La conquête du paradis/XXXIII

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Armand Collin (p. 425-437).

XXXIII

DJENAT NICHAM

Tous les rites étaient accomplis : prières, jeûnes, purifications, et Ourvaci achevait la veillée suprême.

Laissant ses femmes éplorées, elle avait gagné une haute terrasse, et, d’un regard morne et fixe, contemplait la nuit mourante, ensanglantée sous les coups de l’aurore. À l’occident, la lune pâle touchait l’horizon, et la reine croyait voir un visage attristé, la regardant avec compassion, lui faisant signe, l’attirant vers le gouffre bleu où il allait s’abîmer.

Le jour parut, le dernier que dussent refléter ses yeux ; et le concert des oiseaux commença, aussi joyeux que de coutume ; les colombes familières s’abattirent sur la corniche de grès rose, mais la reine ne les vit pas. Une ombre couvrait encore le palais qu’avait habité l’ambassadeur et, avidement, elle regardait dans cette ombre, voulant découvrir une forme, accoudée sur la balustrade d’une terrasse, à cette place même où elle avait vu l’envoyé du roi, quand le soir de son arrivée elle versa, en son honneur, la libation destinée au soleil.

Le soleil se vengea maintenant de l’impiété, en dissipant l’illusion sous un flot de lumière.

Ourvaci cacha ses yeux sous sa main, pour mieux voir sa rêverie.

— Hélas ! se peut-il vraiment qu’il ne m’aime plus ! se disait-elle. Cet amour que l’éternité semblait ne pas devoir épuiser, a donc tari subitement ? Ah ! pourtant, il me semble toujours sentir, à travers l’espace, les effluves brûlants de son cœur répondre aux élans du mien. Peut-être il souffre comme moi, captif de sa volonté orgueilleuse ; peut-être il m’aime encore ! Ah ! non ! non ! que cette pensée ne vienne pas effleurer mon esprit ! Comment pourrais-je mourir si je croyais n’avoir pas tout perdu ? Non, non ! j’ai mérité mon sort : mes premiers crimes ont rendu évident celui que je n’ai pas commis, et le bien-aimé a violemment arraché son amour, en se déchirant le cœur sans doute, mais il l’a arraché, jeté loin de lui avec mépris. C’est bien fini, il s’est enfin lassé de pardonner ; la gloire était au héros plus chère que l’amour. C’est bien cruellement qu’il s’est vengé des souffrances que lui a fait endurer ma folie d’autrefois : quand ma vie tout entière était suspendue à la sienne, il a cru à ma haine, et il m’a repris son amour pour le donner à une autre. C’est cela surtout qui est intolérable. Pour une autre, maintenant, s’ouvriront les fleurs de ses prunelles ; ce regard dominateur et tendre caressera la beauté d’une autre ! Et c’est à elle que ces lèvres délicieuses souriront. Quoi ! ces lèvres, dont le baiser m’a ravi l’âme et pénétrée d’une ivresse qui ne s’est plus dissipée, effaceront sous d’autres baisers le souvenir du mien ! Ah ! mort ! viens vite étouffer cette pensée atroce, viens me délivrer d’une torture trop lourde pour ma faiblesse !

Des sons lugubres se firent entendre du côté de la grande pagode, et roulèrent sur la ville éveillée ; les timbales et les cloches alternant, frappées dans le rythme funèbre, annonçaient le sacrifice, le royal holocauste offert aux dieux.

— Voilà ma délivrance qui sonne, dit-elle, on m’attend ; je suis prête.

Elle jeta un dernier regard au-dessous d’elle ; elle aperçut une foule silencieuse, coulant comme des ruisseaux dans les rues, et se dirigeant du côté de la nécropole. C’était le peuple, consterné, qui s’en allait voir mourir sa reine, sa déesse bienfaisante. Les femmes pleuraient en se cachant le visage dans leurs voiles noirs, les hommes avaient les cheveux couverts de cendres, et quelques-uns portaient des instruments de musique, brisés, en signe de deuil.

