La génération des animaux

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Traduction par Jules Barthélemy Saint-Hilaire.
Ladrange, etc. (1p. i-vi).

PRÉFACE

Caractère général du Traité de la Génération des Animaux ; méthode de recherches et d’exposition pratiquée par Aristote ; système d’embryologie aristotélique ; prédécesseurs et successeurs principaux d’Aristote, Hippocrate, Platon, Hérophile, Galien, Averroès, Albert le Grand, Rédi, Van Horne, de Graaf, Swammerdam, Malpighi, Leuwenhoeck, Vallisneri, Buffon, Spallanzani, Cuvier, Prévost et Dumas, Ernest de Baër, Coste, Longet, Velpeau, Pouchet, Grimaud de Caux et Martin-Saint Ange, H. Milne Edwards, etc., etc.; considérations sur les rapports de la science moderne et de la science dans l’Antiquité ; nécessité constante de la méthode d’observation ; loi du progrès des sciences tirée de leur histoire, depuis la Grèce jusqu’à nous ; l’homme en présence de l’infini ; questions supérieures ; métaphysique de la génération, fondée sur la constatation des phénomènes ; admiration d’Aristote pour la Nature ; conclusion.


Le Traité de la Génération des Animaux passe pour le chef-d’œuvre zoologique d’Aristote ; tout le monde en convient, et les adversaires du péripatétisme sont forcés de l’avouer, comme s’ils étaient ses partisans. M. Lewes, si sévère pour l’Histoire des Animaux, et même pour le Traité des Parties, n’a pas assez d’éloges pour le Traité de la Génération ; il n’hésite pas à déclarer qu’il est bien souvent au niveau de la science la plus avancée de notre siècle. Cette appréciation, quelque favorable qu’elle soit, n’a rien d’excessif, pour qui rapproche plusieurs théories du philosophe grec des théories modernes. Parmi les admirateurs d’Aristote, MM. Aubert et Wimmer, qui se sont rendus célèbres par leur édition et leur traduction du Traité de la Génération et de l’Histoire des Animaux, il y a vingt-cinq ans, s’exprimaient ainsi : « En donnant une édition et une traduction nouvelles du Traité de la Génération, nous avons cru rendre service à ceux des naturalistes qui ne dédaignent pas de remonter aux sources de la science qu’ils cultivent. Voici, concernant le développement des animaux, le premier travail scientifique, qui soit fondé sur les vrais principes de la physiologie, c’est-à-dire, sur l’observation des phénomènes. Quelque jugement qu’on prononce sur la valeur de cette zoologie, afin d’exalter le mérite des physiologistes contemporains, on devra toutefois reconnaître qu’Aristote a soulevé et discuté bien des questions qui, aujourd’hui même, ne sont pas résolues ; et que, grâce à l’étonnante pénétration de son coup d’œil, il a deviné une foule de vérités que les siècles postérieurs n’ont fait que confirmer, après une longue série d’observations. On devra aussi toujours reconnaître qu’on trouve dans ses œuvres bien des faits incontestables, dont l’abondance n’est en aucune proportion avec les ressources insuffisantes dont il disposait. En un mot, personne ne pourra refuser son admiration à ce génie fécond, qui, après avoir approfondi tous les secrets de l’esprit humain et ses rapports avec le monde extérieur, a montré la même sagacité et la même puissance pour décrire la constitution, le développement et la coordination systématique du règne animal. »

N’ajoutons rien à une louange aussi juste, rendue en excellents termes, quoique nous puissions l’appuyer par bien d’autres autorités ; mais nous espérons que tous ceux qui s’occuperont de cette étude avec quelque impartialité, seront du même avis. Nous nous bornons à recommander aux esprits attentifs la lecture de l’original, si ce n’est dans le texte grec, au moins dans la traduction.

Ce qui doit nous frapper, tout d’abord, c’est la conception même d’un tel ouvrage, à l’époque où il a été entrepris et réalisé. Aujourd’hui, rien ne nous paraît plus simple. Pour nous, la théorie de la génération fait essentiellement partie de l’histoire des êtres organisés. S’il est intéressant de savoir ce qu’ils sont, le mystère de leur reproduction l’est encore bien davantage. L’esprit humain, pour satisfaire autant qu’il le peut sa légitime curiosité, en est arrivé, après vingt siècles, à créer une science exclusivement consacrée à cette grande question ; et les peuples les plus éclairés ont établi des chaires publiques pour l’enseigner. Mais, si le mot d’embryologie est nouveau, la science même ne l’est pas ; et on la peut voir tout au long dans l’œuvre aristotélique, trois cents ans et plus avant l’ère chrétienne. Pas un des philosophes précédents n’y avait songé. Pourtant, ils étaient, comme Aristote, les témoins intelligents des faits que présentent sans cesse à nos regards les animaux domestiques ; mais, de ces faits particuliers, personne ne s’était élevé à l’idée d’un système qui embrassât l’ensemble du phénomène, dans toutes les espèces d’animaux, et qui en généralisât l’explication. C’est Aristote qui a créé cette science, comme il en a créé tant d’autres. Quelques progrès que l’embryologie ait accomplis depuis lui, il est toujours fort utile de le consulter, pour peu qu’on veuille s’enquérir de la tradition et savoir d’où l’on vient, ne fût-ce que par reconnaissance.

Non seulement Aristote a eu la gloire de cette difficile initiative ; mais, en outre, il a, du premier coup, compris la science qu’il inaugurait, avec toute l’étendue qu’elle doit avoir. Hippocrate, ou plutôt son école, ne s’était occupé de la génération que pour l’espèce humaine, et encore dans des limites étroites ; la médecine, chargée avant tout du soin de guérir, n’avait pensé qu’à la pathologie. Le recueil plus ou moins authentique des œuvres attribuées à l’école hippocratique, contient des recherches sur les maladies des femmes et des jeunes filles, sur la nature de la femme et de l’enfant, sur le fœtus de sept mois, sur la superfétation, etc. ; ce sont là certainement des études curieuses et pratiques, dont quelques-unes font beaucoup d’honneur aux disciples d’Hippocrate. Mais la génération de l’homme, considérée même physiologiquement, est bien loin d’être toute la génération. C’est une partie fort importante du problème, puisque l’homme est, à cet égard comme à tant d’autres, l’animal le plus parfait ; mais, à côté de l’homme, il reste l’animalité tout entière, depuis les insectes les plus ténus, jusqu’aux quadrupèdes et aux cétacés les plus colossaux. Tous ces êtres se reproduisent par les moyens les plus divers ; mais quelques différences que présentent leurs organes, la fonction reste identique ; tous sans exception transmettent la vie qu’ils ont reçue. La Nature a donc une unité de but, malgré l’infinie variété des procédés qu’elle emploie. Quels sont ces procédés toujours efficaces, et toujours admirables ? C’est ce qu’Aristote a essayé de nous apprendre scientifiquement ; on verra avec quel succès, par l’exposé que nous ferons tout à l’heure de son embryologie. Pour le moment, nous n’avons qu’à rappeler que c’est

lui qui a déterminé le cadre réel de la science, et qu’il l’a parcouru aussi complètement qu’on pouvait le parcourir à son époque. Au-dessous des insectes que nous pouvons apercevoir à l’œil nu, le microscope nous a révélé et nous révèle chaque jour, dans le monde des imperceptibles, une multitude d’êtres nouveaux et d’organismes inconnus. Mais, si la science a multiplié ses observations, si elle a poursuivi le domaine de la vie jusque dans les profondeurs les moins accessibles de la mer, elle n’a rien innové pour les bases qu’Aristote lui avait assignées et qui sont immuables. Aujourd’hui, comme il y a deux mille ans, la science se meut dans le cercle qu’il lui a tracé, et d’où elle ne peut sortir. L’unique progrès que nous puissions faire encore, c’est d’accroître de plus en plus le nombre des faits observés et de les analyser plus exactement ; mais le nombre ne fait rien aux principes, qui restent à jamais ceux dont nous sommes redevables au philosophe.

Aristote est même allé plus loin : il ne s’est pas arrêté aux animaux proprement dits ; il a pressenti cette autre science, qui est à peine née d’hier parmi nous, et que nous nommons la biologie, dont l’objet est d’étudier la vie dans tous les êtres organisés, depuis les plantes jusqu’aux animaux supérieurs, l’homme compris. Aristote compare très fréquemment les deux règnes, pour en montrer les ressemblances, beaucoup plus nombreuses qu’on ne le croit généralement. Il insiste, comme pourrait le faire un biologiste de notre temps, sur l’impossibilité presque absolue de fixer le point où l’un des deux règnes commence et où l’autre finit. Il décrit, aussi bien que personne, les degrés insensibles par lesquels la Nature passe d’une organisation à une autre, et il signale, entre autres preuves, ces êtres singuliers qu’on appelle zoophytes, et qui ne sont tout à fait ni des animaux ni des plantes.

Ne nous attardons pas à ces considérations, puisque les ouvrages d’Aristote sur la Botanique ne nous sont pas parvenus ; nous aurons l’occasion de revenir sur cette extension de l’embryologie et de la physiologie comparées, d’où naîtra certainement une science encore plus vaste que l’une et l’autre.

Mais avant d’exposer l’embryologie aristotélique, nous avons à traiter une question préliminaire ; c’est celle de la méthode, que le philosophe a conseillée et imposée à la science. Parmi nous, on s’est trop habitué à admettre que les Anciens n’ont pas observé du tout, ou, du moins, qu’ils ont observé très mal. C’est là une erreur qui exigerait, dans l’intérêt de la vérité historique, une réfutation en forme ; nous nous contenterons ici, et sans sortir de l’histoire naturelle, de montrer combien on se trompe dans ce préjugé, qui ne s’appuie sur aucun fondement. Tout ce qu’il atteste, c’est la vanité passablement aveugle de quelques Modernes, qui ne s’aperçoivent pas que, en tenant si peu de compte des monuments scientifiques de l’Antiquité, ils manquent évidemment à la méthode d’observation tant prônée par eux. Ne parlons pas, si l’on veut, des œuvres d’Hippocrate, d’Hérodote, de Thucydide, résultat d’observations certaines ; mais demandons-nous si l’on peut lire, même très superficiellement, l’histoire naturelle d’Aristote, sans être émerveillé de la multitude d’observations qui y sont recueillies à profusion. Est-il une seule page de ces prodigieux écrits où n’éclate, de la manière la plus évidente, l’emploi perpétuel de l’observation la plus exacte et la plus réfléchie ? Est-il un seul des faits consignés par l’auteur qui ne suppose une attention aussi sagace qu’infatigable, donnée à tous les détails des phénomènes.

Mais Aristote ne se borne pas à bien observer les choses, telles que la Nature les présente aux yeux de l’homme. Il s’applique en outre à les scruter dans ce qu’elles ont de plus intime ; il dissèque les animaux avec une persévérance que rien ne lasse, malgré tout ce que ces investigations peuvent avoir de répugnant, comme il l’avoue lui-même en termes éloquents. Mais les préparations anatomiques ne lui suffisent pas encore, parce qu’en effet elles ne peuvent pas subsister bien longtemps, dans l’état où le scalpel nous les procure. Pour les fixer, il y substitue des dessins copiés sur elles ; il fait de ces dessins des collections, qui malheureusement ont péri avec les ouvrages qu’elles élucidaient, et, comme nous dirions, qu’elles illustraient ; il cite vingt fois ces collections précieuses.

C’est déjà beaucoup, ce semble. Mais, dira-t-on peut-être, si Aristote a tant observé et observé si bien, c’est par le pur instinct du génie, obéissant spontanément à une sorte d’inspiration, dont il n’est pas plus maître que le poète ne l’est de son enthousiasme. Cette seconde critique ne serait pas plus juste que l’autre. Observer même très exactement, sans savoir pourquoi l’on doit observer, serait peu philosophique et peu digne d’un logicien. Aristote ne commet pas cette inadvertance. D’un bout à l’autre de son histoire naturelle, il ne cesse pas de préconiser, avant tout, l’observation des faits, et d’en faire la condition primordiale de la science ; il revient à chaque instant sur cette règle fondamentale. Il ne s’en dissimule pas d’ailleurs les difficultés ; mais il affirme que c’est le seul chemin pour atteindre la vérité, le seul moyen de comprendre la Nature, qui ne fait jamais rien en vain. Comme il admire passionnément la Nature, et qu’il y voit, ainsi qu’il l’a redit à plusieurs reprises, l’empreinte du divin, il est bien sûr, en l’étudiant, de ne pas perdre le fruit de ses peines ; il ne les épargne donc pas, et il engage les amis de la science et de la sagesse, à ne pas épargner davantage les leurs.

Aussi, quand il réfute les théories de ses devanciers ou les préjugés populaires, c’est uniquement aux faits qu’il veut avoir recours. C’est à l’autorité des faits qu’il en appelle pour corriger les erreurs qu’il combat ; c’est eux seuls qu’il oppose aux opinions fausses, que Démocrite, Empédocle et bien d’autres ont soutenues, pour n’avoir pas examiné les choses de plus près que le vulgaire. Guidé par la grande parole d’Anaxagore, qu’il a glorifié si magnifiquement, il croit a l’intelligence, qui régit le monde après l’avoir formé ; il se fie à cette intelligence infinie, dont les moindres productions lui semblent tout aussi merveilleuses que les plus sublimes.

Mais, à côté des faits, à leur suite et même au-dessus d’eux, du moins à un certain point de vue, Aristote place l’esprit de l’homme, qui produit la vraie science, en interprétant les faits préalablement observés. A eux seuls, les faits n’ont rien de scientifique ; il faut que le raisonnement les féconde, sans d’ailleurs se passer jamais de cet appui. Sans la lumière apportée par l’entendement, les faits restent obscurs, ou plutôt ils restent incompris, comme ils le sont pour les brutes, qui les voient ainsi que nous, mais qui n’y attachent aucun sens. Pour se conduire dans cette voie, où il est si facile et si ordinaire de s’égarer, notre esprit a deux principes souverains : ou les faits sont nécessaires, ou ils sont soumis à la loi universelle du mieux. La nécessité telle qu’Aristote l’admet ne tient rien du hasard, qu’il a toujours nié énergiquement, mais auquel des philosophes trop peu observateurs livrent l’univers. Selon lui, la nécessité ne peut être qu’hypothétique, c’est-à-dire, qu’un but étant donné, il y a des moyens qui sont absolument nécessaires pour atteindre ce but. Par exemple, l’oiseau devant voler, il est nécessaire qu’il ait des ailes ; mais l’oiseau lui-même n’est pas nécessaire ; il pouvait fort bien ne pas exister ; s’il existe, c’est qu’il était mieux qu’il existât. La Nature fait toujours ce qu’elle fait le mieux possible ; quand nous cherchons à savoir ce qu’elle veut, nous n’avons qu’à nous demander, dans chaque cas, comment les choses doivent être pour être aussi parfaites que nous pouvons les imaginer. Aristote est donc un défenseur inébranlable des causes finales ; et, pour notre part, nous croyons avec lui que la Nature n’est intelligible qu’à cette condition. Mais nous réservant de discuter plus tard ce problème, qui posera devant nos successeurs comme il a posé devant les Anciens, nous passons, et nous achevons ce que nous avons à dire de la méthode.

Si, après la puissance décisive des faits, Aristote reconnaît celle du raisonnement, il est trop prudent pour ne pas se défier des écarts de l’esprit. En cas de conflit, c’est le raisonnement qui doit céder devant le fait avéré ; il n’a de valeur que s’il est absolument conforme aux phénomènes. C’est que les phénomènes sont immuables ; ils restent ce qu’ils sont, toujours les mêmes. Rien, au contraire, n’est plus mobile que le raisonnement de l’homme, puisqu’il lui est permis de faire des hypothèses. Néanmoins, Aristote ne repousse pas absolument l’hypothèse, quelque périlleuse qu’elle soit ; mais il la redoute, il en craint l’abus. S’il s’en sert quelquefois, c’est presque malgré lui, et il l’entoure de toutes les garanties qui peuvent en prévenir les dangers, comme il le fait dans sa discussion sur la génération des abeilles, question qui n’est guère moins obscure pour nous qu’elle ne l’était pour l’Antiquité. Il trouve que le plus souvent les hypothèses qu’on risque sont beaucoup trop générales, trop logiques, et qu’elles dégénèrent bien vite en pures rêveries. Il ne traite pas mieux les siennes que celles des autres. Les hypothèses sont à éviter surtout en histoire naturelle, où il ne faut juger des choses que d’après leurs principes propres, et non d’après les idées qu’on s’en fait. La plupart du temps, le tort de l’hypothèse vient de ce qu’on généralise beaucoup trop vite, et sans un examen assez prolongé. Le cas particulier a été peut-être bien observé ; mais il ne fallait pas en tirer hâtivement des conséquences qui le dépassent. Il suffit bien souvent d’un seul fait nouveau pour détruire de fond en comble la théorie la mieux construite, et pour renverser tout un système. Il ne faut pas non plus s’en fier aux apparences, qui sont parfois bien trompeuses. Si dans l’impossibilité d’observer soi-même, on se décide sur de simples témoignages, on doit en peser scrupuleusement la valeur, et voir avant tout s’ils sont dignes de foi.

Voilà de bien sages conseils, qu’Aristote n’a pas cessé de mettre en pratique. Aujourd’hui même, nous serions fort embarrassés, ou d’y ajouter quoi que ce soit, ou de les critiquer. Mais, à d’autres égards encore, Aristote est un modèle également autorisé.

Le mode d’exposition qu’il a suivi pour rendre ses pensées n’est pas moins remarquable, ni moins digne d’imitation, que sa méthode. Il énumère toujours, en débutant, les questions qu’il compte étudier tour à tour, et qui forment l’ensemble du sujet qu’il traite ; par là, il affermit ses pas, quelque sûr qu’il puisse être de son incomparable génie. Dans le cours de ses exposés, il jette souvent un coup d’œil en arrière, pour résumer ce qu’il a dit. Il annonce non moins souvent ce qu’il va dire. Ces souvenirs et ces précautions sont toujours utiles à prendre ; ce sont des moyens de clarté pour l’auteur et pour ceux qui le lisent ; de part et d’autre, on ne peut que s’en bien trouver. C’est là, nous en convenons, de la rhétorique ; mais la rhétorique est de mise partout ; elle est bien placée, elle est même indispensable, quand elle ne sert qu’à se mieux entendre soi-même, et à se faire mieux entendre d’autrui. C’est ainsi que la discussion engagée par Aristote, contre la théorie qui fait venir la liqueur séminale de toutes les parties du corps, est un morceau achevé, où la force de la conclusion ne perd rien aux procédés habiles qui l’ont préparée.

Un autre soin non moins louable d’Aristote, c’est de préciser le sens des mots dont il se sert. Dans notre XVIIIe siècle, on attachait une importance extrême au langage, et l’on allait jusqu’à déclarer que la science n’était, après tout, qu’une langue bien faite. C’était dépasser la mesure ; et le philosophe de l’Antiquité avait été plus réservé que les nôtres. Mais on voit que cette préoccupation n’était pas neuve ; Aristote l’avait dès longtemps éprouvée. Aussi, soit en métaphysique, soit en histoire naturelle, il s’était appliqué à bien définir les mots, comme du reste Socrate et Platon s’y étaient appliqués avant lui. C’est qu’il n’est pas besoin de discuter longuement pour sentir que souvent le dissentiment tient plutôt aux expressions dont on use qu’au fond même des choses qu’on discute.

Telle est l’infaillible méthode avec laquelle Aristote veut aborder l’histoire naturelle, et spécialement ce grand fait de la génération ; tel est son amour de la vérité, et sa circonspection contre toute chance d’erreur.

Dans sa pensée, le traité qu’il consacre à la reproduction des animaux vient, parmi ses œuvres, après le Traité des Parties, comme le Traité des Parties vient après l’Histoire des Animaux. C’est l’auteur lui-même qui a fixé cet ordre, lequel, du reste, ressort clairement de la nature des choses. L’acte de la génération est le terme dernier auquel aboutissent tous les autres actes de la vie animale. Les animaux naissent chétifs pour la plupart, souvent même ils naissent informes ; ils ne se développent et ne se perfectionnent que pour arriver, après un temps plus ou moins long, à pouvoir se reproduire, dans des êtres qui leur ressemblent. L’animal n’est achevé que quand il possède enfin cette suprême énergie. La fonction génératrice est donc régulièrement la dernière que la physiologie doive approfondir. Aristote ne s’y est pas trompé ; et sur ses pas, tous les physiologistes ont laissé la question de la génération à la place qu’il lui avait assignée. C’est par cette question définitive que Cuvier termine son Anatomie comparée, un des plus beaux titres de la science moderne. Aristote a exposé son embryologie à deux reprises : une première fois dans l’Histoire des Animaux, où elle tient près de trois livres sur neuf ; et une seconde fois, dans le traité spécial qui nous occupe. Nous pouvons donc, pour connaître sa pensée complète, puiser indifféremment à ces deux ouvrages. Il les a lui-même confondus, en renvoyant plus d’une fois de l’un à l’autre. D’ailleurs, en analysant ses théories, nous nous garderons bien de lui en prêter qui ne seraient plus les siennes, et qui appartiendraient à des temps plus instruits. Nous nous efforcerons même de reproduire fidèlement ses propres expressions, toutes les fois que nous pourrons les lui emprunter ; et nous ne tenterons, du moins pour le moment, ni de combler ses lacunes, ni de pallier ses erreurs, d’ailleurs bien rares et bien excusables. Nous nous contenterons de mettre ses idées dans un ordre un peu plus régulier et plus systématique.

La plus haute question, et une des premières, qui s’impose à la raison du philosophe, c’est de rechercher pourquoi il y a des animaux. Nous voyons bien que c’est l’union de deux sexes qui généralement produit l’animal ; mais comment a-t-il pu se faire jamais qu’il y eût des femelles et des mules ? A cette question deux seules réponses sont possibles : ou il faut supposer que le premier moteur, entendez le créateur, n’a fait qu’obéir à une nécessité invincible, en formant les êtres d’une certaine façon ; ou bien, il faut penser que, si cette création n’était pas nécessaire, il valait mieux cependant qu’elle eût lieu, pour réaliser une pensée supérieure. Entre les choses, les unes sont éternelles et divines ; les autres sont purement contingentes, et elles peuvent également être ou n’être point. Même pour celles-là, tout inférieures qu’elles sont, le bien et le divin produisent toujours, conformément à leur nature, ce qu’il y a de mieux ; car ces choses peuvent, quoique périssables, être plus ou moins bien durant leur existence passagère. Comme l’âme vaut mieux que le corps, comme l’être animé vaut mieux, à cause de son âme, que l’être inanimé, comme être vaut mieux que ne pas être, et que vivre vaut mieux que ne pas vivre, voilà l’unique cause qui a créé des animaux. La perpétuité a été refusée aux individus ; car, autrement, ils seraient éternels. Mais si l’éternité ne peut leur appartenir, elle est, en une certaine mesure, accordée à l’espèce dont ils font partie. Les hommes, les animaux, les plantes se perpétuent sans cesse, et cette éternité relative leur est assurée par la génération. L’individu meurt ; l’espèce ne meurt pas. La nature attache une telle importance à cette fonction essentielle qu’elle pousse, par une violence irrésistible, tous les êtres animés à l’accomplir. L’accouplement des sexes provoque en eux les désirs les plus ardents, et un plaisir non moins vif quand ils s’y livrent. Les femelles des animaux sont surtout terribles à leur première portée ; les mâles le sont toujours vers l’époque de l’accouplement. Les chevaux, les taureaux, les sangliers, les béliers, les boucs et tant d’autres animaux domestiques sont agités alors de fureurs implacables ; ils se battent entre eux, avec tant de rage que souvent les deux rivaux succombent à la fois sous des coups acharnés. Les bêtes sauvages subissent les mêmes influences ; les ours, les loups, les lions, ne sont jamais plus redoutables. Le paisible chameau devient intraitable, et il ne souffre plus l’approche de l’homme. L’éléphant, dans l’Inde, cesse d’être doux et sociable ; il devient extrêmement dangereux. Les animaux qui vivent avec l’homme sont moins sujets à ces transports, parce qu’ils peuvent s’accoupler plus fréquemment et presque en toute saison. Cependant, les juments, les vaches, les truies sont atteintes d’une vraie folie quand elles sont en rut. Le printemps est la saison où presque tous les animaux ressentent ces émotions naturelles et inévitables. Mais il y a des exceptions à cette règle, et la gestation, suite de l’accouplement, est calculée par la Nature, de manière que les petits naissent dans la saison qui leur est le plus favorable. Selon les espèces, tantôt un seul accouplement suffit, tantôt il en faut plusieurs. L’homme n’a de temps marqué précisément, ni pour l’union des sexes, ni pour la durée de la gestation, ni pour le moment de la naissance ; mais l’homme est un être à part, qui exige une étude pour lui seul.

Un autre sentiment que la Nature a inculqué aux animaux et qui est presque aussi vif que l’instinct de la génération, c’est la tendresse des parents pour leurs petits. La femelle soigne et nourrit les jeunes, avec une sollicitude destinée à compléter l’œuvre de la parturition, en assurant la vie au fœtus qui a vu le jour. Il semble que la Nature a voulu que ce sentiment s’accrût dans les animaux à mesure que leur organisme est plus parfait. Les animaux inférieurs ne font d’ordinaire que produire simplement des petits, sans les nourrir ; ceux qui parmi eux sont un peu plus intelligents les élèvent et les nourrissent quelque temps. Mais les animaux supérieurs, qui sont doués de plus de raison, contractent avec leurs petits des liens d’affection et d’habitude qui finissent par former une famille plus ou moins durable, comme on le voit chez quelques espèces de quadrupèdes et d’insectes, et éminemment chez le genre humain.

Sous le rapport de la génération, on peut diviser les animaux en trois classes principales : les vivipares, les ovipares, et, en dernier lieu, ceux qui naissent spontanément de matières en putréfaction, ou plutôt de la chaleur que la putridité développe toujours. Dans chacune de ces classes, on peut remarquer des variétés. Ainsi, parmi les vivipares, les uns produisent des petits tout vivants, comme l’homme, le cheval, le phoque, le dauphin ; mais il y a des vivipares qui produisent d’abord des œufs dans leur intérieur, et dont les petits sont vivants quand ils sortent du sein de la mère ; tels sont les sélaciens, parmi les animaux marins. Mêmes nuances dans les ovipares. Les uns produisent des œufs complets, c’est-à-dire, contenant deux parties : l’une qui est le germe du futur animal ; l’autre, qui doit servir à le nourrir, jusqu’à ce qu’il brise sa coquille. Chez d’autres ovipares, comme les poissons, les œufs pondus sont incomplets ; il faut que le mâle les féconde par une action qui lui est particulière, et sans laquelle les œufs demeurent stériles. D’autres ovipares encore produisent des larves, d’où sort le jeune animal complètement fait, sans que rien ait concouru à le nourrir et à le développer. Cette dernière nuance d’ovipares ne comprend que des animaux qui n’ont pas de sang. Quant aux animaux qui naissent spontanément, comme on le voit pour une foule d’insectes, ils offrent également des nuances. Si les uns viennent de la terre putréfiée ou de plantes pourries, d’autres se produisent dans le corps même des animaux, et ils y proviennent d’excrétions restées dans les organes. Tous les êtres inférieurs méritent moins d’attention, et ils sont moins bien connus, quoique, parmi les poissons, animaux d’un ordre plus relevé, il y en ait aussi quelques-uns qui naissent spontanément du sable et du limon.

On peut donc, d’une manière générale, dire que les animaux viennent d’accouplement, de l’union des deux sexes. Là où il y a des sexes, ce sont des organes différents qui les constituent et qui les distinguent. Pour les mâles, ces organes sont les testicules ; pour les femelles, ce sont les matrices. Les testicules, avec les autres parties de l’appareil générateur, peuvent être à l’intérieur ou au dehors ; au contraire, les matrices sont toujours intérieures, sans aucune exception, afin que le fœtus soit mieux protégé. Parmi les animaux qui ont du sang, il en est chez lesquels il n’y a pas de testicules proprement dits, mais seulement deux conduits, qui sont placés au-dessous du diaphragme, le long du rachis, et qui se réunissent en un seul, un peu au-dessus du point de sortie des excréments. La disposition est à peu près la même chez certains ovipares qui ont des testicules dans le bassin. Dans les vivipares qui ont des pieds, l’organisation des testicules est plus compliquée ; ils sont formés de circonvolutions nombreuses, destinées à amortir la violence des désirs sensuels, et à rendre l’élaboration de la semence plus parfaite. Ils tiennent à plusieurs autres organes du bassin, par des veines et des canaux, qui vont de ces organes aux testicules, et des testicules à ces organes. L’anatomie nous apprend tous ces détails, et les naturalistes qui ne se livrent pas directement à des travaux de dissection, peuvent s’instruire par les dessins joints aux descriptions anatomiques. Quant aux matrices, elles n’offrent pas moins de diversités. Chez les ovipares, elles sont tout autres que chez les vivipares. Dans ces derniers, bipèdes ou quadrupèdes, la matrice est placée au-dessous du diaphragme. Le plus souvent, à l’extrémité qu’on appelle ses petites cornes, elle a un conduit qui s’enroule en spirale. Chez les ovipares, elle est située différemment pour les oiseaux et pour les poissons. Les oiseaux l’ont près du diaphragme ; les poissons l’ont bien au-dessous, et elle est membraneuse et large. Celle des oiseaux a une tige charnue et ferme ; mais la partie qui touche au diaphragme est revêtue d’une membrane si mince que les œufs semblent être libres et dehors. Chez les sélaciens, qui produisent d’abord un œuf à l’intérieur, avant de produire leurs petits vivants, la matrice est divisée en deux parties, qui répondent sans doute à cette double opération. Parmi les reptiles, la vipère produit d’abord un œuf en elle-même, et ensuite elle est vivipare ; son organisation est à peu près celle des sélaciens. Les autres serpents ont une matrice allongée, comme leur corps ; les œufs y sont rangés d’une manière régulière ; et, quand la bête pond, au lieu de sortir un à un, ils sortent tous ensemble et d’un seul coup. Enfin, il y a des animaux, notamment les ruminants à cornes, qui ont dans la matrice des cotylédons, ou tubercules charnus, auxquels tient l’embryon. D’autres animaux n’ont pas ces cotylédons ; mais ils ont des parties qui en tiennent lieu (des placentas).

Après ces généralités sur la reproduction sexuelle des animaux, il faut suivre Aristote dans l’étude de chacune des classes qu’il a fixées le premier, et qui sont encore, en grande partie, celles qu’adopte notre science contemporaine. Il indique avec soin l’ordre dans lequel il compte les décrire successivement ; et nous n’avons rien à changer dans cette classification, qui est très acceptable, quoiqu’elle soit incomplète. Il étudiera donc d’abord les testacés ; il continuera par les crustacés, les mollusques, les insectes, les poissons, les oiseaux, les quadrupèdes, et il finira par l’homme, en montrant les moyens diversifiés que la Nature emploie pour que les animaux se reproduisent tels qu’ils sont, dans les êtres qui leur succèdent. « Pour cette nouvelle exposition, dit Aristote, nous resterons fidèle à notre méthode habituelle, et nous adopterons la même marche. Nous y mettrons cependant une différence : antérieurement, nous partions de l’homme pour connaître et décrire l’organisme des autres animaux ; maintenant, au contraire, nous ne parlerons de l’homme qu’en dernier lieu, parce qu’il demande infiniment plus de détails. »

Quant à nous, commençons notre analyse comme l’auteur le veut si judicieusement ; et en étant aussi brefs que nous le pourrons, accompagnons-le dans son embryologie comparée. Sans doute, il ne sait pas tout ce que nous savons à cette heure ; mais, nous aussi, nous procédons absolument comme il a procédé. Nous descendons à des degrés beaucoup plus bas de l’échelle, restés invisibles pour ses regards ; mais ce n’en est pas moins la même carrière que nous parcourons sur ses pas.

Les testacés n’ont pas de sexes ; on n’y distingue pas les mâles et les femelles, pas plus qu’on ne les distingue, soit dans les êtres exsangues et immobiles comme eux, soit dans les plantes, avec lesquelles on pourrait comparer les testacés, sous bien des rapports ; ou ils naissent spontanément, ou ils s’engendrent eux-mêmes (hermaphrodites), ainsi qu’elles. Quelquefois, on peut voir chez eux un être qui produit ; mais on n’en voit pas qui couvre et qui féconde. Le seul testacé dont on ait pu constater l’accouplement est le colimaçon. Dans tout le reste du genre, qui est fort nombreux, on n’a jamais observé rien de pareil. Les pourpres, les buccins, les moules, les huîtres, les conques, les peignes, les solénes ou manches de couteau, les thétyes, les glands, les écuelles, les nérites, les étoiles, les poumons de mer (pulmonés), naissent de la vase et du sable, sous l’action de la chaleur vitale, qui remplit le monde, et qui agit dans l’air et dans l’eau, avec une fécondité incessante. La plupart des testacés sont aquatiques et marins, et c’est un obstacle de plus à les bien observer ; il en est très peu qui vivent sur terre. Dans presque tous ceux qui font ce qu’on appelle de la cire, c’est une liqueur muqueuse qu’ils émettent, à certaine époque de l’année, et qui pourrait bien être de nature spermatique. Les testacés bourgeonnent souvent comme les plantes ; il suffit qu’un seul individu ait été formé pour que d’au très, se greffant sur lui, s’y amoncellent en masses de plus en plus considérables. Lorsque le limon qui s’attache aux flancs des navires vient à se dessécher, il naît de ce limon des coquillages de toute espèce. Quand les eaux se retirent, en laissant le sol à sec, on voit apparaître des moules là où jusqu’alors on n’en avait pas vu ; c’est de la vase qu’elles sortent. A Rhodes, les matelots d’un navire amarré dans le port avaient jeté à l’eau quelques tessons d’argile ; assez peu de temps après, on trouva des huîtres attachées sur ces poteries, où le limon les avait déposées. Des habitants de Chios ont même essayé de propager les huîtres ; mais ils n’y ont pas réussi. Ils en avaient apporté de Lesbos, et ils avaient eu le soin de les mettre dans des anfractuosités de rochers, et dans des conditions tout à fait pareilles à celles où ils les avaient prises. Ces huîtres, ainsi transportées, grossirent et engraissèrent ; mais elles ne se multiplièrent pas.

Tous ces faits démontrent que les testacés ne se reproduisent pas par accouplement.

On a pu croire que les testacés ont des œufs ; mais on s’est trompé ; ces œufs prétendus ne sont que de la graisse, signe de la santé de l’animal. C’est au printemps et à l’automne que ces excroissances sont les plus apparentes, quoiqu’elles subsistent en toutes saisons. Durant les journées chaudes et dans les pleines lunes, les œufs sont plus abondants ; on les prendrait pour une sorte de gestation, quoique aucun fait ne confirme cette conjecture. C’est à ce moment que les testacés comestibles ont le goût le plus délicat, et qu’on les prise le plus.

Les crustacés sont exsangues comme les testacés ; mais ils ont des sexes, et l’on peut citer, dans cette classe d’animaux, les crabes, les langoustes, les homards, les écrevisses, les squilles, etc., etc., qui présentent de nombreuses espèces. Comme leur accouplement dure longtemps, on peut l’observer sans trop de peine ; et, si quelques naturalistes ont pu en douter, c’est qu’ils n’ont pas su y mettre une attention suffisante. Tous les animaux de ce genre s’accouplent à la façon des quadrupèdes qui urinent par derrière. L’un présente le dessous de la queue ; l’autre met la sienne dessus ; et les queues s’unissent en sens contraire. Il n’y a pas d’intromission. Quand, après l’accouplement, les langoustes sont pleines, elles conçoivent leurs œufs, et elles les gardent à peu près trois mois, qui sont les mois les plus chauds de l’année. Après ce temps, elles font une ponte préliminaire, en amenant leurs œufs sous le ventre, dans des poches où ils se développent. A chacun des opercules de la queue, qui sont attachés sur le côté, il y a un cartilage auquel les œufs adhèrent ; et la masse totale produit l’effet d’une grappe. Au premier coup d’œil, on ne voit qu’une masse confuse ; mais chacun des cartilages est divisé lui-même en plusieurs portions, qu’on distingue nettement en les séparant. Les œufs ne sont pas plus gros qu’un grain de figue ; et si quelques-uns sont un peu plus forts, ce sont ceux du milieu. Comme les parties latérales de la queue ne pourraient les couvrir tous, la langouste ramène l’extrémité de sa queue pour les placer sous un vrai couvercle. Aussi, cette queue est-elle beaucoup plus longue chez la femelle que chez le mâle. Après avoir mûri ses œufs dans cet organe pendant une vingtaine de jours, elle les jette en masse ; et quinze jours après, il en sort de petites langoustes, qui sont grosses tout au plus comme le doigt. C’est surtout dans les endroits inégaux et pierreux qu’on les trouve ; les homards préfèrent des lieux bien unis, et ils évitent la vase, comme la langouste l’évite aussi. Les pécheurs le savent bien. Dans les crustacés, les canaux spermatiques des mâles sont très minces ; et les matrices des femelles sont membraneuses et placées près de l’intestin. Elles sont divisées en deux parts ; et c’est là que tout d’abord les œufs se forment et se logent. Il n’y a d’ailleurs qu’un seul canal pour l’émission de la semence et pour la sortie des excréments, dans le mule et dans la femelle.

Pour les mollusques, tels que les polypes, les seiches, les calmars, etc., il y a encore moins de doute que pour les crustacés ; ils ont certainement des sexes séparés. Ils s’accouplent tous de la même manière, en se joignant bouche à bouche, et en entrelaçant régulièrement tentacules à tentacules. Ainsi, le polype appuie contre terre la partie de son corps qu’on prend pour sa tête, et il étend ses bras ; l’autre polype se déploie symétriquement sur l’envergure des bras du premier ; et de cette façon, les parties concaves de leurs corps correspondent les unes aux autres. Quelques naturalistes prétendent que le mâle a une espèce de verge logée dans un de ses bras. Cette verge, qui est assez forte, est attachée vers le milieu du membre ; et le mâle l’introduit dans la trompe de la femelle, ou, du moins, dans l’organe qu’on appelle de ce nom. On voit souvent des seiches et des calmars arrangeant leurs bouches et leurs bras à l’opposé les uns des autres, et nageant réciproquement en sens inverse, de telle sorte que l’un nage en arrière, tandis que l’autre nage dans le sens de la bouche. Les femelles produisent leurs œufs par l’organe qu’on nomme leur évent, et qui, selon quelques personnes, leur sert aussi à être fécondées par le mâle. Un autre mode d’accouplement des mollusques est surtout connu par les récits de quelques pêcheurs ; mais on conteste leur explication, et l’on nie que ce soit par les tentacules, comme ils le prétendent, que ces animaux s’accouplent. Ils se touchent bien ainsi ; mais ce peut être pour une fonction tout autre que celle de la génération. Ce qui est de toute nécessité, c’est que le mâle puisse s’approcher de l’organe de la matrice pour que la femelle soit fécondée ; et ce n’est pas un tentacule qui peut remplir cet office. Ce qui a pu donner naissance à ces dissentiments sur l’accouplement des mollusques, c’est leur singulière conformation. Chez eux, la bouche et l’orifice excrémentitiel se confondent, et il n’y a qu’une issue pour l’entrée et pour la sortie des aliments. D’une manière générale, on peut dans toutes les espèces d’animaux assimiler l’être, quel qu’il soit, à un tube ouvert par les deux extrémités ; ce tube est tout droit ; mais, chez les mollusques, on dirait que la Nature l’a recourbé de manière qu’un des bouts touche l’autre. Dès lors, on conçoit que la verge ait dû être placée ailleurs que là où elle l’est chez les animaux qui sont constitués tout autrement.

Quoi qu’il en soit, le polype répand sur sa femelle une liqueur visqueuse qui féconde l’œuf qu’elle porte. D’abord, cet œuf semble unique, et il est de couleur blanche ; mais bientôt, il devient granuleux, comme celui des crustacés. La femelle le dépose dans les trous qui lui servent de retraite, dans des tessons, si elle en trouve, et dans les endroits creux. Le paquet de ces œufs ressemble alors à des touffes de vigne vierge, ou à l’efflorescence du peuplier blanc. Après une cinquantaine de jours environ, il sort de chacun de ces grains de petits polypes, qui ressemblent à des araignées ; ils sont très faibles, et beaucoup d’entre eux meurent presque sur-le-champ.

