles, dans un escalier, lui aurait dit : « Ah ! monsieur de Vendôme, je vous trouverai toujours sur mon chemin, » et Vendôme lui aurait répondu : « Monseigneur, vous êtes jeune et je suis vieux. Je voudrois, ajouta-t-il encore en levant son bras gauche, qu’il me l’eût coûté, qu’on vous eût trouvé dans la plaine de Lille[3]. » Mais ce récit contraste trop avec ce que nous savons de l’humeur pacifique et de l’attitude conciliante du Duc de Bourgogne, pour que nous puissions y ajouter foi. Quant à la scène de Meudon, voici comment, suivant Bellerive, elle se serait passée. « Le duc de Vendôme ayant été faire sa cour au Dauphin chez qui la Duchesse de Bourgogne vint et, l’y voyant, dit tout haut : « Voilà donc cet homme qui sait faire de si belles choses. » Le duc de Vendôme, sans sortir du respect qu’il devoit à cette princesse comme Duchesse de Bourgogne, se rendant justice à lui-même, lui fit cette réponse : « Ah ! Madame, si on m’avoit laissé faire, j’aurois réduit Turin en cendres et M. de Savoie, votre père, à ne pouvoir montrer une poignée de terre de ses Etats. Il ne m’auroit pas échappé comme à d’autres ; je l’aurois fait conduire au pied du trône du Roi mon maître, [pour lui demander pardon de son infidélité, et, si on m’avoit laissé faire, Madame, la dernière campagne en Flandre, Mgr le Duc de Bourgogne auroit triomphé d’Oudenarde, comme de Gand et de Bruges, Lille ne se seroit point rendue, et les ennemis ne seroient point où ils sont présentement. » Le duc de Vendôme, continue Bellerive, sortit de l’appartement du Dauphin et fut chez le Roi pour lui rendre compte de ce qui venoit de se passer. Le monarque, regrettant toujours sa première conquête, approuva la réponse que Vendôme avoit faite à la Duchesse de Bourgogne[4]. »

Il est à peine besoin de faire ressortir l’invraisemblance de ce récit. Si insolent que fût Vendôme, il ne l’était pas au point de manquer ainsi ouvertement de respect à la Princesse et, en tout cas, Louis XIV ne l’eût point approuvé. Nous n’avons donc laissé parler Bellerive que pour montrer à quel point les passions étaient surexcitées du côté des amis de Vendôme. Elles devaient l’être d’autant plus qu’il était évident à tous les yeux que la Princesse l’emportait. Il faut entendre en quels termes Saint-Simon célèbre, on pourrait presque dire chante, ce triomphe : « On vit cet énorme colosse tomber à terre par le" souffle d’une jeune princesse sage et courageuse, qui en reçut les applaudissemens si bien mérités. Tout ce qui tenoit à elle fut charmé de voir ce dont elle étoit capable, et ce qui lui étoit opposé, à elle et à son époux, en frémit. Cette cabale si formidable, si élevée, si accréditée, si étroitement unie pour régner après le Roi sous Monseigneur, en leur place, au hasard de se manger alors les uns les autres sur les ruines de la Cour et du royaume demeureroient ces chefs mâles et femelles, si entreprenans, si audacieux et qui, par leurs succès, s’étoient promis tant de grandes choses et dont les propos impérieux avoient tout subjugué, tombèrent alors dans un abattement et dans des frayeurs mortelles. C’étoit un plaisir de les voir rapprocher avec art et bassesse, et tourner autour de ceux du parti opposé qu’ils jugeoient y tenir quelque place et que leur arrogance avoit fait mépriser et haïr, surtout de voir avec quel embarras, quelle crainte, quelle frayeur ils se mirent à ramper devant la jeune princesse, tourner misérablement autour de Mgr le Duc de Bourgogne et de ce qui l’approchoit de plus près et faire à ceux-là toute sorte de souplesses[5]. »

Dans cette lutte entreprise par sa propre épouse et dans son propre intérêt contre Vendôme, quelle avait été l’attitude du Duc de Bourgogne ? Il ne paraît point y avoir pris part. « Enfoncé dans la prière et dans le travail de son cabinet, dit ailleurs Saint-Simon, il ignoroit ce qui se passoit sur la terre. » Son âme chrétienne ne connaissait ni le fiel ni la rancune. Peu s’en était fallu qu’il ne prît sous sa protection le comte d’Evreux, dont il avait eu si fort à se plaindre, et si la Duchesse de Bourgogne ne lui en eût fait honte, il l’eût aidé à obtenir de nouveau du service dans la campagne qui se préparait. L’année suivante, quand Philippe V demanda à Louis XIV de lui envoyer Vendôme pour prendre le commandement de ses armées, le Duc de Bourgogne s’employa pour que la requête du roi d’Espagne fût favorablement accueillie. « J’ai été fort flatté, écrivit-il à son frère, de la bonne opinion que vous avez de moy. Il me paroist, Dieu mercy, que je préférerai toujours le bien public aux intérêts particuliers ; du moins, si je pense toujours comme je fais à présent, et quant à tout ce qui pourroit s’appeler haine bu ressentiment, je les dois sacrifier et les sacrifie aussi comme chrétien. Peut-estre trouverez-vous ceci plein de vanité, mais je par le simplement, comme je le pense. Soyez donc persuadé, mon très cher frère, que, si je puis quelque chose pour ce que vous demandez, je m’y emploierois de bien bon cœur[6]. »

