La Géologie et la Minéralogie dans leurs rapports avec la théologie naturelle/Chapitre 24

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Chapitre XXIV.


Conclusion.


Nous venons de considérer, dans le chapitre précédent, la nature des témoignages qu’offrent les substances minérales inorganiques, en preuve de l’existence d’un plan ayant présidé à l’harmonie originelle qui se montre dans les rapports des élémens matériels et dans les fonctions diverses qu’ils remplissent dans l’un ou l’autre des deux règnes de la Nature. Nous avons vu que la seule explication satisfaisante que l’on puisse donner des arrangemens merveilleux et pleins d’ordre qu’offrent à la surface du globe les matériaux élémentaires, sous les rapports de dimensions, de poids et de nombre, est celle qui, pour expliquer l’origine de tout ce qui est au-dessus de nous, au-dessous de nous et autour de nous, s’élève jusqu’à la volonté et à l’action d’un Créateur unique et tout-puissant. Si ces élémens, dès l’instant de leur création, ont possédé des propriétés qui les ont mis par avance en harmonie avec toutes les fonctions qu’ils ont déjà remplies jusqu’ici, et qu’ils sont encore destinés à remplir par la suite, au milieu des révolutions successives du monde matériel, bien loin que ces mesures prises dès l’origine des choses repoussent l’intervention d’un agent plein d’intelligence, elles ne peuvent qu’exalter encore la haute idée que nous nous faisons de la Plénitude de science et de puissance qui a pu réunir dans le premier travail de la création cette infinité d’arrangemens disposés à l’avance dans la vue des systèmes à venir.

Nous avons esquissé de bonne heure, dans cet ouvrage, l’histoire des roches primordiales qui sont entrées dans la composition des premiers matériaux solides du globe ; nous les avons représentées comme ayant été probablement dans un état de fusion universelle incompatible avec l’existence de la vie sous aucune forme. D’après les argumens que nous avons posés, à mesure que la température de la croûte du globe s’est graduellement abaissée, les roches cristallines non stratifiées et les roches stratifiées formées par les débris des premières ont été diversement modifiées et mises en place, pendant la durée de périodes de temps immenses, par des forces physiques de la même nature que celles dont l’action se continue encore de nos jours, mais agissant avec une énergie beaucoup plus grande ; et que ces forces ont eu pour résultat de faire de notre planète un lieu d’habitation pour diverses races d’animaux et de végétaux, et, comme dernier résultat, de la convertir en une demeure commode et agréable pour l’espèce humaine.

Nous avons vu aussi que la surface de la terre et les eaux de la mer ont, durant de longues séries de siècles et à des époques séparées par des intervalles de temps considérables et antérieurs à la création de notre propre espèce, été peuplées par diverses races d’animaux et de végétaux, dont d’autres races sont venues depuis prendre la place ; et dans tous ces phénomènes considérés isolément, nous avons reconnu des preuves de l’existence d’un plan et d’une Intelligence régulatrice. Nous avons vu en outre un retour systématique tellement constant de plans analogues produisant des résultats divers par les diverses combinaisons de mécanismes multipliés presque jusqu’à l’infini dans les détails de leur application, bien que tous construits sur le même petit nombre de principes fondamentaux qui règlent encore sous nos yeux les formes vivantes des êtres organisés, qu’il est raisonnable de conclure que toutes ces combinaisons passées et présentes ne sont que des parties d’un seul Tout immense et plein d’ensemble, et prenant son origine dans la Volonté et dans la Puissance d’un seul et même Créateur.

Si les matériaux élémentaires nous eussent paru différer dans les conditions anciennes de notre globe de ce qu’ils sont aujourd’hui, soit quant à leur nombre, soit quant à leur nature ; ou si les lois qui ont régie les phénomènes du règne inorganique eussent été soumises à des changemens, aux diverses époques de la durée des nombreuses formations dont la géologie nous a révélé l’existence, nous eussions encore pu trouver, sans doute, dans des phénomènes ainsi isolés, des preuves de Sagesse et de Puissance ; ils n’eussent pas suffi pour démontrer l’Unité et l’Action universelle d’une même Cause Première, éternelle et suprême.