Quant à la seiche, ses œufs sont noirs et gros, comme des baies de myrte. Ils sont reliés et collés les uns aux autres par une matière qui les unit en une masse ; c’est l’effet de la viscosité gluante que le mâle a jetée dessus. L’œuf est composé de deux parties ; celle qui est blanche nourrit la petite seiche, comme le jaune nourrit le poussin des oiseaux. Au bout de quinze jours, les œufs ont la grosseur d’un grain de raisin. La petite seiche doit briser l’enveloppe pour en sortir. C’est presque toujours au printemps que les mollusques frayent, comme la plupart des autres poissons. La seiche est la première à frayer, et elle fraye non seulement au printemps, mais en toute saison ; elle y met une quinzaine de jours, à peu près. Les polypes doivent s’accoupler en hiver, pour produire au printemps. La seiche et le polype couvent leurs œufs à l’endroit même où ils les ont déposés ; ou bien, ils se mettent à l’entrée du trou dans lequel ils les cachent, et ils étendent un de leurs bras devant l’ouverture, pour la fermer. On voit fréquemment la seiche, le corps à demi sorti de l’eau, posée sur ses œufs. Comme elle recherche à ce moment les algues, les roseaux, les brins de paille, et autres débris de la laisse de mer, les pêcheurs ont le soin de placer en lieu convenable, des baguettes sur lesquelles la seiche pelotonne et enroule son frai. On a moins de renseignements sur les calmars, parce qu’ils pondent en haute mer ; leur frai ressemble à celui de la seiche, et forme aussi une masse continue. La femelle a dans son intérieur deux corps rouges en forme de mamelons ; ces organes se rapportent sans doute à la génération, puisque le mâle ne les a pas.

La génération des insectes est beaucoup mieux connue, parce que beaucoup d’insectes vivent sous nos yeux et qu’il est facile de les observer, quoique nous en ignorions toujours bien des choses. Voici leur mode d’accouplement le plus commun. Le mâle, qui est plus petit, monte sur la femelle, qui est plus grosse que lui, et ils se joignent par derrière. Contrairement à ce qui se passe dans les autres animaux, la femelle, qui est dessous, introduit son canal dans le mâle, qui est dessus. Cet organe de la femelle paraît plus grand qu’il ne devrait l’être proportionnellement à son corps. On peut voir ceci très nettement en séparant des mouches accouplées ; on ne les détache qu’avec un petit effort, et elles se tiennent si étroitement unies parce que leur accouplement doit durer longtemps. Les araignées s’accouplent de cette même façon, après que le mâle et la femelle ont tiré, à tour de rôle et en sens opposé, sur un des fils qui forment le tissu de la toile.

En général, les insectes naissent au printemps, comme presque tous les animaux ; ils peuvent naître aussi en hiver, lorsque, pendant un temps plus long qu’à l’ordinaire, il fait de beaux jours et que le vent est au sud. Cependant, c’est une exception, et on ne la remarque que chez ceux des insectes qui ne se cachent pas, comme le font les mouches et les fourmis, durant la saison froide. Les insectes pondent presque aussitôt après l’accouplement. De la ponte, vers ou larves, il sort des êtres congénères à ceux qui les ont produits. Mais il est des insectes qui naissent spontanément, dans des matières putrides, et encore dans d’autres conditions, par exemple, soit à la suite d’une pluie ou d’une rosée, soit dans les eaux, dans les bois verts ou secs, et même dans les lainages de nos vêtements. Quant aux larves pondues par les insectes, il se passe en elles un travail dont il est difficile de se rendre compte ; et à un moment donné, il en sort tout à coup un animal entièrement formé, dont on n’a pu voir la croissance successive, comme on le voit pour les vers et pour la plupart des animaux. Il est des larves qui, avant de produire l’être complet, subissent plusieurs métamorphoses, ainsi qu’on peut l’observer sur les papillons.

On a étudié la génération de beaucoup d’insectes, et on la comprend assez bien ; par exemple, les frelons, les guêpes, les araignées, les sauterelles, les cigales, les poux, et bon nombre d’animalcules. Mais, bien qu’on se soit occupé plus particulièrement encore des abeilles, on ne sait rien de précis sur la manière dont elles se reproduisent. Leur travail de miel et de cire, la construction géométrique de leurs alvéoles, leurs mœurs et l’organisation de leur vie en commun, tout cela a quelque chose de divin, que nul insecte n’offre au même degré. Mais, en dépit de tant de motifs de sérieux examen, on ignore complètement comment les abeilles s’engendrent. On voit bien la reine des abeilles pondre des larves en abondance ; mais on ne sait pas comment elle est fécondée. On suppose que ce doit être par les bourdons ; mais rien ne le prouve. Du reste, les systèmes n’ont pas manqué pour expliquer ce fait toujours mystérieux ; mais aucune de ces théories fort ingénieuses ne s’appuie sur des faits constants ; on ne saurait les admettre. Ce qui est certain, c’est qu’on n’a jamais vu l’accouplement des abeilles, ni entre elles, ni avec les rois, ni avec les bourdons. On peut réfuter victorieusement toutes les explications proposées ; mais on ne saurait en fournir une meilleure. Il faut donc se résigner au doute, quoique, selon toute apparence, ce soient les bourdons qui doivent être les mâles, bien que dépourvus du dard qu’ont les abeilles. En résumé, de même que les abeilles sont des insectes à part et uniques en leur genre, de même leur génération paraît n’être pas moins singulière, ni moins remarquable.

Des insectes nous passons à la classe des poissons.

On peut affirmer que toute cette classe sans exception est ovipare, attendu que ceux même des poissons, en petit nombre, qui sont vivipares, font d’abord un œuf en eux-mêmes, d’où sort ensuite leur petit tout vivant, comme on le voit chez les cétacés et les sélaciens. Les poissons vivipares ont du lait et des mamelles, ainsi que les quadrupèdes. Le dauphin, par exemple, qui est vivipare, a des mamelons, qui, sans être aussi apparents que chez d’autres animaux, sont des espèces d’orifices, un de chaque côté sur les flancs. De ces orifices suinte le lait, tété par les petits, qui suivent la mère. Le fait a été attesté par quelques personnes qui l’ont parfaitement vu. Sauf cette exception, qui ne s’étend pas très loin, la plupart des poissons naissent d’œufs pondus extérieurement par les femelles. On distingue donc des sexes parmi les poissons. Mais il en est quelques-uns, comme l’anguille, où l’on n’a pu découvrir de sexes distincts, du moins jusqu’à présent. L’anguille n’est ni mâle ni femelle ; elle ne produit, ni n’engendre, absolument rien d’elle-même. L’anatomie n’a jamais fait découvrir en elle, ni canaux spermatiques, ni matrice. On prétend bien que l’on a trouvé dans certaines anguilles des appendices en forme de filaments et de vers, qu’on prend pour des organes génitaux ; mais on n’a pas pu préciser dans quelle partie du corps ces appendices se manifestent ; et la science ne peut recevoir pour vraie une assertion aussi vague. Jamais personne n’a vu des œufs d’anguille. Quant à la distinction du mâle et de la femelle, qu’on veut établir, parce que le mâle aurait, dit-on, la tête forte et plus longue, et que la femelle l’aurait plus petite et plus aplatie, ce n’est pas là du tout une différence de sexe ; c’est une simple différence d’espèce.

Il y a aussi des poissons qui naissent spontanément, comme certains insectes, dans la vase et le sable. Ce qu’il y a de singulier, c’est que les poissons nés de cette manière sont de mêmes espèces que ceux qui viennent d’œufs et d’accouplements. Ainsi, l’on rapporte que, dans des marais qui avoisinent Cnide, et où le limon avait été complètement desséché par la chaleur de la canicule, on a vu de petits poissons se montrer dès que l’eau revenait dans les bas fonds. On ajoute que ces poissons étaient du genre des muges, chez lesquels certaines espèces ne se reproduisent pas par accouplement.

D’autres poissons naissent de même spontanément dans l’écume de mer qu’on appelle l’aphye ; c’est une sorte de pourriture provenant des rivages sablonneux. L’aphye se forme en toute saison, mais plus abondamment dans les beaux jours, lorsque la terre s’échauffe ; elle s’amasse alors dans les endroits ombragés et marécageux. On en trouve beaucoup sur les côtes de Salamine, dans le voisinage d’Athènes et de Marathon. Quand le temps est calme, elle est ballottée à la surface de la mer ; et l’on y voit flotter de petites larves, comme celles qu’on découvre dans le fumier. Elle est surtout abondante quand la chaleur est humide. L’aphye de Phalère et du Pirée donne nais-sauce à de petits poissons excellents, qui se rapprochent des sardines. Les pêcheurs savent tirer parti de cette aphye, qu’ils salent, pour la conserver plus longtemps, et la transporter commodément.

Les poissons n’ont pas de testicules, ni en dehors, ni en dedans. C’est sans doute à cause de la conformation allongée de leur corps ; on verra que les serpents sont dans le même cas, ainsi que les animaux à branchies. Mais pour remplir la fonction des testicules, il y a deux conduits suspendus des deux côtés du rachis ; ils se réunissent en un seul pour l’émission. Dans la saison de l’accouplement, ces canaux se remplissent de liqueur séminale ; et ils en sont tellement gonflés que la plus légère pression en fait sortir de la semence de couleur blanche, qui ressemble à du lait. C’est ce qu’on appelle la laite des poissons. L’organisation de ces conduits spermatiques diffère selon les espèces ; et c’est l’anatomie, qui, pour chacune, nous apprend ce qu’ils sont. Peut-être, on expliquerait cette absence de testicules chez les poissons, en disant que, pour eux, l’accouplement doit être très rapide, et que la semence n’a pas besoin de cette longue élaboration qu’elle présente chez les quadrupèdes. Les conduits sont simples et tout droits ; ils n’ont pas ces circonvolutions multipliées et ces redoublements qu’ont les testicules humains. Ces vaisseaux se distinguent aisément dans les mâles, de la matrice des femelles, à l’époque de l’accouplement ; passé cette époque, les vaisseaux ne sont plus aussi distincts, si ce n’est pour les gens qui ont l’habitude de les observer. Il y a même des poissons chez qui les conduits spermatiques s’effacent entièrement, ainsi qu’il arrive aussi chez les oiseaux, en dehors du temps de l’accouplement.

Comme, en général, les sexes sont nettement séparés chez les poissons, la fécondation y est aussi de toute évidence. La femelle pond ses œufs, qu’elle abandonne ; le mâle, qui la suit, vient verser sa laite sur les œufs. Il n’y a de féconds que ceux qui en ont été arrosés. Les autres sont perdus, et ils deviennent ce que veut le hasard. Mais la Nature a prévu cette chance défavorable ; les œufs que produit la femelle sont en nombre prodigieux, et la perte se trouve compensée. Ces œufs sont ordinairement très petits et pareils à des graines de la plus mince dimension ; s’ils étaient plus gros, la matrice ne pourrait les contenir, et la gestation deviendrait impossible. Le poisson qu’on nomme l’aiguille a des œufs qui sont très gros, relativement aux autres ; il en a peu ; et cependant, il crève souvent par la distension excessive qu’ils lui causent.

La fécondation des poissons a donné lieu à bien des erreurs. C’est ainsi que l’on croit que les femelles sont fécondées en avalant la semence des mâles ; bien des gens soutiennent avoir vu le fait. Cependant, il est faux. Ce qui a pu causer cette illusion, c’est qu’à l’époque de l’accouplement, les femelles, dans plusieurs espèces de poissons, viennent, avec leur bouche, frapper le mâle sous le ventre ; et alors, les mâles émettent leur semence plus vite et en plus grande quantité. Au contraire, après la ponte, ce sont les mâles qui poursuivent les femelles, et ils dévorent en partie les œufs qu’elles produisent. En observant les choses un peu mieux, et en y réfléchissant davantage, on aurait pu aisément s’apercevoir de l’erreur où l’on tombait. D’abord, c’est à la même époque de l’année que les mules ont leur laite et que les femelles ont leurs œufs. Plus la femelle est près de pondre, plus aussi la laite s’accumule dans le mâle et se liquéfie ; et de même que l’accumulation de plus en plus grande de la laite dans le mâle coïncide avec l’ovulation dans la femelle, de même l’émission a lieu également à la même époque. Les femelles ne pondent pas d’un seul coup, mais petit à petit ; et les mâles ne répandent pas davantage leur-laite en une seule fois. Les deux fonctions sont donc faites pour se correspondre.

En second lieu, on aurait bien dû se dire que, si ces femelles avalaient la semence, elles la digéreraient. L’estomac est fait pour digérer les aliments qu’il reçoit. Et, comment supposer que la liqueur séminale puisse le traverser pour aller jusqu’à la matrice, sans être altérée et sans perdre sa faculté génératrice ? Mais ces erreurs sur les poissons ne doivent pas plus nous étonner que tant d’autres erreurs populaires sur la fécondation de certains oiseaux, et même de certains quadrupèdes. C’est toujours par défaut d’observation, et par des généralisations irréfléchies, qu’on commet ces méprises. Des naturalistes s’y sont laissé prendre, tout aussi bien que des historiens.

Presque tous les poissons ne produisent qu’une seule fois l’an ; néanmoins, il en est quelques-uns qui frayent deux fois, et même jusqu’à trois fois, comme le surmulet, qui fraye dans la vase. Parmi les sélaciens, la raie est la seule à pondre deux fois. L’époque la plus ordinaire pour le frai est le printemps, jusqu’au solstice d’été. Les espèces qui frayent deux fois pondent au printemps et à l’automne. Il en est qui frayent en toutes saisons, comme la murène, dont les œufs sont très abondants et se développent très vite. Quelques poissons ne frayent qu’en certains lieux à l’exclusion de tous les autres. Ainsi, les thons frayent dans le Pont-Euxin et ne frayent pas ailleurs. D’autres poissons préfèrent l’embouchure des fleuves, et d’autres encore frayent en haute mer. Une chose qu’il ne faut pas perdre de vue, c’est que, si, pour les plantes et même pour les animaux, les contrées diverses amènent de la différence, non seulement pour la santé générale des individus, mais aussi pour le nombre de leurs accouplements et pour leur fécondation, de même les lieux ont une grande influence sur les poissons, non seulement pour leur grosseur et leur engraissement, mais aussi pour leurs portées et leurs accouplements, de telle sorte que les mêmes animaux produisent davantage dans tel lieu et produisent moins dans tel autre.

La durée de la gestation chez les poissons varie tout autant. Les uns portent trente jours, d’autres portent encore moins. Tous les poissons souffrent de la gestation ; et c’est surtout à ce moment qu’ils sortent hors de l’eau ; on les voit se précipiter furieusement vers la terre ; et durant tout ce temps, ils sont dans une agitation continuelle ; ils ne se calment que quand ils ont jeté leur frai. On a bien souvent essayé de faire des rapprochements entre l’œuf des oiseaux et l’œuf des poissons ; mais entre ces œufs, il n’y a guère que des dissemblances. L’œuf des oiseaux est de deux couleurs : le blanc, qui constitue le poussin, et le jaune, qui le nourrit. L’œuf des poissons est d’une seule couleur, et l’on n’y distingue pas deux parties. Il n’a pas de coquille, tandis que l’œuf des oiseaux en a une, qui est assez dure. D’autres analogies encore plus lointaines ont été indiquées ; et c’est ainsi qu’on a pu dire que l’écaillé, chez les poissons, remplissait la fonction des plumes chez les oiseaux.

Enfin, on n’a jamais vu chez les poissons des espèces différentes s’accoupler et produire des hybrides ; ce qu’on observe souvent entre plusieurs espèces de quadrupèdes et même d’oiseaux, où les croisements réussissent, bien que leur effet ne se prolonge pas dans des générations successives.

Tous les oiseaux, sans aucune exception, ont des sexes séparés ; il n’est pas une de leurs espèces qui ne vienne d’accouplement. Tous aussi sont ovipares. Le mode de l’accouplement est unique : le mâle monte toujours sur la femelle. La seule différence, d’ailleurs bien légère, c’est que tantôt la femelle s’accroupit, et c’est le cas le plus ordinaire, et que tantôt elle reste debout, comme chez les grues, où le mâle grimpe sur la femelle, qui demeure toute droite. Il y a des oiseaux, comme les pigeons et les tourterelles, qui se baisent bec à bec avant l’accouplement. Chez tous les oiseaux, la copulation est extrêmement rapide. Le plus habituellement, la fécondation se fait en une fois. Les oiseaux ont des testicules, qui sont placés à l’intérieur près des lombes, disposition qui se retrouve chez les quadrupèdes ovipares, tels que la tortue, le lézard, le crocodile, et même chez quelques vivipares, tels que le hérisson. De l’un et de l’autre testicule, sortent des conduits qui, pour l’émission, se réunissent en un seul, comme dans les animaux qui n’ont pas de testicules. Ceux des oiseaux et des quadrupèdes ovipares sont, tantôt de couleur plus blanche, tantôt de couleur plus jaunâtre. La liqueur séminale se montre dans ces conduits, qu’elle remplit au temps de l’accouplement ; mais la saison une fois passée, les canaux deviennent presque imperceptibles ; au contraire, quand l’animal s’accouple, ils sont énormes. On en peut dire autant de la verge, qu’on distingue à peine dans les petits oiseaux, mais qui se voit bien mieux chez de plus grands, l’oie, par exemple, et les animaux de cette grosseur, quand l’accouplement va se faire.

La matrice des oiseaux a, comme on l’a déjà dit, une tige ferme et charnue. Elle est revêtue d’une membrane très mince, qui renferme les œufs. Sur les petits oiseaux, cette membrane n’est presque pas apparente ; elle l’est davantage sur les gros oiseaux ; et l’on n’a qu’à l’insuffler, par la tige de la matrice, pour qu’elle s’élève et se gonfle. Les oiseaux ont de la semence, qui est blanche et pareille à celle des autres animaux. La semence ne varie jamais de couleur, malgré ce qu’en ont cru quelques naturalistes, s’imaginant que la liqueur séminale des nègres doit être noire ainsi que leur peau. Après l’accouplement, la femelle des oiseaux attire la semence dans la partie supérieure du diaphragme, où les œufs se rencontrent.

La particularité essentielle qui distingue les oiseaux, c’est leur œuf, qui se forme à l’intérieur, et qui sort ensuite, recouvert d’une coquille contenant le poussin. Tout d’abord, l’œuf se montre très petit et de couleur blanche ; puis, il devient rouge et couleur de sang ; en grossissant, il passe au jaunâtre et au roux. A mesure qu’il se développe de plus en plus, il se divise à l’intérieur en deux parties, séparées par une membrane ; le jaune se place au centre, et le blanc l’entoure. Quand enfin l’œuf est complet, il se détache, et il sort. De mou qu’il était, il devient assez dur ; mais au moment même de la sortie, la coquille n’a pas encore toute sa consistance, de peur que l’animal ne soit blessé ; elle l’acquiert presque sur-le-champ ; et elle a dès lors toute la fermeté qu’on lui connaît, afin de protéger le poussin contre tous les accidents extérieurs. Quelquefois, la coquille reste molle ; mais c’est une preuve que la bête était malade. Dans les œufs des oiseaux aquatiques, la proportion du jaune est beaucoup plus forte.

La couleur extérieure des œufs varie selon les espèces. Beaucoup d’œufs sont blancs, comme ceux des poules ; tantôt, ils sont jaunes comme ceux des oiseaux de marais ; tantôt ils sont mouchetés de points, comme ceux des pintades et des faisans. Les œufs de la cresserelle sont d’un rouge de vermillon. L’œuf est toujours plus pointu par un de ses bouts, plus gros et plus arrondi par l’autre. On prétend que les œufs longs et pointus donnent des mâles, et que ceux qui sont arrondis et qui ont un cercle vers la pointe, donnent des femelles ; mais c’est un fait à vérifier.

L’époque et le nombre des pontes ne varient pas moins que la couleur des œufs. Les oiseaux sauvages ne s’accouplent et ne pondent qu’une seule fois par an. L’hirondelle et le merle pondent deux fois. Le merle est peut-être de tous les oiseaux celui qui pond le plus tôt ; mais bien souvent, sa première couvée périt par le froid de l’hiver ; et il n’amène à bien que la seconde. Les oiseaux domestiques et ceux qui peuvent devenir domestiques, font plusieurs pontes, parce que, vivant avec l’homme et ayant une nourriture abondante, ils peuvent s’accoupler aussi en toute saison. Témoins les pigeons, qui élèvent des petits pendant toute l’année, quand ils sont dans un lieu chaud et qu’ils ont tout ce dont ils ont besoin. Les poules, si on les soigne bien, pondent pendant dix mois à peu près sur douze, ne cessant de produire que pendant les mois qui précèdent, ou qui suivent, le solstice d’hiver. Mais le plus généralement, les oiseaux s’accouplent et font leurs couvées aux environs du printemps et au début de l’été. Il faut en excepter l’halcyon, qui pond vers le solstice d’hiver, donnant son nom aux beaux jours qu’on a quelquefois à cette époque de l’année.

On a cherché à savoir combien de temps l’œuf mettait à se former après l’accouplement ; et l’on a trouvé que cet intervalle varie avec la grosseur des parents. L’œuf de poule met approximativement dix jours à se former et à être parfaitement fait ; il faut un peu moins de temps pour l’œuf de pigeon. Une singularité dans cette dernière espèce, c’est que la femelle, au moment même du travail, peut retenir son œuf, si quelque chose vient à la troubler ; et alors elle bouleverse son nid.

Le nombre des œufs est très variable suivant les espèces. Certains oiseaux ne font qu’un seul œuf ; d’autres en font une masse. Les oiseaux de proie sont très peu féconds, parce qu’ils ont trop de peine à se nourrir et à nourrir leurs petits. L’aigle ne fait jamais que trois œufs ; et selon la remarque de Musée, elle n’en fait éclore que deux. Dès qu’un des deux aiglons est assez grand, elle le chasse, parce qu’elle aurait trop de peine à l’élever, et aussi, dit-on, parce qu’elle en est jalouse. Le milan a deux ou trois œufs ; rarement, il en a quatre. Le vautour en a un ou deux ; la grue en a deux aussi. Le verdier en pond quatre ou cinq ; l’halcyon de même. Une espèce de mésange, appelée la mérope, en a six, qu’elle dépose à l’automne dans les lieux les plus escarpés, et dans des trous profonds. Les œufs de la pie sont au nombre de neuf ; ceux de la perdrix, au nombre de dix et jusqu’à seize. La mésange ordinaire passe pour être l’oiseau qui a le plus d’œufs ; elle en a jusqu’à dix-sept, quelquefois même plus de vingt ; et chose bizarre, ses œufs sont toujours en nombre impair. Parmi les oiseaux domestiques, le pigeon ne fait d’ordinaire que deux œufs ; mais il pond très fréquemment. Si par hasard il a trois œufs, il n’élève pourtant que deux petits ; souvent même il n’en élève qu’un seul, détruisant le troisième œuf, qui presque toujours est clair. Il y a des poules de belle race qui accumulent leurs œufs jusqu’au nombre de soixante, avant de les couver. D’autres poules pondent jusqu’à deux fois par jour ; mais cet excès de fécondité les épuise, et elles peuvent en mourir. Les petites poules dites d’Adria pondent tous les jours, sans se fatiguer.

En général, les oiseaux pondent dans des nids. Mais ceux dont le vol est pesant ne font pas de nids, par exemple, les perdrix et les cailles, qui pondent sur la terre, recouvrant leurs œufs avec des branchages. Il en est qui cachent les leurs dans des trous. Les grives font leurs nids avec de la boue, comme les hirondelles, mais sur le haut des arbres ; elles les placent à la suite les uns des autres, dans un ordre assez régulier. La huppe se donne moins de peine ; elle se fourre dans les vieux troncs d’arbre, où elle dépose ses œufs sans y rien apporter. L’épervier et le vautour nichent dans des lieux inaccessibles, au sommet des roches les plus abruptes. L’aigle, dont le nid est énorme, fait de même ; il garde son aire fort longtemps, sans y rien changer ; une fois qu’il l’a construite de bois mort, il la défend avec fureur, si on l’attaque. Le nid le plus curieux et le mieux fait est celui de l’hirondelle ; elle le construit de paille et de boue, en y entrelaçant des brindilles de bois. Si la boue lui manque, elle se baigne dans l’eau et va rouler ses ailes dans la poussière. Elle édifie ce nid absolument d’après les règles que nous suivrions nous-mêmes, mettant d’abord en dessous les matériaux les plus durs. Elle proportionne parfaitement la grandeur de son logement à la sienne. Le mâle et la femelle prennent le même soin des petits ; la mère distribue à chacun d’eux leur pâture, distinguant, comme si elle en avait l’habitude, celui qui en a reçu le premier, afin de ne pas lui en donner deux fois. Dans les premiers temps, elle prend le soin de rejeter leur fiente hors du nid, qu’elle tient très propre ; et quand ils sont plus grands, elle leur apprend à se tourner dehors pour se satisfaire. Il y a, tout au contraire des oiseaux qui ne font pas de nid, et qui ne s’occupent point de leur progéniture. Le coucou va le plus souvent pondre dans les nids d’autres oiseaux, et il y abandonne ses œufs, sans la moindre sollicitude pour ce qui doit en sortir.

Une fois les œufs pondus et abrités dans le nid, les oiseaux les couvent, pour les amener à maturité et à éclosion. L’incubation dure plus ou moins longtemps, selon les espèces, qui y sont plus ou moins aptes, et selon la grosseur de l’animal. Elle est destinée à maintenir sur les œufs une chaleur constante ; et c’est si bien la chaleur qui est nécessaire qu’on peut même se passer de l’oiseau pour l’obtenir. Ainsi, en Egypte, on met les œufs dans le fumier, et ils y éclosent très bien sous les ardeurs du soleil. On a placé aussi des œufs dans des vases qu’on chauffait ; ils y étaient couvés, et les petits en sortaient spontanément. Quand c’est la femelle qui couve, les poussins sortent dans les temps chauds plus vite que dans les temps froids ; ainsi, les poussins de la poule éclosent en dix-huit jours dans l’été ; et il faut quelquefois vingt-cinq jours en hiver. L’aigle couve trente jours, comme le font aussi les gros oiseaux, l’oie et l’outarde. En général, les oiseaux n’ont aucune attention pour les petits quand ils sont élevés. On excepte pourtant la corneille, qui reste encore quelque temps avec eux pour les nourrir, même quand ils volent déjà tout seuls, et qui vole à côté d’eux. Les femelles des corneilles restent seules à couver sans interruption, et c’est le mâle qui leur apporte soigneusement à manger. Dans d’autres espèces, celles des pigeons et beaucoup d’autres, les mâles couvent alternativement et relayent la femelle, pendant tout le temps qu’elle met à se procurer sa nourriture. L’incubation alors ne cesse pas un seul instant ; et c’est ainsi qu’elle arrive sûrement à terme, comme le veut la Nature.

Les œufs des oiseaux sont sujets à des accidents de diverses sortes. Bien que provenant d’un accouplement régulier, il se peut qu’ils ne produisent rien et qu’ils restent clairs. D’autres fois, ils ont deux jaunes, et il en sort deux jumeaux. En ce cas, les deux jaunes sont séparés par une couche de blanc, qui s’interpose. Souvent aussi, cette couche intermédiaire vient à manquer, et les deux jaunes se mêlent et se confondent. On a vu des poules ne pondre que des œufs doubles ; on en a même observé une qui avait pondu jusqu’à dix-huit œufs, tous doubles et féconds. Seulement, des doubles jaunes, l’un était plus grand, et l’autre plus petit. L’accident le plus fréquent est celui des œufs clairs pondus par la femelle, sans accouplement, c’est-à-dire, d’œufs qui ne produisent pas de poussins, bien qu’en apparence ils soient aussi bien conformés que les autres. Ils sont plus nombreux et plus petits que les œufs féconds. Quelques naturalistes ont prétendu que les œufs clairs sont des restes et des débris d’œufs, venus d’un accouplement antérieur, et avortés dans le sein de la bête. Ce n’est pas exact, puisqu’on trouve de ces œufs clairs dans de jeunes femelles qui n’ont pas été cochées. Ceci prouve bien que la femelle a des œufs sans l’intervention du mille, et que c’est le mâle seul qui peut les féconder et leur donner la vie. Quand on met des œufs clairs à couver sous l’oiseau, il ne se passe dans ces œufs aucun changement sous l’action de la chaleur ; le blanc et le jaune restent identiquement ce qu’ils étaient.

Au contraire, dans les œufs féconds, d’où le poussin doit sortir, il se produit, presque dès le premier jour après l’accouplement, des modifications, qui ne font que s’accroître à mesure que l’incubation s’avance dans sa durée régulière. Les phénomènes qui s’accomplissent alors dans l’œuf sont excessivement curieux, et font très bien comprendre comment se forment les fœtus, depuis la conception jusqu’à la naissance. Cette étude importante sera abordée un peu plus loin, quand nous aurons à traiter de la génération de l’homme.

A la suite des oiseaux, il faut dire quelques mots des reptiles ; et comme, parmi eux, il y a des quadrupèdes, ce sera une transition facile pour arriver à la génération des animaux de cette dernière classe. Les serpents n’ont pas de testicules, non plus que les poissons ; mais à la place de cet organe, qui leur manque, ils ont aussi deux conduits suspendus au-dessous du diaphragme, des deux côtés du rachis. Ces conduits s’emplissent de liqueur séminale, à l’époque de l’accouplement. Ils se réunissent en un seul, un peu au-dessus du point de sortie des excréments, ainsi que chez les poissons. La matrice des reptiles diffère beaucoup de celle des autres animaux, et elle diffère, même dans la classe des serpents, d’une espèce à une autre. Elle est allongée suivant la conformation du corps de l’animal, et elle s’étend jusqu’au diaphragme. Les œufs y sont rangés en ordre très régulier ; on dirait les joyaux d’un collier de femme. Ils sont pondus tous à la fois. La vipère pond ainsi plus de vingt petits en un seul jour ; mais la vipère est d’abord ovipare en elle-même, et sa matrice se rapproche de celle des sélaciens ; ses petits restent trois jours dans la membrane qui les enveloppe, et ils doivent la rompre pour paraître au jour tout vivants. L’œuf intérieur de la vipère est mou, et il n’est que d’une seule couleur. Souvent, les petites vipères se dévorent entre elles. Les serpents ont un accouplement étrange, qui n’est qu’à eux. Le mâle ne pouvant monter sur la femelle, ils s’entrelacent l’un à l’autre ventre contre ventre ; et ils se serrent si fort, dans cet enroulement, qu’ils semblent ne former qu’un seul serpent à deux têtes. L’accouplement se fait de la même manière chez les lézards. Mais il est très rapide pour tous ces animaux. En Libye, il y a des serpents d’une grosseur monstrueuse ; ils nagent aussi bien qu’ils rampent ; et à en croire les récits des navigateurs, ils seraient de force à faire chavirer une barque, quand ils la poursuivent sur les eaux.

Quelques espèces de quadrupèdes sont ovipares ; mais presque tous sont vivipares. Les quadrupèdes ovipares ont des testicules intérieurs, au-dessous du diaphragme dans le bassin, disposés à peu près comme ceux des oiseaux et des poissons. Leurs matrices aussi sont semblables à celles de ces derniers animaux. Ils s’accouplent comme les quadrupèdes vivipares, le mâle montant sur la femelle ; mais les saisons de l’accouplement sont variables. Pour les uns, c’est au printemps ; pour les autres, c’est en été ; pour quelques-uns même, c’est à l’automne ; mais toujours, à l’époque la plus favorable pour les petits qui doivent en naître. La tortue de terre pond des œufs à tégument dur et de deux couleurs, comme ceux de l’oiseau. Une fois qu’elle les a pondus, elle les enfouit en terre dans un trou qu’elle creuse, et elle égalise le sol par dessus. Cela fait, elle les couve, et les œufs n’éclosent que l’année suivante. La tortue d’eau douce sort de l’eau pour pondre ; elle fait également un trou rond, en terre, où elle dépose ses œufs ; elle les y laisse une trentaine de jours. Alors, elle les déterre, et elle en fait sortir les petits, qu’elle mène immédiatement à l’eau. La tortue de mer vient de même à terre pondre des œufs qui ressemblent beaucoup à ceux des oiseaux domestiques ; elle les enterre, et les couve pendant les nuits. Elle en fait un nombre considérable, qui se monte parfois jusqu’à cent. Le crocodile en pond un peu moins, une soixantaine environ. Il les couve deux mois à peu près. Ces œufs sont blancs, et très petits, comparativement à l’animal énorme qui en sortira. L’œuf n’est pas plus gros que celui d’une oie ; et l’on a vu des crocodiles avoir dix-sept coudées de long.

Quant aux quadrupèdes vivipares, ils ont tous des organes sexuels fort apparents, testicules, verge et matrices. Tantôt, les testicules sont suspendus et détachés, comme chez l’homme et bien d’autres animaux ; tantôt, ils sont contigus à la partie postérieure du ventre et n’en sont pas détachés ; c’est la conformation des porcs. De même pour la verge, elle est, ou suspendue sous le ventre et adhérente, ou elle est libre. Cette diversité d’attache vient de ce que tels animaux urinent en avant, et tels autres urinent en arrière. Les matrices ne diffèrent pas moins, bien que leur position générale soit toujours en bas du diaphragme. On y distingue deux parties : la matrice proprement dite, et l’utérus, où le fœtus doit être nourri. Tous les animaux à cornes ont, pour leur matrice, une organisation pareille à celle de la femme. Dans les animaux à cornes qui n’ont pas les deux rangées de dents, et qui en manquent à la mâchoire supérieure, la matrice a des cotylédons, ou protubérances charnues, auxquels se rend le cordon ombilical destiné à nourrir le fœtus, et auxquels il s’attache. Les cotylédons ont une partie convexe qui touche la matrice, et une partie concave, qui touche l’embryon. Ils deviennent de plus en plus petits à mesure que le fœtus prend de la croissance, et ils disparaissent complètement quand il est tout à fait formé. Les animaux à double rangée de dents aux deux mâchoires n’ont pas de cotylédons dans la matrice. Du reste, tous ces détails doivent être étudiés sur les dessins anatomiques joints aux descriptions.

Les mamelles sont un organe spécial des quadrupèdes. Ils sont, avec l’homme, les seuls à en posséder. Les mamelles varient de position et de nombre, selon les espèces. Aussi, l’homme a deux mamelles placées sur le devant de la poitrine. Nul autre animal n’a cette conformation. L’éléphant, qui n’a aussi que deux mamelles, les a au-dessous de la poitrine, et presque sous les aisselles ; elles sont très petites, proportionnellement au volume de son corps, et on les voit à peine quand on les regarde de côté. Les mâles en ont comme les femelles, bien qu’elles leur soient inutiles. La brebis n’en a que deux, comme l’éléphant ; et elles sont placées entre les cuisses. L’ourse a quatre mamelles, ainsi que la vache. La chienne, la truie, ont des mamelles inégales et en grand nombre, non plus sur la poitrine ni près des cuisses, mais sous le ventre. La panthère et la lionne les ont sous le ventre également ; mais la panthère en a quatre, et la lionne en a deux. La chamelle non plus n’a que deux mamelles ; mais elle a quatre mamelons ou tétins, ainsi que la vache. Dans les solipèdes, les mâles n’ont pas trace de mamelles ; cependant, quelques chevaux font parfois exception. Les mamelles élaborent et contiennent le lait, qui doit alimenter le jeune aussitôt après sa naissance. Voilà pourquoi les vivipares sont les seuls à en avoir, soit qu’ils vivent sur terre, soit qu’ils vivent dans l’eau, comme les cétacés.

La gestation et la parturition varient beaucoup chez les quadrupèdes ; la gestation dure plus ou moins longtemps, et les petits sont en plus ou moins grand nombre. Ces différences se remarquent pour les animaux sauvages, aussi bien que pour les animaux domestiques.

Les truies portent quatre mois ; elles font jusqu’à vingt petits ; mais ce nombre est trop fort, et elles ne peuvent les nourrir tous. La vieillesse n’ôte rien à cette fécondité ; seulement, la bête fait plus de difficulté pour se laisser couvrir. Bien qu’elles conçoivent par un seul accouplement, on doit pourtant les faire monter plus d’une fois, parce qu’après l’accouplement elles rejettent un liquide, qu’on appelle la caprée, et que ce liquide peut entraîner la liqueur séminale. Lorsque la truie a mis bas, elle donne la première mamelle au petit qui est venu le premier, et ainsi de suite. Quand elle est en chaleur, on ne lui donne pas le mâle immédiatement ; on attend qu’elle ait les oreilles pendantes. Si les oreilles ne pendent point, c’est que la bête doit être en chaleur de nouveau. Il faut avoir soin de la bien nourrir quand elle a mis bas. Le porc, mâle et femelle, peut s’accoupler à huit mois et même plus tôt ; mais il vaut mieux attendre que la première année soit révolue, parce qu’autrement les produits sont plus faibles. La femelle portant quatre mois, elle peut mettre bas à un an.

La brebis n’est fécondée qu’après trois ou quatre accouplements. Elle avorte très facilement ; il suffit d’une pluie ou d’un coup de tonnerre pour que l’avortement ait lieu. La portée ordinaire est de deux petits ; rarement il y en a trois, et encore plus rarement, quatre. La gestation est de cinq mois ; et dans les climats chauds, où la nourriture est abondante, les brebis peuvent avoir deux portées par an. Elles vivent jusqu’à dix ans, et, dans l’Ethiopie, jusqu’à douze ou treize. Dans cette espèce, l’animal couvre et est couvert tant qu’il vit. A en croire les bergers, la nature des eaux qui servent de boisson aux brebis et qui sont plus ou moins froides, déterminerait le sexe des petits ; il y a des béliers qui ne font que des mâles ; d’autres qui ne font que des femelles. Le vent, selon qu’il est du nord ou du sud, n’aurait pas moins d’action que les eaux, à ce qu’on prétend. Les petits sont blancs ou noirs, suivant que les veines que le bélier a sous la langue, sont blanches ou noires. Quand on fait boire de l’eau salée aux brebis, elles sont en état d’être fécondées plus tôt. Si les vieilles brebis se montrent les plus ardentes à l’accouplement, dans la saison régulière, les bergers y trouvent le signe d’une bonne année pour le croît ; si ce sont les jeunes, ils augurent que l’année sera mauvaise.

Tout ce que l’on vient de dire pour les brebis s’applique presque aussi bien aux chèvres, qui avortent aussi facilement, qui portent le même temps à peu près, qui vivent autant, et qui produisent toute leur vie. Cependant, le caractère des chèvres est aussi pétulant que celui des brebis est tranquille.

Les chiens peuvent couvrir, et les femelles peuvent être couvertes, à huit mois, époque à laquelle les mâles lèvent déjà la patte pour uriner. La chienne est fécondée par un seul accouplement. La gestation est de deux mois environ, à quelques jours près ; la femelle, après qu’elle a mis bas, reste six mois sans recevoir le mâle. Il y a des chiennes qui portent trois mois entiers. Les flux menstruels durent une semaine, et pendant tout ce temps les parties génitales sont gonflées. Les femelles n’acceptent l’accouplement que dans les sept jours suivants. Leur accès de chaleur dure quatorze ou seize jours. Elles ont du lait quatre, cinq ou six jours, avant de mettre bas ; ce lait est d’abord épais, bien qu’il le soit moins que celui des porcs et des lièvres, et il s’éclaircit ensuite peu à peu. Lorsque la puberté des femelles se forme et se complète, leurs mamelles prennent, comme dans l’espèce humaine, un certain gonflement et une certaine élasticité ; mais cette modification étant très légère, il faut l’observer avec soin pour la découvrir. La portée est ordinairement de cinq ou six petits ; elle va quelquefois jusqu’à douze. Les chiennes de Laconie en ont habituellement huit. Les petits chiens ont en naissant les yeux fermés, comme les petits chats.