Mais, la requête de Philippe V étant accordée et Vendôme désigné pour aller commander en Espagne, le Duc de Bourgogne crut cependant de son devoir de faire connaître à son frère le véritable caractère de celui entre les mains duquel allaient être remises les destinées de la monarchie espagnole, et il portait sur lui ce jugement équitable : « Quoique vous le connaissez déjà, il ne sera pas mal à propos que je vous en dise un petit mot, qui, je vous proteste, est sans passion, car Dieu sçait, comme je suis sur son chapitre, ne luy attribuant rien de ce qui vient apparemment d’autres personnes, et connoissant son attachement et son respect pour le Roy, pour Monseigneur, et pour toute la famille Royale. Le caractère de M. de Vendôme est donc présomptueux ; tout ce qu’il souhaitte, il le croit, et ce qu’il craint, il pense qu’il n’arrivera jamais. Il est opiniastre, et quand il a une fois une chose dans la teste on ne la luy peut point oster ; il est haut et prompt, souvent même envers ses meilleurs amis. D’ailleurs il est paresseux, et je croy que les maladies qu’il a eues y contribuent. Sa confiance et sa paresse s’accommodent ensemble ; son corps est pesant, et, après une journée de fatigue, le sommeil l’accable indispensablement. Il n’est pas assez prévoyant, ce qui est encore une suitte de sa confiance ; il a tout le courage imaginable et peut-estre trop, s’exposant un jour d’action plus qu’un simple soldat. Les meilleures intentions du monde et un bon cœur, voilà en peu de mots, mon très cher frère, un portrait fidèle de M. de Vendosme dans lequel je n’ay cherché, pour le bien de la chose, qu’à vous le faire connoistre tel qu’il est, car, Dieu mercy, ma disposition n’est pas de dire du mal, quand il n’est pas nécessaire[7]. »

« Les meilleures intentions du monde et un bon cœur, » c’est en ces termes que le Duc de Bourgogne, après de trop justes critiques, résumait son jugement sur Vendôme, et quand on se rappelle l’injustice, la violence, la grossièreté des attaques dirigées contre lui par Vendôme et sa cabale, il est impossible de méconnaître de quel côté se trouvait tout au moins la supériorité morale.


II

L’année 1709, au cours de laquelle prirent place les incidens que nous venons de raconter, fut une de ces époques calamiteuses qui marquent dans l’histoire d’un pays. Les maux les plus divers fondirent sur la France déjà si éprouvée, et lorsqu’on, en lit le détail dans les Mémoires du temps, et surtout, dans la Correspondance des Intendans, ces préfets de l’ancien régime, avec les contrôleurs généraux[8], où l’on voit se dérouler jour par jour l’histoire administrative et économique de la France, on se prend à admirer une fois de plus la force de résistance de notre pays. On ne peut non plus s’empêcher de constater les progrès qu’au point de vue du bien-être et de la diminution des souffrances, les siècles ont amenés dans la condition générale de toutes les classes sociales, aussi bien en bas qu’en haut ; progrès dont il faut faire honneur mon point à un régime plutôt qu’à un autre, mais tout simplement au travail et à l’effort accumulé des générations successives, aux découvertes de la science, à la facilité plus grande des échanges et peut-être aussi à une connaissance plus approfondie des lois économiques. On peut et, doit regretter beaucoup de choses des institutions de l’ancienne France, mais il est impossible d’y chercher un idéal de félicité que les conditions de l’existence moderne auraient détruit. Il y avait, sans doute, des années de prospérité, bien que les conditions de la vie générale y fussent d’une simplicité qui déconcerterait fort nos habitudes de mollesse ; mais il y avait aussi, comme on va le voir, des années singulièrement dures où les plus haut placés n’échappaient pas aux souffrances.

Ce fut dans la nuit des Rois que le froid prit subitement avec une intensité qu’on n’avait pas vue depuis un siècle. En quelques jours, le thermomètre descendit à une température équivalente, d’après les instrumens dont on se servait alors, à vingt et un degrés centigrades au-dessous de zéro. Tous les fleuves et même les bords de la mer furent subitement gelés. Au bout de dix-huit jours, la température se releva cependant, et un commencement de dégel survint ; mais ce ne fut qu’un répit, et, dix jours après, le froid reprit pour durer jusqu’aux premiers jours de mars, avec chute de neige et vents impétueux, ce qui en aggravait la souffrance. Notons cependant que, si excessif que fût le froid, nous en avons connu, à une époque récente, de pareils, et que, durant l’hiver de 1879 à 1880 en particulier, le thermomètre est descendu aussi bas. Mais c’est ici qu’apparaît la différence des temps. Dans ces vieilles demeures d’autrefois dont nous admirons la distribution majestueuse et les élégantes décorations, on n’était pas armée pour se défendre contre la rigueur de la température. On n’allumait que des feux de bois, et l’atmosphère des appartemens n’en était pas sensiblement réchauffée. Nulle part on ne souffrait du froid comme à Versailles, où les pièces étaient plus vastes qu’ailleurs : « La violence de toutes les deux gelées fut telle, dit Saint-Simon, que l’eau de la Reine de Hongrie, les élixirs les plus forts et les liqueurs les plus spiritueuses cassèrent leurs bouteilles dans les armoires des, chambres à feu et environnées de tuyaux de cheminée dans plusieurs appartemens… Soupant chez le duc de Villeroy, dans sa petite chambre à coucher, les bouteilles sur le manteau de la cheminée, sortant de sa très petite cuisine où il y avait grand feu et qui étoit de plain-pied à sa chambre, une très petite antichambre entre les deux, les glaçons tomboient dans nos verres[9]. » Il faut lire dans la correspondance de Madame ses plaintes sur le froid atroce qu’il faisait dans la salle à manger où elle soupait avec le Roi. On y allumait cependant un grand feu qui lui brûlait la figure, sans arriver à la réchauffer. L’encre gelait au bout de la plume de la marquise d’Huxelles et le vin de Champagne dans la cave du conseiller Mesmin, où le conseiller, faisant l’inspection de sa cave, découvrit « deux pauvres petits savoyards morts gelés de froid au coin d’une porte où ils s’étoient cantonnés et embrassés l’un l’autre pour se réchauffer[10]. »