Toutefois, la géologie ne nous eût-elle rendu d’autres services que de nous fournir des preuves nombreuses et variées de l’existence d’un plan, son témoignage n’en serait pas moins accablant pour l’athéisme ; mais si ce plan ne s’était manifesté que par des systèmes d’organisation distincts et dissemblables entre eux, ou par des mécanismes indépendans et sans analogies ni relations d’aucune espèce, soit entre eux, soit avec les formes actuelles des deux règnes animal et végétal, ces manifestations, tout en fournissant des preuves d’Intelligence et de Pouvoir, n’eussent pas entraîné la conséquence d’une origine commune dans la Volonté d’un Créateur unique et toujours le même ; et les polythéistes eussent pu invoquer ces systèmes dépourvus d’accord et d’harmonie en témoignage de l’action distincte de plusieurs Intelligences indépendantes entre elles, et s’en faire un appui de leur doctrine de la pluralité des Dieux.

Mais le raisonnement qui conclut l’unité de la cause de l’unité d’effets qui se répète dans des systèmes d’organisation compliqués et divers, et séparés entre eux par les lieux, les temps et les circonstances ; ce raisonnement, dis-je, acquiert une force centuple, si, au lieu d’être fondé seulement sur les faits qui se passent à la surface du monde actuel, il embrasse en même temps toutes les formes éteintes de tous les systèmes précédens d’organisation, dont nous trouvons les traces ensevelies dans les entrailles de la terre. Paley a fait observer avec raison, relativement aux variations que présentent les espèces vivantes d’animaux et de végétaux dans des régions éloignées et sous des climats différens, que — « au milieu de tous ces modes d’existence si tranchés et si différens entre eux, il n’en est pas un qui le soit assez pour nous porter à croire que nous sommes maintenant sous l’empire d’un Créateur différent, ou que nous sommes aux ordres d’une autre Volonté[1]» ; — et les nombreuses investigations que nous avons été à même de faire durant ces dernières années dans l’intérieur de la terre ont considérablement agrandi le cercle des faits à l’appui de ceux sur lesquels Paley a basé cette assertion.

Les exemples nombreux que nous avons empruntés aux débris fossiles animaux et végétaux, pour démontrer l’existence d’un plan qui a présidé à la création, nous présentent une identité tellement complète dans les principes fondamentaux qui en ont réglé l’accomplissement ; nous y voyons des moyens analogues adoptés avec tant d’uniformité et de constance pour arriver à des fins diverses ; et les modifications qui sont faites au type commun de tous les mécanismes sont si exactement celles qui étaient nécessaires pour mettre chaque instrument en harmonie avec le travail qu’il était destiné à exécuter, et pour installer chaque espèce à la place et dans les fonctions spéciales qu’elle devait remplir dans l’échelle des êtres créés, que nous ne pouvons manquer de conclure de tous ces faits l’unité de l’Intelligence à laquelle est due cette magnifique Harmonie. Nous irons jusqu’à affirmer que l’athéisme ni le polythéisme n’eussent jamais obtenu le moindre succès dans le monde, si les preuves diamétralement contraires d’unité de Plan et d’Intelligence suprême que nous trouvons dans les découvertes de la science moderne eussent été bien connues des auteurs et des partisans de ces systèmes[2]. — « C’est une même main dont nous lisons partout l’écriture ; c’est un même système, ce sont les mêmes arrangemens que nous avons partout à décrire ; c’est la même unité d’objet, ce sont les mêmes relations de causes finales que nous retrouvons partout maintenues, et partout proclamant l’unité de la grande Source divine. »

Nous avons fait voir, dans notre sixième chapitre, sur les roches stratifiées primitives, que la géologie a rendu un service important à la théologie naturelle, en démontrant, à l’aide de preuves qui lui appartiennent en propre, qu’il y eut un temps où aucune des formes organiques actuelles n’avait encore fait son apparition à la surface de notre globe, et que les doctrines qui expliquent l’existence des espèces actuelles par un développement[3] ou une transmutation d’autres espèces, ou qui admettent une succession éternelle d’individus des mêmes espèces sans un commencement comme sans une fin probable, ne s’étaient encore heurtées contre aucune réponse aussi décisive que celle qui nous est fournie par les débris organiques fossiles.

