La Guerre de 1870/10

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Traduction par Ernest Jaeglé.
Librairie H. Le Soudier (p. 84-96).


L’ARMÉE DE CHALONS


Dans l’intervalle il s’était formé à Châlons une armée française forte de 166 bataillons, 100 escadrons, 380 bouches à feu, répartis sur les 1er, 5e, 7e et 12e corps. Pour ce dernier, la division placée en observation sur la frontière d’Espagne avait servi de noyau ; on le compléta avec quatre régiments d’infanterie de marine, des troupes d’élite. Cette armée comprenait en outre deux divisions de cavalerie. Il y avait, de plus, à Châlons 18 bataillons de gardes mobiles ; mais le général Trochu, qui venait d’être nommé au poste de gouverneur de Paris, dut les ramener dans cette ville : ils avaient donné de telles preuves d’indiscipline qu’on ne pouvait guère songer à les mener à l’ennemi.

L’empereur était arrivé à Châlons, et avait remis au maréchal de Mac-Mahon le commandement supérieur de l’armée qu’on venait de former. Au quartier général français, on devait supposer que le maréchal Bazaine opérait sa retraite après avoir quitté Metz.. En portant l’armée de Châlons jusqu’aux environs de Verdun, on pouvait en peu de jours réunir les deux armées et constituer de la sorte une masse capable de tenir tête à l’ennemi jusqu’alors victorieux. Mais, d’autre part, le maréchal de Mac-Mahon avait à se préoccuper de la défense de Paris, et l’apparition de l’armée du prince royal de Prusse sur la Meuse constituait tout autant une menace pour la capitale que pour son aile droite à lui.

Avant de pouvoir se décider pour la marche en avant ou la retraite sur Paris, il fallait être fixé sur la direction qu’aurait prise le maréchal Bazaine.

Le 18, arriva un rapport émanant de lui, et portant que, dans une bataille livrée à Rezonville, il s’était maintenu dans ses positions, mais qu’avant de faire marcher ses troupes, il fallait les pourvoir de munitions et de vivres. Dès lors, il n’y avait que trop lieu de craindre que, d’ores et déjà, les communications avec l’armée du Rhin ne fussent menacées, et le maréchal de Mac-Mahon résolut de mar cher sur Reims, d’où il pourrait, après avoir fait un détour de peu d’importance, soit atteindre Paris, soit se porter au-devant de l’armée de Metz.

Mais quand il apprit que l’armée du prince royal de Prusse n’avait pas du tout été appelée à Metz, et que la cavalerie prussienne s’était montrée à Vitry, le maréchal ne se fit plus d’illusions sur le danger qu’il y aurait à tenter la jonction ; se rendant nettement compte de la situation, il refusa formellement d’obtempérer à l’ordre émanant de l’impératrice et du conseil des ministres, d’entreprendre la marche au nord-est, et déclara qu’il marcherait sur Paris. Là, il pourrait risquer une bataille, avec des chances de succès, vu que, même si l’issue de la bataille n’était pas favorable, les ouvrages de la place couvriraient sa retraite et le mettraient à l’abri de toute poursuite.

De nouvelles communications envoyées de Metz ne permettaient pas de voir clair dans la situation. Le 18 aussi, l’armée française « s’était maintenue dans ses positions ) ; l’aile droite seule avait fait un changement de front. « Les troupes avaient besoin de deux à trois jours de repos ", mais le maréchal « comptait encore se retirer dans la direction du nord », afin de se frayer un chemin par Montmédy et Sainte-Menehould jusqu’à Châlons, si ce chemin n’était pas trop fortement occupé par l’ennemi. Si cela était, il se dirigerait sur Sedan, et passerait même par. Mézières pour atteindre ChAlons.

Il était permis d’admettre qu’à ce moment-là, l’armée de Metz exécutait déjà ce mouvement, et dès lors le maréchal de Mac-Mahon résolut qu’en aucun cas il n’abandonnerait son compagnon d’armes. En conséquence, il se mit en marche, le 23 août, non pas sur Paris, mais bien dans la direction de Stenay. Il avait formé cette résolution si soudainement, qu’aucune disposition, en vue de l’exécution, n’avait pu être prise. Le premier jour, les troupes arrivèrent fort tard dans la soirée, par une pluie battante, sur la Suippe. Les choses les plus indispensables faisaient défaut, et deux corps d’armée n’eurent pas de vivres du tout. Le maréchal se vit donc forcé d’amener l’armée plus au nord, à Rethel, où se trouvaient d’énormes magasins remplis de vivres, et où la voie ferrée facilitait le ravitaillement. La troisième journée de marche ne fit faire à l’armée que peu de progrès dans la direction de l’est. L’aile gauche resta à Rethel, tandis que l’aile droite atteignait la Meuse à Vouziers. Le 26 août, le gros des forces se trouvait encore entre Attigny et le Chêne sur le canal des Ardennes, le 7" corps et un régiment de hussards ayant pour mission de couvrir le flanc droit en avant de Vouziers.