Si l’on souffrait ainsi à Versailles et dans les maisons des personnes les plus riches, on peut penser ce qu’il en devait être chez les pauvres. Le Roi faisait bien distribuer un peu de bois à ceux de Paris, « ce qui, écrivait le lieutenant de police d’Argenson au nouveau contrôleur général Desmarets, attiroit des bénédictions au Prince et à son fidèle ministre[11]. » Mais ce n’était qu’un bien faible soulagement, et le froid persistant amenait avec lui son cortège habituel de maladies. le 19 janvier, il y avait déjà 2675 malades à l’Hôtel-Dieu « et il y en aura encore plus demain, ajoute Daguesseau, le Procureur général au Parlement, dans une lettre à Desmarets, car le nombre en augmente tous les jours[12]. » La misère n’était pas moins grande dans les provinces, et l’évêque d’Angers mandait ces cruels détails sui l’état du Craonnais : « Il n’y a dans ces paroisses que des misérables qui n’ont ni les choses nécessaires à la vie pour se nourrir, ni de paille pour se coucher, ni d’habits, ni de toile pour se couvrir. On marque même un fait particulier qui est qu’un curé, ayant porté les sacremens à une pauvre malade qui étoit toute nue, il fallut emprunter un tablier pour la couvrir et la mettre en état de les recevoir avec moins d’indécence[13]. » « Les gens du peuple meurent de froid, comme les mouches, » écrivait Madame, et elle prétend, avec exagération probablement, qu’il en mourut 24 000 à Paris, entre le 5 janvier et le 2 février[14]. Mais on mourait aussi en tout lieu. Il y avait « furieuse quantité de malades de fluxions sur la poitrine[15] » et beaucoup y succombaient : la vieille maréchale de la Mothe, qui avait élevé le Duc de Bourgogne, Mme d’Heudicourt, qui fut l’amie, — quelques-uns disaient le mauvais ange, — de Mme de Maintenon, la princesse de Soubise qui fut celle du Roi, d’autres encore. Les vides causés par la maladie ou les deuils étaient si grands que le Roi s’étant transporté à Marly au mois de février, jamais suivant Sourches, « on n’avoit vu tant de gens malades ou incommodés demeurer à Versailles[16]. » La vie générale était interrompue. Les tribunaux cessaient de tenir audience ; l’Opéra suspendait ses représentations ; les membres de l’Académie française n’apparaissaient plus aux séances. Une estampe du temps, qui comprend plusieurs médaillons, résumait toutes ces calamités. L’Opéra y est représenté vide, ainsi que la Grand’Chambre du Parlement. Les maisons de jeux sont fermées. Les ouvriers errent les bras ballans, sans ouvrage, et le gibier meurt de faim dans les champs gelés[17].

Les souffrances qu’avait causées le froid n’étaient rien cependant à côté de celles qui allaient suivre et qui devaient amener la famine : la famine, ce fléau des temps passés que notre Europe moderne ne connaît plus, mais à laquelle n’échappent pas encore toutes les régions où elle a entrepris de porter sa civilisation, témoin les récentes famines de l’Inde.

Le froid avait été si intense que dans toutes les régions de la France, même dans le Midi, les arbres fruitiers, dont les produits jouaient un grand rôle dans la nourriture des paysans, avaient gelé sur pied. Noyers, châtaigniers du Périgord et du Limousin, pruniers, pêchers, abricotiers de l’Anjou et de la Guyenne, oliviers, orangers, vignes de la Provence et de la Gascogne, légumes des jardins, tout avait péri. Mais ce n’était rien encore. Bientôt on sut que la récolte allait manquer. Déracinés par un faux dégel, suivi d’une reprise de gelée, inondés au mois d’avril par la brusque fonte des neiges, les blés pourrissaient en herbe au lieu de grandir. La moisson prochaine serait nulle. Le bruit s’en répandit peu à peu ; la panique s’en mêla et le prix du blé monta follement. La spéculation aggrava encore le mal. S’il fallait en croire les deux grandes voix calomniatrices de l’époque, Madame et Saint-Simon, les personnages les plus haut placés de l’Etat auraient été mêlés à ces spéculations. « La Guenipe, dit Madame (c’est de Mme de Maintenon qu’elle veut parler), a acheté du blé bon marché et l’a revendu extrêmement cher… Quand elle vit que la récolte avait manqué, elle fit acheter sur les marchés tous les blés qui s’y trouvaient. Elle a ainsi gagné passablement d’argent, mais tout le monde mourait de faim[18]. » Suivant Saint-Simon, « Messieurs des finances avoient saisi l’occasion de s’emparer des blés par des émissaires répandus dans tous les marchés du royaume, pour le vendre ensuite au prix qu’ils voulurent y mettre, au profit du Roi, sans oublier le leur[19]. »

Mme de Maintenon n’a pas besoin d’être défendue contre ces calomnies. Les accens pathétiques de sa correspondance avec la princesse des Ursins où elle voit dans les malheurs de la France un châtiment de Dieu, suffiraient à la justifier. Dans son érudite publication sur le Grand Hiver de 1709, M. de Boislisle a également justifié ceux que Saint-Simon appelle Messieurs des finances, et il a très bien montré que ces imputations ont eu pour origine précisément les judicieuses mesures que Desmarets s’efforçait de prendre pour approvisionner les provinces où le blé coûtait le plus cher, l’achetant là où il était le meilleur marché. Mais il est certain cependant que d’odieuses spéculations eurent lieu de la part de ceux qu’on appelait les blatiers et que Massillon dénonçait en pleine chaire lorsqu’il parlait de ceux qui « mettent à profit la misère publique et se l’ont de l’indigence une occasion barbare de gain. » Mais l’opinion publique égarée, exaspérée par tant de souffrances, ne s’en prenait pas seulement aux blatiers et aux financiers. Elle remontait plus haut. La révolte grondait dans Paris. Le lieutenant de police d’Argenson était attaqué dans sa voiture. Les ouvriers employés à la réfection de la porte Saint-Martin, et qui n’étaient point payés, s’insurgeaient ; sans Boufflers, qui se trouva sur les lieux, le tumulte tournait à la sédition. D’horribles propos étaient tenus contre Mme de Maintenon. Le Roi lui-même n’était pas épargné. Des chansons, des placards couraient contre lui, entre autres cette sacrilège parodie du Pater : « Donnez-nous notre pain qui nous manque de tous côtés. Pardonnez à nos ennemis qui nous ont battus, mais non à nos généraux qui les ont laissés faire. Ne succombez pas à toutes les tentations de la Maintenon, mais délivrez-nous de Chamillart. »

Dans certaines chansons qui couraient les rues, il était directement pris à partie :


Ah ! que la France est désolée
Sans espérance de repos !
Que de pauvres gens sont troublés
Par un nombre infini d’impôts !
Grand Roy, pour vous estre soumise,
Il faut que nous mourions de faim,
Et, si nous allons sans chemise,
Du moins laissez-nous donc du pain[20] !