Le taureau est, dans la monte, d’une violence inouïe ; sous son assaut, la femelle fléchit de tout son corps. Si le premier assaut ne réussit pas, la vache reste vingt jours sans s’offrir à un second accouplement. A un an, les mâles peuvent couvrir, et les femelles être couvertes ; on a même vu des saillies plus précoces ; mais il est préférable d’attendre dix-huit mois et même deux ans ; les produits n’en sont que plus beaux. La vache porte dix mois ; si le petit vient par hasard quelques jours plus tôt, il ne vit pas, parce que les cornes de ses pieds sont trop molles et trop peu formées. La portée est d’un seul petit ; il est très rare qu’il y en ait deux. La fécondité du mâle et de la femelle dure toute leur vie, qui est de quinze à vingt ans. Le temps de l’accouplement est un peu avant le solstice d’été, et un peu après. Il n’a pas lieu dans le reste de l’année.

Ce n’est guère qu’à l’âge de deux ans que le cheval commence à saillir, et c’est à cet âge aussi que la femelle peut commencer à être couverte. Mais c’est plutôt encore à trois ans qu’il faut permettre la saillie. Auparavant, les produits sont plus faibles ; ils sont de plus en plus forts jusqu’à vingt ans. La jument n’a d’ordinaire qu’un seul petit ; quelquefois, elle en a deux ; mais c’est le plus. Elle porte onze mois, et elle met bas dans le douzième. Tous les quadrupèdes se couchent pour mettre bas ; et voilà pourquoi les petits sortent toujours sur le côté ; mais la femelle du cheval fait exception ; et, quand le moment de la délivrance approche, elle se met tout droit sur ses jambes, pour produire son poulain. Les fœtus milles se forment plus vite que les fœtus femelles, dans le ventre de la mère ; mais une fois nés, ce sont les femelles qui se développent le plus rapidement. On pourrait faire la même remarque pour l’espèce humaine. L’étalon peut saillir en toute saison et durant sa vie entière ; il en est à peu près de même pour la jument, bien qu’elle résiste quelquefois, selon les saisons. Elle commence à être saillie avec le printemps ; si elle l’est plus tard, il y a danger qu’elle ne puisse pas élever son poulain. Quand elle l’a produit, elle ne se laisse pas couvrir immédiatement ; et il faut qu’il se passe un assez long intervalle, une année tout au moins, et même plusieurs années, si on le peut ; c’est une sorte de jachère. Quand la jument a mis bas, elle dévore le chorion qui enveloppe le poulain. Elle mange aussi l’excroissance qu’il a sur le front et qu’on appelle l’hippomane, fort recherché par les femmes qui préparent des médicaments et des philtres. Si un âne vient à saillir une jument déjà montée par un cheval, ce second accouplement détruit l’embryon antérieurement conçu.

Après l’homme, c’est le cheval, mâle et femelle, qui passe pour le plus lascif des animaux ; et chose assez remarquable, ce sont les chevaux les plus vieux qui sont les plus féconds, Ceci n’est pas moins vrai des femelles. Les chevaux montent indifféremment leurs mères et leurs filles ; et le haras est regardé comme plus complet, quand ils saillissent leurs propres produits.

Les hybrides issus du croisement d’un cheval et d’une ânesse, ou d’un âne et d’une jument, sont stériles ; généralement, ils ne peuvent pas se reproduire. Dans les autres espèces, ce sont des individus qui sont atteints de cette infirmité ; mais pour les mulets, c’est l’espèce tout entière qui en est frappée. Cependant, on cite quelques cas de fécondité, soit du mulet, soit surtout de la mule. Démocrite et Empédocle ont essayé d’expliquer la stérilité du mulet ; mais leurs théories sont inacceptables, et l’on ne saurait après eux risquer des hypothèses, qui ne seraient pas mieux fondées que les leurs. Il y a dans la Syrie des animaux qu’on appelle des mulets, et qui se reproduisent très bien entre eux. C’est un satrape qui les avait fait venir de Perse ; mais, quoique ces animaux ressemblent à des mulets, c’est une espèce différente, et ce sont plutôt des ânes.

Quant à l’âne proprement dit et a l’ânesse, ils peuvent s’accoupler à trente mois, après la chute des premières dents. On cite toutefois une ânesse qui a été pleine à un an et dont le petit a pu vivre ; mais c’était un cas fort extraordinaire. L’ânesse rejette la semence aussitôt qu’elle a été saillie ; aussi prend-on des précautions pour l’en empêcher. Immédiatement après l’accouplement, on la force de courir, en la fustigeant à coups redoublés. L’ânesse porte douze mois, autant que la jument. Elle a du lait dès le dixième mois de la gestation. Le plus souvent, elle n’a qu’un ânon ; quelquefois elle en fait deux. Après qu’elle a mis bas, elle peut être couverte de nouveau dès le septième jour ; et l’on croit avoir remarqué que c’est ce jour-là qu’elle conçoit le plus sûrement, quoiqu’elle conçoive aussi plus tard. Si elle n’a pas eu de poulain avant de perdre les quatrièmes dents, qu’on appelle les marques, il n’y a plus de chance qu’elle devienne pleine, ni qu’elle porte durant le reste de sa vie. Quand elle est sur le point de mettre bas, elle aime à se cacher ; et l’on a soin de l’isoler dans l’obscurité, pour qu’elle s’y délivre loin des regards. Elle peut produire durant sa vie entière, qui est de trente ans et plus ; le mâle vit à peu près aussi longtemps. Il y a plus d’avortements dans les croisements de cheval et d’âne que dans les accouplements réguliers d’individus de même espèce. Quand l’âne et le cheval se croisent, le temps de la gestation se règle sur le mâle ; et elle dure tout ce qu’elle aurait duré si le jeune venait de parents congénères. Pour la grandeur, l’aspect et la force, le produit ressemble davantage à la mère. Les gens qui s’occupent de faire ces croisements affirment que la jument ne reçoit l’âne que s’il a tété une jument ; on fait donc téter les juments par des ânons qu’on appelle nourrissons de juments ; et ces ânes-là, au pâturage, couvrent les juments et les forcent à les recevoir, tout comme le font les étalons.

La chamelle porte dix mois, ou, selon d’autres, douze mois ; elle n’a jamais qu’un seul petit ; elle le nourrit pendant un an. Elle met bas au printemps, et elle a du lait jusqu’à une nouvelle gestation. Son lait est d’un goût excellent et passe pour le plus léger de tous.

Le chameau est un des rares animaux qui urinent par derrière ; mais sa verge, qui est très nerveuse, n’en est pas moins en avant, comme celle des autres quadrupèdes. On en fait des cordes pour les arcs. Dans l’accouplement, la femelle fléchit les jambes ; le mule monte sur elle et la couvre. Ils restent accouplés un jour entier, dit-on ; mais ils se retirent dans un lieu désert, où ils ne se laissent approcher que par leur gardien. En Arabie, l’accouplement a lieu à trois ans pour le nulle et la femelle. Après que la femelle a mis bas, elle reste un an sans recevoir le mâle de nouveau. Il y a peu de quadrupèdes dont le rut soit aussi violent que celui du chameau, si doux à toute autre époque.

L’éléphant peut couvrir, et la femelle être couverte, à vingt ans pour la première fois. La verge ressemble à celle du cheval ; mais elle est plus petite ; et elle ne semble pas en proportion avec la masse du corps. Les testicules de l’éléphant ne paraissent pas au dehors ; ils sont renfermés à l’intérieur, près des reins ; et c’est peut-être pour cela que son accouplement est si rapide. La femelle a le vagin placé sur le ventre, de même que la brebis y a ses mamelles ; et quand elle désire l’accouplement, elle relève cet organe en haut et le tourne vers le dehors, afin que l’accouplement soit plus facile pour le mâle qui monte sur elle. On ne sait pas au juste quelle est la durée de la gestation ; les uns la font de dix-huit mois ; d’autres la prolongent jusqu’à trois ans. Ce qui cause ce désaccord, c’est qu’il est très difficile de voir l’accouplement. Il a toujours lieu dans des endroits écartés, sur le bord des rivières, et dans des localités qui sont familières aux deux bêtes. Quand la femelle est pleine, le mâle ne la touche plus. Pour mettre bas, la femelle s’accroupit sur ses jambes de derrière ; et il est évident qu’elle souffre alors très vivement ; elle n’a jamais qu’un petit. Dès que le petit est né, il tette avec sa bouche, et non point avec sa trompe, comme on le suppose quelquefois.

La verge du cerf est dans le genre de celle du chameau, et tout aussi nerveuse. L’assaut du mâle au moment du rut effraie les biches, qui essayent de s’y soustraire, et qui ne peuvent le supporter que quelques instants. Les biches en chaleur s’évitent les unes les autres. Le mâle aime à changer ; il ne reste pas avec une seule femelle ; et, à très peu d’intervalle, il couvre de nouvelles compagnes. L’accouplement a lieu vers l’équinoxe d’automne, ou dans les deux mois suivants. La biche porte huit mois ; ordinairement, elle n’a qu’un seul faon ; il est très rare qu’elle en produise deux. Elle dépose ses petits non loin des sentiers tracés dans les bois, parce qu’elle craint les bêtes fauves. Elle sait choisir ces asiles de façon qu’elle puisse y fuir et s’y réfugier, pour dépister les chasseurs ; c’est le plus souvent un roc à pic, qui n’est abordable que d’un seul côté. Les biches ont quatre tettes, ainsi que les vaches. Dès qu’elles sont pleines, les mâles s’en vont à part et restent entre eux. L’ardeur qui les pousse à s’accoupler fait que chacun d’eux, lorsqu’il est solitaire, creuse des trous dans le sol, et leurs fronts sont souillés de terre. La cause de ces transports, c’est que cet animal est très lascif. Au moment de la saillie, leur chair devient mauvaise ; elle a une odeur repoussante, dans le genre de celle des boucs. Dans l’été, temps où ils ne saillissent pas, ils deviennent très gras, et tellement lourds que des chasseurs à pied peuvent les prendre, s’ils les poursuivent avec un peu de persévérance.

Le renard couvre sa femelle à la façon de tous les quadrupèdes ; mais ses petits, qui sont aveugles en naissant, sont encore plus difformes que ceux de l’ourse ; la mère les lèche pour les réchauffer, et pour les former petit à petit. Quand elle est près de mettre bas, elle change si fréquemment de place qu’il est très difficile d’en prendre une qui soit pleine. Elle a tout au plus quatre petits. La louve porte et produit dans les mêmes conditions que la chienne, pour le temps de sa gestation et pour le nombre de ses petits, qui ne voient pas clair non plus en naissant. Le mâle et la femelle n’ont qu’une saison pour s’accoupler, et la parturition a lieu au début de l’été. On débite sur la génération du loup bien des contes, qui se rapportent au voyage de Latone à Délos, et qu’il faut laisser à la mythologie populaire. Il est faux que toutes les louves mettent bas chaque année, et que la gestation ne soit que de douze jours, de même qu’il est faux que la louve ne porte qu’une seule fois dans sa vie.

Il faut noter, en passant, l’espèce des rats, dont la fécondité est vraiment prodigieuse, entre tous les quadrupèdes. Une femelle pleine avait été laissée par hasard dans un tonneau de millet. Peu de temps après, quand on rouvrit le tonneau, il s’y trouvait cent vingt rats. On se ferait difficilement une idée de la reproduction des rats qui parcourent les champs et qui les ravagent. Ils y détruisent des récoltes entières, souvent en une seule nuit. S’ils arrivent si soudainement et en si grand nombre, leur disparition ne se comprend pas mieux. En quelques jours, il n’en reste plus un seul, tandis que peu de jours auparavant on ne savait comment s’en défaire, en enfumant leurs trous, en les bouleversant, en lâchant des porcs qui fouillent leurs nids. Les renards et les belettes en détruisent aussi beaucoup ; mais rien ne peut triompher de leur fécondité, et de la rapidité avec laquelle ils se reproduisent.

Parmi les animaux féroces, l’ours a une façon de s’accoupler toute particulière. Le mâle ne monte pas sur la femelle, qui le reçoit en restant couchée à terre ; mais le ventre du mâle n’en est pas moins sur le dos de la femelle. La gestation est assez courte. Les petits sont au nombre de cinq au plus ; parfois, il n’y en a qu’un ou deux. L’ourson naît très petit en comparaison du corps de sa mère ; il est plus petit qu’une belette et gros comme un rat ; il ne voit pas clair ; ses membres sont à peine formés. L’accouplement des ours a lieu dans le mois d’Elaphébolion, c’est-à-dire, vers l’équinoxe du printemps ; la femelle met bas à l’époque où les animaux se cachent et s’enfouissent pour hiberner. Les petits élevés par la mère ne se montrent guère qu’au début de l’été. Il est très difficile de prendre une ourse qui soit pleine.

Le lion urine par derrière ; mais il s’accouple comme les autres quadrupèdes, en montant sur sa femelle. C’est au printemps, et chaque année, que la lionne met bas. Le plus souvent elle n’a que deux lionceaux ; parfois, elle n’en a qu’un seul ; parfois aussi, elle en a jusqu’à six. Les petits naissent si faibles que c’est à peine si, à deux mois, ils peuvent marcher. On prétend qu’en Syrie les lionnes ne portent que cinq fois. La première portée est de cinq, et les autres portées diminuent d’un successivement ; de telle sorte que les lionnes finissent par devenir stériles. De là vient sans doute qu’on croit vulgairement que la lionne perd sa matrice. C’est un conte puéril, quoique fréquemment répété. Les lions sont fort rares en Europe, où il n’y en a que dans les contrées arrosées par l’Achélous et le Nessus, et cette rareté empêche des observations bien exactes.

On commet également sur le sexe des hyènes une erreur non moins forte. On prétend qu’elles ont les organes des deux sexes à la fois ; mais c’est observer très mal. Ce qu’on prend pour une vulve de femelle n’est qu’une tache placée sous la queue, et sans aucune ouverture. Audessous de cet organe prétendu, il y a l’issue pour les excréments, et plus bas encore les parties génitales, fort bien conformées dans le mâle et dans la femelle. Ce qui prouve qu’on se trompe, c’est que la femelle a tout aussi bien que le mille cette tache, qui de loin peut faire illusion. D’ailleurs, il est presque impossible de prendre une hyène femelle ; et, sur onze hyènes qu’un chasseur avait tuées, il n’y avait qu’une seule femelle. La verge du mâle ressemble à celle du loup et du chien.

Il y a quelques animaux qui changent de forme et de naturel, non pas seulement par l’effet de l’âge et des saisons, mais aussi parce qu’on les coupe. On ne peut couper que ceux qui ont des testicules. Pour les oiseaux qui ont les leurs en dedans, on les châtre en les touchant fortement à la partie qui est sous la queue, ou en brûlant, avec un fer chaud, la partie du croupion par laquelle les bêtes se joignent. L’oiseau, dès lors, ne chante plus ; il ne cherche plus à cocher ; s’il a une crête, elle devient toute pâle ; et si l’animal est jeune, il peut croître sans qu’aucune de ces facultés reparaisse. Dans les quadrupèdes châtrés, la voix se modifie et se rapproche de la voix de la femelle. Coupés en bas âge, les animaux engraissent plus que ceux qu’on ne coupe pas. S’ils sont complètement constitués, ils ne grossissent plus après cette opération, qui est toujours douloureuse, et quelquefois mortelle, si ce n’est sur les porcs. Quand on coupe des cerfs qui, à cause de leur âge, n’ont pas de bois, il ne peut plus leur en pousser. S’ils en ont déjà, la dimension des bois reste la même sans croissance, et la bête ne les perd plus. On coupe les veaux à un an ; autrement, ils sont moins beaux et plus petits. Voici comment on procède. On met le jeune taureau sur le dos ; on lui ouvre les bourses par le bas, et l’on froisse fortement le testicule ; on en relève les racines le plus possible, et l’on met dans la plaie une poignée de poils, pour que la suppuration se fasse extérieurement. Si la plaie s’enflamme, on cautérise la bourse ; et on la saupoudre de terre. On châtre aussi les femelles des porcs et des chameaux. On fait jeûner la truie pendant deux jours avant de l’opérer ; on la suspend par les pieds de derrière, pour lui ouvrir le ventre ; et l’on coupe la caprée, qui correspond aux testicules du mâle ; on recoud ensuite la plaie ; la truie ne sent plus le besoin de l’accouplement, et elle engraisse très vite. Quant aux chamelles, on châtre celles qu’on veut employer à la guerre, afin qu’elles ne puissent pas devenir pleines.

Tous les changements que la castration amène dans les animaux, ne sont pas moins manifestes chez les hommes qu’on inutile de cette affreuse manière. Leur caractère, leur voix et la forme de leur corps sont modifiés profondément.

Après avoir étudié la génération chez tous les animaux, nous arrivons enfin à celle de l’homme ; elle mérite une étude toute spéciale. Bien que l’homme, au début de sa vie, soit un animal, il a des facultés qui lui sont propres, et que les autres animaux ne reproduisent qu’à un degré très inférieur. Avec sa station droite, qui n’appartient pleinement qu’à lui, et qui correspond à la direction même de l’univers ; avec le privilège de penser et de réfléchir ; avec la constitution si harmonieuse de son corps, depuis ses pieds et ses mains jusqu’à sa poitrine et à sa tête ; avec l’heureux équilibre de ses facultés, l’homme est le seul être qui participe du divin, ou, pour mieux dire, il participe du divin plus que tous les autres ; car il est le plus intelligent de tous.

Dans l’homme, les signes de la puberté sont de toute évidence. Il commence à avoir de la liqueur séminale vers l’Age de deux fois sept ans. C’est à ce moment aussi que fleurit le poil de la jeunesse, de même que les plantes fleurissent avant de porter leur graine, comme l’a dit Alcméon de Crotone. Vers cette époque, la voix commence également à muer ; elle devient plus rauque et plus inégale ; elle cesse d’être aiguë, et elle n’est pas encore vraiment grave. Elle n’est pas non plus uniforme, et l’on dirait qu’elle est alors ce que sont des cordes d’instruments détendues et durcies ; c’est ce qu’on appelle chevroter. Cette altération est plus marquée chez les jeunes gens qui essayent des plaisirs de l’amour. Ceux qui s’y livrent par anticipation prennent la voix d’hommes faits. C’est le contraire pour ceux qui savent s’abstenir ; et si l’on facilite leur résistance, par certains soins que prennent quelques musiciens fort occupés de leur art, la voix reste assez tard telle qu’elle est, et le changement est à peu près nul. D’ailleurs, ce n’est pas la voix seule qui change ; les mamelles se gonflent, ainsi que les parties génitales, qui non seulement se développent, mais qui ont une autre forme.

Voilà pour les garçons. Chez les filles, c’est vers le même temps que les mamelles se gonflent encore davantage, et que les menstrues font éruption. Le sang qui sort à ce moment, ressemble à celui d’un animal qui vient d’être tué. Parfois, des menstrues de couleur blanche se produisent chez des filles encore tout enfants. Ces pertes les maigrissent beaucoup et les empêchent de grandir. Pour la plupart des filles, les menstrues se montrent quand déjà les mamelles se sont élevées de plusieurs doigts. À cette même époque, la voix prend un peu plus de gravité, quoique, en général, elle soit plus aiguë chez la femme que chez l’homme. C’est surtout à ce moment qu’il convient de veiller sur les jeunes filles avec sollicitude ; car c’est au moment où elles se forment que les désirs sexuels sont les plus vifs. Si l’on ne prend pas bien soin d’empêcher qu’il ne se passe alors rien d’autre que le développement régulier du corps, le reste de l’existence s’en ressent. C’est là l’origine de l’incontinence chez les femmes et chez les hommes, qui ont cédé trop tôt à l’attrait de l’amour et du plaisir.

Les organes de la génération sont chez le mâle les testicules et la verge ; c’est la matrice et ses diverses parties chez la femme. Les testicules et la verge sont détachés dans l’espèce humaine plus que dans toute autre espèce. Ces organes sont placés sur la partie antérieure du corps et à la partie inférieure de l’abdomen ; la matrice est située de même. Ce n’est pas tout d’abord que la faculté d’engendrer coïncide avec la sécrétion de la semence ; la faculté génératrice est plus tardive. Pour l’homme comme pour le reste des animaux, la première semence des jeunes sujets est stérile ; quand, par hasard, ils engendrent, leurs rejetons sont plus faibles et plus petits. Les hommes ne sont définitivement féconds qu’à l’âge de trois fois sept ans. C’est à cet âge aussi qu’il convient que les filles se marient. Plus jeunes, elles conçoivent plus aisément ; mais leurs couches sont plus laborieuses ; au contraire, à trois fois sept ans, elles ont toute la force nécessaire pour avoir des enfants vigoureux. A ce même âge, les hommes ont encore à gagner, et ils doivent retarder le mariage de quelques années.

L’homme peut engendrer jusqu’à soixante-cinq ans, soixante et dix, au plus tard ; la femme peut concevoir jusqu’à quarante-cinq ou cinquante. Hors de ces limites extrêmes, les cas de fécondité sont très rares. C’est en se réglant sur ces données naturelles que les législateurs doivent fixer les âges où peut commencer l’union conjugale.

La liqueur séminale a été l’objet de bien des observations et de bien des théories. Dans son état sain, elle est épaisse et de couleur blanche, au moment où elle sort ; une fois émise, elle devient claire et change de couleur. Les grands froids ne la font pas geler ; ils la rendent fluide, comme de l’eau ; la chaleur la coagule et l’épaissit. Quand la semence a toutes ses qualités prolifiques, elle est plus lourde que l’eau et va au fond ; celle qui ne les a pas se mêle au liquide. L’homme est de tous les animaux celui qui, proportionnellement à son corps, a le plus de sperme, de même que les menstrues de la femme sont aussi les plus abondantes.

On s’est demandé si la liqueur séminale vient de toutes les parties du corps ; et plusieurs naturalistes ont soutenu l’affirmative, en s’appuyant surtout sur la ressemblance très fréquente des enfants à leurs parents. Ces ressemblances sans doute sont réelles, et parfois même elles reproduisent des accidents qui, chez les pères, n’avaient rien de congénial, par exemple, la marque d’une cicatrice, ou telle autre incision, qu’on se serait faite volontairement. Mais les ressemblances sont très loin d’être constantes ; et elles devraient l’être toujours, si la théorie était vraie. Ce qui est plus exact, c’est qu’en effet l’émission de la liqueur séminale, même en très petite quantité, est toujours accompagnée d’un affaiblissement et d’une sorte de relâchement dans le corps entier. Mais c’est exclusivement dans les testicules que se fait l’élaboration du sperme, et que de là il se répand dans le corps entier ; il est la sécrétion dernière de la partie utile de la nourriture, qui s’est d’abord convertie en sang. C’est du sang que vient en définitive la liqueur séminale ; elle est indispensable à la génération, ainsi que les menstrues, qui le sont au même degré, quoique dans des conditions différentes.
Entre la liqueur séminale de l’homme et les menstrues de la femme, on a voulu trouver d’assez nombreux rapports ; on les a exagérés. Les menstrues sont bien aussi une sécrétion du sang ; mais cette sécrétion est plus abondante que celle de la liqueur séminale et moins mûrie, parce que la femme a naturellement moins de chaleur et qu’elle est plus faible. Ainsi qu’on l’a vu, c’est bien au même âge que le sperme se montre chez les hommes, et les menstrues, chez les femmes ; au même âge que la voix mue, au même âge que se produisent les mouvements qui ont lieu dans les mamelles ; et c’est vers la fin des mêmes périodes que chez les uns cesse la puissance d’engendrer, et que chez les autres cesse le flux menstruel. Mais il ne faudrait pas pousser ces analogies trop loin. Les menstrues ne sont pas la liqueur séminale de la femme, comme l’ont cru quelques naturalistes. Il est vrai qu’en général la femme ne conçoit pas si elle n’a pas de mois ; mais même lorsqu’elle en a, la conception n’a pas lieu tant que l’écoulement continue ; et, dans la plupart des cas, elle n’est possible que quand l’évacuation purifiante a cessé. Ce qui a pu donner naissance à l’erreur des naturalistes, c’est que quelques femmes sécrètent, outre leurs mois, un fluide particulier ; mais ce fluide n’est pas spermatique. Les femmes qui y sont sujettes sont les moins fortes ; il n’y a rien de ce désordre chez les femmes vigoureuses et bien portantes, surtout chez les femmes très actives. Il n’y a donc que la liqueur séminale de l’homme qui féconde ; les menstrues nourrissent ; et la preuve, c’est qu’elles cessent au dehors dès qu’elles doivent servir intérieurement à l’alimentation du fœtus, qui a été conçu.

On essaiera plus loin d’expliquer la part respective qu’ont le mâle et la femelle dans l’acte commun de la génération, soit pour l’espèce humaine, soit pour toutes les autres espèces.

On croit reconnaître que la conception a eu lieu à la disposition que prennent les organes sexuels ; mais ce sont là des symptômes fort douteux. Ce qui ne l’est pas, c’est la cessation des menstrues, dans le mois qui suit le rapprochement, ou même quelquefois au bout de six semaines, à partir de la copulation. La nature ne se soulage plus régulièrement, et tout ce sang remonte et s’accumule dans les mamelles, pour s’y convertir en lait, lorsque le moment sera venu. Quand la grossesse est certaine, le premier indice que la femme en ait se manifeste dans les flancs, qui se gonflent et paraissent s’emplir. L’enflure chez les femmes maigres se fait sentir surtout dans les aines. Le premier mouvement du fœtus a lieu du quarantième jour au quatre-vingt-dixième ; on ne peut pas, dans des indications de ce genre, exiger d’exactitude. C’est aussi vers la même époque que le fœtus commence à se diviser ; ses parties deviennent de plus en plus distinctes, tandis que jusque-là il n’a été qu’une masse de chair, où aucun membre n’est marqué. Après la conception, les femmes sentent des lourdeurs dans tout le corps ; leur vue s’obscurcit, et elles éprouvent des maux de tête. La plupart sont prises de nausées et de vomissements. Certaines femmes souffrent davantage au début ; d’autres ne souffrent que plus tard, quand déjà le fœtus a pu prendre plus de développement. On prétend que la grossesse est moins pénible quand c’est un garçon ; alors les femmes gardent mieux leurs couleurs de santé ; elles sont au contraire plus pâles quand c’est une fille. Les femmes grosses ont toutes sortes d’envies singulières, et elles en changent à tout instant ; elles ont souvent des tumeurs aux jambes et dans les chairs. Il y a peu de femmes pour qui la grossesse amène une santé meilleure.

En général, le garçon a plus de mouvement dans le sein de la mère que n’en a la fille ; il en sort plus vite. Les filles en sortent plus lentement. Le travail pour la naissance des filles est continu et plus sourd ; pour la naissance des garçons, il est plus vif et plus rapide, mais beaucoup plus douloureux. Quelquefois, la mère croit ressentir les douleurs de l’accouchement, sans que ce soit précisément les douleurs véritables ; c’est le fœtus qui, en retournant sa tête, donne à croire que le moment décisif est arrivé.

Tous les autres animaux n’ont qu’une seule et unique manière de commencer et d’accomplir la génération de leur fruit ; il y a des temps fixes, à la fois, pour l’accouplement et surtout pour la durée de la gestation. L’homme fait exception à ces règles générales et immuables. Il n’a pas de saison pour le rapprochement. Il n’a pas davantage de temps parfaitement déterminés pour la parturition. Les enfants naissent à sept mois, à huit mois, à neuf mois, et, comme terme extrême, à dix mois. Avant sept mois révolus, ils ne peuvent jamais vivre, quoi qu’on fasse. Ceux de sept mois peuvent vivre ; mais il faut les entourer de précautions minutieuses, et ils restent longtemps très languissants. En Egypte et dans quelques pays où les femmes accouchent plus aisément et font fréquemment des jumeaux, les enfants venus à huit mois sont viables, et on les sauve presque tous. Sous le climat de la Grèce, le plus grand nombre des enfants de huit mois périt. Comme on a cette opinion préconçue, on suppose toujours, quand on sauve par hasard un de ces enfants, qu’il n’est pas réellement venu à huit mois, et que la mère s’est trompée sur le moment de la conception. Il est bien probable que c’est aussi une erreur de ce genre qui donne à croire quelquefois que l’enfant est venu à dix mois. La durée régulière de la gestation est de neuf mois. Les mois où les femmes souffrent le plus dans leur grossesse, c’est le quatrième et le huitième. Si le fœtus vient à périr dans l’un de ces deux mois, la mère risque bien de mourir aussi ; de telle sorte, que non seulement les enfants ne vivent pas à huit mois, mais que les mères courent les plus grands dangers.

Dans la plupart des pays et le plus ordinairement, les femmes n’ont qu’un enfant ; mais assez souvent aussi et dans plus d’une contrée, on voit naître des jumeaux, par exemple en Egypte. Parfois, il y a jusqu’à trois enfants et même quatre, dans certains pays où ces faits sont plus fréquents que dans d’autres. Le plus qu’on ait jamais vu, c’est cinq enfants à la fois ; et ces accouchements extraordinaires se sont répétés à plusieurs reprises. On cite une femme qui en quatre couches eut vingt enfants, cinq à chaque fois, et qui les éleva presque tous. Chez les autres animaux, les jumeaux, mâle et femelle, n’en viennent pas moins régulièrement, et ils vivent aussi bien que quand tous les deux sont mâles, ou tous les deux femelles. Chez l’homme il n’en est pas ainsi, et les jumeaux vivent bien rarement si l’un est une fille, et l’autre un garçon.

Les superfétations, qui sont rares chez presque tous les animaux, le sont également dans l’espèce humaine. Cependant, elles s’y produisent quelquefois, quand des embryons sont conçus longtemps après d’autres ; alors ils ne viennent jamais à terme ; et, en même temps qu’ils causent de grandes douleurs, ils font périr avec eux le fœtus antérieur. On a pu observer, dans une fausse couche, douze fœtus sortir les uns sur les autres. Si la seconde conception est venue peu de temps après, c’est alors comme si les enfants étaient jumeaux, et les mères accouchent du second après le premier. La mythologie raconte une naissance de ce genre pour Iphiclès et Hercule. Parfois, le phénomène est d’une parfaite clarté. Telle femme mariée, qui avait un amant, mit au monde deux enfants, dont l’un ressemblait au mari, et l’autre à l’amant adultère. On a vu encore une femme, qui portait déjà deux jumeaux, avoir un troisième enfant outre ceux-là. Le troisième vint à cinq mois et mourut sur-le-champ ; les deux autres vinrent au temps voulu. Une autre femme accoucha d’abord d’un enfant de sept mois, et de deux autres venus à terme ; le premier mourut, et les jumeaux vécurent. Quelques femmes qui ont deux enfants avortent du premier, et accouchent du second sans souffrir.

Un autre accident beaucoup plus rare encore que la superfétation, c’est la môle, qui atteint quelquefois des femmes enceintes. D’abord, les choses paraissent se passer en effet de la façon la plus régulière ; après la conception, la grossesse suit son cours ordinaire ; mais à terme, la femme n’accouche pas, et la dimension de son ventre ne diminue point. Cet état fort gênant peut subsister pendant trois ou quatre ans de suite, ou même davantage, et la malade, quand elle accouche, met au monde une masse de chair qui a reçu le nom de môle. On a observé des cas où la môle persistait jusque dans la vieillesse de la femme et jusqu’à sa mort. Cette chair, gardée si longtemps dans le corps, finit par devenir extrêmement dure, et l’on a peine à la couper. Les naturalistes ne sont pas d’accord sur les causes de la môle. Quelques-uns croient qu’elle se forme par un excès de chaleur ; nous y verrions un défaut de chaleur plutôt qu’un excès. On dirait que la Nature a manqué de force et n’a pu mener à bout la génération complète. Le produit met si longtemps à sortir, parce qu’il n’a pas reçu une coction suffisante. Il reste cru en quelque sorte et inachevé, sans être cependant tout à fait un corps étranger. Il paraît certain que la môle ne se forme que dans notre espèce, et que les autres animaux n’y sont jamais sujets ; du moins, on n’a rien observé jusqu’ici qui pût le faire supposer. Il est assez probable que, si la femme seule peut avoir la môle, c’est à cause de l’abondance du flux menstruel.

Ce serait ici le moment de dire quelques mots des monstruosités, qui ont fourni matière à bien des exagérations. Il a suffi parfois d’une simple laideur dans le visage, pour qu’on assimilât des êtres humains à des animaux, avec lesquels ils n’avaient que des rapports de physionomie fort éloignés. On a prêté à des enfants des têtes de veau et à des moutons des têtes de bœuf. Tout cela est faux, bien qu’à force de le répéter, on ait pu persuader des gens crédules. Mais il y a des monstres plus réels, en ce qu’ils ont des membres en surnombre, ou des membres de moins. Des enfants naissent avec six doigts aux mains ou aux pieds ; d’autres n’en ont qu’un seul. Il y en a encore qui sont hermaphrodites, ou qui, du moins, le paraissent. Ce dernier phénomène se présente aussi chez les chèvres. Il y a des difformités intérieures comme il y en a d’extérieures. Certains viscères sont déplacés ou difformes ; ou même ils manquent absolument. Mais, si l’on a vu des animaux n’avoir pas de rate, ou en avoir deux, ou avoir un seul rognon, jamais le cœur ne manque, non plus que le foie, qui d’ailleurs peut être incomplet. On a observé le foie à gauche, et la rate à droite. Ces anomalies peuvent se rencontrer chez des animaux bien constitués du reste. Mais elles sont plus fréquentes chez ceux qui font plusieurs petits à la fois, que chez ceux qui naturellement n’en font qu’un seul. Elles sont fréquentes aussi chez les oiseaux, quand il y a deux jaunes qui se confondent au lieu d’un, par exemple, chez les gallinacés. On a essayé de faire la théorie de ces phénomènes ; mais on a grand-peine à les expliquer, et Démocrite lui même n’y a point réussi. Tous les vivipares ont du lait, soit qu’ils vivent sur terre, soit qu’ils habitent les eaux. Le lait est destiné par la Nature à nourrir le jeune, dès qu’il a quitté le sein de sa mère, et qu’il n’a plus à recourir à la nutrition utérine. L’apparition du lait coïncide toujours avec la naissance du petit, et l’époque où le lait se montre est absolument fixe pour toutes les espèces. Mais, dans la nôtre, comme il y a plusieurs époques possibles pour l’accouchement, il faut que le lait soit formé dès la première époque où la parturition peut se produire, c’est-à-dire, dès le septième mois. Le lait est toujours contenu dans un organe spécial, les mamelles, qui sont généralement terminées par un mamelon. Bien que les mâles aient aussi des mamelles plus ou moins marquées, ils n’ont pas de lait. On cite cependant des exemples en sens contraire. On a vu, dit-on, à Lemnos, un bouc avoir du lait, comme s’il eût été une chèvre. On a vu même quelques hommes avoir du lait, mais en très petite quantité, après le moment où ils devenaient pubères.

Le lait est plus ou moins abondant, selon la grosseur de l’animal et selon la nature de ses aliments. Les espèces qui ont plus de deux mamelles ont en général peu de lait, et seulement ce qu’il leur en faut pour nourrir les petits. On a fait des comparaisons sur le lait des animaux domestiques, chèvres, chiennes, vaches, ânesses, chamelles, etc., en vue de la fabrication des fromages. Le lait le plus léger et un des plus agréables est celui du chameau. Le lait est toujours composé de deux parties, le sérum et le caséum : le premier plus liquide, le second plus solide et plus apte à se coaguler. Ces deux éléments se combinent en proportions diverses ; mais pour les enfants, c’est le lait qui a le moins de caséum qui leur est le plus salutaire. Dans notre espèce, le lait qui paraît avant sept mois est peu nutritif ; à ce premier moment, il est peu salé, et l’on dirait qu’il n’est pas assez fait, ni assez cuit. Il s’améliore après les sept mois, et il devient plus nourrissant à mesure que l’embryon a de plus en plus chance de vivre. Il ne faut pas néanmoins qu’il le soit trop, parce qu’alors il pourrait causer des convulsions à l’enfant. Au moment où la femme accouche, d’une façon naturelle après une gestation de neuf mois, le lait a toutes les qualités requises. Il s’accroît en quantité après l’accouchement ; et parfois il est si abondant qu’il sort spontanément par le mamelon, et même qu’il suinte par toutes les parties du sein, et jusque sous les aisselles. Le lait qui a une couleur un peu bleuâtre passe pour le meilleur, de même que celui des femmes brunes vaut mieux, dit-on, que celui des blondes.

Comme les menstrues disparaissent après la conception, on doit croire que, restant à l’intérieur, elles servent à y nourrir l’embryon. Mais, lorsque l’embryon, vers sept mois, est en très grande partie formé, il n’a plus autant besoin de l’élément sanguin qui le développait ; et une partie de cette sécrétion se transforme en lait, qui arrive à point pour être utile après la parturition. Le lait vient donc du sang, comme toutes les autres excrétions. Ce rapport du lait et des menstrues est si vrai que les nourrices n’ont pas leurs mois, tout le temps qu’elles ont à donner le sein. Si elles viennent à concevoir pendant ce temps, le lait cesse, de même que cessent les menstrues après la conception. Les cas exceptionnels sont fort rares. On doit donc en conclure que la Nature ne peut suffire aux deux sécrétions à la fois, celle des menstrues et celle du lait. Si les évacuations mensuelles continuent pendant la grossesse, l’embryon que porte la femme en souffre beaucoup, et l’enfant qui naît dans ces conditions contre nature est faible et maladif. Quand la liqueur séminale a été introduite dans la matrice, elle y est revêtue en très peu de temps d’une membrane qui l’entoure ; et l’on a pu constater ce fait sur des fœtus sortis avant d’avoir pris encore aucune forme. On dirait d’un œuf dépouillé de sa coquille. Cette membrane est remplie de veines. Ce n’est pas l’homme seul qui présente ce phénomène. Tous les animaux sans exception, aquatiques, terrestres, volatiles, se forment absolument de même, malgré toutes les autres différences qui les distinguent. A la suite de cette première membrane, qui s’appelle chorion, il s’en produit une autre, qui contient de l’eau. C’est vers la sixième semaine que le fœtus commence à avoir des divisions distinctes ; jusque-là, il n’a guère été qu’une masse de chair presque informe. Si, après une fausse couche, on observe un fœtus mâle, sorti à quarante jours, et qu’on le mette dans de l’eau froide, il y subsiste comme dans une membrane ; en ouvrant cette membrane, on y voit le fœtus, qui a la grosseur des plus grandes fourmis. On discerne déjà ses membres, tous ses autres organes, et même les parties génitales. Les yeux sont proportionnellement énormes, comme sur tous les autres animaux. Le fœtus femelle est beaucoup moins vite formé ; et il faut trois ou quatre mois pour qu’il ait l’aspect qu’a le fœtus mâle à six semaines. Mais si le fœtus mâle se développe plus rapidement dans la vie utérine, c’est au contraire la femelle qui croît le plus rapidement une fois qu’elle a vu le jour.

Quelle est précisément la vie du fœtus dans ces premiers moments ; car il a certainement une vie ? Il serait bien difficile de le dire ; mais on doit croire que, dès l’instant où il paraît, il a en lui la faculté de se nourrir. Il a donc l’âme nutritive, s’il doit n’avoir que plus tard l’âme sensitive, et plus tard encore, l’entendement, qui est en nous une parcelle divine, et qui nous vient du dehors. Le fœtus se nourrit par le cordon ombilical rattaché à la matrice, de même que la racine rattache la plante à la terre. Cela est si vrai qu’il ne cesse de se développer du centre a la périphérie, et non pas de la périphérie au centre, ainsi que le soutient Démocrite, qui suppose aussi que les membres de l’enfant se moulent sur les membres de sa mère. Les viscères intérieurs se développent avant les organes extérieurs ; et les parties supérieures, avant les parties inférieures. Le cœur est le premier à paraître, de même qu’il est aussi le dernier à agir, à la fin de la vie, en résistant aux approches de la mort. Et cela se conçoit sans peine, puisque c’est le sang issu du cœur qui doit pourvoir à la nutrition générale. Le viscère qui se montre et s’organise après le cœur, c’est le cerveau ; le cœur est le foyer de la chaleur dans l’animal, tandis que le cerveau est destiné à produire le refroidissement, si nécessaire pour l’action de la pensée. L’intermittence du chaud et du froid produit, dans le corps, les parties plus ou moins liquides, ou les parties solides qu’il contient. Les os, les tendons, les cartilages, etc., sont solidifiés par le froid. On dirait que la Nature, dans cette évolution du fœtus, procède à la façon des artistes, qui d’abord tracent des esquisses, avant d’arrêter définitivement les traits de leur dessin, et d’y ajouter la couleur des objets. D’ailleurs, la Nature met des bornes infranchissables à cet accroissement, soit dans la vie utérine, soit dans l’existence ultérieure. Les os ne croissent pas toujours, et ils s’arrêtent à un certain point que la Nature a fixé pour eux, et pour toutes les autres parties du corps. Si quelques-unes des parties du fœtus sont d’abord trop fortes, elles diminuent ensuite ; et la Nature répartit peu à peu les développements divers, comme un sage économe sait, dans la maison qu’il gouverne, distribuer les aliments selon les personnes qui la composent, sans oublier même les animaux domestiques. Il y a des naturalistes qui ont supposé que les enfants tètent déjà dans la matrice, les cotylédons jouant, selon eux, le rôle de mamelles. C’est une erreur qui mérite à peine qu’on s’y arrête.