Tandis que l’armée française, décrivant de la sorte un grand arc de cercle, marchait à l’est, l’armée allemande, parlant au même moment, s’était portée droit à l’ouest.

Conformément aux dispositions arrêtées par le grand quartier général, à Pont-à-Mousson, la marche en avant contre l’ennemi qu’on supposait être aux environs de ChâIons devait se faire de façon que, à gauche de l’armée de la Meuse, la troisième armée eû.t une avance d’une étape afin qu’on pût attaquer l’ennemi, partout où il tiendrait tête, simultanément de front et dans son flanc droit et le refouler au nord de Paris. Tout en avançant, les deux armées devaient se rapprocher davantage et avoir atteint àla date du 26 août la ligne Sainte-Menehould-Vitry.

Pendant la première journée de marche les deux armées s’étendaient encore sur un front de 90 kilomètres ; le soir elles atteignirent la Meuse ; le lendemain, c’est-à-dire le 24, On tenta d’enlever en passant cette dernière place, ainsi que Toul, mais pour les deux places l’entreprise échoua. Ce jour-là déjà, la4" division de cavalerie, qui avait poussé fort loin en avant, envoya des nouvelles importantes. Les dragons de la Prusse Rhénane avaient trouvé Châlons et le camp de Mourmelon évacués par l’ennemi et, dans ce dernier, quoiqu’on eût détruit des approvisionnements, ils avaient encore fait un riche butin. On avait intercepté deux lettres : l’une, émanant d’un officier, portait que les Français allaient débloquer Metz ; l’autre disait que le maréchal de Mac-Mahon était à Reims avec 150000 hommes et qu’il s’y fortifiait, nouvelle que vinrent confirmer les journaux de Paris.

Le :25, l’armée de la Meuse était postée de Sommeille à Dombasle, tandis que les têtes de colonnes de la troisième armée avaient commencé la marche indiquée pour le lendemain seulement, par la route de Sainte-Menehould àVitry. Cette dernière localité, une petite place forte, se rendit à la 4" division de cavalerie, après que dans la matinée un bataillon de gardes mobiles eut quitté la ville.

f_tant en marche sur Sainte-Menehould, afin d’être transporté de là à Paris par le chemin de fer, ce bataillon tomba entre les mains de la 6" division de cavalerie qui s’était portée à Dampierre. Les 1000 hommes qui le composaient furent emmenés en captivité.

. La 5" division de cavalerie atteignit Sainte-Menehould, la 12" la suivit, sur la même route, jusqu’à Clermont ; elle envoya des patrouilles qui poussèrent jusqu’à Varennes, distant de 15 kilomètres seulement des postes français établis à Grand-Pré, sans s’apercevoir pourtant de la présence de l’armée française. Le service de reconnaissance sur une grande étendue, à droite de l’armée, était entravé par l’obstacle que constitue la forêt de l’Argonne que la cavalerie avait peine à franchir sans le concours de l’infanterie. Les habitants commençaient à se montrer extrêmement hostiles. Le gouvernement leur avait fait distribuer des fusils et avait organisé le soulèvement en masse de la population. Jusqu’alors les Allemands n’avaient fait la guerre qu’à l’empereur ; à partir de ce moment ils se virent contraints de Itourner les armes contre la population française ; des corps de francs-tireurs organisaient de petites entreprises qui les gênaient fort, tout en ne dérangeant pas le cours des grandes opérations. Mai& forcément les soldats allemands, ne se sentant plus en sûreté ni de jour ni de nuit, s’irritaient ; la guerre prit un caractère de gravité qu’elle n’avait pas eu encore et le pays en souffrit davantag-e.

Ce jour-là, le grand quartier général, à Bar-le-Duc, reçut une dépêche envoyée de Paris par Londres, disant que Mac-Mahon était à Reims et cherchait à rejoindre Bazaine. C’est toujours chose scabreuse d’abandonner, sans qu’il

y ait nécessité absolue, un plan mûrement pesé, auquel on s’est arrêté, pour en adopter un autre nouveau et dont on n’a pas eu le temps de préparer l’exécution.