Nous avons fréquemment rencontré, dans le cours de nos recherches, de nombreux exemples de systèmes organiques végétaux et animaux qui ont eu leur commencement et leur fin ; et, chaque fois, nous avons été conduits à leur assigner comme origine l’intervention directe d’une action créatrice.— « À la vue de cette transition qui a eu lieu à la surface du globe d’un système de formes animales à un autre système renfermant des formes toutes nouvelles, nous ne concevrions pas que l’on pût nier les manifestations distinctes d’une puissance créatrice, supérieure à l’action des lois connues de la nature ; et la géologie nous paraît avoir allumé un nouveau flambeau sur le chemin de la théologie naturelle[4]. »

Quelque effroi qu’aient pu causer les découvertes géologiques pendant les premières périodes de leur développement, le moment est arrivé ou, loin que l’on ait à craindre de les voir signaler des phénomènes qui ne concourent pas avec les argumens que fournissent les autres branches des sciences physiques pour démontrer l’existence d’un seul et même Créateur souverainement sage et souverainement puissant, nous devons attendre d’elles qu’elles ajouteront à la chaîne des preuves de la religion naturelle des anneau x de la plus haute importance, dont l’absence se faisait sentir, et dont les vides sont maintenant remplis par les découvertes auxquelles a conduit l’étude de la structure du globe.

« Si je comprends bien la Géologie, dit le professeur Hitchcock, loin que cette science enseigne l’éternité du globe, elle prouve au contraire, plus directement que ne pourrait le faire aucune autre science, que les diverses révolutions qui s’y sont accomplies, et les diverses races d’êtres qui l’ont habité, ont eu un commencement, et qu’il renferme en lui-même certaines forces chimiques qui n’ont besoin que d’être mises en liberté par la volonté de celui qui les a créées, pour en accomplir immédiatement la destruction. De ce que cette science prouve que les révolutions de la nature ont employé d’immenses périodes de temps, il ne s’ensuit pas que ces périodes constituent une série éternelle ; seulement elle agrandit les idées que nous avons de la Divinité ; et quand les hommes cesseront d’avoir pour elle des yeux défians et les préjugés d’esprits étroits, ils verront qu’elle leur ouvre des champs de recherches non moins vastes que ne le sont les domaines de l’astronomie elle-même[5]. »

« Il n’existe en réalité, dit l’évêque Blomfield, ni opposition ni désaccord entre la religion et la science, si ce n’est dans l’abus qu’en font le zèle maladroit et la fausse philosophie, se trompant également sur le but d’une révélation divine» ; — et, dans un autre passage encore du même remarquable discours, après avoir défini quels sont les sujets précis dont l’investigation appartient en propre à l’intelligence humaine, il ajoute :« Dans ces limites, et avec ces restrictions, nous pouvons joindre nos suffrages à tous ceux que méritent la philosophie et la science, et suivre sans crainte, en compagnie des hommes qui s’y dévouent, toutes les voies de recherches par où l’esprit humain pourra pénétrer jusqu’aux trésors cachés de la nature. Nous verrons s’harmoniser les traits les plus remarquables de l’ensemble de leur histoire, et se soulever les voiles qui obscurcissent, aux yeux de l’ignorance et de l’inattention, la gloire de Dieu dans les œuvres sorties de ses mains[6]

La déception à laquelle s’exposent un grand nombre d’hommes lorsqu’ils veulent trouver écrites dans les phénomènes naturels les volontés de Dieu relativement à la conduite morale et aux destinées futures de l’humanité, est due surtout à l’idée obscure et erronée qu’ils se font de l’étendue des domaines respectifs de la raison et de la révélation.