D’autres allaient jusqu’à l’insulte et le menaçaient d’une révolution.


Le grand-père est un fanfaron,
Le fils un imbécile,
Le petit-fils un grand poltron ;
Oh ! la belle famille !
Que je vous plains, pauvres François,
Soumis à cet empire !
Faites comme ont fait les Anglois,
C’est assez vous en dire[21].

Certains placards parlaient même de Bru tus et de Ravaillac.

Ce qui était, à un autre point de vue, plus grave encore, c’est que, à la Cour, le mauvais esprit gagnait les plus hauts placés. Un officier général, ami de l’ambassadeur vénitien Mocenigo, s’ouvrait à lui de l’état des affaires dans une conversation dont celui-ci s’empressait de rendre compte à la Sérénissime République. « La nation est avilie, lui disait-il, le cabinet manque de courage. A la tête des régimens sont des jeunes gens fraîchement sortis des écoles. L’antique discipline est perdue dans les armées royales. Dans les guerres précédentes, les Français étaient accoutumés à vaincre ; dans celle-ci, ils ont toujours été battus. C’est pourquoi si, d’ici à deux mois, la paix n’est pas conclue, il n’y aura pas de sécurité à Paris, et le Roi lui-même ne sera pas en sûreté à Versailles, » et Mocenigo ajoutait cette réflexion dont la sévérité ne va pas sans quelque justesse : « Il est vrai que cette nation ne sait ni supporter la disgrâce, ni se modérer dans la fortune, car dans la première, elle s’abandonne et se décourage, et dans la seconde, elle s’enorgueillit et devient insolente[22]. »

Si chargée encore de flatteries que fût l’atmosphère au milieu de laquelle vivait Louis XIV, ces rumeurs du dehors parvenaient à en traverser l’épaisseur. Ce qu’il ne savait pas directement de ces attaques, il le devinait. Il ne pouvait pas se dissimuler combien il était déchu de son prestige. Son orgueil en dut cruellement souffrir, et, s’il avait commis des fautes, elles étaient en partie expiées. Aussi est-il impossible de ne pas compatir aux larmes qu’il versait en entendant cette péroraison d’un sermon du Père de la Rue qui, par la nouveauté et la hardiesse du ton, fit alors grand bruit : « Nos péchés sont montés jusqu’à votre trône, Seigneur ; mais vous avez promis que vous ne mépriseriez pas un cœur humilié, et vous en voyez au pied de vos tabernacles qui ne sont pas indignes de vos attentions. Sire, je vous parle avec d’autant plus de liberté que les vérités que j’avance à votre peuple sont les sentimens intérieurs de votre cœur. Le commencement de votre règne a été amer et difficile ; la fin en est encore plus laborieuse, et l’intervalle qui touche à ces extrémités a été semé de lis et de roses. Peut-être avez-vous négligé de les renvoyer à Dieu seul ; il les reprend et sa justice se dédommage. C’est de là que viennent tant d’ennemis ; que dis-je, Sire, des ennemis ! Ce sont des instrumens dont la Providence se sert pour achever le grand ouvrage de votre sanctification. Encore un peu de temps, les verges des infidèles seront jetées au feu. Nous avons lieu de croire que sa miséricorde était contente dans le grand combat où la victoire a paru revenir à vous ; elle est retournée encore une fois, mais teinte du sang de vos ennemis[23]. Ne puis-je donc pas vous dire aujourd’hui, Sire, en finissant ce discours, ce que disait autrefois Jésus-Christ à saint Pierre en lui baisant les pieds : Laissez-moi faire, ce que vous ne comprenez pas aujourd’hui, un jour vous le comprendrez. Mes voies vous sont inconnues, les routes dans lesquelles je vous fais entrer vous paraissent étrangères ; mais, quand le rideau sera tiré et que le nombre de jours sera écoulé, vous verrez que je n’ai pensé qu’à vous rendre heureux dans l’éternité que je vous souhaite. »

Le Duc de Bourgogne n’avait point de responsabilité directe dans les mesures à prendre pour parer à tant de maux. Il se bornait à assister exactement aux différens Conseils où il avait entrée depuis deux ans. Il entendait avec émotion les rapports que les ministres adressaient au Roi sur les misères du peuple. « Le Duc de Bourgogne, dit son biographe Proyart, se faisoit exactement instruire de l’état du peuple, quoique souvent il ne lui revînt de cette connoissance que la douleur de ne pouvoir le soulager. Dans un Conseil où le duc de Beauvilliers exposoit au naturel l’extrémité de la misère publique, on vit le prince éclater en soupirs, et plusieurs ministres mêler leurs larmes aux siennes[24]. » La seule chose qu’il pouvait faire, c’était de prendre sa part du grand mouvement de charité qui se développa, en réponse aux exhortations des évêques. Les aumônes furent abondantes. A la vérité, elles n’étaient pas toujours absolument volontaires. C’était une vieille tradition de notre droit public que dans les temps de calamité, les Cours avaient le droit d’établir dans chaque ville une taxe des pauvres à laquelle tous les habitans étaient astreints à contribuer, « les taillables proportionnellement à leur cote d’impôt, et les privilégiés et non taillables au sol la livre des deux tiers de leur revenu présumé. » A cet impôt personne n’avait le droit de se soustraire. C’est ainsi que dans le Journal de Pierre Narbonne, premier commissaire de police de la ville de Versailles, nous trouvons le « rôle général de la taxe contributive et répartition faite sur les propriétaires des maisons bourgeoises et habitans de la ville de Versailles pour la subsistance et nourriture en pain des pauvres de ladite ville, arrêté le 15 mai 1709 en exécution de l’arrêt du Parlement du 19 avril 1709. » Sur cette taxe des propriétaires et bourgeois, tout le monde figure : le Roi pour 4 220 livres, Monseigneur pour 2 110 livres, le Duc de Bourgogne pour 397, le Duc d’Orléans pour 600, la Duchesse pour 300. Sept directeurs des pauvres avaient été choisis par les soins desquels les fonds ainsi recueillis furent employés en distributions de pain. Chaque pauvre recevait une carte avec un cachet, et lorsqu’il se présentait à la distribution, on lui donnait son pain et l’on faisait une entaille à sa carte avec des ciseaux. Les choses, comme on voit, se passaient avec beaucoup d’ordre, et les pauvres de Versailles furent ainsi nourris pendant six mois et demi[25].