Changer complètement la direction de marche sur de simples bruits et des nouvelles qui peut-être seraient controuvées, c’eüt été l,à une mesure que rien ne justifiait. Il en serait forcément résulté bien des difficultés, les dispositions prises pour le ravitaillement et renvoi des réserves se trouveraient dérangées ; les troupes se voyant condamnées à des marches inutiles eussent pu avoir moins de confiance dans les hommes placés à la tête de l’armée.

En conséquence, les ordres pour le lendemain, qui fu rent donnés à 1 0 heures du matin, indiquaient pour les deux armées un changement de direction peu sensible : au lieu de marcher sur Châlons, on marcherait sur Reims..Quant à la cavalerie de l’aile droite, on lui enjoignit catégoriquement de pousser jusqu’à Buzancy et Vouziers ; de cette façon on serait immédiatement et nettement fixé sur la situation.

À la guerre il faut bien souvent établir ses combinaisons sur des probabilités et la plupart du temps la probabilité la plus vraisemblable est que de toutes les mesures l’ennemi prendra la seule juste. Or on ne pouvait guère admettre que la mesure qu’adopteraient les Français serait de découvrir Paris et de marcher sur Metz en longeant la frontière belge. Cette détermination paraissait étrange, voire même aventureuse, et pourtant il était possible qu’on la prit. Aussi le chef du grand état-major élabora-t-il, à midi, pour parer à toutes les éventualités, un tableau de marche, d’après lequel les trois corps de l’armée de la Meuse et les deux corps bavarois qui se trouvaient le plus près d’elle pussent être concentrés en trois jours de marches peu considérables, aux envirôns de Damvillers, sur la rive droite de la Meuse.

En attirant à soi les deux corps tenus en réserve près de Metz on pouvait accepter la bataille, dans ces parages, avec 150000 hommes, ou forcer l’ennemi à l’accepter, en se portant en avant sur Longuyon. Mêrr,lü sans _e concours de cette réserve, on pouvait espérer qu’on arrêterait sa marche de ce côté-ci de la Meuse déjà et que d’autres corps encore de la troisième armée pourraient joindre les deux bavarois.

Ce tableau de marche allait bien vite être mis à exécution. Dans le courant de l’après-midi déjà, de nouveaux ren seignements parvinrent à l’état-major. Les journaux divulguaient le grand secret, ils communiquaient des discours fort violents tenus à l’Assemblée nationale[1] ; un orateur entre autres disait que « le général qui abandonnerait son frère d’armes serait maudit de la patrie ». On déclarait que ce serait une honte pour la nation française de laisser sans secours le vaillant Bazaine et, étant donné le pouvoir qu’exercent les belles phrases en France, on pouvait fort bien admettre que les considératiom politiques primeraient les militaires. Un télégramme expédié de Londres au grand quartier général donnait cette phrase du Temps : « Mac-Mahon a pris la résolution soudaine de courir au secours de Bazaine, quoique, en renonçant à marcher sur Paris, il compromette la sécurité de la France. »

Dans la soirée encore le roi donna son approbation à la conversion à droite et, dans la nuit, les ordres y ayant trait furent directement expédiés aux généraux conmandant les corps d’armée.

Le 26, le roi transféra son quartier général à Clermont. De grand matin, le, prince royal de Saxe s’était mis en marche avec le XIIe corps sur Varennes, tandis qu’il faisait avancer la garde sur Dombasle et le IVe corps sur Fleury. La cavalerie, qni reconnaissait le terrain en différents sens, trouva les bords de la Suippe abandonnés par l’ennemi ; elle constata qu’il n’avait pas encore paru sur la Meuse, que par contre Buzancy et Grand-Pré étaient occupés, et elle découvrit surtout un camp considérable de troupes du 7e corps sur la hauteur de Vouziers. L’apparition de quelques pointes d’avant-gardes envoyées en reconnaissance causa dans ce camp un désarroi inexplicable. Le général Douay recevait à Vouziers des rapports où tout était étrangement exagéré, il dut croire qu’une attaque générale était imminente ; le 7" corps resta sous les armes toute la nuit, parunè pluie battante, et le maréchal résolut de se porter le lendemain avec toutes ses forces sur Vouziers et Buzancy. De la sorte sa marche vers l’est eût pris fin dès le 27 ; mais on s’aperçut à temps que les renseignements parvenus à l’état-major français étaient inexacts.