— Pauvre et cher peuple ! murmura la reine en baissant la tête, mon successeur ne saura certes pas t’aimer comme je t’aimais ! Pardonne-moi de t’abandonner ainsi, aie compassion de la lâcheté d’une femme qui ne peut se résoudre à vivre dans la souffrance. J’avais cependant espéré pour toi une belle destinée, je voulais te donner pour roi un héros puissant et bon qui t’aurait fortifié et défendu ; mais il s’est détourné de moi, il a retiré le bras dont il m’étreignait si tendrement en m’emportant en plein ciel, et il me laisse retomber du haut de mon rêve, dans les flammes du bûcher.

Elle regarda encore les arbres, les parterres, les édifices de ce palais où s’était écoulée sa vie, mais avec indifférence.

— Ce que je regrette n’est pas ici, dit-elle.

Elle redescendit et se livra à ses femmes, qui la parèrent pour le sacrifice. Toutes pleuraient, et accomplissaient leur œuvre avec des mains tremblantes ; les larmes roulaient sur les pierreries, dans les plis brillants des suaves étoffes. Mangala se cachait le visage, et ses sanglots, peu sincères, faisaient sourire la reine.

— Lila ! ou donc est Lila ? s’écria-t-elle, en cherchant des yeux autour d’elle l’amie absente.

— La princesse ne pourra te survivre, dit une des femmes, on la dit mourante. L’illustre Abou-al-Hassan est auprès d’elle et il a interdit les abords de son palais.

— Chère Lila ! le temps me manque pour aller te dire un dernier adieu, toi qui m’aimais assez pour être heureuse d’un bonheur qui brisait le tien ! toi qui as souffert de mes peines autant que moi-même, et vas peut-être mourir de ma mort, je t’envoie mes plus douces pensées, et j’emporte ton souvenir comme un bouquet embaumé.

La toilette était terminée. Ourvaci se regarda dans le grand miroir d’argent poli, tandis qu’on lui attachait la guirlande de jasmin virginal.

Elle eut un dernier sourire de femme en apercevant la céleste image reflétée par le miroir, et elle dit à demi-voix :

— Dix-huit ans, belle et reine ! Ô cruel bien-aimé, le sacrifice est digne de toi !

Alors elle sortit de sa chambre, suivie de ses femmes sanglotantes, et s’avança d’un pas ferme entre les haies de courtisans et de seigneurs, qui tous pleuraient, s’agenouillaient sur son passage, et baisaient le sol touché par ses pas.

Lorsqu’elle parut sous la galerie extérieure, au sommet de l’escalier, le peuple poussa un grand cri de désespoir, La reine, émue, s’arrêta un moment et laissa errer son regard sur cette foule de têtes levées vers elle, puis elle fît un geste d’adieu et descendit.

Au moment où elle atteignait la dernière marche, un être à chevelure énorme, qui était assis là, le menton entre les genoux, se leva brusquement et darda sur la reine surprise, le rayon de deux yeux noirs, lumineux comme des diamants. Elle tressaillit en reconnaissant le fakir, dont la sainteté était connue, et fit un pas vers lui.

— Ah ! mon père, s’écria-t-elle en joignant les mains, accorde une dernière grâce à celle qui va mourir, toi qui peux tout !

— Que désires-tu, toi dont la beauté semble diviniser la matière ? Que veux-tu de moi, sacrilège enfant, qui vas briser toi-même l’écrin merveilleux de ton âme ?

— Ce que je veux ? dit Ourvaci. Je n’ai pas, comme les veuves ordinaires, dont l’époux meurt après une vie d’amour, la consolation, en quittant la terre, de soutenir sur mes genoux le corps inerte du bien-aimé ; si je pouvais au moins voir une fois encore son image, la mort me serait plus douce. Père, je t’en supplie, adjure Maya, fais-le paraître à mes yeux, celui que je voulais tuer, et par qui je meurs aujourd’hui.

— Tu seras exaucée, vierge charmante, dit le fakir : il paraîtra, tu le verras accourir, éperdu d’épouvante et d’amour. Lève-toi du bûcher, alors, cours dans ses bras, ils se refermeront sur toi, pour t’emporter dans le ciel.

