La Maison de granit/2/Tu ne sauras jamais

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Plon-Nourrit (p. 86-87).


TU NE SAURAS JAMAIS


 
Tu ne sauras jamais que j’ai subi pour toi
La mort de mes jeunes années,
Lorsque les vierges vont, comme au-devant d’un roi,
De leur jeunesse couronnées.

Tu ne sauras jamais pourquoi ma vie en fleur
S’est résignée au sacrifice !
Tu ne sauras jamais sous quel mortel supplice,
J’ai dû renoncer au bonheur !


Ah ! je t’avais voué mes jours et tout mon être :
Je ne pouvais plus t’oublier,
Alors que tu passais sans me voir, sans connaître
Le mal qui me faisait ployer.

Tu ne sauras jamais quelle lente détresse
A consumé mes jours perdus,
Quand mon âme, fermée à toute autre tendresse,
Brûlait de désirs éperdus.

Tu ne sauras jamais pourquoi ma joue est pâle,
Pourquoi mon regard s’est voilé,
Pourquoi mon cœur est mort sous cette lourde dalle
Où ton oubli cruel pour toujours l’a scellé.