Le grand quartier général allemand avait certes le plus grand intérêt à être fixé sur les mouvements de l’adversaire, mais rétat-major français devait tenir plus encore à être exactement renseigné. Si on avait su convenablement employer la cavalerie sur le flanc droit, une surprise comme celle dont nous venons de parler n’eftt pas été possible ; mais la {re division de cavalerie française marchait en avant de l’aile gauche nullement compromise et la 2" à la queue.

Il semblerait qu’on se préoccupât moins, à l’armée française, de repousser une attaque que d’atteindre, en évitant une rencontre et sans être aperçu, Montmédy, point où devait avoir lieu la jonction projetée.

Mais quand on ne put plus mettre en doute l’arrivée de l’ennemi par le sud, le mieux eftt certes été de prendre vigoureusement l’offensive dans cette direction, afin de le battre ou pour le moins de le refouler loin de la ligne de marche. Si on n’y réussissait pas, on se serait au moins rendu compte que la marche vers l’est n’était pas praticable et que forcémtmt il en résulterait une catastrophe.

Il est juste de dire que la cavalerie allemande formait autour de l’armée un voile presque impénétrable. Le maréchal ne pouvait savoir que son adversaire, échelonné encore sur une étendue de 60 kilomètres, de Varennes à Vitry, n’était nullement en mesure de l’attaquer sérieusement quant à présent.


27 aoüt. – Après qu’il se fut rendu compte que les nouvelles, à lui transmises, étaient fausses, le maréchal continua, le 27, sa marche, au moins avec une partie de l’armée. Les 7e et 5e corps la couvraient à Vouziers et à Buzancy, le 12e se porta en avant vers le Chêne, la pe division de cavalerie vers Beaumont, sans doute pour tâcher de savoir si le maréchal Bazaine arrivait. Le 1 er corps et la 2e division de cavalerie étaient restés sur l’Aisne.

Celui des corps allemands qui tenait la tête, le corps saxon, avait reçu, directement du grand état-major, l’ordre d’occuper, sur la rive droite de la Meuse, les points de passage jusqu’à Stenay. Dès 3 heures du soir, le corps arrivait dans cette dernière localité, et plaçait un poste avancésur la rive gauche.

La cavalerie se tenait dans le voisinage immédiat de l’ennemi, et suivait tous ses mouvements, tout en engageant avec lui des escarmouches. C’est ainsi qu’on reconnut que le 5e corps français quittait Buzancy pour se porter sur le Chêne ; c’est également la cavalerie qui constata que les escadrons de la 1 re division française marchaient sur Beaumont ; le soir même, la division de cavalerie saxonne fut portée en avant jusqu’à Nouart. Les corps bavarois atteignirent la route de Clermont à Verdun, le Ve SainteMenehould, les autres corps de la troisième armée suivaient à marches forcées dans la direction du nord.

Dès ce moment, on pouvait espérer avec quelque certitude parvenir à atteindre l’ennemi sur la rive gauche de la Meuse. On prévint l’armée d’investissement, devant Metz, qu’elle n’avait plus besoin de faire marcher à l’ouest deux de ses corps ; mais ils s’étaient déjà mis en marche.

Les dernières dispositions prises par le maréchal de Mac-Mahon accusent avec une netteté suffisante son dessein de tenter un dernier effort pour pousser plus loin dans la direction de Metz. Il s’était échelonné sur la route la plus septentrionale qui pouvait l’y mener, tout en laissant sur l’Aisne une forte réserve, comme soutien. Quand il fut informé que pas un homme de l’armée du Rhin ne se montrait à Montmédy, qu’au contraire celle-ci était encore àMetz, il résolut de battre en retraite, donna les ordres voulus pour que le mouvement commençât le lendemain dans la matinée, et annonça la chose à Paris.

Dans la nuit même, on lui répondit en lui faisant les objections les plus pressantes : « Si vous abandonnez Bazaine, lui télégraphiait le ministre de la guerre, la révolution éclatera à Paris », et le conseil des ministres exigea formellement qu’il débloquât Metz. On lui disait que les troupes qu’il avait en face de lui n’étaient qu’une partie de l’armée d’investissement, qu’il avait sur le prince royal de Prusse une avance de plusieurs jours, et que, pour protéger Paris, le général Vinoy s’était porté à Reims avec le 13" corps, nouvellement formé.