L’exercice de notre raison nous fait découvrir des preuves nombreuses de l’existence d’un Créateur suprême et de quelques uns de ses attributs, et saisir les opérations de plusieurs des causes instrumentales, ou des agens secondaires qu’il emploie à mettre en mouvement les mécanismes du monde matériel ; mais là s’arrêtent ses pouvoirs. Pour tout ce que l’homme doit savoir avant toute autre chose, je veux parler de la volonté de Dieu relativement au gouvernement moral et aux destinées futures de l’espèce humaine, la raison ne peut que nous convaincre du besoin absolu où nous sommes d’une révélation. Cette distinction a été sentie et exprimée par beaucoup d’hommes des plus avancés dans la philosophie. « La contemplation de la Providence divine dans la conduite des choses corporelles, dit Boyle, peut être pour un observateur bien disposé une planche jetée entre la religion naturelle et la religion révélée[7]. »

« Après la connaissance d’un seul Dieu Créateur de toutes choses, a dit Locke, ce qui importait le plus à l’espèce humaine c’était d’avoir une connaissance nette de ses devoirs moraux. »

Et Bacon, celui dont le nom, du commun accord de toutes les nations, est placé au dessus de tout éloge, l’homme qui a découvert et fondé la philosophie d’induction, voici comment il exhale sa méditation pieuse : « Tes créatures ont été mes livres, mais tes écritures bien davantage encore. Je t’ai cherché dans les cours, dans les champs, dans les jardins ; mais je t’ai trouvé dans tes temples[8]. »

Ce sentiment, que nous venons de lui voir exprimer, lui était familier ; car on le retrouve partout dans ses écrits. Voici avec quelle chaleur il s’en exprime dans son immortel ouvrage[9] Concludamus igitur theologiam sacram ex Verbo et Oraculis Dei, non ex lumine Naturæ aut Rationis dictamine hauriri debere. Scriptum est enim cælie narrant Gloriam Dei, at nusquam scriptum invenitur, cœlie narrant Voluntatem Dei[10].

Avec cette ligne distinctement tracée devant nous, et sachant bien ce que nous devons et ce que nous ne devons pas attendre des découvertes de la philosophie naturelle, nous poursuivrons hardiment nos travaux dans les champs féconds de la science, avec l’assurance d’y récolter une abondante moisson, dans laquelle brilleront des preuves sans nombre de l’existence du Créateur, de sa Sagesse, de sa Puissance et de sa Bonté.

« La philosophie, dit le professeur Babbage, s’est donné des droits à une vive reconnaissance de la part des moralistes. En leur dévoilant les merveilles vivantes qui se pressent autour de l’atome le plus délié avec autant de luxe que dans toute l’étendue des plus grandes masses actives de matière, elle leur a fourni d’irrésistibles preuves de l’existence d’un plan immense en étendue[11]. »

« Voyez seulement, dit lord Brougham, par quelles contemplations les plus sages des hommes couronnent leurs plus sublimes recherches. Où se repose Newton, après avoir soulevé les voiles les plus épais qui enveloppaient la nature, après avoir saisi et arrêté dans leur course les plus subtils et les plus rapides de ses élémens, après avoir parcouru les régions de l’espace sans fin, après avoir exploré les mondes au delà de la route que parcourt le soleil, après avoir annoncé ces lois qui maintiennent l’univers dans un ordre éternel ? Il s’arrête, comme par une inévitable nécessité, devant la contemplation de la grande Cause Première ; et il tire sa plus grande gloire d’en avoir démontré l’existence, et d’en avoir mieux fait comprendre aux hommes la haute Sagesse ainsi que les dispensations de sa puissance[12]

Si donc il est admis que c’est un haut privilège de notre seule nature humaine, et en même temps un emploi plein de piété de nos facultés les plus élevées, que d’embrasser dans notre pensée l’Immensité et l’Éternité, que de nous élever jusqu’à la contemplation des beautés merveilleuses qui ont été jetées à profusion dans le monde matériel ; que de lire le nom de l’auteur de l’univers là où il s’est plu lui-même à l’inscrire partout sous nos yeux, dans les œuvres de la création, il est évident que tout à côté de l’étude de ces mondes éloignés sur lesquels se porte l’observation de l’astronome, le plus vaste et le plus sublime sujet de recherches physiques qui puisse fixer l’attention de l’esprit humain, et celui qui de beaucoup nous importe le plus, à cause des liens étroits qui le rattachent à nos intérêts personnels, c’est sans contredit l’histoire de la formation et de la structure du globe que nous habitons, des nombreuses et étonnantes révolutions qui s’y sont accomplies, des changemens multipliés qu’a subis la vie organique à sa surface, et des modifications qui y ont été faites pour la mettre en état de recevoir ses habitans actuels, et pour y préparer la condition présente physique et morale de l’espèce humaine.

