La Psychologie des romanciers russes du XIXe siècle/VIII/1

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VIII

KOROLENKO


I. — Romancier-poète qui n’élève aucune barrière entre l’art et la vie. — Enfance et jeunesse. — L’Institut technologique et l’Académie agronomique. — Korolenko correcteur d’imprimerie. — Bourse d’études. — Exil à Vologda. — Déportation en Sibérie. — « Vous êtes politiquement suspect. » — Refus de prêter serment à Alexandre III. — Débuts littéraires. — Rousskoïé Bogatstvo. — Korolenko et l’Académie des Sciences de Saint-Pétersbourg. — Korolenko et les massacres de Kichinev.

II. — L’œuvre de Korolenko. — Peintures de la Petite-Russie et de la Sibérie. — L’évadé de Sakhaline. — Le forçat Bouran. — Vassily. — L’idée de liberté dans Nuit de Pâques. — L’idée de justice dans Le rêve de Makar. — La psychologie du Musicien aveugle. — Objections au point de vue de l’évolution psycho-physiologique d’un aveugle. — L’aveugle et le sourd-muet. — L’audition colorée. — Impression musicale du Musicien aveugle. — Korolenko et Beethoven. — L’art de Korolenko.


Aucun romancier russe, dans le dernier quart du xixe siècle, n’a été plus poète dans toute l’étendue du terme que Korolenko. Il n’a besoin ni de rimes ni de superbes décors, il ne va pas chercher au loin des montagnes altières et des lacs azurés, le moindre coin de campagne de la Petite-Russie ou de la Sibérie lui suffit pour enchanter le lecteur. Il est romancier-poète autant par l’idée-maîtresse de son œuvre — la bonté — que par la forme dans laquelle elle s’exprime. Korolenko est un poète rêveur qui n’élève aucune barrière entre le rêve et l’action, il est assez maître de son imagination pour ne pas lui donner une suprématie sur la vie. C’est un poète qui boit aux sources de l’art pur, mais qui n’oublie pas de communier avec la vie réelle.

I


Vladimir Korolenko est né en 1853 à Jitomir, dans le gouvernement de Volhynie. Sa mère était polonaise. Son père, descendant des Cosaques du Don, laissa, en mourant, à sa veuve et à ses cinq enfants la réputation d’un magistrat d’une probité exemplaire. Resté orphelin de très bonne heure, le jeune Korolenko connut une enfance précaire. À dix-sept ans, il entra à l’Institut technologique de Pétersbourg qu’il quitta en 1874 pour l’Académie agronomique de Moscou. Pour vivre et faire vivre les siens, il se fit correcteur d’imprimerie. Grâce à ses brillantes études, il obtint une bourse qui lui assura deux années de tranquillité, mais en 1876 Korolenko fut exilé administrativement à Vologda pour avoir pris part à des manifestations universitaires. Il n’y resta que peu de temps. On lui permit de retourner près de sa famille, à Cronstadt, sous la surveillance de la police. Quelque temps après, sans aucune raison plausible, Korolenko fut déporté comme suspect en Sibérie, toujours administrativement, c’est-à-dire sans aucun jugement, sans enquête, sans interrogatoire. Ses frères, son beau-frère furent, à leur tour, déportés, tous de différents côtés. À toutes les demandes de Korolenko, verbales et écrites : « Pourquoi m’a-t-on déporté ? » il reçut toujours la même réponse : « Vous êtes politiquement suspect. » L’exil dura six ans (1879-1885). On le relégua d’abord à Viatka, puis à Glazov, ensuite à Glouchia-LiesnyaPage:Ossip-Lourié - La Psychologie des romanciers russes du XIXe siècle.djvu/367 Page:Ossip-Lourié - La Psychologie des romanciers russes du XIXe siècle.djvu/368 Page:Ossip-Lourié - La Psychologie des romanciers russes du XIXe siècle.djvu/369 Page:Ossip-Lourié - La Psychologie des romanciers russes du XIXe siècle.djvu/370