Cette charité obligatoire et administrative ne pouvait suffire au Duc de Bourgogne. C’était le grand et noble côté de son caractère d’être extrêmement sensible aux misères populaires. Quand nous en arriverons à étudier ses projets de gouvernement, nous verrons qu’au point de vue fiscal, le soulagement du peuple fut toujours une de ses préoccupations principales. Mais le spectacle de ces misères qui s’étalaient sous ses yeux, de ces gens mourant de faim par les rues ou les chemins, de ces rassemblemens de femmes demandant du pain, ne pouvait manquer de l’émouvoir profondément. Il s’efforçait de parer à ces détresses par les seuls moyens qui dépendaient de lui, c’est-à-dire par d’abondantes aumônes. On en trouve le détail dans Proyart et dans un petit opuscule qui a pour titre : Mémoire des principales actions de vertu qu’une personne de probité a remarquées dans Monseigneur le Dauphin, et qui paraît avoir été composé par le curé de Versailles[26].

Comme il était naturel, c’était en effet envers les pauvres de Versailles, de Marly et des villages environnans que s’exerçait surtout sa charité. « Il étoit si persuadé de l’obligation de faire l’aumône, dit l’auteur de cet opuscule, qu’il m’a souvent dit que je répondrois devant Dieu de la mort des pauvres de Versailles qui périroient, faute d’être secourus, si je ne l’avertissois de leurs pressans besoins. C’est dans cet esprit qu’en l’année 1709, dont ils ressentirent la rigueur plus qu’en aucune autre par la cherté des vivres, il leur a souvent donné tout ce qu’il avoit d’argent sans se rien réserver. »

Ainsi, grâce à lui, un grand nombre de pauvres purent être nourris par le curé de Versailles. Mais il ne suffisait pas au Duc de Bourgogne de pourvoir à leurs besoins matériels. Il s’inquiétait des tentations auxquelles la misère pouvait les exposer. « Dans la dernière année, dit encore le curé de Versailles, ayant appris qu’il se trouvoit de pauvres filles d’ailleurs fort sages, mais dans la dernière nécessité, sans pain, sans condition, et en un mot, en grand danger, et que j’en avois retiré quelques-unes, ayant même retenu pour cet effet une chambre et fait faire quelques lits chez une personne de confiance, ce Prince me dit aussitôt qu’il adoptoit cette bonne œuvre et que j’en retirasse autant qu’il se pourroit, et il a continué jusques à sa mort de m’aider à en nourrir et loger jusques à huit ou dix… Ce grand Prince avoit si fort à cœur cette bonne œuvre qu’il me faisoit l’honneur de me dire de tems en tems : Hé bien, monsieur, combien avons-nous encore" de pauvres filles ? »

Sur douze mille livres qui lui étaient allouées par mois pour ses menus plaisirs, le Duc de Bourgogne en employait ainsi onze mille en charités, ne s’en réservant que mille. Les comptes trouvés dans sa cassette après sa mort l’établissent d’une façon positive. Mais comme il se cachait de ses charités, les courtisans étaient parfois disposés à l’accuser d’avarice en le voyant se refuser aux moindres dépenses superflues. Il ne s’accordait en effet aucune fantaisie : « C’étoit la mode du jour, rapporte Proyart, d’avoir une écritoire d’argent ; on en voyoit déjà dans les bureaux des commis. Le Dauphin n’en avoit point encore, on lui en présenta une. Le Prince l’examine ; il en paroît amateur, il s’informe du prix, et il dit qu’il ne la prendra point. On lui demande si elle n’est point de son goût ; elle lui plaît infiniment : « Mais les pauvres ! » Mme de Maintenon étoit présente : « En vérité, Monsieur, lui dit-elle, vos pauvres seroient bien ridicules si, après tout le bien que vous leur faites, ils trouvoient mauvais que vous vous donnassiez une écritoire. » Et elle l’obligea de la prendre en ajoutant qu’ « elle la payeroit elle-même, s’il ne vouloit pas en faire la dépense[27]. »

« De même, ayant changé d’appartement à la mort de Monseigneur, on lui proposa de se commander un bureau qui répondît aux autres meubles garnissant le nouveau cabinet de travail qu’il devoit occuper. Il entra d’abord dans cette idée et fit venir l’ouvrier qui devoit l’exécuter. Mais le prix demandé lui ayant paru exorbitant : « Hé bien, répondit-il, Monsieur le Dauphin continuera de travailler sur le bureau du Duc de Bourgogne, et je sais l’usage que je ferai de l’argent qui me restera. » Il fut envoyé sur-le-champ à de pauvres officiers dont l’Etat ne pouvoit pas récompenser les services[28]. »