— Ah ! merci ! merci ! s’écria la reine en saisissant la main de Sata-Nanda, qu’elle baisa pieusement.

Le collège des brahmanes s’avançait au-devant d’elle avec Panch-Anan à leur tête ; mais la foule, moins respectueuse que de coutume, s’écartait sans empressement devant eux ; on eût dit même que quelques murmures hostiles couraient çà et là et que, sans en avoir l’air, on barrait la route aux saints prêtres. Sur un signe de leur maître, les esclaves de Panch-Anan distribuèrent quelques coups de leurs cannes d’argent à droite et à gauche, on se recula, non sans jeter des regards de colère et de haine au ministre. Le bruit s’était répandu, parmi le peuple, que Panch-Anan avait contraint la reine à le désigner pour son successeur au trône, et qu’il l’avait poussée au sacrifice pour s’emparer de sa couronne. La nouvelle que le dur et avide brahmane, que l’on craignait autant qu’on le haïssait, succédait à cette souveraine tant aimée, augmentait encore le désespoir que causait le sacrifice.

Ourvaci monta en litière, cherchant des yeux le fakir qui s’était mêlé à la foule. Elle l’aperçut se frottant les mains d’un air de satisfaction, écoutant les murmures de la foule.

La route fut longue et pénible ; il fallait fendre des flots vivants, obstruant volontairement le passage, et opposant une molle inertie aux coups de bâton et aux charges de cavaliers. Quelquefois, la haie des gardes était rompue, et des groupes s’élançant venaient se traîner à genoux, aux côtés de la litière.

— Reine ! reine ! ne nous quitte pas ! criait-on. Que deviendrons-nous sans toi ? Habitués à ta main bienfaisante, tout autre joug que le tien nous écrasera.

— Nous t’aimerons tant que nous te ferons oublier ton chagrin, reste ! reste ! Tu te dois à nous ; renonce à cette mort cruelle ; fais grâce à ton peuple qui veut périr avec toi !

On s’attachait aux porteurs, les suppliant de ne pas avancer, tandis qu’elle se rejetait au fond de la litière en pleurant.

Le ministre, plein d’inquiétude, fit donner l’ordre aux soldats de disperser la foule à coups de lance. Il y eut des cris, des plaintes, et le sang coula sur la poussière, mais la route était libre, et l’on arriva bientôt sous les ombrages de la nécropole royale.

Le bûcher, en bois de santal, était dressé sur une place découverte, à l’endroit même où s’élèverait plus tard le monument funèbre de marbre et d’or. À chaque coin, un esclave tenait une torche allumée.

En apercevant tout à coup cet effrayant monceau de poutres et de broussailles, Ourvaci, dans un invincible mouvement d’horreur, se rejeta en arrière en couvrant son visage de ses mains. Mais sa fierté lui rendit vite le courage, elle releva la tête d’un geste brusque, et regarda sans faiblesse le lieu du sacrifice.

Les brahmanes s’étaient placés sur une estrade en face du bûcher et, les bras levés vers le ciel, se mettaient en prières. Au-dessous d’eux, les musiciens frappaient sourdement leurs instruments, en augmentant peu à peu le bruit. La foule, retenue par les gardes, formait comme des murailles à quelque distance.

On accrocha des guirlandes de fleurs et de feuillages tout à l’entour du bûcher, qui le cachèrent presque entièrement, et les jeunes filles tournèrent autour, versèrent sur le sol de l’ambre et du musc, puis elles revinrent vers la reine, qui détachant ses parures les leur distribua.

Panch-Anan s’avança vers Ourvaci, une coupe pleine à la main. Il fit l’éloge de la reine, avec un enthousiasme pompeux, retraça les principaux faits de son règne, et lui annonça dans l’autre vie une existence bienheureuse ; il lui promit de lui faire édifier un temple comme à une déesse et termina en félicitant les dieux de la recevoir dans leur séjour. Puis il lui tendit le breuvage. On le composait ordinairement de sucs endormants, destinés à engourdir la victime, dont les suprêmes révoltes devant le suicide pouvait causer du scandale ; mais Panch-Anan, craignant que le peuple ne tentât quelque chose pour délivrer la reine, avait forcé la dose de poison, de façon à endormir à jamais celle qui le boirait.