Ces recherches et d’autres de la même nature, lesquelles se rapprochent par leur étendue de l’étendue de la matière elle-même qui constitue notre globe, sont l’objet de la géologie étudiée avec conscience et avec sagesse, comme une branche légitime des sciences d’induction. L’histoire du règne minéral lui appartient en propre, et les deux autres grands règnes de la nature ont leurs fondemens chronologiques dans des âges dont les souvenirs, ensevelis dans les entrailles de la terre, n’ont été retrouvés que par les travaux des géologues, qui ont su déchiffrer dans les débris organisés fossiles qui nous sont restés des conditions anciennes de notre planète, des témoignages de la Sagesse à laquelle le monde doit son origine.

Nous ne pouvons donc trop le répéter : quand une science déroule sous nos yeux de si nombreuses preuves de l’existence et des attributs de la Divinité, il serait déraisonnable de voir en elle, dans ses rapports avec la religion, autre chose qu’un auxiliaire et une servante soumise. Sans doute il se trouvera encore quelques hommes qui, par crainte, par préjugé, ou parce qu’ils leur auront été présentés à temps inopportun, se refuseront même à en examiner les témoignages ; qui s’alarmeront de la nouveauté, ou qui se laisseront aller à la surprise, en voyant l’étendue et la profondeur des vues sur lesquelles la géologie enchaîne notre attention ; qui aimeraient à tenir fermé ce livre de témoignages scellé depuis tant de siècles au fond des couches qui composent l’enveloppe terrestre, plutôt que d’imposer à ceux qui étudient la théologie naturelle la nécessité d’en méditer les pages, nécessité qui semble préparer à celui qui débute une tâche hasardeuse et pénible, mais qui tient en réserve, pour qui s’y est une fois engagé, une occasion d’exercer les plus hautes facultés de l’esprit, tout à la fois rationnelle, pieuse et pleine de charmes intellectuels, en multipliant autour de lui les preuves de l’existence de Dieu, de ses attributs et de sa Providence[13].

Mais l’alarme qu’avait jetée la nouveauté des premières découvertes géologiques est maintenant à peu près dissipée ; et les hommes qui ont été assez heureux pour être les humbles instrumens de la promulgation de ces découvertes, et qui ont courageusement persévéré dans l’affirmation qu’une vérité ne pouvait être en opposition avec une autre vérité, et que les œuvres de Dieu, bien comprises et étudiées de leur véritable point de vue, ne pouvaient manquer de se trouver un jour en parfait accord avec sa parole, sont maintenant hautement récompensés par l’aspect des difficultés vaincues, des objections graduellement évanouies, et de la place accordée à la géologie parmi les témoins appelés à rendre hommage à la vérité des grandes doctrines fondamentales de la théologie[14].

L’ensemble de faits que nous venons de parcourir nous a montré dans l’histoire physique de notre globe, et là où beaucoup n’ont vu que désolation, confusion et désordre, des preuves en nombre infini d’économie, d’ordre et d’intelligence : toutes nos investigations dans les archives non écrites des temps écoulés ont eu pour résultat d’affermir notre croyance à l’existence d’un suprême Créateur de toutes choses, d’exalter notre conviction de l’immensité de ses Perfections, de sa Puissance, de sa Majesté, de sa Sagesse, de sa Bonté et de sa Providence conservatrice[15] ; et de pénétrer notre ame du sentiment profond de la « haute vénération que l’intelligence humaine doit avoir pour Dieu[16] ».

La terre, jusque du plus bas de ses fondemens, se joint aux chœurs des globes célestes qui roulent dans l’immensité de l’espace pour proclamer la gloire et chanter les louanges du Dieu qui les créa, du Dieu qui les conserve ; et la voix de la religion naturelle mêle ses harmonieux accords aux témoignages de la révélation, pour nous dire que l’univers a pris son origine dans la volonté d’une Intelligence unique, éternelle, et placée au dessus de toute intelligence, Seigneur tout-puissant et suprême Cause première de tout ce qui existe, — « le même hier, aujourd’hui et toujours p, — « avant que les montagnes eussent été faites, avant que la Terre eût été formée, et tout l’Univers, Dieu de toute éternité et dans tous les siècles[17]. »


