La Lanterne magique/107

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Petites Études : La Lanterne magique
G. Charpentier, éditeur (p. 164-165).
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Neuvième douzaine

CVII. — AMICUS PLATO

À demi couchée sur les blancs coussins de soie à fleurs d’or piqués de points d’un vert tendre, Célestine Oddo ressemble bien plus à une déesse qu’à une femme ; car malgré ses belles chairs, sa pâleur lui donne l’air immatériel, et plutôt que d’avoir été achetées chez une couturière, ses molles et flottantes robes lamées d’argent paraissent avoir été tissées diligemment dans quelque paradis.

— « Vous voilà, dit-elle à Henri Spever, qui entre timidement dans le petit salon obscur ; c’est donc que vous acceptez mes conditions, et comme j’en suis touchée et vraiment fière ! Ah ! cher, quel bonheur en effet de s’aimer dans la silencieuse union des âmes, de penser que pour exprimer les extases qui nous enveloppent la musique même est un langage trop grossier, et de savourer avec leurs délices infinis des voluptés exemptes de souillures ! Oui, nous goûterons l’ineffable plaisir de nous adorer, et de savoir que nous ne le disons pas…

— Oui, répond Henri, nous nous aimerons à votre mode ! » Et, tirant de l’enveloppe de soie dans laquelle il l’a apporté, un accessoire de théâtre colorié de tons crus, jaunes et rouges, un superbe gigot en carton, il ajoute d’un ton élégiaque :

— « Et puis ensuite, si nous avons faim, nous mangerons ça ! »