Chez tous les quadrupèdes, le fœtus dans la matrice est étendu tout de son long ; dans les poissons, il est placé de côte ; dans les oiseaux, il est replié sur lui-même. Dans l’homme, il est replié aussi, le nez touchant les genoux. Ainsi que les yeux, les oreilles saillissent beaucoup. D’abord, il a la tête en haut comme le fœtus de toutes les autres espèces ; mais quand il s’est développé, et qu’il tend à sortir, il se retourne la tête en bas. Dans l’ordre naturel des choses, c’est la tête qui doit sortir la première ; il est contre nature que l’enfant sorte par les pieds ; ceci s’applique à tous les animaux. Cela tient à ce que la partie du corps supérieure au nombril, est plus grande que la partie inférieure ; et alors, il se passe quelque chose d’analogue à ce qu’on voit dans les balances ; c’est le poids le plus lourd qui l’emporte et qui baisse. Une fois arrivé à toute sa croissance, le fœtus descend dans le bas du ventre, où son mouvement devient très sensible. Quand les douleurs se font sentir vers le ventre, l’accouchement est plus rapide ; quand elles se portent vers les reins, il est plus laborieux. Si c’est un garçon, les humeurs qui sortent en même temps que lui sont aqueuses et pâles ; si c’est une fille, elles sont plutôt sanguinolentes. C’est d’abord de l’eau qui s’écoule, quand le fœtus se remue, et que les membranes qui l’enveloppent se déchirent.

L’enfant sort en entraînant après lui toutes les membranes qui l’entouraient dans le sein maternel. Savoir lier le cordon ombilical et le couper est une partie de l’art de l’habile accoucheuse. A l’endroit où la ligature est faite, la cicatrice a lieu ; et le reste, ou l’arrière-faix, resté à l’intérieur, n’a plus qu’à tomber. Si la ligature vient à se défaire, l’enfant meurt par la perte de son sang. Si l’arrière-faix ne sort pas immédiatement avec l’enfant, on se contente de lier le cordon, et on ne le coupe qu’un peu plus tard. Il faut d’ailleurs bien prendre garde à cette opération ; car il arrive souvent que le nouveau-né semble être mort, tandis qu’il n’est qu’affaibli par le sang qu’il perd, avant que la ligature ne soit pratiquée. L’accoucheuse refoule alors le sang qui coule par l’ombilic, et l’enfant revient à la vie sur-le-champ.

Il a les bras étendus sur les côtés ; et, à peine sorti, il se met à vagir. Tant qu’il n’est pas sorti du sein de sa mère, il ne crie pas, même lorsque, dans un accouchement difficile, la tête est déjà dehors, et que le reste du corps est toujours en dedans. Aussitôt nés, les enfants portent les mains à leur bouche ; ils rejettent des excréments, ou immédiatement, ou peu de temps après la naissance, et toujours dans la journée. Cette excrétion, qui est plus abondante que ne le ferait supposer la dimension de l’enfant, est ce que les femmes appellent le méconium. Cette matière est noire et aussi épaisse que de la poix, bien qu’elle ait la couleur du sang. Plus tard, quand l’enfant a pris la mamelle, ses excréments se rapprochent du lait. Les nouveau-nés ne rient et ne pleurent qu’après le quarantième jour, du moins pendant la veille ; car ces deux phénomènes sont plus précoces durant la nuit. La plupart des enfants ne sentent rien quand on les chatouille, sans doute parce qu’ils dorment presque constamment. Ils ont manifestement des rêves ; mais il s’écoule bien des années avant qu’ils n’acquièrent la faculté de se les rappeler. Enfin, contrairement à ce qui se voit chez les animaux, les os de l’enfant ne sont pas tous bien formés, à sa naissance ; la fontanelle, au sommet de la tête, est d’abord molle et ne se solidifie que plus tard.

Nous avons vu que les oiseaux, les poissons, les reptiles, les insectes ont des œufs d’où sortent les jeunes ; le fœtus humain lui-même est, au début, enveloppé d’une sorte de coquille. L’œuf qu’on peut observer le plus sûrement est celui des gallinacés ; les développements successifs qui s’y passent sont plus évidents que partout ailleurs. En y regardant de près, on verra que, dans les poules, il suffît de deux ou trois jours pour que le fœtus du poulet commence à s’annoncer. Durant cet intervalle, le jaune est déjà monté peu à peu dans le haut, c’est-à-dire, vers la pointe, là où est le principe de l’œuf, et où l’œuf doit se briser. Dans le blanc, il y a une espèce de point sanguinolent, qui est le cœur. Ce point s’agite et bat, parce qu’il est animé. Il en part deux vaisseaux dans le genre des veines, pleins de sang et contournés en spirale ; à mesure que l’animal se développe, ces vaisseaux s’étendent à chacune des deux tuniques environnantes. Une membrane à fibres sanguines entoure le blanc, vers la même époque, et l’isole des vaisseaux veineux. Peu de temps après, le corps commence à se distinguer, extrêmement petit d’abord et tout blanc. La tête se montre, avec des yeux très saillants et gonflés ; plus tard, les yeux se rapetissent et s’affaissent. La partie inférieure du corps se reconnaît à peine, comparée a la partie supérieure. Des deux vaisseaux qui partent du cœur, l’un se dirige vers l’enveloppe circulaire ; l’autre, vers le jaune, où il sert de cordon ombilical. Le poussin est dans le blanc, et sa nourriture vient du jaune, à travers l’ombilic. Des naturalistes ont commis une grave erreur en croyant tout le contraire. À dix jours, le petit animal est parfaitement distinct, dans toutes les parties qui le constituent. La tête est toujours plus grosse que le corps ; et les yeux, qui ne voient pas encore, sont plus gros que la tête. Ils ne sont d’ailleurs que de la dimension de gros pois et de couleur noire. La peau qui les recouvre étant enlevée, il n’y reste qu’un liquide blanc et froid, qui brille vivement quand on l’expose au jour.

A ce même temps, les viscères intérieurs sont déjà très visibles, et l’on discerne l’estomac et les intestins. Les veines partant du cœur pour se rendre à l’ombilic, sont également très marquées. De l’ombilic, sortent deux veines, allant l’une à la membrane dont le jaune est entouré, l’autre à la membrane commune qui entoure le poussin. A mesure qu’il grossit, une partie du jaune va en haut ; l’autre partie va en bas. Entre elles deux, se trouve le liquide blanc, qui est aussi au-dessous du jaune. Au dixième jour, le blanc est au plus bas de l’œuf, en petite quantité, gluant et épais. L’embryon est enveloppé d’une membrane, qui l’empêche d’être noyé dans le liquide du blanc, ou dans le liquide du jaune. Il continue à croître chaque jour ; au vingtième, on peut entendre le poussin piauler au dedans de l’œuf, et il se meut pour sortir. Si l’on enlève une partie de la coquille, on le voit déjà tout couvert de duvet. Il a la tête posée sur la cuisse droite, vers son flanc ; et sa tête est placée sous son aile. Un peu auparavant, il s’est débarrassé des membranes, dont l’une l’enveloppait et dont l’autre servait à le nourrir. Cependant, le jaune a diminué de plus en plus jusqu’à complet épuisement ; et ce qui prouve bien qu’il a servi à la nourriture du poussin, c’est que, si l’on ouvre un poulet, dix jours après sa naissance, on trouve encore quelque reste de jaune dans son intestin.

Malgré toutes les différences, qui sont évidentes, on peut cependant remarquer qu’il y a plus d’un rapport entre le développement du fœtus des ovipares et de celui des vivipares. Les embryons des ovipares ne sont pas nourris dans la mère, sans doute ; mais ils lui prennent aussi une partie de sa substance ; et, grâce au cordon extérieur et sanguinolent, ils sont avec la mère à peu près dans la même relation que les embryons des vivipares sont avec la matrice.

Après tout ce qui précède, sur les moyens qu’emploie la Nature pour la reproduction des individus et pour la perpétuité des espèces, il reste une dernière question, la plus importante de toutes, et peut-être aussi la plus obscure, parce qu’on ne peut plus y appliquer la méthode d’observation, et qu’il faut s’y contenter de l’hypothèse. Quelle est, dans l’acte de la génération, la part du mâle et quelle est la part de la femelle ? Leur concours est indispensable ; mais quelle est précisément la nature de ce concours pour l’un et pour l’autre ? Entre les deux, la distinction la plus frappante, c’est que le mâle est l’être qui engendre dans un autre être, et que la femelle est l’être qui engendre en lui-même. A cette première différence, qui est essentielle, on pourrait en joindre plusieurs autres tirées de la force musculaire, de la conformation du corps et des parties génitales, de la voix, du caractère, des armes servant à la défense ; sous tous ces rapports la femelle paraît être inférieure. Il est vrai que, des deux côtés, il y a une émission : ici les menstrues ; là le sperme ou liqueur séminale. Mais d’abord, ces émissions ne sont point simultanées ; et, en outre, leur composition n’est pas la même. Nous avons déjà dit qu’il ne faut pas confondre les évacuations féminines avec la semence venue de l’homme. Si l’on veut les assimiler, comme l’ont fait quelques naturalistes, il faut du moins convenir que le sperme est la dernière et la plus parfaite élaboration du sang, tandis que l’élaboration sanguine des menstrues est tout à fait incomplète. D’ailleurs, en se rappelant que jamais la sagesse de la Nature ne fait rien en vain, on ne comprendrait pas qu’il y eût deux émissions pareilles au lieu d’une ; la seconde ne servirait à rien, et elle détruirait plutôt l’effet de la première ; elle compromettrait le résultat commun.

La raison nous dit non moins clairement que, quand un être doit résulter de l’association de deux autres, patient et agent, il n’est pas du tout nécessaire que quelque chose de matériel sorte de l’agent, pour passer dans l’être qui doit résulter de l’action. Ainsi, quand l’artiste travaille le bois ou la cire, il ne met aucune matière venant de lui dans la matière qu’il façonne, et qui lui est préalablement donnée ; il n’y met que son art, c’est-à-dire, la forme, qui, sans lui, ne se produirait jamais, dans les éléments matériels que transforme son habileté. Le mâle peut être regardé comme l’agent ; la femelle est passive en tant que femelle ; le mâle représente la forme spécifique ; et la femelle, dans son rôle subordonné, ne représente que la matière où la forme s’incarne.

On peut découvrir un phénomène d’un genre fort analogue dans la fécondation des poissons, qu’on a déjà citée plus haut. Nous avons dit que la femelle pond ses œufs en un nombre énorme ; mais ce sont des œufs imparfaits ; et il n’en sortirait rien de vivant si le mâle ne venait, après la femelle, répandre sa laite sur les œufs qu’elle a pondus. Il n’y a de sauvés et de productifs que ceux que la laite a touchés et aspergés. C’est là un fait de toute évidence et mille fois constaté. Il prouve de la manière la plus manifeste que le mâle n’apporte rien en quantité à l’être nouveau ; il n’apporte que la qualité, c’est-à-dire, la vie, le mouvement, l’espèce ou la forme.

Un autre fait non moins décisif, c’est que l’intromission, qui semble déposer quelque chose du mâle dans la femelle, n’est pas nécessaire non plus pour que la reproduction ait lieu. On peut l’observer sur bien des insectes : loin que ce soit le mâle qui introduise son organe dans celui de la femelle, c’est au contraire la femelle qui introduit le sien dans le mâle. En ce cas, l’accouplement dure assez longtemps ; mais la fécondation a lieu de même par ce moyen, qui est l’inverse du procédé le plus ordinaire. C’est si peu le mâle qui apporte ici quelque matière, qu’on peut dire, tout au contraire, que la matière lui est apportée, afin qu’il y détermine la modification qui ne peut venir que de lui seul.

Dans les animaux supérieurs, où le rapprochement se fait de la manière que l’on sait, on dirait que la liqueur mâle produit, dans le sang menstruel, l’effet que la présure produit sur le lait ; elle le coagule et lui donne une consistance qu’il n’aurait pas sans elle. Dans les êtres animés il doit se passer quelque chose d’assez semblable entre les deux liqueurs dont le contact amène et détermine la conception.

On peut donc affirmer, au nom de la raison et des faits, que, si le mâle et la femelle sont, au même titre, causes et auteurs de la génération, en tant qu’indispensables l’un et l’autre, il y a cependant entre eux cette différence essentielle que l’être engendré par les deux n’emprunte de la liqueur séminale du mâle que l’action puissante de cette liqueur et le mouvement qu’elle provoque ; mais que le nouvel être qui reçoit la forme spécifique, est uniquement le résidu matériel de l’excrétion qui est dans la femelle. Le sperme est le moteur et le vrai générateur. L’être engendré tient de lui la forme et le mouvement, en d’autres termes, la vie. Il en est absolument en ceci comme pour les poissons ; ici aussi, le mâle ne fournit que la qualité, la quantité ne devant se développer que plus tard ; et la femelle fournit la matière. D’ailleurs, elle ne fournit pas seulement la place à l’embryon, ainsi que l’ont cru quelques naturalistes ; car, sans elle, l’embryon manquerait des éléments nécessaires à son corps. Mais c’est le mâle qui apporte la sensibilité ; c’est la sensibilité qui constitue vraiment l’animal et le distingue de la plante. Le mâle apporte l’âme, sans laquelle il n’y a de corps que par une vaine homonymie. Les matériaux qui sont dans la femelle n’ont l’âme nutritive et l’âme sensitive qu’en puissance ; c’est le mâle qui leur donne les deux âmes en acte et en pleine réalité. Les œufs clairs que pondent quelquefois les oiseaux, sont une nouvelle preuve de ce qui se passe dans le phénomène de la génération, chez d’autres animaux ; les œufs clairs renferment bien le blanc et le jaune, qui doivent servir de corps et d’aliment au futur poussin ; néanmoins, il n’en sort rien, parce qu’ils n’ont pas subi l’influence vivifiante du mâle ; ils ne sont, ni tout à fait vivants, ni tout à fait inertes. La femelle les produit à elle seule ; mais, au fond, elle ne produit rien, puisque ses œufs restent sans vie.

On a pu comparer, non sans vraisemblance, l’action du mâle au mécanisme des automates ; il suffit, dans les automates, qu’un premier ressort imprime le mouvement initial ; l’impulsion donnée se communique d’une pièce à une autre, sans que la première de ces pièces touche directement aux pièces suivantes. De même, l’action de la liqueur séminale se fait sentir bien longtemps après le rapprochement des deux parents. La force nutritive qu’a reçue l’embryon, se manifeste sur-le-champ en lui ; il commence aussitôt à se développer, en puisant dans sa mère la nourriture dont il a besoin, et qu’il lui emprunte par des moyens divers selon les espèces. Ensuite, il se donne par lui-même, et par son énergie intrinsèque, ses organes et ses membres ; il ne les reçoit pas du dehors et par juxtaposition, comme l’a cru Démocrite. Voilà comment l’organe qui s’annonce le premier, et qui se détache de cette masse confuse, est le cœur, principe de la chaleur et de la sensibilité, destiné, ainsi qu’on l’a dit, à nourrir tout le reste, au fur et à mesure de la croissance, et durant la vie entière. L’embryon, muni de son ombilic, se sert de l’utérus comme la plante se sert de la terre ; et son existence, dans cette époque de transition, est toute végétative, en attendant qu’elle devienne intelligente et raisonnable. L’embryon se divise alors, attaché à la matrice, comme le germe de la plante pousse sa racine et sa tige. Mais l’embryon humain s’entoure de membranes et de chorions, pour s’isoler de tout ce qui l’environne, tandis que le germe végétal n’a pas besoin de tant de protection. C’est que le fœtus doit se suffire à lui-même, comme un enfant que le père de famille aurait mis hors de la maison, et qui se séparerait de ses parents.

Voilà donc, autant qu’on peut le conjecturer, le rôle du mâle et de la femelle dans la génération. Evidemment, le mâle est supérieur, puisque le principe qu’il apporte est l’Ame, et que le principe fourni par la femelle n’est que la matière. Ceci doit nous aider à comprendre pourquoi les sexes sont séparés dans les animaux les plus parfaits, et notamment dans l’espèce humaine. L’esprit vaut mieux que la matière, et le meilleur doit être séparé du moins bon. On pourrait dire aussi que le mâle, qui est le dépositaire de l’espèce et de l’essence, a quelque chose de plus divin et de moins matériel que la femelle. Néanmoins, pour accomplir l’œuvre génératrice, le mâle ne peut pas plus se passer du concours de la femelle que la femelle ne peut se passer du sien. Si l’un des deux vient à manquer, la transmission de la vie est impossible. De là, leur union inévitable, puisqu’ils sont nécessaires l’un à l’autre, pour leur œuvre commune. Mais d’où viennent les sexes ? Et à quel moment apparaissent-ils dans le fœtus ? Ce sont là des questions fort complexes, dans lesquelles Anaxagore, Démocrite, Empédocle se sont égarés, en attribuant l’origine de cette diversité, soit à la position du fœtus dans la matrice, soit à l’action de la chaleur et du froid. Il serait bien hasardeux de se prononcer dans de telles obscurités ; mais on peut observer que la complexion et l’âge des parents influe beaucoup sur la production des différents sexes. On peut même croire que la saison, l’air ambiant, et le climat n’y sont pas non plus tout à fait étrangers.

Nous venons d’exposer les traits principaux de la théorie d’Aristote sur le grand fait de la génération, dans toute la série animale. Nous avons dû laisser de côté une foule de détails, par lesquels il la complète et la fortifie. Mais nous sommes resté fidèle à sa pensée, que nous avons reproduite dans son ensemble, en lui donnant seulement un peu plus de régularité et d’ordre systématique. Avant de poursuivre et de rechercher historiquement ce qu’est devenue cette belle doctrine, récapitulons les résultats qui ressortent de tout ce que nous avons vu jusqu’ici.

Un point absolument incontestable, c’est que voilà l’embryologie créée de toutes pièces, par la méthode d’observation, c’est-à-dire, par le seul procédé que la raison approuve, et le seul qui puisse produire la véritable science ; la voilà, avec son objet propre, dans ses limites déjà fort étendues et infranchissables ; la voilà, dans toute sa profondeur et sa portée ; scrutant, par l’anatomie assidûment pratiquée, un des phénomènes les plus mystérieux de la Nature ; éclairant les problèmes d’une lumière qui, après plus de vingt siècles, n’a rien perdu de son éclat ; la voilà, presque aussi avancée à bien des égards que notre science contemporaine ; se servant nécessairement de moyens beaucoup moins perfectionnés, mais employant les ressources dont elle dispose, avec une sagacité, une précision, une exactitude, qui ne peuvent jamais être dépassées ; avec une attention constante que rien ne lasse, ni ne rebute ; avec une passion ardente et réfléchie ; contemplant, dans un sentiment d’austère admiration, le spectacle sublime que la réalité offre aux méditations de l’homme, et rendant à la création une justice que, même, de nos jours, on ne sait pas toujours lui rendre. En un mot, Aristote est le père de l’embryologie, bien qu’il ne l’ait pas appelée de son nom ; il est le premier en date ; et l’on ne peut faire désormais que suivre ses traces et ses exemples, quelque long que soit l’avenir, de même qu’on les a suivis dans le passé, d’où la science actuelle est sortie, sans connaître, le plus souvent, son origine, et sans savoir à qui elle doit les principes qu’elle ne cesse d’admettre et de développer.

Nous essaierons bientôt d’esquisser l’histoire de l’embryologie ; mais, avant de voir ce qu’elle est devenue après Aristote, il est bon de jeter un rapide coup d’œil sur ce qu’elle pouvait être avant lui. Il est démontré, par son propre témoignage, qu’Anaxagore, Démocrite, Empédocle et quelques autres avaient discuté plusieurs points de détail relatifs à la génération ; mais aucun d’eux n’avait visé à une théorie complète, et c’est à Aristote lui-même qu’il faut demander ce qu’il pense de ses trois devanciers. Il n’a rien dit d’Hippocrate ni de Platon, bien que les doctrines de l’un et les leçons de l’autre aient pu avoir de l’influence sur ses études. Mais cette influence n’a pas dû aller fort loin, si l’on en juge par les œuvres qui nous restent de ces nobles personnages.

Pour savoir ce qu’Hippocrate a pensé de la génération, l’embarras ne laisse pas que d’être assez grand, parce qu’il est très difficile de discerner ce qui lui appartient dans la vaste collection à laquelle son nom est attaché, et ce qui appartient à son école de diverses époques. On trouve bien dans cette collection des traités, sur la nature de la femme, sur le fœtus de sept mois, sur la génération et la nature de l’enfant, sur les maladies des femmes, sur les femmes stériles, sur les maladies des jeunes filles, sur la superfétation, etc. (Edition et traduction E. Littré, t. VII et VIII.) Mais, ou ces morceaux ne sont que des fragments et de simples notes ; ou ils sont presque entièrement pathologiques, comme il convient à la médecine. Il n’y a pas là d’embryologie au sens où Aristote l’entendait, et où nous l’entendons avec lui. Il serait même très hasardeux d’y recueillir quelques données qui pourraient être prises pour une théorie de la génération. Récemment, des physiologistes ont tenté cette espèce de restitution, qui ne pouvait pas être fort heureuse, risquant ainsi de prêter à Hippocrate un système qui n’est pas le sien, et de lui imposer des erreurs qu’Aristote a réfutées.

Dans les Aphorismes, dont l’authenticité ne peut être révoquée en doute, on en peut trouver plusieurs qui se rapportent à la génération. Ils sont, dans la cinquième section, au nombre de 35, paragraphes 28 à 63. (Édition et traduction É. Littré, in-18, pp. 171-185.) Ceux-là sont encore presque uniquement médicaux, et très peu physiologiques. Ils recommandent certains remèdes pour faciliter le flux menstruel ; ils ne permettent les purgatifs pendant la grossesse que du quatrième au septième mois. Ils interdissent les saignées, qui causeraient l’avortement, comme le causent les dérangements prolongés des intestins. Il y a bien aussi quelques remarques qui tiennent de plus près à l’embryologie : par exemple, sur la maigreur excessive des femmes, qui provoque leur avortement, sur l’embonpoint extraordinaire, qui empêche la conception, sur les évacuations menstruelles, qui épuisent le fœtus, si elles continuent durant la grossesse, sur la suppression de ces évacuations, quand la grossesse se prononce et quand le lait se forme, sur la position des fœtus, les milles à droite, les femelles à gauche, sur le teint des femmes enceintes, selon qu’elles portent un garçon ou une fille, etc.

Toutes ces sentences concises et brèves sont fort intéressantes ; mais on y chercherait vainement un système sur la génération, dans l’homme ou dans les animaux.

On en peut dire autant de Platon, et même à plus forte raison. Il n’aborde cette question que dans le Timée. Mais, si, dans cette œuvre solennelle, il s’élève jusqu’à l’idée d’un Dieu créateur, père du monde et auteur de l’ordre merveilleux qui règne dans l’univers, il ne s’occupe de la génération que pour signaler les emportements et les dangers que causent les désirs sexuels, et pour exposer les métamorphoses dégradantes que subissent les mortels livrés à leurs passions brutales. Les hommes lâches sont changés en femmes dans une seconde naissance ; les hommes d’esprit léger et bavards sont changés en oiseaux ; ceux qui ne se sont jamais occupés de philosophie deviennent des quadrupèdes et des bêtes sauvages. Les moins intelligents deviennent des reptiles et rampent sur la terre. Enfin, ceux qui sont le plus dépourvus de raison deviennent des poissons, indignes de respirer un air pur, et condamnés à ne respirer qu’une eau trouble et pesante. Ainsi, tous les animaux se changent les uns dans les autres, selon qu’ils perdent de l’intelligence ou qu’ils en acquièrent.

On peut donc affirmer que, ni dans Hippocrate, ni dans Platon, Aristote n’a trouvé de matériaux pour la science nouvelle qu’il allait créer. Après lui, la stérilité reste la même, et il se produit alors pour l’embryologie le phénomène que nous avons dû reconnaître, non sans étonnement et regret, pour l’Histoire des Animaux et pour le Traité des Parties. Après Aristote, l’esprit humain semble s’être désintéressé de ces questions, qui nous touchent cependant de bien près ; le silence est universel, et il n’est rompu qu’à la fin du XVIIe siècle de notre ère. Que le Moyen-âge, après la ruine de l’Empire, n’ait rien produit, absorbé par des problèmes bien autrement urgents et bien autrement pratiques, nous n’avons pas à en être surpris. Toutes choses alors sont plongées dans le chaos ; les plus lourdes ténèbres pèsent sur les esprits, en toutes choses, si ce n’est peut-être en théologie ; l’histoire naturelle ne peut pas renaître, plus que les autres sciences, au milieu de ces débris et de ces agitations. Mais, comment s’est-il fait que la Grèce, dans les cinq siècles qui s’écoulent d’Aristote à Galien, ait été inféconde et muette presque autant que le Moyen-âge ? Comment cette question de la génération a-t-elle été oubliée ? Comment l’embryologie, si solidement inaugurée, a-t-elle disparu ? Comment une telle science a-t-elle été négligée, soit à Alexandrie, soit à Rome, comme elle l’était par Athènes elle-même ? C’est là ce que nous avons peine à concevoir. Mais le fait est indéniable. Il ne s’explique que d’une seule façon : Aristote, grâce à son incomparable génie, a été tellement en avant de ses successeurs, même d’Erasistrate et d’Hérophile, que personne n’a pu suivre ce pas gigantesque, et que la carrière, si largement et si glorieusement ouverte, est restée fermée. L’esprit humain n’a repris sa marche, et n’a pu l’assurer, que deux cents ans environ après la Renaissance du XVIe siècle. Chez les Anciens, ni l’École péripatéticienne, dans les divers pays où elle a régné, ni les autres écoles philosophiques, ni Varron, Cicéron, Celse, Sénèque, Pline lui-même, compilateur laborieux d’Aristote et de tant de naturalistes, n’ont rien dit. Il faut arriver jusqu’à Galien, à la fin du second siècle de notre ère, pour retrouver quelques traces d’une science déjà perdue. Encore, le traité du médecin de Pergame sur la semence (De Semine, édition de Kûhn, tome IV, pp. 512 et suiv.) n’est-il qu’une petite partie de la question ; elle semble échapper à Galien comme à bien d’autres, quoiqu’il fût capable de l’embrasser tout entière mieux que personne.

Le traité de Semine est en deux livres ; il a tous les mérites et tous les défauts habituels de Galien. Son but est de concilier Hippocrate et Aristote, qui ont soutenu sur l’action de la semence des opinions opposées. Hippocrate croit que le sperme est tout à la fois matière et cause de la génération ; Aristote croit que la semence est simplement cause, et qu’elle n’apporte rien de matériel dans la conception. Admirateur sincère d’Hippocrate et d’Aristote, Galien voudrait résoudre le dissentiment qui les sépare, et c’est dans cette intention qu’il écrit. Pour atteindre ce but fort louable, il emploie les procédés qui sont toujours à l’usage de nos physiologistes les plus sagaces et les plus adroits. Dans ses investigations, il interroge d’abord les femmes, et il leur demande les observations qu’elles ont pu faire personnellement sur leur conception. Il observe lui-même minutieusement ce qui se passe dans l’accouplement des animaux domestiques, juments, finesses, chien nés, vaches ; il dissèque des femelles qui sont pleines ou qui viennent d’être couvertes, pour surprendre les changements immédiats que la liqueur séminale peut causer dans l’organe qui l’a reçue. Il croit que la semence femelle se mêle à la semence mâle dans les cornes de la matrice ; il parle même de bulles qui se rompent dans la semence de la femme ; car il admet que la femme a de la semence, malgré la réfutation qu’Aristote avait faite de cette théorie. Il insiste sur les fonctions des testicules, qui élaborent le sperme ; mais, plus avancé qu’Aristote en anatomie, il parle des testicules de la femme, qui sont placés des deux côtés de l’utérus. Evidemment, c’est des ovaires qu’il s’agit dans ce passage de Galien ; mais, d’après son propre témoignage, le mérite de cette découverte anatomique revient à Hérophile, dans le troisième livre de son Anatomie, dont Galien reproduit un long et très curieux extrait.

Il parle encore avec grands éloges d’un médecin qu’il appelle Athénée, et qui avait composé aussi un ouvrage spécial sur le sperme, en sept livres. Ce médecin, qu’on connaît fort peu et qui vivait peut-être en Cilicie, vers le début de notre ère, était de l’avis d’Aristote ; et, comme lui, il n’attribuait à l’action du mâle que la transmission du mouvement et de la vie, laissant à la femelle la fonction de fournir la matière de l’embryon. Sur ce point, Galien n’hésite pas à blâmer Athénée, en compagnie d’Aristote ; il soutient, contre les deux, que les femelles ont de la liqueur séminale tout aussi bien que les mâles, et que le concours d’une de ces liqueurs n’est pas moins indispensable que le concours de l’autre pour réaliser la génération. Il croit toujours avec Hippocrate, dit-il, que dans l’utérus les fœtus mâles sont à droite, et les fœtus femelles à gauche. D’ailleurs, s’il s’éloigne en cela d’Aristote, il suit ses opinions sur d’autres points : la formation successive du fœtus, la ressemblance des enfants aux parents, les effets de la castration, les œufs clairs des oiseaux, etc. ; bien qu’il ne veuille pas que le cœur soit le premier organe à se montrer dans le fœtus, comme le dit Aristote, et qu’il suppose que le cerveau est formé avant tout autre viscère.

A côté des citations d’Hippocrate, d’Hérophile, d’Athénée, et d’autres médecins, comme Eudème et Marinus, connus uniquement parce qu’il les nomme, Galien est amené à faire encore des citations plus fréquentes d’Aristote. Il a le Traité de la Génération sous les yeux, et il lui emprunte de nombreux passages, soit pour y contredire, soit pour l’approuver. Il parle du cinquième livre de ce traité, qu’il regarde comme aussi authentique que les autres, et il semble le trouver à sa vraie place, après les quatre précédents. Tout en étant fort savant, il adopte parfois un style de rhéteur, qui n’est pas très scientifique. A tout instant, il apostrophe Aristote pour le combattre, et plus rarement pour le louer : « Mais, mon cher Aristote,… mais, très cher Aristote, tu dis ceci… tu dis cela !… que dirais-tu ?…. que répondrais-tu, si…. etc. » Ces formules sont bizarres ; mais elles n’ont rien d’irrespectueux ; tout au contraire, Galien admire Aristote presque autant qu’Hippocrate, son maître et le père de la médecine : Aristotelem virum naturœ doctum. » Mais il n’est pas toujours fort juste avec lui : par exemple, quand il lui reproche de n’avoir pas assez vu quels sont les rapports de l’animal et de la plante, tandis qu’Aristote est revenu à satiété sur ces rapports, qu’il avait observés et signalés le premier, pour montrer combien les frontières des deux règnes sont incertaines.

Du reste, Galien s’est borné à la question particulière qu’il voulait éclaircir, de la semence ; il n’est pas entré dans le vaste domaine de l’embryologie comparée, bien que l’exemple d’Aristote, et peut-être aussi celui d’Hérophile, l’y conviassent. Mais il n’est point à blâmer d’être demeuré sur le terrain de la médecine, qui était le sien, et où ses travaux pouvaient être plus utiles que sur tout autre. Un sentiment qu’il a de commun avec Aristote et qu’il exprime très vivement en toute occasion, c’est une admiration sans bornes pour la Nature. Plus profond que les médecins de son temps, et que bien des médecins des temps postérieurs, il célèbre, avec un enthousiasme réfléchi, « la sagesse et la puissance de Celui qui a fabriqué le corps humain. » Il repousse dédaigneusement Je système du hasard préconisé par Epicure, et il proclame l’évidence d’un art consommé et infini qui éclate dans la prodigieuse organisation de l’animal.

Après Galien, tout se tait dans l’Antiquité. C’est quatre cents ans plus tard que Philopon commente le Traité de la Génération ; mais ses explications n’ajoutent quoi que ce soit au texte, qu’il veut élucider, pour les rares élèves qui suivent ses leçons. C’est la dernière lueur, et la nuit la plus obscure va se faire, pour six ou sept siècles de suite. La lumière ne reparaît, bien faible encore, qu’avec Averroès (1120-1198) chez les Arabes, et avec AlbertleGrand, à Cologne et à Paris (1193-1280). Averroès, qui habite tantôt Cordoue, tantôt Séville, semble peu satisfait du texte original sur lequel il travaille, et qui fourmille de fautes ; mais il doit réviser sa traduction, « si Dieu le lui permet ». Les Arabes ne sont pas allés plus loin qu’Aristote ; mais, si, entre leurs mains, la science n’a pas fait le moindre progrès, ils ont conservé la tradition ; c’est déjà un immense service. Ils ont préparé et facilité les labeurs de notre Moyen-âge ; et notamment ceux d’Albert-le-Grand et de saint Thomas, qui, sans eux, n’auraient pu faire rien de tout ce qu’ils ont fait. Grâce aux Arabes, Albert-le-Grand non seulement reproduit tout Aristote, mais il a pu consacrer quatre livres de son ouvrage, De Animalibus, à la question de la génération, du XVe au XVIIIe livre. Il a même joint des observations personnelles à toutes celles qu’il empruntait au philosophe grec, à travers deux translations, du grec en arabe et de l’arabe en latin. Les commentaires d’Averroès et d’Albert-le-Grand, quelque peu novateurs qu’ils soient, prouvent que l’intérêt se réveillait dans les esprits pour les études physiologiques ; et cette heureuse influence a été pour quelque chose dans la résurrection définitive au XVe et au XVIe siècles. L’ouvrage d’Albert-le-Grand était imprimé à Mantoue dès 1479. Mais, deux siècles vont s’écouler encore avant que la chaîne ne soit vraiment renouée, et qu’enfin la science, après cette longue interruption, se remette régulièrement en marche, sous la conduite et sur les pas de la Grèce.

Parmi les théories d’Aristote, il en était une qui avait été généralement admise, bien qu’il y eut insisté fort peu : c’était celle de la génération spontanée. Outre les vivipares et les ovipares, dont la reproduction était évidente, on supposait que d’autres animaux, et surtout les insectes, dont on ne pouvait observer la reproduction, naissaient de la pourriture de certaines matières, soit dans la terre, soit dans les eaux ; quelques poissons aussi étaient rangés dans cette classe. Cependant, Aristote avait lui-même élevé quelques doutes, et il avait dit que c’était la chaleur, plutôt que la putréfaction, qui était cause de la production de ces êtres. Mais on ne s’était pas arrêté à cette réserve ; on s’en tenait à une division commode du règne animal, et l’on croyait aussi fermement à la génération spontanée qu’aux deux autres.

Ce fut Redi d’Arezzo(1626-1694.) qui attaqua le premier cette erreur, et qui la combattit, à la satisfaction de tous les esprits sensés. Redi est médecin ; mais il est en outre naturaliste et poète. En même temps qu’il est accrédité à la cour des Grands-Ducs de Toscane, il est un des écrivains qui travaillent au dictionnaire de la Crusca ; il a rang parmi les modèles du style italien. Ce qui doit le distinguer principalement à nos yeux, c’est l’excellence de sa méthode ; il la suit en s’en rendant parfaitement compte. Elle n’est pas autre que la méthode d’observation, telle qu’Aristote l’avait appliquée et recommandée. Sous ce rapport, Redi n’ignore rien ; mais ces principes essentiels avaient été si souvent méconnus et le sont encore si souvent, qu’il faut savoir gré à ceux qui y restent fidèles, soit qu’ils les découvrent par leur bon sens personnel, soit qu’il les reçoivent de sages prédécesseurs.

L’ouvrage de Redi est sous forme de lettre adressée à un de ses amis, capable sans doute de juger de ces questions. L’auteur s’excuse de la longueur de son épître ; mais il est trop modeste ; sa lettre n’a rien de prolixe pour le résultat important qu’elle contient, et qu’elle annonce au monde savant, en 228 pages. Comme il est érudit, il connaît tout ce que l’Antiquité a légué aux Modernes ; il critique Empédocle, et parfois même Aristote, tout en le vénérant. L’indépendance de son esprit ne lui permet pas de s’en rapporter uniquement à l’autorité, quelque respectable qu’elle soit ; il ne s’en fie qu’aux sens, accordés à l’homme « par le suprême architecte », pour instruire sa raison. Il doute que la putréfaction puisse donner naissance à des êtres vivants ; et pour vérifier le phénomène, il observe des cadavres d’animaux qu’il dépose dans des vases clos, ou dans des vases ouverts. En examinant les choses avec attention, et en portant ses expériences à un degré d’exactitude dont il est un des premiers à fournir le modèle, il constate bien vite que, dans les vases hermétiquement fermés et soustraits au milieu ambiant, il ne se produit jamais d’êtres vivants, tandis qu’il s’en produit toujours dans les vases ouverts. Il en conclut nécessairement que les vers ne s’engendrent de putréfaction que si la semence en a été apportée du dehors, par d’autres êtres doués dévie. Il retrouve des insectes venus de la même manière dans les galles des plantes, où l’on voyait aussi une génération spontanée. Il étend sa théorie jusqu’aux vers que les cerfs ont quelquefois dans la tête. « Je suis « porté à croire, dit-il en résumant sa pensée, « que tous les vers nés dans des putréfactions s’engendrent de semence paternelle, et que les chairs, les herbes, et les ordures de toute espèce ne font que préparer la génération des insectes, et leur apprêter un lieu et un nid, où tous ces animaux sont portés à déposer leurs œufs, ou autre semence de vers, qui, une fois nés, trouvent dans ce nid un élément suffisant pour se nourrir. Mais, si la mère n’y porte rien, rien n’y peut naître. »

Ainsi, Redi, par la justesse de ses conclusions, et par la précision de ses expériences, devançait notre siècle, qui a vu se renouveler le débat sur la génération spontanée, et qui semble l’avoir définitivement tranché. Déjà, la question avait été reprise avec assez d’éclat dans le XVIIe siècle par le jésuite Needham, dont Voltaire s’est un peu trop moqué. Mais les théories de Needham, bien que réfutées d’avance par les travaux de Redi, avaient été accueillies par deux grandes académies, celle de Paris et celle de Londres, et surtout par Buffon. Spallanzani avait contredit Needham, avec une vigueur égale à la politesse qu’il apportait dans la discussion. Entre ces jugements contraires, qui étaient tous fort considérables, la solution paraissait indécise, et bien des savants inclinaient au système de l’hétérogénie. De notre temps, ce système était encore soutenu avec ardeur par M. F. Pouchet, professeur d’histoire naturelle au Muséum de Rouen ; et ses opinions, qu’il défendait avec autant de conviction que de talent, comptaient des partisans jusque dans les rangs les plus élevés du monde scientifique. L’Académie des Sciences de l’Institut de France s’en émut, et comme M. Pouchet était un de ses lauréats, elle crut, en 1858, devoir mettre au concours le sujet suivant : « Essayer par des expériences bien faites de jeter un jour nouveau sur la question des générations spontanées. » Ces expériences furent entreprises, en dehors du concours, par M. Pouchet, représentant de l’hétérogénie, et par M. Pasteur, chimiste et directeur des études scientifiques a l’École normale, adversaire déclaré de cette théorie fausse. M. Pasteur parvint à réduire pour jamais l’erreur à néant. Il préludait alors à l’illustration qui devait bientôt entourer son nom.