Il ne suffisait pas à l’ardente charité du Duc de Bourgogne de dépenser ainsi en aumônes la presque-totalité de l’argent que le Roi mettait à sa disposition. « Le désir de soulager les misérables sembloit aller chez lui, dit Proyart, jusqu’à une sorte d’inquiétude. » Il se reprochait de conserver des objets de prix dont la vente aurait pu augmenter les sommes qu’il distribuait aux pauvres. Volontiers, il aurait été tenté de vendre les objets précieux qui garnissaient son appartement. Mais il s’en faisait scrupule, car ils appartenaient au Roi. Il n’en était pas de même de ceux qu’il pouvait considérer comme sa propriété particulière. Longtemps il avait eu le goût des pierres fines, et il en avait composé une collection. Peu à peu, il s’était défait des plus précieuses, mais il en avait conservé quelques-unes. « Précisément en cette année 1709, le curé de Versailles étant venu lui représenter que la misère continuoit toujours, il l’introduisit dans son cabinet et lui remettant ses pierreries : « Monsieur le curé, lui dit-il, puisque nous n’avons plus d’argent et que nos pauvres meurent de faim : Dic ut lapides isti panes fiant, et les pierres furent changées en pain[29]. » Saint-Simon rapporte également de lui un trait touchant : « Il avoit fait faire deux petits seaux d’argent pour rafraîchir son vin sur sa table ; il les aimoit ; ils lui paroissoient commodes et bien faits, et il se repentit de cette dépense et de cet attachement. Bientôt après, les deux seaux disparurent et devinrent la nourriture des pauvres[30]. »

Il ne suffisait pas au Duc de Bourgogne de s’adonner ainsi personnellement à la pratique de la charité. Il voulait encore y accoutumer la Duchesse de Bourgogne. Il y avait quelque peine. Elle n’avait cependant pas mauvais cœur. Il suffisait qu’une infortune lui fût représentée d’une manière un peu vive pour qu’elle s’attendrît et y repensât souvent, Mme de Maintenon lui ayant parlé un jour d’une femme dont les privations avaient rétréci l’estomac, elle fut émue de cette souffrance, et, de temps à autre, apportait de l’argent à Mme de Maintenon en lui disant : « Ma tante, voilà pour votre estomac rétréci[31]. » Mais elle était dépensière, souvent endettée. Parfois elle avait aussi des fantaisies. Elle s’adressait alors au Duc de Bourgogne et lui demandait de distraire en sa faveur quelque chose de ce qu’il dépensait en aumônes. Pour ne point lui faire peine, le Duc de Bourgogne ne lui opposait point un refus direct. Il se bornait à lui communiquer l’emploi qu’il comptait faire de tout l’argent qu’il avait à sa disposition, la laissant maîtresse de se substituer à ceux dont les besoins lui paraîtraient plus urgens que les siens. « La Princesse, continue Proyart, se mit à contrôler à son profit les libéralités du Dauphin ; mais ne trouvant sur la liste de ceux qui y avoient part que des pauvres honteux, des orphelins abandonnés, des veuves d’officiers sans ressources, des officiers ruinés au service, la plume lui tomba des mains. « Il faut convenir lui dit-elle, que tous ces gens sont plus à plaindre que moi. » Mais elle ne put s’empêcher d’ajouter : « Je ne comprends pas, Monsieur, comment vous pouvez déterrer tant de malheureux[32]. »

L’exemple que le Duc de Bourgogne donnait à son épouse ne devait cependant pas être perdu. A mesure qu’elle avançait dans la vie et que le sérieux l’emportait chez elle sur la frivolité, elle comprit mieux les préoccupations charitables de son mari et s’y associa, même à l’insu de celui-ci. « Il n’avoit pas seulement obtenu d’elle, dit Proyart que nous ne pouvons nous défendre de citer une dernière fois, qu’elle modérât la passion qu’elle avoit pour le jeu. Il l’avoit encore attendrie par son exemple sur les besoins des misérables. Une personne qui avoit également la confiance des deux époux vint dire un jour au Duc de Bourgogne, en lui demandant le secret, que la Princesse avoit fait plusieurs aumônes et qu’elle nourrissoit tous les jours quarante pauvres pendant le Caresme. « Ah ! que me dites-vous, s’écria-t-il. Voilà un trait qui me ravit ; mais ce qui me fait le plus de plaisir, c’est qu’il vient de son cœur et qu’elle veut qu’on l’ignore. »

Ainsi les malheurs publics, comme auparavant les épreuves privées, travaillaient au rapprochement des deux époux, et si la Duchesse de Bourgogne avait rendu un service signalé à son mari, celui-ci payait sa dette en lui communiquant quelque chose de ses vertus.


III

Les dures extrémités de l’année 1709 eurent une conséquence d’une tout autre nature qui dut singulièrement coûter au Duc de Bourgogne. Il désirait passionnément servir de nouveau. Ce désir remontait au lendemain de la campagne précédente, car il sentait bien que c’était pour lui la seule manière de se réhabiliter des bruits fâcheux qui avaient couru sur son compte. « J’ose assurer que je servirai si j’en ai envie, ce qui est très certainement, » avait-il écrit à Beauvilliers au sortir de sa première entrevue avec le Roi[33]. En effet, le bruit courut tout l’hiver qu’il serait désigné pour commander une des armées qui devaient entrer en campagne au printemps. « On ne doute pas présentement, écrivait Dangeau dans son Journal, le 20 décembre 1708, que Monseigneur le Duc de Bourgogne ne serve la campagne qui vient, » et Sourches, au mois de janvier 1709, enregistre le même bruit[34]. La désignation officielle n’eut lieu cependant que deux mois plus tard. Le 3 mai, le Roi déclara que Monseigneur commanderait l’armée de Flandre, ayant sous lui le maréchal de Villars, et le Duc de Bourgogne l’armée d’Allemagne, ayant sous lui le maréchal d’Harcourt. Le Duc de Berry devait accompagner son père ; le Duc d’Orléans allait commander en Espagne, et Berwick en Dauphiné. De tous les officiers ayant quelque renom, le seul Vendôme n’était pas rappelé au service. Les malveillans voulurent y voir le dernier triomphe de la Duchesse de Bourgogne, et lui reprochèrent de servir indirectement la cause de son père. C’était calomnie. Vendôme recueillait tardivement le fruit de ses fautes. On se souvient de l’acharnement avec lequel, par lui-même et par ses séides, il avait, pendant la campagne de 1708, chargé Puységur qui, placé auprès du Duc de Bourgogne, avait plusieurs fois contrecarré ses desseins. Puységur n’avait point depuis lors reparu à la Cour. Lorsqu’il y revint au mois d’avril 1709, le Roi, qui faisait cas de lui, le tint enfermé dans son cabinet pendant deux heures, et le mit au courant de toutes les imputations dirigées contre lui par Vendôme. Piqué au vif, Puységur non seulement se défendit, mais attaqua Vendôme à son tour, et étala aux yeux du Roi toutes les fautes commises par lui depuis la défaite d’Oudenarde jusqu’à la perte de Lille, avec tant de précision et de vigueur que le Roi en conçut une impression tout à fait défavorable à Vendôme. Quelques jours après, on apprenait que les cent places de fourrage qui lui avaient été jusque-là laissées venaient de lui être retirées et qu’il vendait ses équipages. C’était l’indice qu’aucun commandement ne lui serait donné, mesure en soi-même regrettable, car il ne faut pas oublier que, deux ans après, commandant seul en Espagne et laissé à lui-même, il remportait la victoire de Villaviciosa et faisait coucher Philippe V sur un lit de drapeaux.

