La Nouvelle Journée/IV, 2

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Paul Ollendorff (Tome 3p. 259-261).
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Quatrième Partie — 2


Sa création musicale avait pris des formes plus sereines. Ce n’étaient plus les orages du printemps, qui naguère s’amassaient, éclataient, disparaissaient soudain. C’étaient les blancs nuages de l’été, montagnes de neige et d’or, grands oiseaux de lumière, qui planent avec lenteur et remplissent le ciel… Créer. Moissons qui mûrissent, au soleil calme d’août…

D’abord, une torpeur vague et puissante, l’obscure joie de la grappe pleine, de l’épi gonflé, de la femme enceinte qui couve son fruit mûr. Un bourdonnement d’orgue ; la ruche où les abeilles chantent, au fond du panier… De cette musique sombre et dorée, comme un rayon de miel d’automne, peu à peu se détache le rythme qui la mène ; la ronde des planètes se dessine ; elle tourne…

Alors, la volonté paraît. Elle saute sur la croupe du rêve hennissant qui passe, et le serre entre ses genoux. L’esprit reconnaît les lois du rythme qui l’entraîne ; il dompte les forces déréglées, et leur fixe la voie et le but où il va. La symphonie de la raison et de l’instinct s’organise. L’ombre s’éclaire. Sur le long ruban de route qui se déroule, se marquent par étapes des foyers lumineux, qui seront à leur tour dans l’œuvre en création les noyaux de petits mondes planétaires enchaînés à l’enceinte de leur système solaire…

Les grandes lignes du tableau sont désormais arrêtées. À présent son visage surgit de l’aube incertaine. Tout se précise : l’harmonie des couleurs et le trait des figures. Pour mener l’œuvre à son achèvement, toutes les ressources de l’être sont mises à réquisition. La cassolette de mémoire est ouverte, et ses parfums s’exhalent. L’esprit déchaîne les sens ; il les laisse délirer, et se tait ; mais, tapi à côté, il les guette et il choisit sa proie…

Tout est prêt ; l’équipe de manœuvres exécute, avec les matériaux ravis aux sens, l’œuvre dessinée par l’esprit. Il faut au grand architecte de bons ouvriers qui sachent leur métier et ne ménagent point leurs forces. La cathédrale s’achève.

« Et Dieu contemple son œuvre. Et Il voit qu’elle n’est pas bonne encore. »

L’œil du maître embrasse l’ensemble de sa création ; et sa main parfait l’harmonie…


Le rêve est accompli. Te Deum

Les blancs nuages de l’été, grands oiseaux de lumière, planent avec lenteur ; et le ciel est couvert de leurs ailes éployées.