M. F. Pouchet avait présenté à l’Académie des sciences (20 décembre 1858) une note où il affirmait que « les protoorganismes végétaux et animaux » naissent spontanément dans de l’air artificiel et dans le gaz oxygène. Se fiant à des expériences prolongées, il soutenait que des animalcules peuvent se développer dans un milieu absolument privé d’air atmosphérique. Les membres principaux de l’Académie s’étaient prononcés contre M. F. Pouchet. Payen, Claude Bernard, H. Milne Edwards et J.-B. Dumas ne croyaient pas à la génération spontanée. Mais la réfutation publique et victorieuse fut celle de M. Pasteur. Dans un grand mémoire, soumis à l’Institut et inséré dans les Annales des sciences naturelles (1861, tome XVI, pp. 5 et suiv.), il reprit la question, en remontant à l’Antiquité, et en rappelant les aberrations de Van Helmont, qui enseignait la manière de faire naître des souris, et de Leewenhoeck lui-même, qui se flattait, non moins sûrement, de produire des grenouilles. Il démontra, par des analyses irréfutables, que l’air atmosphérique contient une énorme quantité de particules solides et de germes de toute espèce ; que ce sont des germes et des corpuscules disséminés, et en suspension dans l’air, qui produisent tous les organismes des infusoires ; et qu’excités par l’oxygène, ils composent les ferments qui ne sont au fond que des êtres organisés. Les expériences de M. Pasteur étaient si bien faites et si décisives, la méthode employée par lui était si puissante et si claire, qu’il n’y avait pas d’objection possible, et qu’il ne pouvait plus être question d’hétérogénie. Il était irrévocablement prouvé que tous les êtres vivants viennent de parents, animés eux-mêmes de la vie qu’ils ne font que transmettre. La génération spontanée était enfin reléguée parmi les chimères ; et rien ne pourrait réveiller encore cette controverse éteinte que des passions antireligieuses, qui viendraient s’y mêler, tout en se cachant sous le manteau de la science.

Nous nous excusons de cette digression à laquelle nous nous sommes laissés aller, afin d’en finir avec une question qui n’en est plus une, mais qui était née à propos d’une théorie d’Aristote. Nous revenons à l’histoire de l’embryologie comparée.

En même temps que Redi portait la lumière sur un point particulier, un jeune médecin hollandais, Régnier de Graaf (1644-1673) faisait faire à la science un très grand pas ; il la mettait sur une voie où depuis deux siècles elle n’a pas cessé de le suivre, tout en poussant plus loin que lui les ingénieuses découvertes qu’il a commencées. Élève de Van Horne, son professeur d’anatomie à l’Université de Leyde, docteur en médecine d’Angers et de Paris, de Graaf s’était signalé, dès l’âge de 21 ans, par un traité remarquable sur le suc pancréatique. Quelques années après, il avait publié une étude sur les organes génitaux de l’homme, et il annonçait une étude semblable sur les organes de la femme, Ce dernier livre parut en 1672, un an tout au plus avant la mort du jeune savant, qui eut à peine le temps de laisser ce monument à la postérité. L’ouvrage est intitulé : « De mulierum organis generationi inservientibus, tractatus novus demonstrans tum homines et animalia caetera omnia quae vivipara dicuntur, haud minas qumt ovipara ab ovo originem ducere. » Ce traité a été réimprimé cinq ans après la mort de l’auteur, dans ses œuvres complètes, à Leyde.

De Graaf dédie son ouvrage, écrit en très bon latin, à Cosme III Grand-Duc de Toscane, par reconnaissance pour la faveur que les Médicis ont toujours assurée à la médecine ; il espère que cette œuvre d’un jeune homme sera digne de Cosme, aussi bien que les hommages si souvent rendus à sa famille par les astronomes. Dans une Epitre au lecteur, il rappelle ses recherches antérieures, et il expose le dessein qu’il poursuit dans celle-ci. Il veut prouver que les animaux, y compris l’homme, ne viennent pas d’un œuf formé dans l’utérus par la liqueur séminale du mâle, ou par son action, comme le grand Harwey l’avait cru, mais que l’œuf existe dans les organes de la femme avant tout rapprochement sexuel. De Graaf avoue que c’est là un paradoxe ; mais il demande qu’on veuille bien le lire avant de le condamner. Il soutient que l’espèce humaine n’est pas la seule à présenter cette organisation, et que tous les vivipares sans exception ont des ovaires, comme les oiseaux. Si l’oviducte chez les oiseaux a une extension membraneuse, les trompes de Fallope chez les quadrupèdes remplissent le même office. Elles reçoivent les œufs expulsés des follicules ; sans elles, les œufs tomberaient dans l’abdomen, où ils causeraient les désordres des grossesses extra-utérines. Le jeune anatomiste avait fait surtout ses dissections sur les animaux ; mais il ne doute pas que les résultats qu’il a obtenus ne soient également applicables à l’organisation féminine.

En décrivant cette organisation merveilleuse, avec beaucoup plus de soin qu’on ne l’avait fait jusqu’à lui, il prie ses lecteurs d’écarter toute pensée qui serait étrangère à la science. Pour s’excuser de traiter ce sujet délicat, il s’appuie sur l’autorité médicale de Celse et sur l’autorité théologique de saint Augustin. Depuis de Graaf, plus d’un anatomiste a formulé de semblables réserves, qui sont toujours sous-entendues pour une science sérieuse, même quand on ne les exprime pas formellement. Comme le dit laconiquement Tertullien, que d’autres anatomistes ont invoqué : « Natura veneranda est, non erubescenda. »

Sur seize chapitres formant l’ouvrage de de Graaf, qui n’est guère plus long que celui de Redi, onze sont consacrés à la description de tout l’appareil génital, depuis les parties les plus extérieures jusqu’aux plus profondes. Les planches qui accompagnent la description sont assez médiocres. Le chapitre XII traite spécialement des ovaires, que Vésale, le plus grand des anatomistes, selon de Graaf, et après Vésale, Laurent, Fallope, Coïter, Spigel, Van Horne, avaient observés, sans en bien comprendre le rôle. De Graaf reprend donc minutieusement cette analyse, et il constate que la substance membraneuse des ovaires renferme toujours des vésicules pleines de liqueur, et aussi des globules, des nerfs et des vaisseaux. C’est pour les vésicules que tout le reste est fait. Van Home, qui s’en était beaucoup occupé, les appelle des œufs, et de Graaf adopte ce nom. La femme contribue à la génération par ces vésicules. La liqueur séminale du mâle arrive par l’oviducte, c’est-à-dire, par les trompes de Fallope, à ces œufs contenus dans l’ovaire, et elle les féconde, en les irriguant. Fallope avait eu le tort de croire que les trompes, découvertes par lui, étaient fermées ; mais il avait reconnu son erreur, qui est manifeste en effet. Les œufs fécondés dans les ovaires sont reçus par l’extrémité des trompes, et ils descendent dans l’utérus, où l’embryon doit se nourrir et se développer, en plus ou moins de temps, selon les espèces et selon la durée de la gestation. Les trompes sont dans les femelles de vrais canaux déférents et des oviductes. De Graaf termine son ouvrage en décrivant minutieusement tous les développements successifs que l’œuf prend dans l’utérus, où il séjourne. C’est surtout sur des lapins qu’il faisait ses observations.

On verra, par ce qui va suivre, combien le jeune médecin hollandais, mort à 32 ans, était près d’avoir vu la vérité tout entière ; il en a conquis du moins la partie essentielle. Il n’y a qu’un seul point, à ce qu’il semble, où il ait commis une faute d’observation, sur les traces de Van Horne. La vésicule n’est pas l’œuf ; mais elle contient l’œuf, qu’elle enveloppe et qu’elle doit laisser sortir, au prix d’une cicatrice qui demeure empreinte sur l’intérieur de l’ovaire. A part cette restriction, le nom de de Graaf demeure attaché à la découverte de la vésicule, et selon toute justice, malgré les réclamations de l’envie.

L’ouvrage de de Graaf avait paru en février 1672 à Delft. Swammerdam, médecin aussi, et, comme de Graaf, élève de Van Horne, se hâta de revendiquer la gloire de la découverte, pour leur maître commun et surtout pour lui-même. Il s’adresse au mois de mai 1672 à l’Académie royale de Londres, et il cherche à établir que ses travaux personnels remontent à quatre ou cinq ans plus haut. Il a été, dit-il, le collaborateur de Van Horne, en ce sens que Van Horne faisait tous les frais des expériences, mais que c’était lui seul, Swammerdam, qui exécutait les travaux imaginés par lui personnellement. Pour prouver ses assertions, il reprend le programme du cours que faisait Van Horne, en 1668, sur les organes génitaux des deux sexes ; il commente chacun des articles de ce programme ; et, se défendant lui-même d’avoir été le plagiaire de Van Horne, il en accuse violemment de Graaf (de Graeff). De Graaf répondit non moins énergiquement, et il adressa sa défense à la Société royale de Londres, très peu de temps avant sa mort. (Partium genitalium defensio, societati regiœ dicata. La Haye, 1673).

Ces revendications opposées auraient pu être décidées par l’intervention et le témoignage de Van Horne ; mais il était mort en 1670. Dans cette polémique, le dernier mot a été pour de Graaf, et l’histoire de la science ne connaît que lui. Swammerdam, mort lui-même assez jeune, s’est rendu célèbre à d’autres titres, et Boerhaave lui a fait l’honneur d’éditer sa « Biblia naturœ seu historia insectorum ». Son ouvrage sur la génération intitulé : « Miraculum naturæ, sive uteri muliebris fabrica », a eu de nombreuses éditions. On peut dire encore, à la louange de Swammerdam, qu’il a inventé le procédé des injections, si utile dans les investigations anatomiques.

Malpighi, médecin et naturaliste (1628-1694), professeur illustre aux Universités de Bologne, de Pise, de Messine et de Rome, a fait faire des progrès à la théorie de la génération, en étudiant, a l’aide du microscope, mieux qu’on ne l’avait fait avant lui, les évolutions du poussin dans l’œuf. Ses « Dissertationes de ovo incubato et de formatione pulli in ovo » sont de 1666 et de 1672. Il y avait plus de trente ans qu’Harvey s’était appliqué au même sujet et dans la même intention, parce que les observations sur les œufs des oiseaux sont plus faciles que sur les ovaires humains. Malpighi note soigneusement, de six heures en six heures, tout ce qui se passe dans l’œuf, depuis qu’il est produit au dehors jusqu’à la naissance du poussin. Ce genre d’observations a été repris par la plupart des naturalistes, jusque de nos jours. Le procédé est excellent ; mais il faut toujours se rappeler que c’est Aristote, et peut-être Hippocrate, qui y a songé le premier. Nous ne voudrions pas exagérer le mérite de cette invention, qui se présentait tout naturellement à l’esprit des observateurs ; mais nous tenons à en laisser la gloire à qui elle appartient, c’est-à-dire, à l’Antiquité grecque, et au génie scientifique qu’elle a montré en ceci comme dans tout le reste. Malpighi s’est occupé de l’anatomie des plantes plus encore que de celle des animaux, et il a contribué à la découverte du sexe des végétaux.

Descartes a composé un traité De la formation du fœtus (tome IV de ses Œuvres, édition Victor Cousin) ; mais, soit que, pressé par le temps, il n’ait pas pu y mettre la dernière main, soit que ces études ne fussent pas de celles qui l’intéressaient le plus, il n’a pas laissé de traces profondes en embryologie. Il accorde de la semence aux deux sexes ; et « les semences se mêlant l’une à l’autre se servent réciproquement de levain. » Il est persuadé que, « si l’on connaissait bien quelles sont toutes les parties de la semence de quelque espèce d’animal en particulier, par exemple, de l’homme, on pourrait déduire de cela seul, par des raisons entièrement mathématiques et certaines, toute la figure et conformation de chacun de ses membres ; comme aussi réciproquement, en connaissant plusieurs particularités de cette conformation, on en peut déduire quelle est la semence. » Sur cette pente de la logique des mathématiciens, Descartes glisse aisément, sans paraître se douter qu’il manque à toutes les règles de sa propre méthode ; il donne au pur raisonnement beaucoup plus de place qu’il ne faut, dans une question qui doit surtout se résoudre par l’observation des faits. Il est bien probable que, si Descartes avait pu appliquer sa puissante intelligence à ce problème et y donner toute l’attention nécessaire, il aurait dépassé ses contemporains ; mais sa gloire impérissable est ailleurs.

L’année 1677 est marquée par une découverte considérable et inattendue, celle des spermatozoïdes, dans la semence de tous les animaux mâles, et particulièrement dans la semence humaine. Qui a découvert les spermatozoïdes ? Est-ce Hartsoeker, le physicien hollandais ? Est-ce Ham, élève de Leewenhoeck ? Est-ce Leewenhoeck lui-même ? C’est à ce dernier que la découverte reste attribuée. Sauf les prétentions des amours-propres individuels, il importe assez peu de savoir à qui elle est due réellement. Quel qu’en soit l’auteur, c’est une des plus belles conquêtes de la science. Lee-wenhoeck (1632-1723), naturaliste et anatomiste, avait su se fabriquer personnellement des microscopes que sa dextérité avait rendus les meilleurs du monde. Un hasard, plutôt encore qu’une intention réfléchie, lui fit voir, un jour, dans la liqueur séminale, des êtres qui étaient doués, durant quelque temps du moins, d’un mouvement extraordinaire ; il les prit pour des animalcules, et il crut qu’ils étaient l’élément indispensable et essentiel de la génération. C’étaient, selon lui, les embryons apportés par le mâle, qui se développaient plus tard dans l’utérus. Ses lettres à la Société royale de Londres, dont il était membre, en font foi. Malgré les indications formelles que fournissaient déjà les travaux de de Graaf, il soutint que l’homme ne vient pas d’un œuf, ainsi que tant d’autres animaux, mais qu’il vient d’un animalcule. Par suite de cette première méprise, il fut entraîné à d’autres erreurs qui n’étaient pas moins graves. A l’en croire, les ovaires n’étaient pas nécessaires à la génération ; ils ne contenaient pas les œufs que l’imagination de quelques anatomistes prétendait y trouver ; et dans sa trentième lettre, qui est sa conclusion définitive, il résumait sa pensée en quelques mots : « Conceptio non fit per ovum. » Ainsi, la découverte ne servait aucunement à celui qui l’avait faite ; il ne la comprenait pas. Le phénomène était vrai, le fait était exact ; mais le raisonnement était faux.

On conçoit du reste d’où l’erreur était venue ; elle était à peu près inévitable. Dès qu’on reconnaissait de véritables animalcules dans la semence, il était tout simple d’en conclure que l’être animé était introduit par le mille dans la femelle, et que la femelle n’avait plus qu’à nourrir le germe qu’elle recevait. (Opéra onmia, seu arcana naturœ détecta, édition de Leyde, 1721, quatre volumes in 4°, t. II et t. IV.)

Un élève de Malpighi, Vallisneri, combattit les idées de Leewenhoeck et revint a celles de de Graaf, pour essayer de les porter encore plus loin. Professeur de médecine théorique a l’Université de Padoue, il avait débuté dans la science en reprenant les observations de Redi sur les insectes, et il s’était prononcé, non moins résolument que lui, contre la génération spontanée, bien qu’il fût aussi un grand partisan d’Aristote. Son principal ouvrage est l’Histoire de la génération de l’homme et des animaux, en italien. (Venise, 1721 et 1723, f° pp. 97 à 245.) Vallisneri examine les deux solutions données au problème : les animalcules de Leewenhoeck, dont il attribue la découverte à Hartsoeker, et même à Sténon, le médecin danois (1638-1687), et les œufs ou vésicules de de Graaf. Comme on doutait encore à cette époque de la réalité des spermatozoïdes, il recommence toutes les observations antérieures, et il les confirme par son témoignage personnel. Les insectes spermatiques, ainsi qu’il les appelle, existent sans aucun doute ; mais quelle est leur véritable fonction ? Après de très longues discussions, qui ne sont pas toujours très régulières, Vallisneri conclut que le ver spermatique entre dans l’œuf de la femme et qu’il le féconde. Par l’œuf, il comprend toujours la vésicule de de Graaf, et malgré les plus habiles dissections, il n’a jamais trouvé l’œuf proprement dit. Il en supposait l’existence, sans pouvoir la démontrer d’une manière irréfutable. Ce sont ces incertitudes qui ont donné à Buffon, l’occasion de railler Vallisneri, sur ces œufs prétendus, qu’il cherchait toujours et qu’il ne rencontrait jamais. La critique était assez juste ; mais les hypothèses de Buffon, égaré par l’esprit de système, ne valaient pas les conjectures de Vallisneri, qu’il n’estimait pas assez haut.

Buffon, (1707-1788) s’est beaucoup occupé de la génération des animaux, et surtout de la génération de l’homme. Deux volumes de son histoire naturelle en sont remplis (tomes X et XI de l’édition de 1830). Il y combat tous les systèmes antérieurs, pour y substituer le sien. Jusqu’à quel point a-t-il réussi ? Ou plutôt, jusqu’à quel point a-t-il échoué ? Nous le demanderons à un juge que personne ne récusera, à Cuvier, qui est le plus grand des naturalistes modernes, et qui a le droit de prononcer sur Buffon. Après avoir parlé avec éloge de la Théorie de la terre, Cuvier ajoute : « Le système de Buffon, sur les molécules organiques et sur le moule intérieur pour expliquer la génération, outre l’obscurité et l’espèce de contradiction dans les termes qu’il présente, paraît directement réfuté par les observations modernes, et surtout par celles de Haller et de Spallanzani. Mais, son éloquent tableau du développement physique et moral de l’homme n’en est pas moins un très beau morceau de philosophie, digne d’être mis à côté de ce qu’on estime le plus dans le livre de Locke. » (Biographie universelle, article Buffon.) Pour apprécier Buffon, nous nous mettrons sous l’abri d’un jugement aussi compétent et aussi impartial. Avant d’en arriver à la génération des animaux, Buffon compare d’abord les végétaux et les animaux, comme Aristote l’avait fait souvent ; puis, il traite de la reproduction en général, de la nutrition et du développement. Pour lui, les végétaux et les animaux sont des êtres de même ordre ; et la Nature semble avoir passé des uns aux autres par des nuances insensibles, descendant d’un animal qui nous paraît le plus parfait à celui qui l’est le moins ; et de celui-ci, au végétal. Les végétaux et les animaux ont une ressemblance qui est très essentielle, c’est la faculté de se reproduire. « Quelque admirable que soit l’organisation de l’animal et de la plante, ce n’est pas dans l’individu qu’est la plus grande merveille ; c’est dans la succession, dans le renouvellement et dans la durée des espèces, où la Nature paraît tout à fait inconcevable. » Comme il y a des plantes et des animaux qui peuvent se reproduire par une simple division, et que chacune de leurs parties contient un tout qui, par le seul développement, peut devenir un animal ou une plante, Buffon en conclut que l’individu n’est qu’un assemblage de germes et d’individus de même espèce, lesquels peuvent tous se développer de la même façon et former de nouveaux touts constitués comme le premier. Les corps organisés sont composés d’autres corps organiques semblables, « Les parties primitives de ces corps sont organiques et semblables aussi. Nous discernons bien à l’œil leur quantité accumulée ; mais nous ne pouvons apercevoir les parties primitives isolées que par le raisonnement et par l’analogie. » Il existe dans la Nature une infinité de petits êtres organisés, semblables en tout aux grands êtres organisés qui figurent dans le monde ; et ces petits êtres sont « des particules organiques vivantes, qui sont communes aux végétaux et aux animaux ». La génération n’est donc qu’un changement de forme, qui se fait et s’opère par la seule réunion de ces molécules, de même que la destruction se fait par leur division.

A ce premier principe des molécules organiques vivantes, Buffon enjoint un second. Ces molécules, indépendantes les unes des autres, se groupent cependant pour donner au corps des animaux des formes différentes, selon leurs espèces. La force qui les contraint à se grouper, tantôt d’une façon, tantôt d’une autre, c’est ce que Buffon appelle le moule intérieur, « dans lequel la matière qui sert à l’accroissement de l’animal se modèle et s’assimile au total. » Mais, ce n’est pas seulement le corps entier de l’animal qui est un moule ; c’est chacune de ses parties intérieures, qui reçoivent la matière de leur développement particulier, dans l’ordre de leur position respective. La matière organique pénètre chacun de ces moules intérieurs et s’incorpore intimement avec eux.

C’est à l’aide de ces deux principes, molécules organiques et moule intérieur, que Buffon prétend dévoiler le mystère de la génération. D’ailleurs, il convient que ces deux forces, qu’il suppose il l’intérieur des corps, ne peuvent pas être accessibles à nos sens, et qu’elles échappent à toute observation. Mais, il se rassure en pensant à la force de la pesanteur, qui pénètre aussi l’intérieur de toute matière, et que nous n’apercevons pas davantage par l’observation sensible, bien que nous y croyions sans la moindre hésitation. C’est la nourriture qui apporte dans le corps les molécules organiques ; et ces molécules se séparent de celles qui, n’étant pas organiques comme elles, sont rejetées par toutes les voies excrétoires. Au nom de ses deux principes, Buffon, n’hésite pas à blâmer Descartes, qui a voulu réduire l’explication de tous les phénomènes de la Nature à des principes purement mécaniques, et Aristote, « dont le défaut, dit-il, a été d’employer comme causes tous les effets particuliers ». Buffon, se flatte d’avoir, pour sa part, évité les écueils où ces deux grands hommes avaient échoué ; et sans le dire précisément, il semble bien croire que sa propre philosophie est « sans défaut », parce qu’aux principes reçus de la mécanique, il a joint d’autres forces pénétrantes qui s’exercent dans les corps organisés. Il va même jusqu’à affirmer que c’est l’expérience qui nous assure qu’il existe un nombre infini de particules organiques, et il s’imagine l’avoir démontré par des faits, bien plus encore que par le raisonnement.

Cependant, Buffon, parti de la génération scissipare, se heurte à une difficulté. Il sent bien que sa théorie ne suffit plus, même avec ses deux principes, à expliquer la génération sexuelle, celle qui, cependant, nous intéresse le plus. Grâce à l’hypothèse des molécules organiques, chaque individu peut produire son semblable par une sorte de bouture ; cela se conçoit assez bien. Mais, comment deux individus, l’un mâle et l’autre femelle, en pro-duisent-ils un troisième, qui a constamment l’un ou l’autre de ces sexes, dont un au moins est opposé à celui des parents ? Au lieu de répondre à cette question embarrassante, Buffon blâme les naturalistes, ses devanciers, de s’être occupés uniquement de la génération de l’homme et des animaux, sans faire attention aux autres modes de génération ; et par une contradiction flagrante, quoiqu’il ne semble pas s’en apercevoir, il s’attache lui-même exclusivement à la génération humaine, pour prouver que les molécules organiques, renvoyées de toutes les parties du corps, forment dans les deux sexes des liqueurs séminales, et que ces liqueurs ont besoin l’une de l’autre pour que les molécules organiques qu’elles contiennent puissent se réunir et former un animal. Les petits corps mouvants, dit-il, auxquels on a donné le nom d’animaux spermatiques, sont des corps organisés, provenant de l’individu qui les contient ; mais d’eux-mêmes ils ne peuvent, ni se développer, ni rien produire.

Quoique ceci soit vrai, Buffon, poussé par les exigences de son système, avance qu’il y a des animaux pareils, c’est-à-dire des animaux spermatiques, dans les femelles ; ce qui est absolument contraire à l’observation. Par une autre nécessité non moins logique et non moins impérieuse, il ne voit dans les animaux spermatiques que les molécules organiques vivantes dont il a parlé, et qui, selon lui, sont communes aux animaux et aux végétaux. Ce qu’il concéderait tout au plus, c’est que les animaux spermatiques sont « la première réunion des parties organiques vivantes ». Entre ces molécules, celles qui se conviennent le mieux dans l’un et l’autre sexe se confondent, et elles forment un nouveau petit corps organisé semblable à l’un et à l’autre des individus. Il ne manque plus à ce petit corps, ainsi formé, que le développement qui se fait ensuite dans la matrice de la femelle.

Par une autre conséquence inévitable, Buffon est amené à soutenir que la femelle a de la liqueur séminale, tout aussi bien que le mâle ; et, s’appuyant sur un passage d’Aristote, qu’il n’interprète pas exactement, il critique les « physiciens » modernes qui, voulant expliquer la génération par les œufs ou par les animaux spermatiques, ont, avec les Anciens, refusé la liqueur séminale à la femelle.

Il termine cette première partie de son exposition en s’efforçant de trouver, à l’appui de son système, de nombreuses raisons, tirées des analogies du développement et de la nutrition avec la reproduction, de l’engraissement des animaux coupés, de la ressemblance des enfants avec les parents, de la nature de la liqueur séminale selon les âges et selon les tempéraments, de l’époque du rut ou du frai dans les animaux, du nombre des mâles plus grand que celui des femelles dans l’espèce humaine, etc.

Trop satisfait de son système personnel, Buffon juge ensuite les autres systèmes ; et il passe successivement en revue les opinions de Platon, qu’il réprouve, celles d’Aristote, auxquelles il accorde un long examen, tout en les traitant d’absurdes, celles d’Hippocrate, qu’il place fort au-dessus, celles de Fabrice d’Aquapendente, auquel il attribue à tort d’avoir, le premier, fait des observations suivies sur les œufs de poule. Il passe légèrement sur Aldrovande, Coïter, Parisanus, médecin de Venise, et il s’arrête à Harvey, partisan de l’ovarisme et imitateur d’Aristote, à Malpiglii, qu’il appelle un excellent observateur et qu’il exalte aux dépens d’Harvey, à de Graaf, dont il semble faire beaucoup de cas, tout en rapportant à Sténon la découverte des œufs dans les ovaires, à Vallisneri, qu’il étudie en détail, mais qui, tout habile qu’il était, a vainement cherché l’œuf auquel il croyait et qu’il n’a jamais pu voir.

Bufîon, qui traite assez dédaigneusement tous ces systèmes sur les œufs, n’est pas plus favorable à celui des animaux spermatiques, découverts par Leewenhoeck, Hartsœker et Andry ; il trouve que cette théorie n’est appuyée que sur des hypothèses dénuées de toute vraisemblance, « attendu qu’elle suppose le progrès à l’infini, lequel n’est qu’une illusion de l’esprit ». Buffon condamne donc les animaux spermatiques, comme il a condamné les œufs de de Graaf, et il donne la préférence à l’auteur inconnu de « la Vénus physique », à Méry, de l’Académie des sciences de Paris.

« Voilà, à très peu près, dit-il en terminant sa critique, où en sont demeurés les anatomistes et les physiciens au sujet de la génération. Il me reste à exposer ce que mes propres recherches et mes expériences m’ont appris de nouveau ; on jugera si le système que j’ai donné n’approche pas infiniment plus de celui de la Nature qu’aucun de ceux dont je viens de rendre compte. » Il faut reconnaître que Buffon s’est livré aux observations les plus attentives et les plus nombreuses ; mais, prévenu de ses propres idées, il ne pouvait tirer des expériences que ce qu’il y cherchait, c’est-à-dire, la confirmation de sa théorie sur les molécules organiques vivantes. D’accord avec Needham, qui l’aidait, il ne voit dans la semence du mule que des parties qui tendent à s’organiser, et il déclare que les prétendus animaux spermatiques ne sont pas des corps organisés semblables à l’individu qui les produit ; « ce sont plutôt des espèces d’instruments qui servent à perfectionner la liqueur mâle et à la pousser avec force, pour qu’elle pénètre plus intimement la liqueur de la femelle ». Enfin, après une comparaison étendue entre ses expériences et celles de Leewenhoeck, il conclut que presque tous les animaux microscopiques, infusoires, de diverses origines, anguilles de la farine, anguilles du blé ergoté, anguilles du vinaigre, anguilles de l’eau corrompue, etc., sont de la même nature que les êtres organisés qui se meuvent dans les liqueurs séminales. Il va même au delà de ces assertions, déjà bien étranges, et ne croyant, ni à la préexistence des germes, ni à leur emboîtement, il finit par admettre une matière organique, universellement répandue dans toutes les substances végétales et animales, toujours active, toujours prête à se mouler, à s’assimiler et à produire des êtres semblables à ceux qui la reçoivent. Les espèces d’animaux et de végétaux ne peuvent donc jamais s’épuiser d’elles-mêmes ; tant qu’il subsistera des individus, l’espèce sera toujours toute neuve ; elle l’est autant aujourd’hui qu’elle l’était il y a trois mille ans ; elle continuera tant qu’elle ne sera pas anéantie par la volonté du créateur.

Buffon a toute raison de se fier imperturbablement à la perpétuité des espèces ; mais, sur la manière d’expliquer cette perpétuité, proclamée dès longtemps par Aristote, il a commis des erreurs qu’on peut qualifier d’énormes, sans parler de la génération spontanée, à laquelle il croit toujours avec Needham, malgré les démonstrations de Redi et de Malpighi. D’où peuvent venir ces aberrations d’un si grand esprit ? D’une seule cause, l’abus du raisonnement substitué à l’observation. Ce n’est pas que Buffon s’abstienne d’observer les phénomènes ; loin de là, il s’y adonne avec une persévérance et une circonspection dignes de résultats meilleurs. Mais malheureusement, il a un système préconçu ; et l’amour-propre inconscient, auquel chacun de nous peut céder ainsi que lui, l’emporte sur tout le reste. En dépit des précédents les plus manifestes, il tourne le dos à la vérité, bien qu’il la cherche aussi sincèrement que qui que ce soit. Ses molécules organiques vivantes ne sont pas moins chimériques que les monades de Leibniz, dont elles semblent se rapprocher beaucoup. Buffon, d’ailleurs compense amplement cette faute par des considérations fort exactes sur les variétés dans la génération des animaux, sur la formation du fœtus, sur l’accouchement, sur l’embryon, sur les naissances tardives ou précoces, tous sujets déjà traités par Aristote ; et il couronne toutes ces théories par l’histoire naturelle de l’homme, à laquelle le grand Cuvier n’a pas ménagé son estime et son admiration.

Avec Cuvier (1769-1832), qui s’est toujours gardé prudemment des conceptions à priori, nous revenons à la science véritable. Il n’a pas fait précisément d’embryologie, et il n’a pas de système sur la génération. Mais, mieux que personne, il a fait l’anatomie comparée des organes servant à cette fonction, dont l’objet est d’entretenir l’espèce et d’employer une portion de la vie de chaque individu, pendant qu’elle est à son plus haut période, pour développer d’autres individus qui le remplaceront un jour. La génération est le plus grand mystère que nous offre l’économie des corps vivants ; et Cuvier n’hésite pas à déclarer que la nature intime de la génération est encore couverte des ténèbres les plus absolues. Il se refuse à admettre que les corps vivants puissent se former de toutes pièces comme les cristaux, par la réunion des molécules rapprochées subitement, « en se collant les unes aux autres ». Dès que les corps vivants existent, ils ont déjà toutes leurs parties, quelque petits qu’ils soient ; ils ne croissent point par l’addition de nouvelles couches, mais par un développement interne des parties, qui préexistent à toute croissance sensible. Une circonstance commune à toute génération, et la seule essentielle, c’est que chaque corps vivant tient, dès les premiers instants où il commence à être visible, à un corps plus grand de même espèce que lui, dont il fait partie, et par les sucs duquel il se nourrit pendant un certain temps. C’est sa séparation de ce corps plus grand qui constitue sa naissance. Ainsi réduite à sa simplicité essentielle, la génération est gemmipare, comme on le voit sur les plantes reproduites par bouture, et sur certains animaux inférieurs, les polypes et les actinies. Il n’y a dans ce mode de génération, ni sexe, ni accouplement, ni même aucun organe particulier. Au contraire, les autres modes de génération s’opèrent dans des organes spéciaux ; et il faut le concours de certaines opérations des organes pour déterminer le développement ultérieur. Ces opérations constituent la fécondation, qui ne peut se faire que par des sexes, qui sont ou réunis ou séparés. Le sexe fécondable, dans lequel le germe se manifeste, est le sexe femelle ; le sexe fécondant, dont le concours est nécessaire pour que le germe se développe complètement, est le sexe mâle. Le concours du sexe mâle se fait par une liqueur qui se nomme fécondante ou séminale.

Cuvier laisse aux disputes des physiologistes le soin de chercher comment la liqueur séminale du mâle concourt au développement des germes, soit que les germes préexistent dans la femelle, soit que la liqueur mâle les y apporte, soit que cette liqueur ne fasse que les réveiller, en quelque sorte, de la léthargie dans laquelle ils seraient toujours restés sans elle. Ce sont là pour Cuvier autant de questions insolubles dans l’état actuel de nos connaissances ; et il conseille d’en abandonner la discussion, qui serait peu utile à la science. Pour lui, il s’attache à l’étude des quatre fonctions partielles et subordonnées dont la génération se compose : production du germe, qui a toujours lieu ; fécondation, qui n’a lieu que dans les générations sexuelles ; accouplement, qui n’a lieu que dans les générations sexuelles où la fécondation se fait dans le corps ; et enfin la grossesse ou gestation, qui n’a lieu que dans les générations vivipares. Pour ces quatre fonctions, il y a des organes producteurs et conservateurs, des organes d’accouplement et des organes éducateurs.

Cuvier décrit successivement, avec les détails les plus précis, ces quatre espèces d’organes. L’appareil préparateur et conservateur est le plus compliqué ; il se compose dans les mâles des testicules, des vésicules séminales, des prostates et des glandes dites de Cowper. Ces organes sont considérés par Cuvier tour à tour dans l’homme, dans les mammifères, dans les oiseaux, dans les reptiles, dans les poissons. Les organes préparateurs et conservateurs des femelles sont les ovaires, tantôt doubles comme dans l’espèce humaine et les reptiles, tantôt simples comme dans les oiseaux. L’organe mâle de l’accouplement est la verge simple, ou double aussi, avec ses nerfs, ses muscles et ses vaisseaux ; l’organe femelle est le vagin, ou, dans certaines espèces, le cloaque. Les organes éducateurs, qui reçoivent le germe détaché de l’ovaire, sont, à l’intérieur, les trompes de l’utérus dites de Fallope dans les mammifères, les oviductes simples, ou doubles encore, dans les trois autres classes des vertébrés ; et l’utérus, qui, dans les mammifères, peut être unique, double, simple, ou même quadruple. A l’extérieur, les organes éducateurs sont les mamelles, en nombre variable pour la plupart des mammifères, et les poches pour quelques-uns d’entre eux.

Après les vertébrés, Cuvier passe aux animaux sans vertèbres : les mollusques, où l’on trouve quatre combinaisons différentes d’organes ; les vers, qui présentent à peu près les mêmes combinaisons ; les crustacés, où les organes intérieurs, ovaires et testicules, qui sont doubles ailleurs, sont quelquefois réunis en un seul ; les insectes, où les organes sont extérieurs et simples en général, placés à l’extrémité du corps ; enfin, les échinodermes, qui sont hermaphrodites. Les zoophytes se multiplient par bourgeons et boutures.

Ici s’arrête l’analyse de Cuvier, et il termine un peu brusquement ses recherches, par une trentième et dernière leçon, consacrée à l’histoire des sécrétions et des excrétions. Il s’excuse de ne pas suivre l’ordre naturel de ses idées, qui aurait du amener, après les organes de la génération, ceux qui appartiennent à l’embryon, au fœtus, à l’animal nouveau-né, et qui distinguent chacun de ces états de celui de l’adulte. Mais diverses circonstances l’ont déterminé, dit-il, à réserver ce travail pour un autre moment. Ces circonstances regrettables, que Cuvier ne nous indique pas plus précisément, nous ont privés de l’ouvrage complémentaire qu’il promettait, et qui n’a jamais paru.

En 1824, M. J.-B. Dumas (1800-1885), l’illustre chimiste, publia, dans le premier volume des Annales des sciences naturelles, le commencement d’un travail extrêmement remarquable qu’il intitulait : « Nouvelle théorie de la génération. » Il avait pour collaborateur J.-L. Prévost, médecin de Genève, déjà fort connu, et un peu plus âgé que lui. C’était une entreprise courageuse et très méritante, quoique le succès n’ait pas complètement répondu à la promesse que les deux savants faisaient au public. Ils n’ont pas découvert une théorie nouvelle de la génération ; mais, du moins, ils sont allés plus loin que leurs devanciers, et ils ont préparé, et peut-être même devancé, la grande et définitive découverte d’Ernest de Baër.

Dumas ne se dissimule pas la difficulté de son entreprise ; et pour indiquer tout d’abord le résultat général qu’auront ses investigations, il ne balance pas à déclarer qu’Aristote est probablement le seul qui se soit jamais fait une notion judicieuse de la nature du phénomène de la génération. Dans la bouche d’un homme tel que J.-B. Dumas, au XIXe siècle, c’est là une louange magnifique. Nous essaierons plus tard de faire voir qu’elle n’a rien d’excessif et qu’elle est parfaitement juste, sans doute même encore plus méritée que ne le supposait celui qui la décernait. Attaché, dès ses débuts, à des croyances qui sont restées celles de toute sa vie, Dumas distingue dans l’animal deux principes, l’un immatériel et l’autre corporel. Il n’est pas trop sévère pour la théorie de l’emboîtement des germes de Bonnet ; et, tout en n’y voyant qu’une hypothèse gratuite, il comprend l’approbation qu’elle a souvent reçue, parce que, « dans un phénomène enveloppé du voile le plus épais, l’esprit humain conçoit une création d’un seul coup et faite une fois pour toutes, plus aisément qu’une activité continuelle, qui répugne à notre faiblesse. » Pour lui, il se propose uniquement d’observer les faits, sans risquer des conjectures périlleuses. La génération, réduite à sa plus simple expression, est le rapprochement d’un mâle et d’une femelle, et le contact de l’œuf et de la semence, comme l’a si bien établi Spallanzani. Il va donc étudier, d’abord la liqueur séminale, puis ensuite l’œuf, et définitivement leur rapport. Ses recherches embrasseront toute la série animale, mammifères, oiseaux, batraciens, reptiles, poissons, mollusques, insectes et zoophytes.

En premier lieu, Dumas analyse les liquides renfermés dans les diverses glandes de l’appareil générateur, testicules, épididyme, canal déférent, vésicule séminale et prostate, questions éclaircies déjà par les beaux travaux de Cuvier. Il constate dans le testicule l’existence de certains êtres agités de mouvements spontanés, qui sont les animalcules spermatiques, découverts par Ham, Leewenhoeck et Hartsoeker. Ces animalcules sont le produit d’une véritable sécrétion. Tous les animaux pubères en possèdent ; trop jeunes, ils n’en ont pas encore ; trop vieux, ils n’en ont plus. Les vésicules séminales et les vésicules accessoires ne fournissent jamais d’animaux spermatiques, parce que le testicule est le seul à pouvoir les sécréter. Le mouvement spontané des animalcules spermatiques tient à l’état physiologique de l’animal qui les fournit ; et ce caractère les distingue essentiellement des infusoires. Par des observations sur les batraciens, Dumas se convainc que la fécondation des œufs par la liqueur mâle ne peut avoir lieu tant qu’ils sont dans l’ovaire. C’est là un résultat fort important, pour expliquer la fécondation chez les mammifères ; chez eux, le moment de la fécondation est toujours postérieur à celui de l’accouplement.

Ici, Dumas remarque une circonstance qui avait échappé à presque tous les observateurs avant lui ; c’est que les ovules trouvés dans les cornes de l’utérus, ou trompes de Fallope, sont toujours beaucoup plus petits que les vésicules de de Graaf dans l’utérus ; ils ont un ou deux millimètres au plus, tandis que les vésicules en ont sept ou huit. Puis, Dumas ajoute la phrase suivante, d’où l’on a pu conclure qu’il avait découvert le véritable œuf des mammifères, quelques années avant Ernest de Baër : « Il nous est arrivé deux fois, dit-il, en ouvrant des vésicules très avancées, de rencontrer dans leur intérieur un petit corps sphérique d’un millimètre de diamètre, moins transparent que les ovules a des cornes. » Dumas ne reconnaît pas que ce petit corps est l’œuf proprement dit des mammifères, et il se demande seulement quel rapport il existe entre les vésicules de l’ovaire et les ovules des cornes. On voit donc qu’il a été aussi près que possible de la découverte ; mais on ne peut pas dire qu’elle lui soit due. (Annales des Sciences naturelles, tome II 1, p. 135.)