Le Mercure de février annonçait, avec un peu plus d’emphase qu’il n’était peut-être heureux de le faire, la désignation du Duc de Bourgogne pour commander l’armée d’Allemagne : « On dit que M. le Duc de Bourgogne commandera en Allemagne, et comme ce prince y a déjà porté la terreur, et comme il y a fait des conquêtes considérables et qu’en s’y faisant craindre il s’y est fait aimer, que les troupes qu’il commandoit alors en ont été charmées, il y a lieu de croire que ce prince sera encore aussi heureux du côté de l’Allemagne qu’il l’a déjà esté[35]. »

Le maréchal d’Harcourt était en même temps désigné pour commander sous les ordres du Duc de Bourgogne. Dans ce choix, il est impossible de ne pas reconnaître l’influence discrète de Mme de Maintenon. Harcourt était fils de Beuvron, un de ces amis (et même quelque chose de plus, dit naturellement Saint-Simon) qui l’avaient environnée de soins au temps où elle n’était encore que Mme Scarron, et auxquels elle eut le mérite de demeurer toujours fidèle. Pour former le Duc de Bourgogne à l’art de la guerre, pour lui inspirer l’esprit d’audace et d’initiative qui, durant la campagne de 1708, lui avait manifestement fait défaut, le choix de Villars eût été meilleur ; mais, en soi, celui d’Harcourt n’était pas mauvais. Habile diplomate, d’Harcourt était également bon militaire, bien qu’il n’eût pas encore trouvé l’occasion de se signaler par quelque succès. De plus, il avait de la souplesse dans le caractère, et l’on pouvait être assuré qu’il s’accommoderait de l’autorité personnelle du Duc de Bourgogne, comme, durant la campagne de 1708, s’en était accommodé Boufflers. Harcourt prit même à l’avance la précaution de s’assurer les bonnes grâces de la Duchesse de Bourgogne. À peine désigné pour ce commandement, le Duc de Bourgogne s’était mis à travailler avec lui. « En rusé compagnon, dit Saint-Simon qui ne l’aime pas, Harcourt alla plus loin. Il proposa au jeune prince que Mme la Duchesse de Bourgogne fût présente à leur travail et les charma tous deux de la sorte. Il avoit réservé les choses principales pour les déployer devant elle. Finement il la consulta, admira tout ce qu’elle dit, le fit valoir à Mgr le Duc de Bourgogne, allongea la séance et y mit tout son esprit à étaler dextrement sa capacité pour leur en donner grande idée et à persuader la princesse de son plus respectueux attachement. Elle en fut flattée… Elle étoit fort sensible à se voir ménagée et recherchée par les personnages[36]. »

Le choix d’Harcourt et même celui du Duc de Bourgogne ne furent cependant pas approuvés de tous. Une chanson, qui courut sous main représentait Mme de Maintenon, « après son oraison, » tirant au sort dans un chapeau le nom des généraux, et celui des princes auxquels ils seraient associés. Voici le couplet qui concernait le Duc de Bourgogne et Harcourt :


Harcourt arriva le premier
En nommant l’Allemagne,
Et le prince qui fut tiré
Pour la mesme campagne,
Ce fut le fameux Bourguignon
La faridondaine, la faridondon,
La terreur de nos ennemis,
Biribi,
À la façon de Barbari,
Mon ami[37].


Tant d’application de la part du Duc et de la Duchesse de Bourgogne, un si habile manège de la part d’Harcourt (si tant est qu’il nourrît les visées ambitieuses que lui prête Saint-Simon), devaient être perdus. L’entrée en campagne des armées fut retardée par les négociations qui se poursuivirent tout le printemps et jusqu’au commencement de l’été à La Haye par l’intermédiaire du président Rouillé et de Torcy lui-même, et lorsque celui-ci revint, le 1er juin, porteur des conditions insolentes et humiliantes qui déterminèrent le Roi à rompre toute négociation et à adresser un suprême appel à son peuple (nous reviendrons sur ces négociations et sur la part que le Duc de Bourgogne fut appelé à y prendre), la situation militaire et financière s’était aggravée. Déjà elle était apparue dans toute son angoisse à une sorte de conseil de guerre que le Roi avait inopinément tenu un dimanche de mai et auquel il avait Convoqué le Duc de Bourgogne, « à moins, lui dit-il un peu aigrement, que vous ne préfériez aller à Vêpres. » À ce conseil assistaient en plus de Monseigneur et du Duc de Bourgogne, Villars, Boufflers, Harcourt, Chamillart et Desmarets. Là il fut démontré, par les maréchaux appelés à commander les armées, que les troupes placées sous leurs ordres n’étaient pas payées, et que les approvisionnemens les plus nécessaires leur faisaient défaut. Avant tout, il fallait y pourvoir. « Harcourt, habile en tout, dit Saint-Simon, ne voulut point partir que très bien assuré de pain, de viande et d’argent pour son armée du Rhin. » Ces dépenses absorbèrent les dernières ressources du Trésor. Il ne restait plus rien pour les équipages des princes. Or la présence d’un prince à l’armée coûtait gros. Lors de la campagne d’Oudenarde, la table du Duc de Bourgogne était de seize couverts, plus une de dix pour son bureau, et cela paraissait peu. Qu’eût-ce été s’il avait fallu faire face à la dépense occasionnée par le séjour simultané aux armées de Monseigneur, du Duc de Bourgogne, du Duc de Berry et du Duc d’Orléans ! Il fallut y renoncer. « Le Roi, à son dîner, dit à Livry, son premier maître d’hôtel, qu’il n’avoit qu’à congédier les équipages de Monseigneur le Dauphin et de Monseigneur le Duc de Bourgogne, et que ces princes n’iroient point à l’armée cette année… Le Roi, ajoute Dangeau, veut envoyer à ses troupes l’argent qu’il auroit coûté pour le voyage de ces princes[38]. »