Ourvaci le remercia d’une voix ferme, saisit la coupe, la tendit vers toute cette foule en larmes, comme pour la saluer encore, et la porta à ses lèvres.

D’un bond, Sata-Nanda fut près d’elle, renversa le mortel breuvage :

— Cela t’empêcherait de voir l’apparition, dit-il à voix basse.

Elle lui jeta un regard reconnaissant et s’élança sur le bûcher.

Alors, les esclaves, abaissant leurs torches, y mirent le feu.

Les instruments de musique déchaînèrent un tumulte formidable, pour couvrir les cris possibles de la victime, et les brahmanes, extasiés, entonnèrent un chant triomphal, tandis qu’une fumée odorante floconnait en se roulant sur le sol.

Ourvaci apparaissait au sommet du bûcher, comme sur un piédestal ; illuminée par les rayons du soleil, qui semblait se concentrer sur elle, sa beauté prenait une splendeur surnaturelle, et elle n’avait plus l’air déjà d’appartenir à la terre.

Transportée d’enthousiasme, elle attendait passionnément la récompense promise, l’illusion dernière qui devait lui rendre la mort si douce. Mieux que n’aurait pu le faire le breuvage, la promesse du fakir avait endormi en elle l’angoisse.

— Hâte-toi, bien-aimé, hâte-toi ! sinon il sera trop tard, murmurait-elle.

Tout à coup elle s’écria :

— Il vient, il vient ! j’ai aperçu l’éclair de son épée, la blancheur neigeuse de son front ; et l’or de sa coiffure a jeté une lueur…

Un voile de fumée monta brusquement, l’enfermant et l’aveuglant ; elle s’efforçait avec ses bras de le déchirer, de l’écarter.

Des cris frénétiques de triomphe et de joie poussés par les mille bouches du peuple éclatèrent, tellement formidables qu’on eût dit que le ciel tombait.

— Victoire ! victoire ! l’époux revient, le héros la sauvera !

Elle entendait distinctement ces phrases, mais, perdue dans la nuée étouffante, elle ne voyait plus rien, et courait d’un bord à l’autre du bûcher les bras étendus, cherchant à se dégager de cet horrible engloutissement. Le souffle lui manquait, ses yeux brûlants avaient peine à s’ouvrir et elle allait s’abandonner, quand elle vit entrer dans la fumée, un cheval couvert d’écume et de sang, l’œil fou de terreur, et portant le cavalier chéri, qui la saisit dans ses bras, l’enleva.

Mais alors, l’effrayante figure de Panch-Anan, grinçant de rage, apparut, s’accrochant au sauveur, l’entravant, s’efforçant de le faire tomber. Comme on repousse une bête immonde, d’un violent coup de pied, Bussy envoya son ennemi rouler au milieu du bûcher et disparut hors du nuage.

Aux cris affreux du brahmane appelant à l’aide, des rires seuls répondirent. Panch-Anan parvint un instant à se relever pour fuir ; mais un guerrier, du bout de sa lance, le repoussa ; il le reconnut, c’était Arslan-Khan.

— Je ne suis pas fâché d’être de moitié dans la vengeance, dit le musulman, puisque je n’ai pu l’accomplir seul. Va, va, hideux monstre, rends ta vilaine âme à Iblis !

Le feu crépitait, clair et vif à présent. Panch-Anan poussa un râle horrible, la flamme le mordait, fit éclater sa chair qui se roula en lanière, et il retomba dans le brasier, en se tordant.

Alors on vit l’étrange fakir, qui depuis quelques jours agitait le peuple, apparaître au sommet du bûcher, dansant, avec une joie folle, à travers les flammes, comme s’il ne pouvait en être atteint. Puis, d’un bond, il sauta à terre et se mit à courir, entraînant toute la foule derrière lui, vers le palais, où Bussy avait emporté la reine.