Trois ans plus tard, en 1827, Dumas continuait encore ses investigations embryologiques, et le tome XII des Annales des Sciences naturelles contient ses longues expériences sur les œufs de poule. Il suit minutieusement les évolutions de l’œuf de trois heures en trois heures, pendant toute l’incubation ; et il décrit les phénomènes successifs avec une exactitude qui surpasse encore celle de Mal-pighi, dont il fait le plus bel éloge. « Le cadre qu’a tracé Malpighi, dit-il, restera comme un monument glorieux de son génie observateur. » On peut renvoyer cette louange à Dumas lui-même ; lui aussi a donné sans contredit « le tableau le plus élégant et le plus complet de l’incubation ». Il est regrettable que Dumas se soit arrêté dans cette voie ; s’il y eût persévéré, il s’y serait montré égal, et peut-être supérieur, à tous ses prédécesseurs. Il a plus tard consacré ses puissantes facultés à la chimie, à laquelle même il n’a pas toujours été fidèle. On ne saurait l’en blâmer, puisqu’il obéissait à sa vocation ; mais il a été perdu pour l’embryologie.

Il est possible que la dissidence survenue entre lui et Prévost ait hâté sa décision, en séparant leurs travaux. Dumas lui-même a rendu compte de ce dissentiment, qui portait sur une théorie physiologique (Annales des Sciences naturelles, tome XII, pp. 443 et suiv., 1827). Prévost combattait l’emboîtement des germes, auquel Dumas inclinait ; et il pensait que « le fœtus est le résultat de l’action que l’animalcule spermatique exerce sur le corps opaque de l’aire transparente (l’œuf dans la vésicule de de Graaf), ni l’un ni l’autre de ces agents ne formant une partie de l’être qui se crée ; ils donnent seulement naissance au premier des actes successifs en vertu desquels cet être se produit. » Contre cette opinion, Dumas prétendait « que l’animalcule spermatique est le rudiment du système nerveux et que la lame membraneuse sur laquelle il s’implante (le placenta), fournit par les modifications qu’elle éprouve tous les autres organes du fœtus. » Ce dissentiment fit cesser la collaboration, qui cependant pouvait être encore bien féconde ; et Dumas abandonna l’histoire naturelle. On peut soupçonner aussi qu’en face des problèmes insolubles qu’elle présente à certains égards, son esprit s’était découragé ; car, dans cette même note où il réfute son ami, il ne cache pas que le doute s’est emparé de son intelligence, et il avoue, non sans quelque tristesse, que « le point fondamental de chaque chose nous échappe, et que, quand nous arrivons au nœud principal de la question, la vérité se dérobe tout d’un coup à nos efforts, qui ne servent plus qu’à attester notre impuissance. » Dans la controverse qui s’était élevée entre Dumas et Prévost, l’un et l’autre se trompaient, du moins en partie ; mais Prévost était plus près de la vérité, sans la posséder encore tout à fait.

Le naturaliste qui la découvrit enfin, à peu près à la même époque où Prévost et Dumas travaillaient de concert, ce fut Ernest de Baër (1792-1876). Né sujet russe en Estonie, élève de Burdach, à Kœnigsberg, et professeur à cette université dès 1819, Baër, nommé membre de l’Académie de Saint-Pétersbourg, reconnut l’honneur qui lui était fait par une lettre assez concise qui avait pour sujet : « De ovi mammalium et hominis genesi. » Publiée à Leipsick et à Kœnisgberg, en 1827, elle fut traduite immédiatement du latin en français par G. Buschet, chef des travaux anatomiques à la Faculté de médecine de Paris. Ernest de Baër a composé encore d’autres ouvrages d’histoire naturelle sur le développement des animaux en général, sur le développement particulier des poissons, sur les monstres à double corps, etc. Il a fait aussi plusieurs voyages scientifiques en Russie ; mais c’est sa lettre qui a fait seule sa renommée, et qui lui a valu, sur la fin de sa vie, l’honneur de devenir Associé étranger de notre académie des sciences.

Après son remerciement à l’académie de Saint-Pétersbourg, de Baër lui communique sa découverte. « J’ai eu le bonheur, dit-il, de « trouver dans l’ovule les premiers rudiments « de l’œuf des mammifères et de l’homme, rudiments que l’on avait cherchés en vain, depuis tant de siècles. » De Baër cite Régnier de Graaf, qui a découvert les vésicules dans l’ovaire ; Cruishank, qui a nié que les vésicules fussent des œufs, et Prévost et Dumas, qui ont pensé comme Cruishank. Dans le XVIIIe et le XIXe siècles, personne n’a vu les ovules, si ce n’est peut-être un seul observateur, que Baër ne nomme pas. Pour lui, il a surtout opéré sur les ovules de chiennes ; et un jour, en ouvrant une vésicule, il y trouva un point blanc-jaunâtre, qu’il mit sous le microscope : « Quelle ne fut pas ma surprise, dit Ernest de Baër, d’apercevoir que cet ovule était exactement semblable à ceux que j’avais trouvés dans les trompes. » Il revit les ovules à l’œil nu, brillants à travers l’enveloppe de l’ovaire ; ces ovules de chiennes avaient de 1/20e à 1/50e de millimètre.

La découverte était faite, il ne restait plus qu’à la justifier par quelques détails.

De Baër reprend l’étude de la vésicule de de Graaf, et il montre qu’elle est composée de deux parties, qu’on peut appeler sa coquille et son noyau, c’est-à-dire, le tégument et la capsule intérieure. La capsule elle-même, c’est-à-dire l’œuf, a deux couches, l’une interne, l’autre externe. Le noyau est expulsé de la vésicule, et c’est alors une sorte de membrane granuleuse. De Baër se pose la question de savoir si c’est l’ovule qui existe avant la vésicule, ou si c’est la vésicule qui précède. Il croit pouvoir se prononcer pour l’antériorité des ovules, admise aujourd’hui par tous les naturalistes. Puis, il cherche à expliquer les corps jaunes de l’utérus ; mais il se trompe, comme on le verra, en supposant qu’ils viennent de l’accroissement pris par la couche interne de la capsule. L’œuf expulsé de l’ovaire est reçu par le pavillon de la trompe, et en y passant, il s’imbibe d’un mucus albumino-gélatineux ; mais c’est quand il est arrivé dans l’utérus qu’il s’accroît. Il y est entouré par des villosités, dont la matrice se garnit et qui le nourrissent.

Ces faits étant bien établis, de Baër compare les œufs des mammifères à ceux des oiseaux, bien que les uns et les autres aient une conformation assez différente. Il attache une très haute importance à la thèse de Purkinjé, offerte à Blumenbach en 1825 pour son cinquantenaire (Symbolœ ad ovium historiam ante incubationem). Dans cette thèse, Purkinjé démontrait que, sous la membrane du vitellus dans l’ovaire des oiseaux, il y a une couche très mince de granules vitellines, formant cumulus ; et que c’est ce cumulus qui contient les rudiments de l’œuf ; il en est la première trace et c’est ce qu’on appelle la vésicule germinative des oiseaux. Le vitellus s’amasse tout autour. Cette vésicule germinative est détruite entre le vitellus et sa membrane, avant la fécondation. Elle remplit chez la femelle une fonction correspondante à celle de la liqueur séminale du mâle. Elle est le produit essentiel de l’organe générateur des femelles.

De Baèr applique ces observations sur les oiseaux à l’ovulation des mammifères, et il prouve que la vésicule de de Graaf contient une autre vésicule plus petite, qui est le véritable rudiment de l’embryon fœtal. C’est un œuf dans un œuf ; et de ce principe, il tire des conclusions très graves, au nombre de quatre. Tout animal venu du rapprochement d’un mâle et d’une femelle, sort d’un œuf et nullement d’une simple humeur plastique ; la liqueur mâle agit sur l’œuf à travers la cuticule dont il est revêtu, et qui n’est percée d’aucun trou ; les parties centrales de l’embryon se forment avant les parties périphériques ; enfin, le mode de l’évolution est le même pour tous les vertébrés, et elle commence par le rachis.

Dans un commentaire qu’Ernest de Baër a joint à sa lettre, il est encore plus clair, s’il est possible ; il précise ses explications en les développant. L’œuf des mammifères se forme dans la vésicule de de Graaf longtemps avant la fécondation ; c’est un globe vitellin avec une petite cavité. Il est entouré d’une membrane mince, qui prend plus tard une consistance analogue à la membrane de l’œuf des oiseaux. Après la fécondation, une membrane interne enveloppe l’œuf de toutes parts ; mais la partie externe de cette membrane est plutôt corticale que testacée.

Telle est la découverte d’Ernest de Baër, dans toute sa simplicité et dans toute sa grandeur. Elle lui a été contestée comme on pouvait s’y attendre ; et Goste (1807-1873) a essayé d’en rapporter le mérite à Dumas et à Prévost. Dès 1824, il est vrai, ces deux savants avaient aperçu l’œuf, ainsi qu’on l’a dit un peu plus haut ; mais tout en le voyant, ils ne l’avaient pas reconnu, non plus que quelques autres observateurs, qui, avant eux, avaient été favorisés par un même hasard, sans en profiter davantage.

Goste, en 1834, publiait des Recherches sur la génération des mammifères et la formation des embryons ; et en 1837, un traité d’embryogénie comparée. C’étaient ses leçons au Muséum d’histoire naturelle, recueillies par MM. Gabeet V. Meunier. Reprenant tous les travaux antérieurs, Coste crut qu’il fondait la science, comme si la science n’était pas fondée depuis Aristote. Il attaque fréquemment Ernest de Baër, tout en lui empruntant ses principes ; car il est obligé de se défendre lui-même contre des accusations de plagiat, qui ne lui furent pas épargnées. Elles étaient injustes ; mais Coste les provoquait par des prétentions démesurées. Il ne pillait pas ses devanciers ; mais il se servait de leurs labeurs pour faciliter les siens, chose toujours permise. Ce qui l’était moins, c’était de les dédaigner et de les critiquer trop vivement. Une chaire d’embryogénie comparée, la première de ce genre dans notre pays, était instituée pour Coste au Collège de France en 1835 ; et douze ans plus tard, il faisait paraître en deux volumes in-4° l’Histoire générale et particulière du développement des corps organisés. Les ouvrages de Coste n’ont rien ajouté à ce qu’on savait déjà, si ce n’est la présence de la vésicule germinative chez les mammifères, tout a fait analogue à celle que Purkinjé avait signalée chez les oiseaux ; mais ils ont contribué à vulgariser la science, et ils ont même éclairci quelques points encore douteux de la théorie. Sur la fin de sa vie, Goste s’est livré presque entièrement à la pisciculture, dont il a rendu la pratique assez populaire, sans l’avoir inventée non plus que l’embryogénie.

Les travaux de M. F. A. Pouchet (1800-1872) ont été bien autrement sérieux. Professeur au Muséum d’histoire naturelle de Rouen, il obtenait en 1842 le grand prix de physiologie expérimentale de notre Académie des sciences ; et deux ans après, il publiait le mémoire couronné : « Théorie positive de l’ovulation spontanée et de la fécondation des mammifères et de l’espèce humaine, basée sur l’organisation de toute la série animale. » Nous nous arrêtons à cet ouvrage, et nous laissons de côté la célèbre controverse que M. F. A. Pouchet engagea avec M. Pasteur sur la génération spontanée, nous en tenant à ce que nous en avons dit plus haut. Pouchet fait remonter ses études et ses découvertes à 1835 ; et s’appuyant, dit-il, sur l’observation, l’expérience et la logique, il veut démontrer les trois lois suivantes : Les ovules, dans les mammifères et dans l’espèce humaine, sont engendrés et expulsés spontanément et indépendamment du rapprochement sexuel ; l’ovulation spontanée se produit à des époques déterminées ; la fécondation n’a lieu que par la présence du fluide séminal.

A ces trois axiomes, M. F. A. Pouchet joint dix lois physiologiques qui en sont la suite, et qui sont également positives :

L’espèce humaine et les mammifères sont soumis aux mêmes lois que tous les autres animaux ;

La fécondation a lieu sur des œufs préexistants ;

Le fluide séminal ne peut toucher les ovules qui sont dans les vésicules de de Graaf.

Les ovules se développent dans l’ovaire et s’en détachent ;

L’ovaire dans toute la série animale émet les ovules ;

L’émission des ovules a lieu à certaines époques fixes ;

CXCIV cette émission des ovules doit coïncider avec l’émission du fluide séminal ;

La menstruation est une sorte de rut ;

La fécondation est en un rapport constant avec la menstruation ;

Enfin, l’ovule et le fluide séminal qui le féconde, se rencontrent dans l’utérus, ou dans la région des trompes qui l’avoisine.

Chacune de ces dix lois secondaires sont discutées dans leur ordre ; l’auteur les expose en détail ; et il les appuie, comme il le dit, de preuves directes et de preuves rationnelles, fidèle en cela, sans le savoir, à la méthode qu’Aristote avait tant recommandée : observer d’abord les faits, et les expliquer par le raisonnement réfléchi et prudent, loin de toute hypothèse. Le seul tort des formules de F.-A. Pouchet, c’est une symétrie un peu trop rigoureuse, qui touche au pédantisme. La Nature n’est pas uniforme à ce point ; elle a des allures plus libres, et l’on ne peut pas la décrire en la soumettant à celles des mathématiques. Cette recherche de la précision géométrique n’a pas même produit, entre les mains de l’auteur, tous les résultats qu’il en attendait. Son livre, quoique bien composé, est prolixe ; et la personnalité de celui qui l’écrit y tient trop de place.

Du reste, Pouchet s’est occupé des spermatozoïdes plus qu’on ne l’avait fait avant lui. Il croit pouvoir en rapporter la découverte à Louis Gardin, médecin de l’université de Douai en 1623 ; Ham et Leewenhoeck n’auraient fait, en 1677, que les retrouver. Il soutient avec énergie que ce sont des animaux véritables, qui s’engendrent d’une manière toute spéciale ; et il va jusqu’à leur accorder « une volonté non douteuse ». Ce que peut être une volonté dans ces êtres microscopiques, il serait bien difficile de le prouver ; et Pouchet devait d’autant moins insister que plusieurs naturalistes, tels que Dumas, Lallemand, le célèbre professeur de Montpellier, avaient contesté victorieusement qu’il y eût là les signes essentiels et ordinaires de l’animalité. Duvernoy, un des collaborateurs de Cuvier et le rédacteur de la seconde édition de l’Anatomie comparée, avait proposé le nom de Spermatozoïdes, qui, du moins, ne tranche pas la question, et qui répond bien mieux à la réalité. Les spermatozoïdes sont des apparences d’animaux, ce ne sont pas des animaux proprement dits. (Anatomie comparée de Cuvier, 2e édition, tome VIII, p. IX de la préface et p. 143.) Le mot de Spermatozoïdes est aujourd’hui adopté généralement, quoique Pouchet ait soutenu que « le sens intime, l’observation, l’expérience et le raisonnement nous crient à la fois que ce ne peuvent être que des animaux ».

M. Longet (1811-1871) a étudié profondément la génération dans son Traité de physiologie (2e édition, tome II, pp. 688 et suiv. 1860) ; et s’il n’a pas fait de découvertes, il a exposé les faits déjà connus avec une lucidité rare. Il a essayé aussi de retracer l’histoire du passé ; mais il ne possédait pas une érudition suffisante, et il s’est trompé en déclarant que les théories d’Hippocrate et d’Aristote ne méritent aucun intérêt. Pour Hippocrate, c’est déjà un jugement par trop sommaire ; mais pour Aristote, la condamnation est d’une frappante injustice, bien que M. Longet le loue aussi quelquefois, sans crainte de se contredire. L’analyse que nous avons faite plus haut du système d’Aristote prouve jusqu’à la dernière évidence qu’il offre au contraire un intérêt incomparable, à la fois parce qu’il est chronologiquement le premier, et, en outre, parce que le nombre des observations exactes y est déjà énorme. La science y trouve son solide fondement. Longet est plus équitable pour Ernest de Baër, Purkinjé, Coste, qu’il connaît davantage. Il fait à chacun d’eux une part légitime, de même qu’il en fait une très belle à de Graaf. Il le loue surtout d’avoir observé les corps jaunes, qu’on a reconnus, plus tard, pour la marque des cicatrices que les vésicules ont laissées sur l’ovaire, en s’ouvrant pour donner passage à l’œuf. Baër a démontré que les œufs préexistent dans l’ovaire avant la conception, et Coste a démontré qu’à l’époque du rut les œufs tombent de l’ovaire spontanément. Négrier, Pouchet, Bischoff ont fait aussi avancer la question en constatant que, dans l’espèce humaine, les œufs tombent à chaque menstruation. Ils se détachent alors d’eux-mêmes, et n’ont pas besoin pour accomplir cette évolution du rapprochement sexuel.

Le phénomène auquel Longet a donné le plus d’attention, c’est la liqueur séminale, c’est-à-dire, l’élément mâle de la reproduction. Cette liqueur est formée exclusivement dans le testicule. Les vésicules séminales, la prostate, les glandes de Cowper ont des sécrétions qui existent aussi dans celle de l’éjaculation ; mais le seul fluide fécondant est celui que les testicules produisent, et les corpuscules mouvants qu’ils renferment sont la cause réelle de la fécondation. Aussi, Longet adopte-t-il le mot de Spermatozoïdes, proposé par Duvernoy ; et ainsi que lui, il pense que les corpuscules mouvants, n’ayant ni organisation, ni nutrition, ni reproduction, ne peuvent pas être de véritables animaux, et que, sur ce point, Leewenhoeck, Hartsoeker, Haller ne se sont pas moins trompés que Bufîon, qui croyait y trouver ses molécules organiques. Quand les spermatozoïdes ont perdu leur mouvement, ils ne sont plus fécondants ; mais pour l’être, il faut qu’ils entrent en contact avec l’œuf. Jusqu’où va précisément ce contact ? Est-il purement extérieur à l’œuf ? Les spermatozoïdes entrent-ils dans l’intérieur de l’œuf ? Ou s’arrêtent-ils à l’enveloppe immédiate de l’ovule ? Ce sont là des questions que Longet se pose plutôt qu’il ne les résout, parce qu’elles sont en effet presque insolubles. Ce qui est certain, c’est que la fécondation résulte nécessairement de la fusion intime de l’élément mâle avec l’élément femelle. Il paraît certain également que le sexe réside déjà dans l’œuf fécondé, et que l’influence des parents, auteurs d’une première fécondation, se fait sentir sur les produits ultérieurs dus à d’autres pères, et spécialement par la ressemblance.

Autre question non moins obscure et non moins importante. Dans quel lieu la fécondation s’opère-t-elle ? Est-ce dans l’ovaire lui-même, ainsi que Coste l’affirme ? Est-ce à l’extrémité du pavillon ? Ou dans une portion des trompes, par exemple, dans leur quart supérieur ? Longet n’ose pas se prononcer ; mais si l’on ne sait pas exactement comment la liqueur mâle arrive à l’intérieur de l’œuf, malgré sa paroi résistante, Longet regarde comme incontestable la présence des spermatozoïdes dans l’ovule. Les embryologistes les plus éclairés ne sont pas d’accord sur ce point capital. L’auteur n’y insiste pas non plus ; et il s’attache de préférence à marquer minutieusement toutes les phases du développement de l’embryon ; il les suit avec la plus vive attention ; et comme il est impossible d’en observer les premiers indices sur l’espèce humaine, c’est surtout l’œuf des oiseaux et celui des mammifères quadrupèdes qu’il étudie.

Dans l’œuf sorti de la vésicule de de Graaf, on peut distinguer trois parties, la membrane vitelline, le vitellus et la tache germinative, qui s’efface quand l’œuf a quitté l’ovaire. Le premier phénomène qu’on observe, c’est la segmentation du vitellus, se divisant d’abord en deux parties presque égales. Ces deux segmentations initiales se subdivisent elles-mêmes en plusieurs sphères granuleuses et organiques. Dans les oiseaux, la cicatricule est la partie germinative de l’œuf ; mais dans les mammifères, l’œuf tout entier est en quelque sorte cicatricule ; il n’a pas de jaune qui lui serve d’aliment, et il doit se nourrir aux dépens d’un autre, c’est-à-dire, de la mère. Le blastoderme, qui est destiné à former l’embryon, se produit dans la partie interne de la membrane vitelline ; c’est la tache embryonnaire de Coste. Les huit premiers jours du développement dans l’utérus échappent à peu près entièrement à l’observation. Mais, passé ce temps, on voit le blastoderme se diviser par une ligne longitudinale, autour de laquelle viendront se grouper tous les développements ultérieurs. L’œuf se fixe à la muqueuse utérine par les ramifications de la membrane vitelline ; et les deux feuillets interne et externe du blastoderme, se rejoignant, font la poche nommée amnios, qui est destinée à protéger l’embryon par le liquide accumulé dans sa cavité.

Longet décrit successivement la vésicule ombilicale, organe transitoire qui ne dure pas plus de six semaines, l’allantoïde, autre vésicule qui sert à l’absorption des sucs nutritifs, les chorions, qui sont la membrane la plus extérieure de l’œuf, et dont le troisième subsiste jusqu’à la fin de la gestation, le placenta, le cordon ombilical, la membrane caduque, qui est la membrane hypertrophiée de l’utérus et qui disparaît vers le quatrième mois, etc., etc. Suivant Longet, c’est le système nerveux central qui se forme le premier dans l’embryon. Le cerveau paraît d’abord avec les méninges, la moelle épinière, et les nerfs provenant de l’axe cérébro-spinal. Puis, viennent les organes des sens, l’œil, l’oreille interne, les systèmes osseux, musculaire et tégumentaire, le crâne, la bouche et la face, le pharynx, l’hyoïde, le poumon, les membres, la peau avec les poils, les parties génitales externes et internes, la vessie, la muqueuse intestinale, le tube digestif, le foie, le pancréas, la rate, le mésentère, le système vasculaire, les trois phases de la circulation fœtale, phases si bien décrites plus tard par M. le docteur Martin-Saint Ange, qui a été plusieurs fois lauréat de l’Académie des sciences.

Après avoir accompagné le fœtus jusqu’à sa naissance, et l’homme une fois né, jusqu’à sa mort, à travers la jeunesse, la virilité et la vieillesse, Longet se résume ; et entre les théories sur la génération, dont le nombre, suivant son calcul, est au moins de 300, il se prononce contre l’emboîtement des germes, et pour l’épigénèse, c’est-à-dire, pour le développement postérieur du germe. Frappé du spectacle que l’anatomie la plus avancée et la plus habile a mis sous ses yeux, Longet, en finissant son étude, est saisi d’un enthousiasme semblable à celui d’Aristote ; et il n’hésite pas à voir dans cette succession de phénomènes si régulièrement enchaînés les uns aux autres, « une prévision aussi admirable que mystérieuse ». Il y reconnaît une merveilleuse unité de plan, et « l’homme à l’âge viril lui semble l’œuvre accomplie du Créateur ». Il est bon de signaler ces opinions de Longet ; ce sont les vraies ; elles sont le résultat le plus général et la conclusion manifeste que la raison impose à la science ; mais par bien des motifs plus ou moins puissants, la science se révolte souvent contre la raison, qui n’est pourtant que la confirmation réfléchie de tous les instincts de l’esprit humain.

Ce sont là aussi les convictions bien arrêtées de Grimaud de Gaux (1799-1884) qui, en 1837, publiait un ouvrage étendu sur l’anatomie et la physiologie de la génération. Grimaud de Gaux n’apportait pas de faits nouveaux ; mais il contribuait, après bien d’autres, à vulgariser la science. Les planches qui étaient jointes à son ouvrage étaient dessinées d’après nature avec un talent supérieur et la plus parfaite exactitude par M. le docteur Martin-St Ange, qui, tout récemment encore (1885), vient de publier une Iconographie pathologique de l’œuf humain fécondé, composée de planches excellentes, et précédée d’une très savante introduction sur l’évolution physiologique de l’œuf humain, avant et après la fécondation.

Nous terminerons cette revue rapide des travaux modernes par ceux de M. Henri Milne Edwards. Nous ne voulons parler ici que des auteurs qui sont morts, quoique nous pussions nommer parmi les contemporains bien des représentants très autorisés de l’embryologie. Mais nous devons nous borner, parce qu’il est toujours plus sur de juger les ouvrages définitifs d’auteurs qui sont entrés dans l’histoire, après une vie laborieuse.

M. Henri Milne Edwards (1800-1885), mort l’année dernière, a travaillé trente ans à son grand ouvrage, qui n’a pas moins de quatorze volumes in-8, et qui traite de l’Anatomie et de la physiologie comparée de l’homme et des animaux. C’est le résumé de ses leçons, toutes rédigées par lui-même. Commencé en 1855, l’ouvrage était achevé peu de temps avant que l’auteur ne cessât de vivre. Rien de plus complet n’a jamais été fait sur ce vaste sujet ; jamais on n’y a porté plus d’ordre ni plus de clarté. Non seulement toutes les parties de la science y sont exposées avec une haute compétence ; mais en outre, l’histoire de chacune des théories y est rappelée, dans des notes étendues, où l’exactitude de l’érudition est égale à l’impartialité des jugements. On peut dire de cet ouvrage, parfaitement bien composé, que c’est l’encyclopédie physiologique du XIXe siècle. Pour le moment, il est le dernier mot de la science, et l’ensemble lumineux de tout ce que nous savons sur l’organisation de l’homme et des êtres animés. L’avenir portera ses connaissances plus loin ; mais les nôtres aujourd’hui ne vont que jusque-là.

Henri Milne Edwards reprend d’abord la question de la génération spontanée (71e leçon, tome VIII, pp. 237 et suiv.), et il se prononce contre cette théorie, dont la fausseté avait été démontrée de nouveau par la discussion qui s’était élevée entre Pouchet et M. Pasteur. Mais H. Milne Edwards, tout en condamnant l’erreur, conçoit très bien qu’elle avait dû se produire dans l’Antiquité. En face de faits, qui étaient alors inexplicables, faute d’instruments pour aider notre infirmité naturelle, on s’était dit que certains animaux naissaient sans parents. C’était le moindre nombre ; mais cette lacune suffisait pour qu’à côté des animaux venant d’homogénie, on en supposât d’autres dont la naissance ignorée était due à la rencontre fortuite de circonstances diverses, entre autres, la putréfaction et la chaleur. Il est vrai qu’après Redi, Vallisneri, Swammerdam, Leewenhoeck, et Spallanzani, la méprise était moins excusable. Cependant les infusoires des ferments pouvaient donner occasion de reprendre la vieille théorie avec quelque apparence de raison ; et c’est sans doute une secrète influence de ce genre qui avait poussé Buffon à imaginer ses molécules organiques vivantes ; ce système était bien près de l’hétérogénie des Anciens. Henri Milne Edwards le détruit définitivement, et il regarde comme indiscutable désormais cette loi gênérale : «  C’est le vivant qui produit le vivant » ; la perpétuité de l’espèce se maintient par la reproduction des individus. Quelle est l’origine de la vie ? Comment a-t-elle commencé ? Henri Milne Edwards est trop prudent pour rien hasarder sur ce problème ardu, qui en effet n’est plus scientifique, et qui regarde plus spécialement la philosophie. La science n’a pas à rechercher d’où vient la vie ; elle n’a qu’à s’enquérir des moyens qui l’entretiennent et qui la transmettent.

Le mode de la génération dans la totalité des êtres vivants est triple : scissiparité, ou fractionnement du corps de l’individu-souche, comme sont les vers et aussi les polypes d’eau-douce ; gemmiparité, ou bourgeonnement devenant tout pareil au corps sur lequel il se forme ; en troisième et dernier lieu, oviparité, qui peut s’appliquer à la graine des plantes, tout autant qu’à l’œuf des animaux. Il y a des animaux, tels que les spongiaires et les hydres, qui ont des œufs dans toutes les parties de leur corps ; mais dans la majorité des cas, il y a pour les vésicules reproductives un organe spécial, qui est l’ovaire. L’œuf a toujours besoin d’un excitateur qui le féconde ; et cet excitateur est la liqueur séminale, qui vient le plus généralement d’un être de sexe différent ; parfois, les deux sexes sont réunis dans un même individu, qui est hermaphrodite ; mais c’est le cas le moins fréquent. La génération sexuelle a lieu dans presque toutes les espèces, et elle est de beaucoup la plus intéressante, puisque c’est la nôtre.

H. Milne Edwards remarque avec raison que l’exemple des oiseaux et des poissons est frappant ; et qu’il aurait dû servir dès longtemps à faire comprendre nettement les rapports des deux sexes dans l’acte de la reproduction. Dans les poissons et dans les oiseaux, la semence n’a besoin que d’entourer l’œuf pour le féconder ; elle n’y entre pas. Cette réflexion est très juste ; mais on a pu voir, un peu plus haut, qu’elle n’avait pas échappé tout à fait à Aristote, et que lui aussi avait pensé que tous les animaux pouvaient bien se féconder, dans la réunion des deux sexes, de la même manière que les poissons fécondent leurs œufs, en répandant leur laite, dont le simple contact suffît pour la transmission de la vie. H. Milne Edwards ajoute que la fécondation artificielle des poissons, qui a été renouvelée de notre temps, avait été pratiquée dès 1763, et que Spallanzani l’avait amplement décrite dans plusieurs de ses ouvrages, en 1777, 1780 et 1786. Il est même assez probable que l’Antiquité a connu ce procédé. On peut donc généraliser la formule du phénomène, et affirmer que la reproduction n’est possible, que si la semence du mâle touche les œufs de la femelle.

La partie essentielle et exclusivement fécondante de la liqueur séminale, ce sont les spermatozoïdes, dont H. Milne Edwards rapporte la première découverte à Ham, l’élève de Leeuwenhoeck (1677). Il y a des spermatozoïdes dans le règne animal tout entier, et ils se ressemblent dans toute la série, vertébrés et invertébrés ; les vers eux-mêmes et les zoophytes en ont, tout aussi bien que les quadrupèdes et l’homme. En 1846, Kœlliker prouvait qu’ils sont issus de vésicules, ou cellules, qui les contiennent. Mais malgré les études les plus scrupuleuses, on ne sait encore rien de la structure intérieure des spermatozoïdes ; on ne connaît que leurs formes et leurs mouvements, qui sont toujours dirigés en avant. Comme c’est en eux que réside la puissance de fécondation, à certaines époques de la vie et même à certaines saisons de l’année, ils manquent dans l’enfance et dans la vieillesse ; ils manquent également chez les hybrides, et notamment chez le mulet. Il faut plusieurs spermatozoïdes sur chaque œuf pour que la fécondation se produise. Il est démontré qu’ils pénètrent jusqu’à la masse vitelline et jusqu’au vitellus, peut-être encore plus loin, sans qu’il soit certain qu’ils entrent dans l’œuf lui-même.

A ces généralités applicables à toutes les espèces, H. Milne Edwards fait succéder la description détaillée de l’appareil reproducteur, qui, aux divers échelons de l’animalité, se perfectionne sans cesse, depuis les hydres, où il est le plus informe, jusqu’à l’homme, où il est aussi complet que possible : ovaires et testicules, avec l’oviducte et le canal déférent. Au plus bas degré, on trouve l’hermaphrodisme, soit simple comme chez les échinodermes, les holothuries synaptes, soit double comme chez les colimaçons. L’appareil femelle est tout aussi diversifié que l’appareil mâle ; il est exclusivement destiné à nourrir l’œuf. Les abeilles et les fourmis, les pucerons du rosier et d’autres insectes offrent les phénomènes les plus étranges ; mais quelques différences qu’on puisse surprendre dans l’espèce de la reproduction, le tout se réduit uniformément à des corpuscules spermatiques d’une part, et, d’autre part, à une matière germinative.

D’ailleurs, H. Milne-Edwards repousse la théorie de l’évolution, qui suppose que le germe a déjà toutes les parties intégrantes de l’animal, et il adopte la théorie de l’épigénèse, qui n’admet le développement ultérieur que grâce aux éléments nutritifs fournis par la mère. Ce sont des couches successives de matière plastique, qui forment peu à peu tous les membres de l’embryon, dont le premier vestige se montre dans le cumulus du globe vitellin.

L’auteur parcourt donc toutes les variétés de l’appareil générateur chez les vertébrés ; il commence par l’amphioxus, qui est le moins perfectionné des poissons et qui est à peine un vertébré. De l’amphioxus, il passe aux lamproies et aux anguilles, aux poissons osseux, aux plagiostomes, aux lophobranches, aux batraciens, aux reptiles, ophidiens et sauriens, aux oiseaux dont l’appareil ressemble à celui des reptiles ; et il en arrive aux mammifères, auxquels il s’arrête longuement, parce que chez eux les organes de la reproduction sont les plus perfectionnés. Appareil mâle, appareil femelle, avec toutes les variétés que l’analyse anatomique y a constatées, et avec les explications qu’exige la fonction spéciale de chacune des parties, l’auteur n’a rien omis. En jugeant les travaux d’Harvey, de de Graaf, de Prévost et Dumas, d’Ernest de Baër, il y ajoute les siens, qui les résument et les complètent. Il applique la même méthode à l’alimentation des nouveau-nés, aux glandes mammaires, qui vont se perfectionnant aussi depuis l’échidné et les cétacés jusqu’aux mammifères supérieurs. Les mamelles, toujours en nombre pair, sont au moins deux ; les ruminants en ont quatre ; de plus petits mammifères en ont de six à quatorze. Le lait, que sécrètent les mamelles, et qui chimiquement ressemble au jaune de l’œuf, est l’aliment parfait, contenant de la caséine, qui est azotée, du sucre, de la matière grasse analogue au beurre. Le lait le plus riche est celui de la brebis. Le lait subit toutes les influences de l’alimentation de la mère, de sa santé et du climat où elle vit.

Après les vertébrés, H. Milne Edwards étudie les invertébrés, les annelés d’abord ; de là, il passe aux insectes, en s’arrêtant aux abeilles, chez lesquelles la reine seule est apte à la reproduction. Les faux bourdons sont les mâles, et les abeilles ouvrières sont neutres. Il y a des espèces d’insectes où la femelle ne s’accouple qu’une fois dans sa vie ; elle emmagasine la liqueur séminale qu’elle reçoit, et elle en arrose successivement les œufs qu’elle pond, pendant des mois et même pendant des années, sans interruption. Aux abeilles et aux guêpes, succèdent les myriapodes, les chilognathes, les arachnides, les crustacés, les lombrics de terre, les hirudinés, puis les mollusques, dont beaucoup sont hermaphrodites, et enfin les zoophytes, échinodermes, oursins, astéries, holothuries, qui ont des sexes séparés avec des organes très ressemblants ; coralliaires qui sont fissipares et gemmipares ; enfin, les infusoires, qui ont aussi des organes sexuels, et les spongiaires, qui n’en ont pas, et qui produisent dans leur tissu sarcodique des embryons ciliés.

L’embryon une fois produit, combien de temps met-il à se développer selon les différentes espèces ? S’attachant surtout à l’œuf des oiseaux, observé depuis Fabrice d’Aquapen-dente, on devrait dire depuis Aristote, jusqu’à Prévost et Dumas et Ernest de Baër, Milne Edwards répond que l’incubation est de douze jours chez les oiseaux-mouches, et de soixante-cinq chez le casoar. Dans les vertébrés quadrupèdes, la gestation est de trois semaines pour la souris, et de deux années pour l’éléphant. Pour l’espèce humaine, la gestation ordinaire est de quarante semaines. Reprenant toutes les recherches antérieures, H. Milne Edwards expose, avec la dernière précision, le développement progressif de l’embryon, dans l’œuf de la poule et dans l’œuf des vertébrés, où ce développement est très différent de ce qu’il est chez les invertébrés et chez les insectes. En ceci, il n’y a rien de cette unité de plan que plusieurs naturalistes ont voulu imposer à la Nature. Pour les vertébrés, c’est le cœur qui est le premier organe à se montrer ; dans le poulet, il bat dès le second jour. Le cordon ombilical dans le fœtus humain est constitué vers la fin du premier mois, pour servir d’intermédiaire entre le fœtus et le placenta, organe tout à la fois de nutrition et de respiration. Les poumons se développent presque en même temps que le foie ; l’appareil circulatoire et l’appareil urinaire, avec les organes génitaux, ne se forment qu’à la suite. Tout le mécanisme intérieur étant constitué, la Nature le revêt de parties qui le protègent au dehors. C’est le système cutané, derme, épiderme, peau, poils, pigments, ongles, plaques osseuses, plumes des oiseaux, téguments des reptiles, écaille des poissons, écussons osseux chez quelques vertébrés. Chez les invertébrés, ce sont les téguments divers des infusoires, des corailliaires, des spongiaires, des échinodermes, des mollusques, des coquilles, des vers, des annelés, des crustacés, etc., etc.

Ici, se termine l’ouvrage de Henri Milne Edwards. Nous ne pousserons pas plus loin la revue des travaux contemporains. Parvenus à la limite extrême de la science actuelle, nous pourrons mieux comparer ce que nous savons à cette heure avec ce que savait Aristote. Par là, nous irons du point de départ au point d’arrivée, embrassant d’un coup d’œil ce qui a été fait, et concevant pour l’avenir des espérances plus justifiées.

Nous l’avons déjà dit ; mais nous croyons devoir le répéter : Aristote est le fondateur de l’embryologie. Si notre siècle est plus savant que lui, essentiellement la différence est fort petite. Le domaine qu’Aristote assignait à l’étude de la génération n’a point changé. Il s’agit toujours pour nous, comme pour lui, de connaître les moyens que la Nature emploie presque indéfiniment pour atteindre le but unique qu’elle poursuit, dans toute l’animalité : à savoir, la perpétuité indéfectible de l’espèce, par la reproduction des individus. Les faits brillamment accumulés depuis trois siècles, de Vésale à H. Milne Edwards, sont excessivement nombreux, et ils tendent à se multiplier encore ; mais ils rentrent tous, sans aucune exception, dans le cadre fixé depuis plus de deux mille ans. L’observation découvre sans cesse des faits nouveaux, qui s’ajoutent aux précédents et accroissent le trésor commun. Mais les faits observés déjà par Aristote, quoique moins abondants, sont exacts, et ils sont acquis définitivement à la curiosité de la raison humaine. Nous avons enrichi le patrimoine reçu de nos prédécesseurs ; nous n’en avons pas modifié la nature. Si nous voulons même être impartiaux et reconnaissants, nous devons avouer que la quantité des faits constatés par le naturaliste grec est prodigieuse, et notre étonnement doit au moins égaler notre gratitude.

Un second aveu, qui ne doit pas nous coûter plus que celui-là, c’est que la méthode d’observation est, comme on peut le voir, pratiquée par Aristote tout aussi régulièrement qu’elle peut l’être par nous, bien qu’elle ne puisse pas avoir entre ses mains la même efficacité et la même étendue. Mais, si quelques erreurs nous choquent en lui, nous devons toujours nous dire qu’une première étude est nécessairement exposée à laisser de côté bien des phénomènes, quelque pénétrante qu’elle soit. On ne peut pas parcourir toute la carrière d’un seul pas, même lorsqu’en l’ouvrant, on ne s’est pas trompé, et qu’on a tracé aux autres une voie parfaitement sûre. Ne soyons point surpris qu’Aristote n’ait pas tout su, même en usant, aussi bien que qui que ce soit des vrais procédés de la science. Nous-mêmes pourrions-nous nous flatter de savoir tout, et de n’avoir plus rien à apprendre ? Qui aurait cet excès d’orgueil ? En enregistrant les progrès qui chaque jour se réalisent sous nos yeux, pouvons-nous supposer un instant que ces progrès doivent s’arrêter à nous ? Pourquoi les siècles à venir seraient-ils plus déshérités que le nôtre et que le passé ? Tout récemment, les explorations de la profondeur des mers ne nous ont-elles pas démontré une fois de plus que la Nature est inépuisable ? Ne pensons-nous plus avec Pascal que « notre imagination se lassera plutôt de concevoir que la Nature de fournir » ? Soyons donc indulgents pour nos ancêtres, afin que nos successeurs le soient pour nous ; respectons-les pour être respectés à notre tour.

Nous avons cité, un peu plus haut, une bien forte parole de J.-B. Dumas, affirmant qu’« Aristote est peut-être le seul naturaliste qui se soit fait une notion judicieuse du phénomène de la génération ». C’était en 1824. que Dumas parlait ainsi, quelques années avant la lettre fameuse d’Ernest de Baër. Dumas n’a pas expliqué sa pensée davantage ; mais comme nous la partageons, dans une certaine mesure, nous essaierons de la développer, afin d’en faire sentir toute la justesse. Quelle est aujourd’hui la théorie de la génération, unanimement reçue ? Réduite à son élément essentiel, cette théorie admet que les spermatozoïdes, en touchant l’œuf extérieurement, le fécondent, et que, quand le contact n’a pas lieu, l’œuf, fourni spontanément par l’ovaire, reste stérile. C’est donc la liqueur séminale, formée dans le mâle, qui produit et transmet la vie ; la femelle ne saurait la donner à elle seule, pas plus que le mâle ne le pourrait, s’il demeurait dans l’isolement. On peut ajouter, avec H. Milne Edwards, que le mode de fécondation chez les poissons est un exemple décisif.