  1. Paley. Nat. Theol. page 450. chap. On the Unity of the Deity.
  2. Buckland. Leçon inaugurale, 1819, p. 45.
  3. Comme les personnes peu familières avec les termes dont on se sert en physiologie pourraient se méprendre sur le sens du mot développement, il est bon que l’on sache que ce terme, suivant sa première signification, désigne les changemens organiques qui ont lieu chez tous les animaux et chez tous les végétaux depuis leur état embryonnaire jusqu’à ce qu’ils soient arrivés à leur maturité complète. Il s’applique encore, dans un sens plus étendu, à ces changemens progressifs qui se sont succédé dans les genres et dans les espèces fossiles, durant le dépôt des couches terrestres et pendant que le grand système de Création parcourait ses diverses phases. Lamarck l’a employé aussi pour l’expression de ses vues hypothétiques, d’après lesquelles les espèces actuelles dériveraient des espèces qui les ont précédées par des transmutations successives d’une forme d’organisation dans une autre forme, indépendamment de toute influence d’un Agent Créateur.

    Il est important que la distinction qui existe entre ces diverses significations soit bien établie, afin que l’emploi fréquent qui a lieu du mot développement dans les écrits des physiologistes modernes ne fasse pas faussement croire à l’admission de la doctrine de la Transmutation, doctrine à laquelle il a été associé par Lamarck.

  4. British critic, n° XVII, janvier 1831, p 194.
  5. Hitchcock, Geology of Massachusetts, p. 595.

    « Pourquoi hésiterions-nous à reconnaître à notre globe une existence aussi ancienne que le demandent les résultats des recherches de la géologie, puisque les livres sacrés ne nous indiquent nullement le temps de sa création première, et qu’en outre la vue d’une antiquité semblable ne peut qu’agrandir les idées que nous avons des opérations de la Divinité relativement à la durée, autant que le font les découvertes de l’astronomie relativement à l’espace ? Loin que la géologie nous mette en opposition avec les récits de Moïse, il me semble qu’elle nous fournit quelques unes des plus vastes conceptions des attributs et des plans de la Divinité, qui se rencontrent dans le cercle tout entier des connaissances humaines. » — Même ouvrage, 1835, p. 225.

  6. Discours d’ouverture du King’s collège à Londres, 1831, pages 19 et 11.
  7. Christian Virtuoso, 1690, p. 12.

    « La religion naturelle, dès qu’une fois elle a été saisie par l’esprit, constitue une sorte de fondement sur lequel doit s’édifier la religion révélée ; c’est comme une souche sur laquelle doivent être greffées les doctrines du christianisme. Aussi donc, bien que je reconnaisse assurément toute l’insuffisance de la religion naturelle, je la regarde néanmoins comme étant d’une très grande nécessité. Je croirais inutile de presser un incrédule d’argumens tirés de l’excellence de la doctrine chrétienne, qui prouve qu’elle est révélée de Dieu, ou des miracles qu’ont faits ses premiers apôtres pour en établir la vérité, si cet homme ne possédait pas déjà ces principes de la religion naturelle, qu’il existe un Dieu, et que ce Dieu récompensera dignement ceux qui le cherchent. » — Même ouvrage, deuxième partie, proposition première.