Le maréchal, en dépit de ce que lui disait son expérience, se soumit et modifia ses ordres. Mais les troupes s’étant mises en marche de fort bonne heure, les colonnes, quand elles durent marcher dans une autre direction, s’entre-croisèrent, et par de mauvais chemins, trempées et harassées, les troupes arrivèrent, découragées, fort tard dans la soirée, de nuit même, dans leurs cantonnements.


28 août. – Elles n’avaient guère franchi plus de 15 ki lomètresdans 111 direction de l’est. Le 12e corps atteignit la Besace, le 1 er suivit vers le Chêne, le 7e fil halte à Boult–,

aux-Bois parce qu’il reçut la nouvelle erronée que, en avant de lui, deux corps prussiens avaient occupé Buzancy. À cette nouvelle, le 5e s’était déployé en dehors de cette dernière localité, à Bar ; mais, dans le courant de l’aprèsmidi, il se remit en marche sur Bois-des-Dames.D’ailleurs, rien ne venait entraver les mouvements. On avait expressément recommandé à la cavalerie allemande d’observer, l’ennemi de très près, mais de ne pas entraver sa marche ni de le harceler : aussi la cavalerie saxonne évacua-t-elle Nouart à l’approche des Français. C’est que tous les corps de la troisième armée n’étaient pas arrivés ; celui qui était le plus écarté, le VIe, venait seulement d’atteindre SainteMenehould.


29 aoftt. -.Pour ce jour-là aussi on prescrivit de ne rien entreprendre qui pût directement provoquer l’ennemi. On résolut d’attendre au 30 pour engager la lutte décisive. Le maréchal de Mac-Mahon, dont le quartier général se trouvait à Stonne, avait été informé que l’ennemi avait occupé Dun et que le pont sur la Meuse était détruit.

N’ayant pas d’équipages de pont, il ne pouvait franchir la rivière que plus en aval, à Mouzon et il Villers. Son 12e corps et la 1 re division de cavalerie y passèrent en effet la Meuse sans qu’on les dérangeât, le 1 er corps et la 2e division de cavalerie se portèrent à Raucourt. Le 7e corps, sur le flanc droit duquel il y eut des engagements sans importance, n’arriva pas à la Besace où il devait coucher ; il’ bivouaqua à Oches..Le 5e corps devait se replier sur Beaumont, mais l’officier d’état-major, porteur de cet ordre, tomba avec son escorte entre les mains de la cava lerie prussienne. Le général de Failly, se conformant aux

. ordres qui lui avaient été donnés antérieurement, marcha sur Stenay.

Jusqu’alors le corps saxon seul, en dehors de la cavalerie, avait eu le contact avec l’ennemi ; le corps de la garde vint se poster à sa hauteur en s’avançant jusqu’à Buzancy ; le premier des deux repassa à Dun sur la rive gauche de la Meuse. Son avant-garde occupa la hauteur boisée s’avançant en saillie au nord-est de Nouait et pénètra jusque vers Champ y où l’ennemi déploya des masses considérables, toute la division de Lespart. On avait atteint le but qu’on se proposait en faisant cette reconnaissance, et l’avant-garde reçut l’ordre de rebrousser chemin. En même temps les Français se retiraient au nord, conformément aux ordres réitérés du maréchal.

Du côté des Allemands, quatre des corps de la troisième armée ne se trouvaient plus qu’à la distance de 15 kilomètres en arrière de l’armée de la Meuse. La 5" division de cavalerie était à Attigny, sur la ligne de communication de l’ennemi ; la 6" harcelait la queue de ses colonnes de marche et avait, entre autres, fait enlever Voncq par des cavaliers ayant mis pied à terre. Le grand quartier général avait été porté en avant, à Grand-Pré, et ; sUI ; la foi de tous les rapports qui y parvinrent, il fut décidé qu’on attaquerait l’ennemi le lendemain, avant qu’il pût franchir la Meuse. L’armée de la Meuse s’avancerait sur Beaumont, la troisième entre Beaumont et le Chêne. Afm que toutes deux fussent à la même hauteur, l’aile droite ne devait commencer son mouvement qu’à 10 heures, tandis que la gauche avait ordre de se mettre en marche avant 6 heures. En fait de train, on ne devait emmener que ce qui était indispensable pour l’engagement.

  1. L’auteur veut sans doute parler du Corps législatif. (N. d. T.)