Que dit Aristote ? Lui aussi, il dit en propres termes que le mâle n’apporte rien de matériel dans la génération, et qu’il apporte uniquement la vie caractérisée par la sensibilité ; il dit que la femelle fournit, pour sa part, la matière, qui, sans l’acte fécondant, resterait inerte et informe.

En présence de cette presqu’identité de théorie, nous ne pouvons nous empêcher de déclarer qu’Aristote, par une intuition de génie, a été dans le vrai presque aussi bien que nous pouvons y être. Sans aucun aveuglement d’enthousiasme pour le naturaliste antique, reconnaissons qu’il avait deviné ce que nous savons à cette heure pertinemment. Il lui manquait les intermédiaires que nous possédons, et notamment il ignorait l’existence des spermatozoïdes, et leur trajet depuis le testicule, qui les produit, jusqu’à l’utérus et jusqu’aux trompes, où ils rencontrent l’ovule. Mais, tout en étant privé de ces ressources, Aristote ne se trompe pas, et comme l’affirme J.-B. Dumas, sa notion de la nature de l’acte générateur est parfaitement judicieuse.

Il semble qu’il suffit d’une pareille vue, fûtelle seule, pour recommander à jamais Aristote à l’estime et à la sérieuse étude des physiologistes les plus instruits et les plus exigeants. Mais, à cette vue, on pourrait en joindre plusieurs autres, qui, sans être aussi profondes, ne sont pas moins originales et pratiques. Ne parlons pas de sa méthode, qui est la vraie, et qui, par delà l’embryologie, s’étend à toutes les sciences ; n’en parlons pas, bien que ce soit là un titre de gloire impérissable. Ne parlons pas non plus de ses Recueils d’anatomie, ni de ses Dessins anatomiques, ingénieux procédé trouvé par lui. Mais, nous ne pouvons pas oublier ses observations sur le développement du poussin dans l’œuf. Harvey, Malpighi, J.-B. Dumas se sont illustrés en reprenant ces observations, qui sont d’une immense utilité, et qui seront reprises encore bien souvent par les physiologistes de l’avenir. Pourquoi n’en louerait-on pas Aristote, comme on en loue ses successeurs, bien qu’il soit allé moins loin qu’eux ? Plus haut, nous avons dit que nous ne voulions pas tenir plus de compte qu’il ne convient de cette invention sagace, qui ressortait si aisément de la nature des choses ; mais il ne serait pas juste de l’omettre entièrement, et de ne pas la faire figurer parmi les mérites scientifiques du philosophe naturaliste.

Mais voici une autre vue d’Aristote, analogue à celle qui lui a révélé une partie de la vérité sur le mystère de la génération : c’est sa théorie de la liqueur séminale. De son temps, la question était déjà fort débattue, et il était généralement admis que le sperme vient de toutes les parties du corps. Cette théorie s’appuyait sur des arguments nombreux qui paraissaient décisifs. Aristote contredit cette opinion commune ; et, dans une réfutation aussi vigoureuse que régulière, il soutient, comme on l’a vu, que le sperme ne peut venir du corps entier. Les analyses physiologiques ne sont pas encore poussées assez loin pour qu’il rapporte au testicule seul l’élaboration du sperme. Encore moins sait-il que la partie vraiment fécondante du sperme tient exclusivement aux spermatozoïdes. Mais s’il n’a pas pu pénétrer jusqu’à ces explications essentielles, et jusqu’à ces détails, il a compris que c’était une erreur d’attribuer au corps entier une fonction qui ne lui appartient pas. A cet égard, Aristote est d’autant plus louable que l’erreur réfutée par lui a subsisté jusqu’à nos jours, et que Buffon lui-même l’a commise encore. Aujourd’hui, la physiologie n’a plus le moindre doute ; et, comme les spermatozoïdes sont la partie essentielle de la liqueur séminale et qu’ils ne sont produits que dans l’organe spécial, il est démontré, par cela même, que le sperme ne vient pas de tout le corps, bien que, comme les autres sécrétions, il vienne primitivement du sang, fluide nourricier de l’organisme entier.

Voilà, ce semble, des titres bien solides pour que la science actuelle reçoive Aristote au nombre des observateurs les plus attentifs et les plus perspicaces, qui aient fait honneur à l’esprit humain, dans l’étude de l’histoire naturelle. Nous le disons hautement : Il y a toujours profit à le consulter, si ce n’est à le suivre. Nous convenons sans peine qu’à l’heure où nous sommes, le premier venu de nos jeunes étudiants en sait plus que lui, et que le moindre de nos manuels est beaucoup plus complet que l’Histoire des Animaux ou le Traité de la Génération. Pourtant, qui oserait comparer à ces monuments inappréciables les ouvrages, d’ailleurs fort utiles, où vient se condenser l’état présent de notre science ? « Tout « cela, comme le dit très bien le Marquis de « l’Hôpital, comparant les travaux mathématiques des Anciens et des Modernes, tout cela est une suite de l’égalité naturelle des esprits et de la succession nécessaire des découvertes ». (Analyse des infiniments petits, 1696, pp. 3 et 4.)

Une autre leçon que nous offre l’exemple d’Aristote et que nous ferions bien d’écouter, c’est son admiration sans bornes pour la Nature. Il ne cesse d’en louer la sagesse et la prévoyance ; il n’hésite pas à l’appeler « divine » ; et sans y voir aussi nettement que nous pouvons le faire aujourd’hui, avec mille fois plus de motifs, la main et l’empreinte de Dieu, il en sent, aussi vivement que les plus spiritualistes d’entre nous, la puissance et la bonté infinies. Il proclame à tout instant que la Nature ne fait rien en vain, que sa prudence infaillible se propose toujours un but intelligible a l’esprit de l’homme ; et il se porte pour fidèle interprète, en croyant imperturbablement aux causes finales. Aujourd’hui, la théorie des causes finales est fort décriée dans une partie du monde savant ; il est vrai qu’on en a souvent abusé, et qu’on a provoqué, par cet excès, une réaction, qui, au fond, est encore moins raisonnable. Sans doute, on doit se garder de la superstition ; mais ne voir dans la Nature que des lois sans législateur, des phénomènes sans cause et sans but, c’est descendre plus bas que la superstition elle-même. Sous prétexte de science scrupuleuse et positive, c’est abdiquer les plus nobles et les plus nécessaires facultés de l’esprit humain. Qu’on soit très sobre de recourir à l’intervention divine dans l’explication des faits que l’on constate, rien de mieux. Mais méconnaître l’action de l’intelligence dans l’ensemble de l’univers, c’est reculer au delà d’Anaxagore ; c’est remonter à quelques milliers d’années en arrière. On se flatte d’être en progrès ; mais, au vrai, on succombe simplement à une défaillance, ou l’on cède à des passions antireligieuses, non moins aveugles que les préjugés les plus vulgaires. Ailleurs, nous avons déjà réfuté ce fanatisme d’un nouveau genre, qui ne vaut pas mieux que l’autre ; mais, pour y répondre victorieusement, nous nous bornerons à rappeler une page de Voltaire, une des plus sensées et des plus fortes sans contredit qu’il ait jamais écrites.

« Si une horloge prouve un horloger, si un palais annonce un architecte, comment en effet l’univers ne démontre-t-il pas une intelligence suprême ? Quelle plante, quel animal, quel élément, quel astre ne porte pas l’empreinte de celui que Platon appelle l’éternel géomètre ? Il me semble que le corps du moindre animal démontre une profondeur et une unité de dessein, qui doivent à la fois nous ravir en admiration et atterrer notre esprit. Non seulement ce chétif insecte est une machine dont tous les ressorts sont faits exactement l’un pour l’autre ; non seulement il est né, mais il vit, par un art que nous ne pouvons ni imiter ni comprendre ; mais sa vie a un rapport immédiat avec la Nature entière, avec tous les éléments, avec tous les astres dont la lumière se fait sentir à lui. Le soleil le réchauffe, et les rayons qui partent de Sirius, à quatre cent millions de lieues au delà du soleil, pénètrent dans ses petits yeux, selon toutes les règles de l’optique. S’il n’y a pas là immensité et unité de dessein, qui démontrent un fabricateur intelligent, immense, unique, incompréhensible, qu’on nous démontre donc le contraire. Mais, c’est ce qu’on n’a jamais fait. Platon, Newton, Locke ont été frappés également de cette grande vérité. Ils étaient théistes, dans le sens le plus rigoureux et le plus respectable.

« Des objections ! On nous en fait sans nombre. Des ridicules ! On croit nous en donner en nous appelant cause-finales ; mais des preuves contre l’existence d’une intelligence suprême, on n’en a jamais apporté aucune. » (Les Cabales, édition Beuchot, tome XIV, p. 262.)

Voltaire écrivait ceci sur la fin de sa carrière, en 1772, six ans avant sa mort, afin de tempérer l’outrecuidance des athées de son temps, comme il essaierait encore de tempérer nos athées contemporains. Le bon sens a-t-il jamais tenu un langage plus naturel, plus lumineux et plus irrésistible ? A côté des grands esprits qui viennent d’être cités, à côté de Spinoza, de Virgile, de Clarke surtout, que Voltaire invoque après eux, il aurait dû ajouter Aristote, qui, le premier de tous, a pensé et parlé comme lui. C’est une omission contre laquelle réclame toute l’histoire naturelle d’Aristote, que Voltaire admirait beaucoup, mais qu’il ne connaissait pas assez. Aristote et Voltaire, d’accord entre eux et avec la foi spontanée du genre humain, quels témoignages pourrait-on demander encore ? S’il est une vérité démontrée dans ces hautes questions, c’est bien celle-là. Tenons-nous-y avec une inébranlable constance, soit que nous la confirmions par notre propre examen, soit que nous l’admettions sur l’affirmation du génie, antique et moderne, scientifique et littéraire.

En parcourant l’histoire de l’embryologie dans ses traits principaux, nous venons d’assister a un beau spectacle, d’où nous pouvons tirer plus d’un enseignement. Nous avons vu comment la science est née, et ce qu’elle est devenue par le concours de puissants esprits, se succédant à travers les âges, pour avancer toujours dans la même voie, et s’y diriger par la même règle. La méthode d’observation est tout aussi entière dans Aristote que dans Buffon, dans Cuvier, dans Dumas ; elle y est par une nécessité semblable, et elle y produit un résultat analogue. L’esprit humain ne peut pas plus se soustraire à cette loi dans l’Antiquité qu’il ne s’y soustrait de nos jours, parce qu’elle est dans la nature intime des choses, inéluctable, à toutes les époques et dans tous les lieux. Redisons-le encore une fois : la réalité ne change pas ; elle est là sous nos yeux comme elle était sous les yeux de nos devanciers ; elle restera pour nos successeurs ce qu’elle est pour nous. D’une autre part, quoi qu’en ait dit Bacon, il n’y a pas pour l’esprit de Novum Organum. De tout temps, l’homme a eu les facultés dont Dieu l’a doué, pour qu’il pût le comprendre, et l’adorer dans la contemplation de ses œuvres ; il n’aura jamais de facultés nouvelles. Il n’y a pas à refaire, ni à compléter son intelligence ; il n’y a qu’à l’employer de mieux en mieux. La main de l’ouvrier n’a pas une organisation autre, parce qu’elle devient plus habile, ou parce qu’elle s’applique à des usages nouveaux.

Quelle est donc la différence entre le passé et le présent ? En quoi se distinguent-ils l’un de l’autre ? La différence consiste en un seul point : à des faits antérieurement connus et constatés, on a joint des faits observés plus exactement, ou des faits qui n’avaient pas été remarqués jusque-là. La science s’est ainsi édifiée peu à peu, parce qu’elle n’est qu’une accumulation et qu’elle ne peut pas être autre chose. Prise dans son ensemble, elle est l’étude perpétuelle de l’univers. Mais les deux termes qui la constituent sont immuables. L’esprit humain, qui cherche à comprendre l’ordre universel des choses, par cette passion de connaître qu’Aristote signale au début de sa Métaphysique, ne se transforme pas plus que la réalité extérieure. Seulement, il sait davantage, parce qu’il apporte à ses actes intelligents plus d’attention et plus de persévérance. De nouveaux observateurs accroissent l’héritage de siècles en siècles ; et la science, dans sa totalité, comme chacune des sciences partielles dans sa spécialité, se compose de cet amoncellement de phénomènes et d’observations de tous genres.

La théorie de la constitution et des progrès de la science, ainsi comprise, est plus exacte que celle qui met entre le passé et le présent une sorte d’hiatus, et qui n’hésite pas à scinder l’histoire de l’esprit humain en plusieurs périodes, qui n’ont plus rien de commun. A notre avis, cette division des esprits et des temps est une grave erreur ; c’est méconnaître tout à la fois ce qui a été et ce qui est. L’embryologie nous offre un frappant exemple de la solidarité étroite qui unit les époques entre elles, quelque éloignées qu’elles soient. D’Aristote à H. Milne Edwards, il y a parfaite identité de sujet, et parfaite identité de méthode. Certainement notre siècle est plus riche que ne l’était le IVe siècle avant notre ère ; mais il n’est qu’un héritier. Ainsi que nous l’avons dit ailleurs, c’est à la Grèce que nous remontons directement ; nous étudions le monde, comme les Anciens nous ont appris à l’étudier. Pour savoir d’où nous venons, nous n’avons pas besoin d’étendre nos regards plus loin que l’Antiquité grecque, de qui nous sommes les fils. Nous laissons l’esprit asiatique dans les limbes où il est toujours resté, et d’où sans doute il ne sortira jamais. Soyons fiers, si nous le voulons, de nos lumières et de nos conquêtes ; mais aussi, sachons être modestes, non pas seulement pour nous faire une part équitable, mais encore pour nous rendre exactement compte de ce qu’est la science. Sachons dans quelles limites infranchissables elle se meut, bien que son domaine s’étende chaque jour, et qu’elle se flatte quelquefois de n’avoir pas de bornes.

Elle en a cependant ; et avec un peu de réflexion, il est facile de les apercevoir. Pascal, dans un langage dont la grandeur et la simplicité ne seront jamais dépassées, a montré la vraie place de l’homme entre les deux infinis, dont il est en quelque sorte le point de rencontre, parce qu’il est capable de les comprendre tous les deux, du moins en partie. Laissons à l’astronomie les espaces insondables des cieux et l’infini qui se perd dans ces abîmes ; mais l’infini de petitesse, que nous croyons pouvoir embrasser mieux, ne nous échappe pas moins. Sous nos instruments ingénieux, les êtres microscopiques se multiplient pour nous, comme les soleils se multiplient dans le firmament ; il n’y a pas plus de fin d’un côté que de l’autre ; les découvertes qui nous attendent dans le monde des atomes ne sont pas moins étonnantes que celles qui s’adressent aux grands corps dont le ciel est peuplé. L’ovule tant cherché par l’embryologie, et trouvé enfin par Ernest de Baër, n’est pas le dernier terme peut-être ; et des procédés encore plus perfectionnés nous révéleront des merveilles, que nous ne soupçonnons pas. Mais il y a plus. La diversité des moyens employés par la Nature pour la reproduction des êtres n’est pas moins infinie que la dimension des choses ; ses combinaisons sont innombrables, comme les individus et les espèces. Aristote en a connu quelques-unes ; nous en connaissons bien davantage. Mais sommes-nous au bout ? Et la fécondité de la Nature ne dépassera-t-elle pas toujours immensément, en ceci comme en tout, la fécondité de notre imagination ?

De quelque côté que se tourne la science humaine, elle se trouve donc inévitablement en face de l’infini, qu’elle ne peut épuiser en aucun sens. En se comparant à elle-même, pour voir de quel germe elle sort et quels développements ses labeurs ont obtenus, elle peut ressentir un légitime orgueil ; mais comparée à l’infini, qui demeure éternellement incommensurable, notre science peut sembler un néant, parce que, devant l’infini, toute quantité s’efface et se réduit à zéro. Cependant, grâce à Dieu, nous pouvons nous dire que nous n’en sommes pas réduits tout à fait à cette nullité, et que, si notre savoir est borné, il est néanmoins bien réel ; les vérités acquises par nous ne nous fuient plus, quelle que soit notre infirmité. Selon la grande maxime d’Aristote, une vérité démontrée est une vérité éternelle. Il nous est donné d’empiéter pas à pas sur le domaine de l’infini, quoique jamais nous ne puissions le parcourir en son entier. C’en est assez pour la gloire de l’homme ; et il n’a qu’à remercier son créateur de lui avoir permis, pour quelques instants passagers, la vue, même incomplète, de ce spectacle éblouissant et sublime. Tous les grands esprits ont éprouvé ce sentiment et l’ont exprimé, chacun à leur manière, depuis Anaxagore, Socrate, Platon, Aristote jusqu’à Descartes, Newton, Leibniz, Buffon, Cuvier, Agassiz, et tant d’autres avec eux. Nous aussi, après de tels guides, laissons-nous aller à la reconnaissance et à l’admiration, avec d’autant plus de raison que nous les voyons chaque jour de plus en plus justifiées. Les conquêtes successives de notre science ne font que confirmer l’enthousiasme instinctif des premiers temps ; et la Mécanique Céleste d’un Laplace n’est après tout que l’écho agrandi du Caeli enarrant d’un David.

Ce qui désespère quelquefois l’esprit humain, et l’humilie, c’est de sentir, au delà de ce qu’il sait, des mystères qui sont impénétrables à ses plus généreux efforts. L’embryologie renferme plus d’un de ces secrets qui nous resteront à jamais fermés. L’action essentielle des spermatozoïdes sur l’ovule, ou l’action de la liqueur séminale telle qu’Aristote l’a comprise, ne s’explique que jusqu’à un certain point, passé lequel il n’y a plus que ténèbres invincibles. Après bien des essais infructueux, nous tenons et nous suivons enfin le cours du phénomène depuis son origine dans les organes destinés à l’accomplir. Mais, parvenus à l’ovule, nous ne pouvons pas aller plus avant ; tout ce que nous voyons, c’est que la vie se transmet des parents au fruit que leur union doit procréer. Mais, que d’un simple contact matériel, il puisse sortir une intelligence avec toutes ses facultés, une âme avec tous ses dons de moralité et de vertu, une volonté avec toutes ses énergies et ses héroïsmes, une personne en un mot, c’est là ce qui dépasse tellement notre compréhension qu’il nous faut recourir à l’intervention d’une puissance supérieure, qui a décrété qu’il en soit ainsi. Notre raison ne peut que se confondre dans son incurable impuissance. Et pourtant, c’est l’honneur suprême de l’esprit humain d’agiter ces questions insolubles, et de recommencer perpétuellement des efforts perpétuellement déçus. Aristote n’a pas ignoré plus que nous ce tourment de la pensée, et il s’est demandé, lui aussi, à quel moment l’Ame arrive dans le fœtus, et d’où vient l’entendement, dont l’homme a le privilège exclusif. Le destin n’a pas permis au philosophe d’approfondir autant qu’il l’eût voulu ces graves études ; il s’est arrêté dans une route qui est la plus digne du génie de l’homme, et où le sien se serait signalé autant que dans bien d’autres routes non moins ardues. Ce n’est plus là, il est vrai, le terrain de l’histoire naturelle ; c’est le terrain de la métaphysique, que la science vulgaire redoute, parce qu’elle ne la comprend pas, et qu’elle ne sait pas s’en servir. Mais, croire que l’esprit humain se désintéressera quelque jour de ces hautes questions, que soulève l’organisation de l’animal le plus infime, aussi bien que le système de l’univers, c’est se leurrer d’un espoir chimérique. Sous prétexte de rigueur scientifique, on abdique la science même ; se borner à une simple collection de faits, dont on ne rechercherait ni l’explication ni la cause, ce n’est pas un signe de force et de sagesse ; c’est un aveu détourné d’indifférence ou de faiblesse. Napoléon avait, selon le rapport des contemporains, coutume de dire, que « le pourquoi et le comment sont des questions si utiles qu’on ne saurait trop se les faire ». En cela, le grand empereur était d’accord avec le genre humain ; et s’il ne fait pas autorité en zoologie, dans une question de sens commun et de pratique, on peut en croire son témoignage plus encore que celui d’aucun savant.

Nous nous garderons bien de blâmer Aristote d’avoir cherché de son mieux le pourquoi et le comment des choses. Dans bien des cas, il a réussi à les découvrir ; assez souvent, il y a échoué, nous en convenons. Mais ces faux pas étaient inévitables dans une carrière toute neuve. La méthode d’observation, qu’il a si bien exposée le premier, aurait dû le préserver lui-même de quelques chutes. Mais, on ne peut pas être bien sévère, quand on voit que, de nos jours encore, l’esprit de système égare tant d’esprits. Si l’on se rappelle de mémorables naufrages, les tourbillons de Descartes, les monades de Leibniz, les molécules vivantes de Buffon, la cellule de Darwin, il n’y a pas à s’étonner que l’Antiquité grecque ait glissé sur la même pente. L’esprit humain sent un tel besoin d’explications qu’il n’hésite jamais à adopter celles qui lui semblent les plus plausibles. Cette passion est aujourd’hui aussi vivace que jamais ; elle semble même s’accroître à mesure que notre connaissance des choses s’étend et s’affermit. Pardonnons à Aristote d’y avoir obéi comme nous y obéissons ; et disons-nous que, s’il eût été moins curieux, il en aurait beaucoup moins su, et nous en aurait beaucoup moins appris. Il est peut-être encore un des philosophes qui ont risqué le moins d’hypothèses ; il s’en est défendu autant qu’il l’a pu, et c’est là certainement une des causes qui en ont fait, pendant plusieurs siècles, et à l’aurore des temps modernes, l’instituteur vénéré et souverainement utile de l’esprit humain. Son histoire naturelle tout entière, Histoire des Animaux, Traité des Parties, Traité de la Génération, doit attester combien il était digne d’exercer cet empire bienfaisant, et combien le Moyen-âge a été heureux de pouvoir se mettre à son école. Le despotisme insupportable n’est venu que plus tard ; et quand la Renaissance a si justement secoué le joug, l’indépendance n’a été reconquise qu’en revenant à la méthode qu’Aristote avait établie, et que des sectateurs aveugles ou intolérants avaient défigurée. L’observation des faits, exacte et patiente, a ressuscité la science après une longue léthargie, de même qu’elle lui avait donné naissance vingt siècles auparavant, et que, dès lors, elle eût fondé quelques-uns de ses plus solides monuments.

En terminant cette esquisse de l’embryologie, considérée dans son histoire, son berceau et sa pleine virilité, insistons encore une dernière fois sur le sentiment qui domine et inspire toute la zoologie Aristotélique, l’admiration de la Nature. On dirait qu’aujourd’hui l’habitude a émoussé les âmes, et que, devant les tableaux étalés à nos regards, nous ne sentons plus, comme dit le poète, « ni charme ni transports ». Aristote, tout austère qu’il est, n’a rien de cette indifférence et de cette insensibilité pour ce spectacle prodigieux. Nous vivons et nous sommes plongés dans un milieu rempli de merveilles ; et il faut que l’esprit de l’homme soit bien inattentif et bien mobile pour aller demander à un surnaturel imaginaire plus et mieux que ce qu’il a sous les yeux. Rien n’est plus étonnant que la Nature, telle qu’elle se montre à nous. Ainsi que l’a dit un des naturalistes les plus grands du XIXe siècle, membre de notre Institut, dont il était l’associé étranger, Agassiz : l’univers représente la pensée du Créateur ; et le monde animé la reflète plus manifestement encore que tout le reste. C’est un livre que nous n’avons pas fait, mais que nous pouvons déchiffrer. Aristote n’a pas travaillé à d’autre intention ; et se fiant à la sagesse de la Nature, il a essayé, le premier dans l’humanité, d’épeler scientifiquement le livre de l’œuvre divine ; il en a tourné quelques feuillets, nous enseignant à en tourner d’autres aussi bien que lui, et, si nous le pouvons, mieux que lui. {{Droite|Paris, décembre 1886.| 3}}


{{t3|DISSERTATION SUR L’AUTHENTICITÉ ET LA COMPOSITION DU TRAITÉ DE LA GÉNÉRATION}}

Le traité de la Génération des Animaux n’est pas moins authentique que les deux autres grands ouvrages zoologiques d’Aristote, l’Histoire des Animaux et le Traité des Parties des Animaux. Réunis, ces trois ouvrages forment la totalité de l’histoire naturelle des êtres animés, telle que l’a comprise et fondée le philosophe. Pour compléter l’étude de la Nature, il avait étudié aussi les plantes et les minéraux ; mais ces œuvres spéciales ne sont pas parvenues jusqu’à nous. Le Traité de la Génération est, par son sujet même, lié à l’Histoire des Animaux et au Traité des Parties, de la manière la plus étroite ; et si Aristote ne l’avait pas écrit, sa zoologie présenterait une lacune peu concevable. Apres avoir considéré les êtres animés dans leur existence, avec toutes les formes qu’elle revêt, négliger de rechercher comment ils se reproduisent, en perpétuant leur race, c’eût été un oubli grave. Le philosophe n’a pas commis cet oubli ; et il suffit qu’une théorie de la génération soit indispensable dans l’ensemble de ses vues sur la Nature pour présumer, sans crainte d’erreur, qu’il a dû s’occuper de cette question essentielle. Lui-même ne manque pas de nous l’apprendre à plusieurs reprises, soit en terminant le Traité des Parties (Livre IV, ch. XIV, § 4, p. 269 de ma traduction), soit en commençant le Traité de la Génération (Livre I, ch. I, § 4, p. 3), et l’Histoire des Animaux), (Livre I, ch. IV, § 8, p. 27 de ma traduction), quand il réserve, pour le traité particulier de la Génération, certaines théories qu’il se propose d’approfondir, et qu’il ne veut pas toucher prématurément.

Les citations abondent dans l’original. Ici comme ailleurs, elles sont nécessairement de deux sortes : ou le Traité de la Génération des animaux est cité dans d’autres ouvrages Aristotéliques, ou il cite ces ouvrages. Nous énumérerons d’abord le premier genre de citations ; nous viendrons ensuite au second, qui, à lui seul, ne serait pas démonstratif, mais qui ajoute une force nouvelle aux autres témoignages.

Dans l’Histoire des Animaux, on ne trouve que la citation que nous venons de faire, et peut-être en outre quelques allusions plus ou moins directes.

Au contraire, le Traité des Parties a des citations très nombreuses. On peut en compter jusqu’à huit dans le second, le troisième et le quatrième livres. Pour le premier livre, on se rappelle qu’il est consacré exclusivement à l’exposé de la méthode en histoire naturelle ; et dans une discussion de cet ordre, une citation quelconque pouvait difficilement trouver place.

Voici les huit citations.

Traité des Parties des Animaux :

1° Livre II, ch. III, § 13, p. 106 de ma traduction. Aristote se demande comment le sang nourrit tous les organes du corps, et, d’une façon plus générale, ce que c’est que la nutrition. Il ne répond pas immédiatement à ces questions ; et « il pense qu’elles seront étudiées plus convenablement dans le traité de la Génération des Animaux, et ailleurs. » Le mot Ailleurs indique sans doute le Traité de la Nutrition, auquel Aristote s’est référé souvent, mais qui ne nous a pas été conservé. Ce mot indique peut-être aussi le Traité de l’Ame.

2° Livre II, ch. VII, § 16, p. 133 de ma traduction. Aristote renvoie au Traité de la Génération l’étude spéciale de la liqueur séminale et du lait, attendu que le premier de ces liquides forme l’animal, et que le second le nourrit après sa naissance. Ces deux études se trouvent dans le Traité de la Génération, livre I, ch. XII et XIII, p. 69 et suiv., et livre IV, ch. VIII, p. 325.

3° Livre III, ch. V, p. 52 de ma traduction. Le texte renvoie les observations sur la manière dont les animaux se nourrissent et sur les fonctions du sang, aux recherches ultérieures concernant la génération. Cette citation est analogue à la précédente.

4° Livre III, ch. XIV, § 3, p. 101 de ma traduction. Après avoir expliqué quelles sont les fonctions de l’estomac, et du canal intestinal, depuis l’ingestion des aliments jusqu’à l’expulsion des résidus inutiles, Aristote remet l’étude de ces matières au Traité de la Génération et au Traité de la Nutrition.

5° Livre IV, ch. IV, § 3, p. 133 de ma traduction. Référence à peu près identique pour les deux traités, où se trouvera plus tard l’exposé des questions laissées de côté.

6° Livre IV, ch. X, § 32, p. 212 de ma traduction. Aristote renvoie l’explication de la nature de la liqueur séminale et des phénomènes de la grossesse, au Traité de la Génération, en même temps qu’à l’Histoire des Animaux et aux Descriptions d’anatomie. Voir le Traité de la Génération, livre II, ch. V, p. 44.

7° Livre IV, ch. XII, § 23, p. 250 de ma traduction. L’auteur se réserve d’expliquer pourquoi les oiseaux ont des testicules à l’intérieur, quand il parlera de la Génération des Animaux. Voir le Traité de la Génération, livre I, ch. III, p. 13, et ch. V, p. 44.

8° Livre IV, ch. XIV, § 4, p. 269 de ma traduction. Aristote annonce, en terminant le Traité des Parties, qu’après avoir étudié tous les organes des animaux, il ne lui reste plus qu’à étudier leur génération, ainsi que nous venons de le dire un peu plus haut.

Telles sont les citations du Traité de la Génération qu’offre le traité des Parties des Animaux. On conçoit sans peine qu’elles y soient plus multipliées que partout ailleurs, à cause de la connexité même des deux sujets et des deux ouvrages.

Opuscules Psychologiques, Traité de la Sensation, et des choses sensibles, ch. IV, § 11. Aristote, recherchant quelles sont les conditions que l’aliment doit présenter pour être vraiment nutritif, ajoute : « Nous discuterons ce sujet d’une manière complète dans le Traité de la Génération ; pour le moment, nous ne ferons que l’effleurer en tant qu’il nous sera nécessaire » (p. 54 de ma traduction). Il n’y a rien dans le Traité de la Génération des Animaux qui se rapporte directement à ceci ; l’auteur aura sans doute oublié de tenir la promesse qu’il se faisait à lui-même.

Opuscules psychologiques, Traité du Mouvement dans les animaux, ch. II, § 9, p. 278 de ma traduction. Aristote, en résumant diverses questions qu’il a discutées, sur les organes des animaux, sur l’âme, sur la sensibilité, sur la mémoire, et sur le sommeil, ajoute qu’il ne lui reste plus qu’à étudier la génération.

Le Traité de l’Ame, si profond à tant d’égards, ne fait pas une citation expresse du Traité de la Génération ; mais il est bien probable qu’il y fait allusion quand il parle des ouvrages consacrés à l’étude de la nutrition. (Livre II, ch. IV, § 16, p. 197 de ma traduction.) Très souvent, Aristote accouple ses deux ouvrages sur la nutrition et la génération ; et l’on peut croire qu’il le fait aussi dans ce passage.

En résumé, le Traité de la Génération des Animaux est cité expressément dix fois au moins dans les divers ouvrages d’Aristote, sans compter quelques allusions plus ou moins claires.

Les citations du second genre, c’est-à-dire celles que le traité lui-même fait des autres ouvrages d’Aristote, sont beaucoup plus nombreuses. Les voici, pour chacun de ces ouvrages, dans l’ordre où elles se présentent.

L’Histoire dès Animaux est citée onze fois par le Traité de la Génération :

 

1° Livre I, ch. III, § 2, p. 15 de ma traduction, sur la position des testicules et de la verge chez les quadrupèdes et les animaux supérieurs. (Conf. Histoire des Animaux, livre III, ch. I, § 12, p. 203 de ma traduction.)

2° Livre I, ch. IV, § 3, p. 19 de ma traduction. Théorie sur la fonction propre des testicules indépendamment des canaux spermatiques. (Conf. Histoire des Animaux, livre III, ch. I, § 12, p. 203 de ma traduction.)

3° Livre I, ch. VII, § 8, p. 33 de ma traduction, sur la disposition de la matrice chez les sélaciens, et, d’une manière plus générale, chez les ovipares. (Conf. Histoire des Animaux, livre III, ch. I, § 21, p. 210 de ma traduction.)

4° Livre I, ch. XIV, § 10, p. 102 de ma traduction, sur la fonction des menstrues dans les vivipares. (Conf. Histoire des Animaux, livre III, ch. XIV, § 10, p. 297 de ma traduction.)

5° Livre II, ch. VI, § 6, p. 63 de ma traduction, sur les fonctions du cœur, principe du sang destiné à nourrir l’animal. (Conf. Histoire des Animaux, livre III, ch. XIV, §§ 1 et suiv., p. 292 de ma traduction.)

6° Livre II, ch. IX, § 4, p. 107 de ma traduction, sur l’organisation du cordon ombilical chez plusieurs espèces d’animaux, plus ou moins gros. (Conf. Histoire des Animaux, livre VII, ch. VII, § 2, p. 439 de ma traduction.)

7° Livre III, ch. I, § 17, p. 138 de ma traduction, sur certains poissons de rivière, qu’on suppose pouvoir produire des œufs féconds sans l’intermédiaire du mâle. (Conf. Histoire des Animaux Livre V, ch. I, § 6, p. 121 de ma traduction.)

8° Livre III, ch. II, § 17, p. 157 de ma traduction, sur les rapports du blanc et du jaune dans l’œuf, sur ses membranes, et le cordon ombilical. (Conf. Histoire des Animaux, livre VI, ch. II, § 11, p. 264 de ma traduction.)

9° Livre III, ch. VII, § 4, p. 190 de ma traduction, sur l’organisation des petites seiches, au moment où elles naissent. (Conf. Histoire des Animaux, livre III, ch. XVI, § 4, p. 200 de ma traduction.)

10° Livre III, ch. IX, § 20, p. 211 de ma traduction, sur les différentes espèces de guêpes et de frelons, comparées entre elles, ou comparées aux abeilles, (Conf. Histoire des Animaux, livre V, ch. 20, § 1, p. 229 de ma traduction.)

11° Livre III, ch. X, § 25, p. 230 de ma traduction, sur les œufs prétendus et sur l’habitat des testacés. (Conf. Histoire des Animaux, livre VIII, ch. XVI, § 2, p. 71 de ma traduction.)

Traité des Parties des Animaux :

1° Cité une première fois, livre I, ch. IX, § 4, p. 44, sur l’accouplement des mollusques. (Conf. le traité des Parties des Animaux, livre IV, ch. IX, § 5, p. 185 de ma traduction, et Histoire des Animaux, livre V, ch. V, § 1, p. 136 de ma traduction.)

2° Livre V, ch. III, § 5, p. 372 de ma traduction, le traité des Parties cité une seconde fois sur le but que la Nature s’est proposé en donnant des poils aux animaux, et sur la calvitie chez l’homme. Nous nous expliquerons plus loin sur ce cinquième livre et sur les doutes qu’il soulève. (Conf. le Traité des Parties des Animaux, livre II, ch. XIV, §§ 2 et 5, pp. 173 et 176 de ma traduction.)

Traité de l’Ame :

Livre V, ch. I, § 15, p. 353 de ma traduction, sur la nature de l’œil et sur la cause des changements de sa coloration. (Conf. le Traité de l’Ame, livre II, ch. 7, pp. 208 et suiv. de ma traduction.)

Livre V, ch. VI, § 3, p. 400 de ma traduction, sur le bruit et sur la voix articulée. (Conf. le Traité de l’Ame, livre II, ch. VIII, § 9, p. 223 de ma traduction.)

Livre V, ch. VI, § 10, p. 410, citation du Traité de l’Ame sur le même sujet.

Il y a une allusion évidente au Traité de l’Ame, livre II, ch. IV, § 2, où l’on rappelle ce qui a été dit Ailleurs sur la faculté nutritive de l’âme (Conf. Traité de l’Ame, livre II, ch. IV, §§ 1 et suiv., p. 186 de ma traduction.)

Opuscules psychologiques, Traité de la Sensation et des choses sensibles :

Livre V, ch. I, § 15, p. 353 de ma traduction, sur l’acuité de la vision, selon la coloration des yeux (Conf. Traité de la Sensation et des choses sensibles, ch. II, §§ 6 et suiv., pp. 30 et suiv. de ma traduction.)

Livre V, ch. II, § 2, p. 365 de ma traduction, sur les relations des organes des sens avec le cœur. (Conf. Traité de la Sensation et des choses sensibles, ch. II, § 13, p. 35, de ma traduction.)

Livre V, ch. VI, §§ 3 et 16, pp. 406 et 416 de ma traduction, sur le son, la voix et le timbre varié de la voix humaine (Conf. Traité de la Sensation et des choses sensibles, vit §  10, p. 78 de ma traduction.) Dans ces deux citations, c’est surtout dans le Traité de l’Ame, plus que dans l’autre traité nommé avec-celui-là, que le sujet en question a été développé.

Problèmes :

1° Livre II, ch. X, § 3, p. 116 de ma traduction, sur l’alliage du cuivre et de l’étain. Nous n’avons pas retrouvé cette question dans les Problèmes.

2° Livre IV, ch. IV, § 17, p. 296 de ma traduction, sur les variations dans la durée de la grossesse et dans la natalité des enfants. (Conf. Problèmes, section X, p. 895, a, 25, édit. de Berlin, et p. 167, ligne 5, édit. Firmin-Didot.)

Enfin, le Traité de la Génération des Animaux semble se citer lui-même, livre V, ch. VII, § 1, à propos des fonctions des dents. Nous nous expliquerons un peu plus loin sur le cinquième livre, dont la place est certainement irrégulière.

Toutes ces citations dans l’un et l’autre sens se rapportent à des ouvrages authentiques d’Aristote. D’autres citations qu’on trouve aussi dans le Traité de la Génération des Animaux, sont relatives à des ouvrages qui sont perdus, et que nous ne connaissons guère que par les regrets que cette perte nous cause.

Ouvrages perdus d’Aristote :

Livre IV, ch. III, § 14, p. 267 de ma traduction, citation du Traité de l’Action et de la Passion, sur la nature de l’agent et du patient, et sur leurs relations mutuelles, pour expliquer l’influence que les deux sexes exercent l’un sur l’autre dans l’acte de la génération.

Livre I, ch. H, § 1, p. 8 de ma traduction, annonce d’études sur les plantes. L’indication est indéterminée ; mais selon toute apparence, elle se rapporte au Traité des Plantes, qui est nommé par Diogène de Laërte et par Hésychius dans leurs catalogues, et qui était en deux livres.

Livre I, ch. XVII, § 6, p. 122 de ma traduction, indication un peu plus précise d’ouvrages sur les plantes.

Ce qui doit faire plus particulièrement déplorer la perte des livres d’Aristote sur la botanique, c’est qu’il revient sans cesse dans le Traité de la Génération sur les rapports du végétal et de l’animal, commençant, par ces rapprochements et par ces recherches, la science que les Modernes appellent la biologie. Nous pouvons juger, par les deux ouvrages de Théophraste sur l’Histoire des Plantes et sur les Causes des Plantes, du point où en était la botanique au temps d’Aristote. C’était lui qui avait inspiré et guidé son élève favori et son successeur ; et l’on peut le regarder à juste titre comme le père de la botanique, qu’il avait été le premier à étudier, en la comprenant dans le vaste domaine de son encyclopédie. Dans l’Histoire des Animaux, livre V, ch. I, § 4, il cite expressément sa théorie sur les Plantes.

Livre V, ch. IV, § 2, p. 388 de ma traduction, citation du Traité de la Croissance et de la Nutrition, sur le changement qu’éprouvent les cheveux, quand ils blanchissent par reflet de l’âge ou de la maladie. Pour cette citation du Ve livre, nous faisons les mêmes réserves que plus haut, sur la citation que le Traité de la Génération semble faire de lui-même.

Descriptions anatomiques :

Il n’est peut-être pas, dans toute l’œuvre Aristotélique, de livres qu’on doive regretter plus que ceux-là. L’anatomie avait été cultivée par Aristote, et dans son école, aussi sérieusement qu’elle peut l’être de nos jours. Sans doute, elle était alors beaucoup moins avancée qu’elle ne l’est aujourd’hui ; mais elle n’excitait pas moins d’intérêt ; et l’on peut croire que les travaux du philosophe ont préparé ceux de son petit-fils, Érasistrate, et d’Hérophile d’Alexandrie.