  8. Œuvres de Bacon, t. 4, p. 487.
  9. De augm. scient, livre IX, ch. I.
  10. Il n’est pas d’objection plus mal fondée, dit sir L. F. W. Herschel, que celle qui est faite in limine contre l’étude de la philosophie naturelle et même de toute science, par des hommes bien intentionnés peut-être, mais d’un esprit étroit. Il s’élève, prétendent-ils, dans l’esprit de ceux qui cultivent ces sciences une vanité mauvaise et présomptueuse qui les mène à douter de l’immortalité de l’ame, et à tourner en dérision la religion révélée. Loin de là, et nous pouvons l’affirmer avec confiance, la philosophie naturelle et l’étude des sciences produisent et doivent nécessairement produire sur tout esprit bien constitué l’effet précisément opposé. Sans doute la raison, quelle que soit l’étendue de ses attributions, doit s’arrêter court devant ces vérités qu’il est du privilège de la révélation de nous faire connaître ; mais, alors qu’elle place l’existence et les attributs de la Divinité sur un terrain tel qu’elle rend le doute absurde, et qu’elle couvre l’athéisme de ridicule, il est évident qu’elle n’oppose aucun obstacle naturel ou nécessaire à des progrès ultérieurs. Au contraire, en admettant comme principes vitaux une activité ardente dans les recherches, et une confiance sans bornes dans les résultats, elle met l’esprit à l’abri des préjugés de toute nature ; elle le tient ouvert à toutes les impressions les plus élevées qu’il soit susceptible de recevoir, le mettant seulement en garde contre l’enthousiasme et contre ses propres déceptions par l’habitude d’une investigation sévère ; et encourageant, loin de le tenir à l’écart, tout ce qui peut offrir une perspective, une espérance au delà de notre état actuel si obscur et si incomplet. Le caractère du véritable philosophe, c’est d’espérer tout ce qui n’est pas impossible, et de croire tout ce qui n’est pas contraire à la raison. » — Discours sur l’étude de la philosophie naturelle, p. 7.
  11. Babbage, On the Economy of Manufactures, 1re édit. p. 319.
  12. Lord Brougbam, Discours sur la théologie naturelle, 1re édition, page 194.
  13. « De même que l’étude du monde matériel ne nous instruit pas des vérités de la religion révélée, les vérités de la religion de leur côté ne nous font rien connaître des inductions de la science physique : il en résulte que les hommes qui se sont trop exclusivement adonnés à l’une ou à l’autre de ces deux branches de nos connaissances se trouvent souvent exposés à s’exagérer à eux-mêmes leur propre science, et à devenir ainsi des hommes à idées rétrécies. La bigoterie est un vice qui assiège notre nature : trop souvent elle va de compagnie avec le zèle religieux ; mais il est plus âpre encore et plus intraitable peut-être quand il coïncide avec l’esprit d’irréligion. Un philosophe tournera parfois en ridicule les travaux des hommes religieux, n’en ayant aucunement saisi l’esprit ; et il peut se faire que de son côté un homme qui se croira religieux prononce un jugement tout aussi plein d’amertume, et remercie Dieu de ne l’avoir pas fait ressembler aux philosophes, oubliant également que l’homme ne peut pas atteindre à des connaissances plus élevées que ne le lui permettent les facultés que la main du Créateur lui a départies, et que nous ne devons toutes nos connaissances naturelles qu’à un reflet de la volonté de Dieu. Des jugemens pleins de cette amertume ne sont pas seulement dépourvus de sens, ils sont coupables. La véritable sagesse consiste à voir que toutes les facultés de l’esprit et toutes les parties de nos connaissances marchent d’un commun accord vers un but unique, qui est de servir en même temps le bonheur de l’homme et la gloire du Créateur. » — Sedgwick, Discours sur les études de l’Université de Cambridge.
  14. Un des théologiens les plus distingués et les plus savans de notre époque, et qui avait, il y a vingt ans, consacré un chapitre de son ouvrage, On the évidence of the Christian revelation, à refuter ce qu’il appelait alors « le scepticisme des géologues », a commencé, dans un ouvrage récent sur la théologie naturelle, les considérations auxquelles il se livre relativement à l’origine du monde, par un chapitre qu’il a intitulé lui-même : « Des argumens que nous fournit la géologie en preuve de l’existence d’une Divinité. » — Chalmers, Natural Theology, t. 1, page 229, Glasgow, 1833.

    Voir, pour l’interprétation qu’a donnée le docteur Chalmers du premier verset de la Génèse et des suivans, l’Edinburgh Christian instructor, avril 1814.

  15. « Bien que je ne puisse pas, avec les yeux de la chair, apercevoir la Divinité invisible, je puis, dans toute la rigueur du mot, saisir et apercevoir des signes et des caractères, des effets et des résultats qui me suggèrent, qui m’indiquent, qui me démontrent l’existence d’un Dieu invisible. » — Berkley, Minute philosopher, dialogue 4. c. S.
  16. Boyle.
  17. Priusquam montes fierent, aut formaretur terra et orbis : a sæculo et usque in sæculum, tu es Deus. — Ps. 89, v. 2. — Traduction de De Sacy.