Le Duc de Bourgogne ne se soumit cependant point sans résistance à cette décision. « Il soutint, dit Proyart, que c’étoit dans ces circonstances fâcheuses qu’il falloit se roidir contre les obstacles par la fermeté et la constance : « Puisque l’argent nous manque, ajouta-t-il, j’irai sans suite ; je vivrai en simple officier ; je mangerai, s’il le faut, le pain du soldat, et personne ne se plaindra de manquer du commode quand on verra que j’aurai à peine le nécessaire[39]. » Mais le Roi fut inflexible. Par une fausse conception de la dignité princière, il ne voulut pas admettre que son petit-fils figurât dans ses armées sans être entouré de l’éclat qui convenait à son rang. Il lui refusait ainsi l’occasion de déployer les rares qualités morales qui étaient en lui, et qui auraient fini par forcer au moins le respect. Le Duc de Bourgogne vivant en simple officier aurait fait oublier les fautes du Duc de Bourgogne chef d’armée. Ce n’était point son intérêt de le condamner à vivre de la vie inoccupée de la Cour, où, comme nous le verrons dans un prochain article, la Duchesse de Bourgogne, involontairement, brillait un peu à ses dépens.


HAUSSONVILLE.

  1. Nous rappelons que la correspondance de la marquise d’Huxelles avec le marquis de la Garde se trouve à Avignon, au musée Calvet. Cette correspondance est encore inédite. Cependant quelques fragmens en ont été publiés en note par les éditeurs du Journal de Dangeau, et par M. de Boislisle dans les volumes XVII et XVIII de son Saint-Simon.
  2. Saint-Simon. Édition Boislisle, t. XVII, p. 319 et suivantes.
  3. Saint-Simon. Édition Boislisle, t. XVII, p. 575. M. de Boislisle a publié en appendice de ses XVIIe et XVIIIe volumes d’importans fragmens des manuscrits de Bellerive qui sont à la Bibliothèque nationale.
  4. Saint-Simon. Édition Boislisle, t. XVIII, p. 491.
  5. Saint-Simon. Édition Boislisle, t. XVII, p. 327.
  6. Archives d’Alcala. Le Duc de Bourgogne à Philippe V, 10 février 1710, lettre communiquée par l’abbé Baudrillart.
  7. Archives d’Alcala. Cette lettre a déjà été publiée par l’abbé Baudrillart (Une Mission en Espagne, p. 76) et en partie reproduite par M. de Boislisle dans une note de son Saint-Simon, t. XVII, p. 515.
  8. Correspondance des contrôleurs généraux des finances avec les Intendans des provinces, publiée par M. de Boislisle.
  9. Saint-Simon. Édition Boislisle, t. XVII, p. 195.
  10. Le Grand Hiver et la Disette de 1709, par M. A. de Boislisle, p. 22.
  11. Correspondance des contrôleurs généraux, t. III, lettre 278.
  12. Ibid., lettre 274.
  13. Correspondance des contrôleurs généraux, t. III, lettre 281.
  14. Correspondance, édition Jæglé, t. II, p. 80. D’après M. Levasseur dans son Histoire de la population, la mortalité aurait été à Paris de 29 288 en 1709 contre 15 220 en 1711.
  15. Lettre de la marquise d’Huxelles en note du Journal de Dangeau, t. XII, p. 312.
  16. Sourches, Mémoires, t. XI, p. 267.
  17. Cette estampe a été reproduite par M. Bourgeois dans son ouvrage sur le Grand siècle, p. 268.
  18. Correspondance. Édition Brunet, t. II, p. 25 et 65.
  19. Saint-Stmon, édition Boislisle, t. XVII, p. 97.
  20. Recueil Clérembault. Fonds Français, 2 694, p. 393.
  21. Nouveau Siècle de Louis XIV, t. III, p. 311.
  22. Bibliothèque nationale. Fonds Italien, 1930, Filza 207, p. 9. Dépêche du 3 mars 1709.
  23. Allusion à la bataille de Malplaquet.
  24. La Vie du Dauphin Duc de Bourgogne, par l’abbé Proyart, t. I, p. 267.
  25. Journal de Pierre Narbonne, p. 8.
  26. Cet opuscule a été joint aux oraisons funèbres du Duc et de la Duchesse de Bourgogne, par l’évêque d’Alet, le Père Gaillard, le Père de la Rue et au Recueil de ses vertus par le Père Martineau.
  27. Proyart, t. II, p. 242.
  28. Ibid., t. II, p. 243.
  29. Ibid., t. II, 242.
  30. Éloge inédit du Duc de Bourgogne, publié par M. de Boislisle, p. 17.
  31. Souvenirs sur Mme de Maintenon, t. II, p. 162.
  32. Proyart, t. II, p. 240.
  33. Le Duc de Bourgogne et le duc de Beauvilliers, par le marquis de Vogüé, p. 341.
  34. Dangeau, t. XII, p. 29. Sourches, t. XI, p. 252.
  35. Mercure de février 1709, p. 378.
  36. Saint-Simon. Édition Boislisle, t. XVII, p. 385.
  37. Recueil Clérembault, Fonds Français 2694, p. 369.
  38. Dangeau, t. XI, p. 430.
  39. Proyart, t. I, p. 264.