Ils étaient restés longtemps aux bras l’un de l’autre, incapables de parler, comme morts de bonheur ; s’étreignant à s’étouffer, à travers des pleurs et des rires, contemplant avec ivresse leurs visages pâlis et ravagés par la souffrance.

Elle ne pouvait se croire vivante ! remerciait tout bas les dieux qui lui accordaient le ciel de ses rêves.

— Une minute encore, disait Bussy, tout frémissant, et j’arrivais trop tard, mais à temps encore pour mourir avec toi. Ces flammes eussent été les rideaux de notre lit nuptial.

— Je ne suis donc pas morte ? demanda-t-elle en se renversant sur son bras pour mieux le voir, c’est donc réellement que les yeux adorés rayonnent tout près de mes yeux ? que je vois ces lèvres me sourire et qu’elles ne seront qu’à moi ?

— Ah ! elles s’useront à baiser la trace de tes pas, pour obtenir un pardon que je n’ai pas mérité, même par les tortures infernales que j’ai subies.

— Ne parle pas de pardon ; moi seule suis coupable, s’écria-t-elle en se rejetant sur son cœur, j’ai été lâche, faible comme une femme vulgaire. Je n’ai pas su dompter la terreur que m’inspirait le ministre et je suis cause de toutes nos douleurs. Ah ! maintenant, je te le livre, nous saurons bien le vaincre à nous deux, l’infâme brahmane !

— Panch-Anan est mort, dit Sata-Nanda qui entra brusquement, les brahmanes hués par la foule se sont dispersés, et, dans l’ivresse de sa joie, le peuple oublie ses préjugés et ses superstitions ; sache profiter de cet instant de sagesse.

Il se pencha vers l’oreille de la reine et lui dit quelques mots à voix basse.

— Oh ! oui, oui ! s’écria Ourvaci, avec un sourire rayonnant.

Elle entraîna le jeune homme, à travers des galeries, des escaliers, jusqu’à la plus haute terrasse du palais, qui apparut couverte de tapis, avec des parfums brûlant dans des cassolettes, et toute la cour réunie là.

Tenant Bussy par la main, Ourvaci s’avança jusqu’à la balustrade de la terrasse, comme pour le présenter au peuple qui, en les apercevant, les acclama avec délire.

Alors, elle prit des mains d’une princesse, une urne d’or contenant de l’eau du Gange, en mouilla le front du jeune homme, pour le sacrer roi ; puis elle tourna autour de lui, le fit asseoir sur un trône scintillant de pierreries ; l’on posa auprès de lui le sceptre et la couronne ; et le parasol royal s’ouvrit au-dessus de sa tête.

— Je te salue roi de Bangalore, dit Ourvaci, à voix haute. J’abdique le pouvoir et le remets entre tes mains. Accorde-nous la joie de t’avoir pour maître ; je t’en prie au nom du bonheur de mon peuple, et du mien.

Bussy se leva et répondit en regardant la reine avec tendresse :

— J’accepte pour t’obéir cet honneur trop grand, avec la ferme volonté de m’en rendre digne, en consacrant mes forces et ma vie à la défense et à la prospérité de ce pays.

— Victoire au roi ! s’écria Ourvaci en s’agenouillant devant lui. Je ne suis plus que son humble sujette.

Mais il la releva vivement et l’attira sur son cœur.

— Tu es mon paradis et mon dieu, lui dit-il à voix basse, et tous les royaumes du monde ne valent pas un de tes baisers.

Défaillante de bonheur, elle s’appuyait sur le roi, tandis que les courtisans venaient, l’un après l’autre, lui rendre hommage, et dans un mouvement de gratitude elle levait les yeux vers le ciel.

Il n’y avait d’autre nuage, sur l’azur immaculé, qu’un vol de cygnes, dont les plumes neigeuses s’embrasaient au soleil, et qui semblait planer au-dessus des amants, comme un présage de gloire et de félicité.


FIN