Les Descriptions anatomiques sont citées cinq fois dans le Traité de la Génération des Animaux :

1° Livre I, ch. VII, § 8, p. 33 de ma traduction, à propos de l’organisation de la matrice chez les sélaciens, et de l’organisation des matrices en général.

2° Livre II, ch. VI, § 6, p. 63 de ma traduction sur le cœur considéré comme le principe des veines, et sur la fonction du cœur.

3° Livre II, ch. II, § 4, p. 107 de ma traduction, sur le cordon ombilical chez les animaux qui produisent un seul embryon ou plusieurs embryons.

4° Livre IV, ch. IV, § 10, p. 291 de ma traduction, sur la même question.

5° Livre V, ch. I, § 9, p. 348 de ma traduction, sur la position du fœtus et sur son sommeil perpétuel dans le sein de la mère. Mêmes réserves que plus haut sur la place du Ve livre du Traité de la Génération des Animaux{15}.

Jusqu’ici nous n’avons emprunte qu’à Aristote les preuves de l’authenticité du Traité de la Génération. On a cru en trouver une, qui serait aussi près de son temps que possible, dans un passage de Théopliraste. Voici ce passage que cite M. Valentin Rose (Aristoteles pseudepi-graphus, p. 372). Théophraste vient d’exposer les effets d’une culture intelligente sur le développement de plusieurs plantes, qu’on peut favoriser en retranchant certaines parties, et il ajoute :

« Dans d’autres plantes aussi, il suffit d’enlever certains organes pour produire une différence notable, comme on le voit sur les vignes qui produisent des raisins sans pépins, quand on a enlevé la moelle du sarment. Ceci semble donner raison à ceux qui prétendent que le sperme vient de tous les organes du corps, opinion qu’on soutient pour les animaux. »

Si l’on veut consulter trois passages du Traité de la Génération, livre I, ch. II, §, 7, p. 12 de ma traduction, et même livre, ch. H, § 3 et ch. 12, § 20, p. 82, on verra que les idées du disciple ressemblent beaucoup à celles du maître, et que les expressions mêmes sont assez analogues. Aristote déclare d’abord que le moindre changement dans le principe de l’organisme peut avoir des conséquences considérables, sur le reste de l’organisme entier ; et qu’on peut enlever aux plantes certaines parties qui repoussent. Il déclare ensuite que les vignes s’emportent et ont des pousses stériles, quand elles ont une nourriture surabondante ; « Elles font le bouc, » dit-il, employant un terme technique, qui se retrouve bien des fois dans Théophraste, (Histoire des Plantes, livre II, ch. VII, § 6, p. 30, ligne 39, édit. Firmin-Didot ; livre IV, ch. XIV, § 6, p. 83, lig. 14 ; Causes des Plantes, liv. I, ch. V, § 5, p. 170, lig. 5 ; même livre, ch. XVII, § 10, p. 186, lig. 43 ; et livre V, ch. IX, § 10, p. 277, lig. 53.)

Nous ne trouvons pas la ressemblance aussi frappante qu’on paraît le croire, et que nous aussi nous voudrions qu’elle le fût. Mais ce qui peut donner quelque valeur à cette conjecture, c’est que Théophraste avait fait, comme Aristote, un ouvrage sur la Génération des Animaux, et où sans doute, il s’écartait peu des théories de son maître. Diogène de Laërte cite ce livre, Biographie de Théophraste, p. 122, lig. 19, édit. de Firmin-Didot.

Dans le traité des Causes des Plantes, livre V, ch. III, § 1, p. 268, édit. Firmin-Didot, Théophraste revient sur ce phénomène d’une vigne portant des raisins noirs et blancs, ou successivement, ou à la fois. Il ne voit là rien d’extraordinaire ; et les devins eux-mêmes n’y trouvent plus rien de monstrueux, parce que le fait se reproduit assez souvent. Dans ce passage comme dans l’autre, le style de Théophraste est presque celui d’Aristote ; les expressions sont fort analogues ; et ces ressemblances peuvent être considérées comme une preuve de l’authenticité des ouvrages du maître et des ouvrages du disciple.

Pline avait certainement sous les yeux tous les ouvrages zoologiques d’Aristote, et c’est à cette source qu’il a puisé une bonne partie du septième livre de son Histoire naturelle, notamment tout ce qu’il dit de l’homme dans les chapitres IX à XV. Mais il n’a pas cité le Traité de la Génération expressément ; et ce grand fait de la reproduction chez les animaux ne semble pas l’avoir très sérieusement occupé. (Voir livre XI, ch. CXI et CXII, édition et traduction de M. E. Littré.)

Galien, vers la fin du second siècle de notre ère et au commencement du troisième, possède l’ouvrage d’Aristote, et il en fait grand usage. Dans son traité De Semine, il le cite très souvent ; il en donne même de longs extraits, qui démontrent que, depuis cette époque jusqu’à la nôtre, le texte n’a pas changé. Ces passages sont empruntés au Ier et au IIe livres. Il en est même un qui se rapporte au Ve livre, que Galien reconnaît pour authentique aussi bien que les autres. Nous aussi nous croyons autant que Galien que ce livre est d’Aristote ; mais il nous semble qu’il est déplacé, puisqu’il ne se rattache en rien à l’étude de la génération, ainsi que nous le dirons un peu plus loin. Galien cite encore un admirable morceau tiré du IIIe livre de l’Anatomie d’Hérophile, sur les ovaires de la femme. Il est fort probable qu’Hérophile connaissait aussi l’ouvrage d’Aristote ; et, comme il est contemporain de Théophraste, nous remontons avec lui à peu près aussi loin qu’il est possible de le faire, c’est-à-dire, à une époque qui touche au temps d’Aristote lui-même. Le Traité de la Génération ne pouvait être perdu si peu de temps après sa mort, puisque Galien l’a toujours complet, cinq ou six cents ans plus tard. (Galien, édit. Kûhn, t. IV, pp. 595, 517 et 575.)

Chose assez singulière ! Diogène Laërce a omis le Traité de la Génération des Animaux dans son catalogue, qui contient cependant 145 ouvrages, énumérés un à un. Hésychius, qui en compte 196, nomme le Traité de la Génération, qu’il place le 158e ; mais il lui donne trois livres, au lieu des cinq qu’il a actuellement (Voir Aristote, t. V, p. 1468, b, édit. de l’Académie de Berlin), de même qu’il en attribue trois également au Traité des Parties, qui, pour nous, en a quatre. Mais si Diogène et Hésychius n’ont pas dans cette discussion une grande autorité, il n’en est pas de même du Catalogue Arabe, compilé au xiii° siècle de notre ère, traduit par Casiri et Wenrich, et tout récemment encore par M. Steinschneider. Les deux auteurs de ce catalogue Ibn el-Kifti et Ibn Abi Hoseibia, l’empruntent à l’ouvrage d’un philosophe péripatéticien, nommé Ptolemée, qui lui-même l’avait extrait du cinquième livre de la Biographie d’Aristote par Andronicus de Rhodes. Qu’était ce Ptolemée ? Est-ce par hasard un des rois qui ont porté ce nom en Egypte, et dont quelques-uns passent pour avoir été des savants ? Il importe assez peu. Mais un témoignage qui remonte au temps de Syila et de Cicéron est de la plus haute valeur ; et comme Andronicus a été le premier qui ait fait des tables pour les œuvres d’Aristote, il n’est pas possible de remonter au delà. Or le Catalogue Arabe mentionne deux traités de la génération : l’un intitulé de la Génération de l’Animal, en cinq livres, n° 44, p. 1471, a, de l’édit. de Berlin ; l’autre intitulé de même, n° 77, p. 1472, b, en deux livres, ou intitulé selon une variante, n° 78b, de la Génération des Animaux. Le Catalogue Arabe, qui ne compte que quatre-vingt-seize ouvrages d’Aristote, ne peut pas être regardé comme parfaitement exact ; mais il doit nous autoriser à penser que le traité de la Génération des Animaux devait être entre les mains d’Andronicus, comme il est entre les nôtres, avec ses cinq livres. (Voir aussi M. Valentin Rose, Aristoteles pseudepigraphus, p. 282.)

Oribase, médecin de l’Empereur Julien, a emprunté divers passages au Traité de la Génération, pour les insérer dans sa compilation (M. Valentin Rose, ibid. pp. 382 et 383.)

Dans l’immense ruine, et au milieu du chaos qu’amène l’invasion des Barbares, le Traité de la Génération est oublié comme tout le reste ; et il ne reparaît qu’au XIIIe siècle, avec les autres ouvrages d’Aristote commentés par Albert-le-Grand et Saint Thomas d’Aquin, les deux lumières de l’Église et de la science à cette époque.

Après toutes les preuves précédentes, qui sont faites pour contenter les juges les plus difficiles, il en reste une, la plus générale, la plus délicate et la plus décisive : c’est le style du Traité de la Génération. La main d’Aristote y est empreinte d’un bout à l’autre, sans qu’on puisse la méconnaître un seul instant. La composition est défectueuse à certains égards, comme nous l’avons montré ailleurs ; mais les pensées sont d’une profondeur qui n’appartient qu’au philosophe ; et la forme qu’elles revêtent est bien celle qu’on rencontre et qu’on goûte dans ses œuvres les plus parfaites et les plus authentiques. Le doute ne serait permis qu’à ceux qui n’ont pas assez pratiqué ces admirables écrits. Simplicité, naturel, justesse, plénitude d’expressions, ce sont toutes les qualités d’un style de génie. Si le Traité de la Génération n’est pas d’Aristote, qui aurait été capable de le concevoir et de le faire à sa place ? Quel penseur, quel naturaliste se serait caché sous son nom ? il est impossible de le dire ; et ce serait vraiment une témérité bien aveugle que de prétendre se substituer en ceci à toute l’Antiquité, en récusant une opinion qui n’a jamais suscité la moindre réclamation. Affirmons-le donc sans hésiter : Oui, le traité de la Génération des Animaux est bien d’Aristote, et ne peut être que de lui, dans les cinq livres qui le forment, tel que nous le possédons.

Mais, pour le cinquième et dernier livre, nous devons faire une réserve, que personne, nous le croyons, n’a faite avant nous, et dont la nouveauté nous étonne nous-même, au moins autant que sa nécessité nous paraît évidente. Le cinquième livre n’appartient pas au Traité de la Génération, auquel il est joint ; et il doit être renvoyé au Traité des Parties des Animaux.

Qu’on en juge.

Après avoir discuté, dans quatre livres, toutes les questions que la reproduction des êtres animés peut soulever, Aristote quitte tout à coup le sujet qu’il vient d’élucider, et il passe à un sujet qui n’a plus le moindre rapport avec celui-là. Le cinquième livre, revenant, de son propre aveu, à l’examen des différences que les parties des animaux peuvent présenter selon les espèces, étudie les variétés de la couleur des yeux, les variétés de l’ouïe et de l’odorat, celles du pelage des animaux, et des cheveux de l’homme, celles de la voix, et enfin celles des dents. Où trouver dans tout ceci le lien le plus léger avec le problème de la génération ? Comment cette étude particulière, quelque intéressante qu’elle soit par elle-même, se rattache-t-elle aux études antérieures ? Il est absolument clair qu’il n’y a pas de relation entre les deux sujets, tandis qu’au contraire, les matières fort curieuses dont le cinquième livre est plein, ont figuré déjà, soit dans le Traité des Parties, soit même dans l’Histoire des Animaux. Ainsi, le cinquième livre ne doit pas faire partie du Traité de la Génération. Il n’est pas moins certain qu’il y a été presque toujours joint ; Galien le cite dans son traité De Semine, t. IV, p. 575, édition de Kühn, ainsi qu’on l’a vu. Au VIe siècle de notre ère, Philopon commente le cinquième livre, comme il a commenté les quatre autres, sans faire aucune remarque sur le changement de sujet, non plus que Galien. Les plus récents éditeurs et les plus savants commentateurs se sont tus sur ce point, aussi bien que Galien et Philopon ; pas un ne semble avoir été choqué du contraste, quelque manifeste qu’il puisse être. Tout au plus a-t-on signalé quelquefois le mélange inattendu de matières qui se trouve dans ce cinquième livre. Nous croyons qu’il faut se décider plus nettement et dire que ce livre ne fait pas partie du reste du traité. Il est toujours assez hasardeux de se prononcer dans des questions de ce genre, où l’on a contre soi une tradition vénérable que vingt siècles ont sanctionnée. Mais la vérité a des droits imprescriptibles ; et, ici, elle est d’une clarté tellement vive qu’on ne saurait y résister. Il y a cinquante ans passés qu’une décision analogue a été prise pour la Politique d’Aristote, où l’ordre des livres, qui avait été bouleversé dès la plus haute Antiquité, a pu être rétabli. Cette restauration, qui avait la raison pour elle, comme celle-ci, a été généralement acceptée ; et l’ordonnance systématique de la Politique y a beaucoup gagné.

Nous ne pouvons pas aller aussi loin pour le cinquième livre du Traité de la Génération ; et après l’avoir isolé des quatre livres précédents, nous ne saurions indiquer positivement l’ouvrage d’Aristote auquel il conviendrait de le rattacher. Nous pouvons seulement faire observer que les mêmes questions qui remplissent ce livre dernier ont été étudiées, soit dans l’Histoire des Animaux, soit dans le Traité des Parties : Pour les yeux, voir l’Histoire des Animaux, livre I, ch. VIII, livre II, ch. II, III, VII et XIII ; et le Traité des Parties, livre II, ch. XIII ; pour l’ouïe et l’odorat, Histoire des Animaux, livre I, ch. XII, livre II, ch. VIII, livre IV, ch. VIII, et Traité des Parties, livre II, ch. X ; pour les poils, Histoire des Animaux, livre II, ch. II, livre III, ch. X ; et Traité des Parties, livre II, ch. XIV ; pour les cheveux, mêmes références ; pour la voix, Histoire des Animaux, livre IV, ch. IX, et Traité des Parties, livre II, ch. XVI et XVII ; enfin pour les dents, Histoire des Animaux, livre II, ch. III, livre III, ch. VII, livre VII, ch. IX ; et Traité des Parties, livre II, ch. III et IX, livre III, ch. I et XIV. On peut s’assurer que, sur tous ces sujets, la discussion du cinquième livre du Traité des Parties est plus complète que celle des deux autres ouvrages. Mais ce n’est pas une raison pour attribuer le cinquième livre, soit à l’un, soit à l’autre. Il faut le laisser provisoirement à la place où il est, tout en sachant bien que ce n’est pas la sienne.

Qui l’a mis à la place qu’il occupe irrégulièrement ? Il ne serait pas facile de le dire ; mais, selon toute apparence, il faut faire remonter l’erreur jusqu’à Andronicus de Rhodes, le premier arrangeur des écrits d’Aristote. Du moins le Catalogue des Arabes, transcrit sur celui de Ptoléméc, abréviateur lui même d’Andronicus, nomme un Traité de la Génération en cinq livres (voir plus haut p. CCLVII). D’Andronicus à Galien et à Philopon, il y a trois et six siècles environ ; et rien n’autorise à supposer que, dans cet intervalle, une main autre, après celle d’Andronicus, ait tenté de faire une classification nouvelle. C’est donc le Péripatéticicn de Rhodes, mettant en ordre la Bibliothèque d’Apellicon transportée à Rome par Sylla, qui est responsable de la faute acceptée par les âges qui ont suivi. Du reste, ce n’est pas la seule qu’il peut avoir commise ; et par exemple, c’est peut-être lui aussi qui a autorisé le désordre qu’on remarque à la fin du livre IX de l’Histoire des Animaux, à partir du chapitre XXXI.

Ce livre cinquième du traité de la Génération des Animaux cite, comme on l’a vu plus haut, plusieurs des ouvrages d’Aristote, le Traité des Parties, le Traité de l’Ame, et le Traité de la Sensation et des choses sensibles. Ces citations sont exactes. Mais il en est une qui doit paraître bien étrange. Ce cinquième livre du Traité de la Génération cite le Traité de la Génération lui-même, non pas expressément, mais en disant seulement : « Nous avons expliqué antérieurement les fonctions des dents. » Le mot d’Antérieurement, ainsi placé, semble ne pouvoir désigner, selon l’usage constant d’Aristote, que les quatre livres qui précèdent ; mais dans ces livres, il n’a été dit quelque chose de pareil, et en passant, que dans le livre II, ch. VIII, § 35, p. 99 de ma traduction. Même dans ce second livre, c’est un hors-d’œuvre, et c’est à l’Histoire des Animaux et au Traité des Parties qu’il faut se reporter pour trouver, avec le développement nécessaire et dans une place convenable, ce qui concerne les dents et les usages auxquels la Nature les destine. Ainsi, d’un côté le mot d’Antérieurement ne relie le cinquième livre aux quatre autres que par un seul mot ; mais, d’un autre côté, en admettant même que ces quatre livres offrent quelques théories qui correspondent à cette indication, on doit supposer bien plutôt qu’elle se réfère à un ouvrage différent, et d’un caractère plus spécial. De quelque façon qu’on s’y prenne, on est amené à conclure que le cinquième livre ne fait pas partie du traité auquel il a été réuni, sans motif suffisant.

M. Valentin Rose, dans son Aristoteles pseudepigraphus, pp. 295 à 324, cite douze passages au moins où Athénée parle du cinquième livre du Traité des Parties. A première vue, il semblerait probable que notre cinquième livre du Traité de la Génération doit former le cinquième livre du Traité des Parties, qui n’a que quatre livres dans l’état où nous l’avons. Mais à regarder les choses d’un peu plus près, on voit qu’Athénée s’est trompé, et que toutes les citations qu’il fait, à propos des poissons, se rapportent au cinquième livre de l’Histoire des Animaux, et non pas à un cinquième livre du Traité des Parties, qui n’a jamais existé. Athénée ne nous offre donc aucun secours pour classer systématiquement ce fragment, égaré d’un tout que nous ne connaissons pas.

Il faut nous résigner ; en ceci, l’ignorance à laquelle nous sommes condamnés paraît invincible, et il est bien douteux que des recherches plus heureuses puissent jamais la dissiper entièrement. Dans l’état présent des choses, c’est avec le Traité des Parties que ce cinquième livre du Traité de la Génération semblerait avoir le plus d’affinité. Mais nous n’oserions pas faire un changement ; et nous ne conseillerions cette témérité à personne. Qu’on se contente de savoir que ce livre n’est pas à sa vraie place, et qu’on n’essaie pas de lui en assigner une autre, qui n’aurait pour elle aucune autorité sérieuse.

C’est là une conclusion qu’on peut tirer de la Dissertation qui précède. Une autre conclusion, non moins importante, c’est que le Traité de la Génération des Animaux est parfaitement authentique, et que le cinquième livre, quoique hors de place, est digne d’Aristote aussi bien que le reste. Bornons-nous à ces résultats, qui, pour notre part, nous semblent absolument satisfaisants et incontestables.

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LIVRE PREMIER


CHAPITRE PREMIER

Récapitulation des matières antérieurement traitées ; des quatre causes auxquelles on peut rapporter l’organisation animale, trois ont été étudiées ; reste la quatrième et dernière, la cause motrice ou la génération ; diversités de la génération ; accouplement de la femelle et du mâle dans les animaux qui ont du sang, et parfois aussi dans ceux qui n’en ont pas ; accouplement dans les animaux qui se meuvent ; les jeunes sont tantôt congénères, et tantôt naissent spontanément ; ces derniers ne s’accouplent pas et ne produisent pas d’êtres semblables à eux ; limitations naturelles de ces reproductions ; comparaison avec les plantes, qui naissent aussi, ou de congénères, ou spontanément.


§ 1[1]. Jusqu’à présent, nous nous sommes occupé de toutes les parties dont les animaux se composent, en

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les considérant, soit dans ce qu’elles ont de commun, soit à part, dans ce qu’elles ont de spécial pour chaque genre d’animaux. Nous avons également expliqué la disposition que présente chacune de ces parties, par rapport à la cause qui leur est propre, je veux dire, le but en vue duquel elles sont faites. § 2[2]. On sait que, sous les choses, il y a quatre causes diverses : d’abord le but, qui est la fin même de l’être ; ensuite, la notion essentielle qui convient à cet être, deux premières causes qui doivent être regardées comme n’en formant guère qu’une seule ; et en dernier lieu, la troisième cause et la quatrième, qui sont, l’une la matière de l’être, et l’autre, le principe qui lui imprime le mouvement. § 3[3]. Déjà, l’on a fait connaître les trois premières causes, puisque la notion de l’être et le but de l’être se confondent en tant que fin, et que la matière est dans les animaux l’ensemble de leurs parties, non similaires, quand on parle de l’animal tout entier, et dans ces parties non similaires, les parties similaires, formées elles-mêmes de ce qu’on appelle les éléments des corps. § 4[4]. Ainsi, il ne nous reste plus à étudier que ces parties des animaux qui concernent leur génération, dont nous n’avons rien dit jusqu’à cette heure ; et à exposer précisément la cause qui leur communique le mouvement dont ils sont animés. Etudier cette cause et étudier la génération des animaux, c’est au fond une seule et même question, du

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moins à quelques égards. La raison en effet nous conduit à réunir ces théories, parce que c’est bien là tout à la fois l’étude dernière qui achève celle des parties, et parce que c’est aussi le début régulier que la raison assigne à ce qu’on va dire de la génération, après tout ce qui précède.

§ 5[5]. Il y a des animaux qui naissent de l’accouplement de la femelle et du mâle. C’est bien ce qui se passe dans toutes les espèces où il y a femelle et male ; mais cette distinction n’existe pas pour toutes les espèces d’animaux sans exception. Ainsi, dans les animaux qui ont du sang, sauf quelques espèces, le mâle et la femelle sont toujours complètement distincts ; mais parmi les animaux qui n’ont pas de sang, tantôt il y a femelle et mâle, produisant des individus qui leur ressemblent ; tantôt, si ces animaux produisent encore, ce ne sont plus des êtres de leur même genre qu’ils produisent. Alors, ces derniers êtres ne naissent plus d’animaux accouplés ; mais ils naissent de la terre, qui se putréfie, et de diverses excrétions. § 6[6]. A

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parler d’une manière générale, on peut dire que tous les animaux qui peuvent changer de place, en nageant, en volant, ou en marchant, présentent la séparation du mâle et de la femelle. Cette distinction s’étend non pas seulement aux : animaux qui, parmi ceux-là, ont du sang, mais aussi à quelques-uns de ceux qui n’en ont pas. Dans ces derniers animaux, c’est tantôt le genre entier qui offre cette différence, comme dans les mollusques et les crustacés ; tantôt c’est seulement la plupart des espèces, comme dans le genre des insectes. § 7[7]. En effet, tous les insectes qui viennent d’un accouplement d’êtres congénères produisent également des êtres semblables à eux ; mais ceux qui ne naissent pas d’animaux accouplés, et qui naissent de la terre putréfiée, engendrent une espèce différente de la leur ; l’être qu’ils produisent n’est ni femelle

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ni mâle ; témoin l’organisation de quelques espèces d’insectes.

§ 8[8]. La raison comprend parfaitement qu’il en soit ainsi ; car, si les êtres qui ne viennent pas d’autres êtres animés pouvaient à leur tour donner naissance à des animaux en s’accouplant ; et si alors ces êtres nouveaux étaient semblables aux parents, il faudrait que ceux qui les auraient produits eussent eu aussi la même origine. A nos yeux, cette conséquence est tout à fait rationnelle, puisque c’est ce qui arrive chez tous les autres animaux. Ou bien, si ces nouveaux êtres étaient dissemblables, tout en pouvant s’accoupler, le produit qui naîtrait d’eux serait également d’une nature autre que la leur ; puis, de ces seconds êtres naîtrait aussi une autre espèce d’êtres qui serait encore différente ; et ceci pourrait aller à l’infini. Or la Nature évite l’infini et l’indéterminé ; car l’infini

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n’a pas de terme ; et c’est un terme défini que la Nature recherche avant tout. § 9[9]. Quant aux animaux qui ne se déplacent pas, comme les testacés, et quant à ceux qui vivent dans le lieu où ils sont attachés, ils ont une essence qui les rapproche beaucoup des plantes, et ils n’ont pas plus qu’elles le sexe femelle et le sexe mâle. Si, pour ces êtres, l’on emploie quelquefois ces expressions, c’est par simple ressemblance et par analogie, parce qu’en effet il n’y a sous ce rapport presque pas de différence entre les plantes et ces sortes d’animaux. § 10[10]. Ainsi, dans les plantes, tantôt il y a des arbres du même genre qui portent des fruits, et tantôt ces mêmes arbres n’en portent pas, mais servent seulement à faire mûrir les fruits de ceux qui en portent ; c’est ce qu’on voit pour la figue comestible et pour la figue sauvage. Comme les animaux encore, il y a des plantes qui naissent de semence ;

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d’autres poussent comme si la nature les produisait spontanément. Elles proviennent de la terre putréfiée ou de quelques matières végétales qui pourrissent ; car il y a certaines plantes qui ne peuvent passe former séparément par elles seules, et qui ont besoin de croître sur d’autres végétaux, comme le gui.


CHAPITRE II

Indication d’études sur la génération des plantes ; génération spéciale des animaux ; distinction de la femelle et du mâle ; formation du sperme ; définition du mâle ; définition de la femelle ; organes nécessaires à la génération et à l’accouplement : parties du corps qui constituent ces organes et qui font précisément la différence des sexes ; des matrices et des testicules dans les animaux qui ont du sang ; parties semblables ou analogues dans les animaux exsangues ; conséquences considérables qu’entraîne le moindre changement dans le principe ; vérification par la dissection ; le mâle se rapproche de la femelle par le plus léger changement.


§ 1[11]. On aura à étudier les plantes en elles-mêmes et sans y mêler aucun autre objet. Mais maintenant, c’est de la génération des animaux qu’il faut traiter, dans la mesure qui convient à chacun d’eux, en rattachant cette étude à celles qui précèdent.

§ 2[12]. Ainsi que nous l’avons déjà dit, on a toute raison de considérer comme principes et causes de la génération la femelle et le mâle ; le mâle, comme ayant le principe moteur et générateur ; la femelle, comme ayant le principe de la matière. C’est ce dont on peut surtout se convaincre en observant comment se forme le sperme, et d’où il vient. C’est le sperme qui constitue tout ce qui naît dans la nature ; et il importe de bien connaître comment il vient de la femelle et du mâle ; car, c’est parce que cette sécrétion provient de la femelle et du mâle, et qu’elle s’accomplit en eux et en sort, que la femelle et le mâle sont les principes et les causes de la génération. § 3[13]. Nous entendons par mâle l’être qui engendre dans un autre être, et par femelle, celui qui engendre en lui-même. Voilà comment, lorsqu’on parle de l’ensemble du monde, on prend parfois la nature de la terre pour la femelle et la mère, et comment on regarde comme générateurs et pères le Ciel, et le Soleil, ou tel autre corps de même ordre. § 4[14]. Le mâle et la femelle diffèrent entre eux aux yeux de la raison, parce qu’ils remplissent l’un et l’autre une fonction diverse, et ils diffèrent, sous le rapport de l’observation sensible, par certaines parties qui sont diverses chez tous deux. Rationnellement, le mâle est l’être qui peut engendrer dans un autre être, ainsi qu’on vient de le dire ; la femelle est l’être qui peut engendrer en lui-même, et de qui sort l’être engendré, qui est déjà dans le générateur. § 5[15]. Mais, comme tout se détermine par une certaine puissance et par un certain acte ; et comme pour tout acte il est besoin d’instruments, et que les instruments des facultés diverses sont des organes du corps, il s’ensuit nécessairement qu’il y a pour l’enfantement et pour l’accouplement des parties spéciales. Ces parties diffèrent entre elles, et ce sont elles qui constituent précisément la différence du mâle et de la femelle. On dit bien, en parlant de l’animal entier, que l’un est femelle, et que l’autre est mâle ; cependant ce n’est pas tout l’animal qui est femelle, ou qui est mâle ; mais il est l’un des deux par une certaine faculté et dans une certaine partie, comme on dit de lui qu’il a des organes pour voir et pour marcher. C’est ce que nous atteste le simple témoignage

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de nos sens. § 6[16]. Ces parties sont dans la femelle ce qu’on nomme les matrices ; et dans le mâle, chez tous les animaux qui ont du sang, ce sont les testicules et la verge. Dans ces animaux, en effet, on trouve, tantôt des testicules, et tantôt des canaux qui y répondent. On retrouve même encore ces différences de la femelle et du mâle dans les animaux qui n’ont pas de sang, et qui présentent cette opposition de sexes. Dans les animaux qui ont du sang, les parties qui doivent concourir à l’union sont toujours de formes différentes.

§ 7[17]. Du reste, il faut bien se dire qu’il suffit du plus petit changement dans le principe pour que d’ordinaire une foule de conséquences considérables suivent ce changement initial. On peut s’en convaincre par les effets de la castration, il suffit que l’organe générateur soit légèrement altéré pour que la forme presque tout entière de l’animal vienne, par suite, à changer, à tel point que le mâle paraisse être une femelle ou peu s’en faut. Ceci prouve bien que ce n’est pas au hasard, par une partie quelconque de son corps ou par une de ses facultés quelconques, que l’animal est femelle ou qu’il est mâle. Ainsi donc, bien évidemment la femelle et le mâle sont un principe très spécial ; et, quand l’être est ou femelle ou mâle, beaucoup d’autres changements se produisent à la suite de celui-là, parce que le principe est complètement changé.


CHAPITRE III

Des testicules ; diversités de leur organisation ; les poissons et les serpents n’ont que des conduits spermatiques ; testicules intérieurs chez les oiseaux et les quadrupèdes ovipares ; position diverse des testicules chez les vivipares ; citation de l’Histoire des Animaux ; des matrices ; elles sont toujours divisées en deux ; extérieures et intérieures tout ensemble ; position des matrices ; oiseaux, poissons, crustacés, mollusques, insectes.


§ 1[18]. Chez les animaux qui ont du sang, l’organisation des testicules n’est pas toujours pareille, non plus que celle des matrices. Examinons d’abord ce qui concerne les testicules des mâles. Parmi les animaux qui ont du sang, il y en a qui n’ont pas du tout de testicules ; par exemple, l’espèce entière des poissons et celle des serpents, qui n’ont que deux canaux spermatiques. D’autres de ces animaux ont des testicules ; mais c’est à l’intérieur dans le bas ventre, vers la région des reins ; et alors de l’un et l’autre testicule sort un conduit, comme dans ceux qui n’ont pas de testicules. Ces conduits se réunissent en un seul, comme chez ces derniers. Tels sont tous les oiseaux ; et parmi les quadrupèdes ovipares, ceux qui reçoivent l’air et qui ont un poumon. Tous ces animaux ont des testicules à l’intérieur, près du bas ventre, et ils ont les deux conduits qui en partent, comme les ont les serpents ; tels sont les lézards, les tortues, et tous les animaux à écailles. § 2[19]. Au contraire, les vivipares ont tous des testicules sur le devant du corps ; quelques-uns les ont au bas du ventre, comme le dauphin, et ils n’ont pas les canaux ; mais ils ont un membre qui peut aller des testicules au dehors, comme on le voit chez les bœufs ; d’autres l’ont tout à fait dehors, tantôt indépendant comme chez l’homme, et tantôt attaché au siège comme chez les cochons. Nous en avons parlé avec plus de détails dans l’Histoire des Animaux.

§ 3[20]. Toutes les matrices sont divisées en deux, de même que, chez les mâles, il y a toujours deux testicules. Tantôt elles sont entre les cuisses comme chez les femmes ; et dans tous les vivipares, elles sont non seulement au dehors, mais dans l’intérieur, comme elles y sont aussi chez ceux des poissons qui pondent des œufs extérieurement. D’autres animaux ont les matrices sous le diaphragme, comme tous les oiseaux et les poissons vivipares. Les crustacés et les mollusques ont également la matrice partagée en deux ; car ce qu’on appelle leurs œufs est entouré de membranes venues de la matrice. Dans les polypes, les choses sont assez indistinctes pour qu’on puisse croire qu’ils n’ont qu’une matrice unique. Cela vient de ce que la masse de leur corps est tout à fait uniforme. Dans les insectes aussi, les matrices sont en deux parties chez ceux qui sont un peu gros ; dans les plus petits, on ne

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peut pas les distinguer, à cause de la petitesse de leur volume.


CHAPITRE IV

De la fonction des testicules ; ils ne sont pas indispensables à la génération ; exemple des serpents et des poissons ; ils sont faits en vue du mieux ; rapidité des accouplements, selon la position des testicules ; chez quelques animaux, ils servent à amortir les ardeurs du sexe par l’élaboration plus lente du sperme ; citation de l’Histoire des Animaux ; ablation des testicules ; les testicules des oiseaux.


§ 1[21]. On voit donc quelle est, chez les animaux, l’organisation des parties dont on vient de parler. Quant aux différences que présentent dans les mâles les organes spermatiques, il faut, pour s’en bien rendre compte, se demander tout d’abord pour quelle destination les testicules ont été faits. Si la nature n’agit jamais que par nécessité, ou en vue du mieux possible, il faut que cet organe provienne aussi de l’une de ces deux causes. Or il est de toute évidence que cette partie du corps n’est pas absolument nécessaire pour la génération, puisque autrement on la retrouverait

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dans tous les animaux qui engendrent, et que, dans l’état actuel des choses, ni les serpents ni les poissons n’ont de testicules. On peut s’assurer en effet qu’ils s’accouplent, et qu’ils n’ont que des canaux pleins de liqueur séminale. § 2[22]. Reste donc que les testicules soient faits en vue du mieux. Or la plupart des animaux n’ont d’autre fonction que de produire, ainsi que les plantes produisent la semence et le fruit. De même que, pour la nutrition, les animaux à intestins tout droits sont plus avides de nourriture, de même ceux qui n’ont pas de testicules et qui ont seulement des canaux, et ceux qui, tout en ayant des testicules, les ont à l’intérieur, ceux-là sont bien plus rapides que les autres dans l’acte de l’accouplement. Mais les espèces qui doivent être plus modérées,

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comme le sont aussi en fait d’aliments les espèces qui n’ont pas des intestins tout droits, ont des canaux qui sont pleins de circonvolutions, afin que le désir du sexe ne soit pas trop violent, ni l’acte trop rapide. § 3[23]. C’est dans cette vue que les testicules ont été organisés comme ils le sont. Ils rendent plus calme le mouvement de la sécrétion spermatique, en assurant sa circulation redoublée dans les vivipares, tels que les chevaux et les animaux de cet ordre, et tels que les hommes. Ce qu’est cette double circulation, on pourra le voir dans l’Histoire des Animaux. Les testicules ne font pas partie des canaux ; mais ils y sont rattachés, comme les pierres que les fileuses assujettissent à leurs métiers. Quand on enlève les testicules, les canaux remontent à l’intérieur, de telle façon que les bêtes châtrées ne peuvent plus produire.

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Si les canaux ne remontaient pas, la bête pourrait encore être féconde ; et, une fois, l’on a vu un taureau qui venait d’être coupé féconder une vache, qu’il avait immédiatement couverte, parce que les canaux n’avaient pas encore eu le temps de se retirer. § 4[24]. Chez les oiseaux et les quadrupèdes ovipares, les testicules conservent l’excrétion spermatique, de telle sorte que la sortie en est moins prompte que chez les poissons. C’est ce qu’on peut voir très bien dans les oiseaux. Vers l’époque de l’accouplement, les testicules sont beaucoup plus gros, quand ce sont des espèces qui ne s’accouplent que dans une seule saison de l’année. Quand ce temps est passé, leurs testicules sont si petits qu’on a quelque peine à les discerner, tandis que, dans l’accouplement, ils sont énormes. Ceux qui ont les testicules à l’intérieur ont la copulation beaucoup plus rapide ; mais ceux qui les ont a l’extérieur ne peuvent pas émettre la liqueur séminale avant que les testicules ne se soient soulevés.


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CHAPITRE V

De l’organisation des testicules chez les oiseaux ; nécessité de leur conformation spéciale ; position pareille des deux testicules chez les animaux qui en ont ; exception pour les hérissons, qui ne peuvent s’accoupler ainsi que les autres quadrupèdes, à cause de leurs piquants ; résumé sur la position intérieure ou extérieure des testicules.


§ 1[25]. Ajoutons encore que, si les quadrupèdes ont l’organe propre à la copulation, c’est qu’ils sont conformés pour l’avoir, tandis que les oiseaux et les animaux privés de pieds ne sont pas conformés pour l’avoir aussi, puisque les uns ont leurs deux jambes placées sous le milieu du ventre, et que les autres n’en ont pas du tout ; or c’est de ce point qu’est suspendu le membre honteux, dont la place naturelle est là. Aussi, dans l’accouplement, les jambes se tendent-elles, parce que l’organe est nerveux, et que la nature des jambes est nerveuse également. Comme ces animaux

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ne peuvent avoir cet organe, c’est une conséquence nécessaire, ou qu’ils n’aient pas de testicules, ou du moins qu’ils ne les aient pas en cet endroit. § 2[26]. Du reste, les animaux qui ont des testicules les ont placés tous les deux de la même façon ; et dans ceux qui ont les testicules extérieurs, c’est la chaleur que le mouvement communique à la verge qui fait sortir le sperme accumulé ; mais il n’est pas prêt à sortir sur-le-champ au moindre attouchement, comme cela arrive chez les poissons. § 3[27]. Tous les vivipares ont les testicules sur le devant du corps ou extérieurs, excepté le hérisson. Il est le seul à les avoir sur le scrotum par le même motif que les oiseaux ; car il y a nécessité que leur accouplement soit très rapide, puisqu’ils ne peuvent pas, comme les autres quadrupèdes, monter sur le dos de la femelle ; mais ils s’accouplent debout, à cause de leurs piquants.

§ 4[28]. On

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voit donc maintenant pourquoi les animaux qui ont des testicules ont ces organes, et pourquoi les testicules sont tantôt extérieurs et tantôt intérieurs.


CHAPITRE

VI

De l’organisation des poissons et des serpents, en ce qui se rapporte aux testicules ; rapidité de l’accouplement chez les poissons, à cause de la direction toute droite des canaux spermatiques, qui n’ont pas à repasser par des testicules : de l’accouplement particulier des serpents ; leur entrelacement est une conséquence nécessaire de leur organisation et de leur longueur.


1[29]. Ceux des animaux qui, comme on vient de le dire, n’ont pas de testicules, en sont dépourvus non pas parce que c’est bien qu’ils en soient privés, mais seulement parce qu’il y a nécessité qu’ils n’en aient pas, et parce que leur accouplement doit nécessairement être très rapide. Telle est l’organisation que la Nature

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a donnée aux poissons et aux serpents. 2[30]. Les poissons accomplissent la copulation en se frôlant les uns les autres ; et ils se séparent presque à l’instant. De même que l’homme et tous les animaux de ce genre, les poissons sont forcés, au moment où ils lancent la liqueur séminale, de retenir leur souffle ; mais les poissons ne peuvent retenir leur souffle qu’en cessant de recevoir le liquide ; et dès qu’ils ne le reçoivent plus, ils risquent fort de périr. Ils ne peuvent donc pas compléter et cuire le sperme pendant l’accouplement, ainsi que le font les animaux qui marchent et qui sont vivipares ; mais comme dans la saison régulière, le sperme est en eux accumulé et tout cuit, ils n’ont pas besoin de le cuire en se touchant mutuellement, et ils le lancent tout cuit. 3[31]. C’est là ce qui fait que les poissons n’ont pas de testicules, et qu’ils n’ont que des canaux tout droits et tout simples ; ce qui ne représente qu’une petite partie des testicules chez les quadrupèdes. C’est qu’en effet dans le canal redoublé des quadrupèdes, il y a une partie qui a du sang, et une autre partie qui n’en a pas, laquelle reçoit le sperme, et par où il passe quand il est déjà tout fait, de telle sorte qu’une fois le sperme arrivé à ce point, la séparation est rapide aussi chez ces animaux. Mais, dans les poissons, le canal tout entier, tel que nous venons de le dire, est semblable à ce qu’il est dans la seconde partie du redoublement des conduits chez l’homme et chez les animaux qui sont organisés de la même manière que lui.

4[32]. Les serpents s’accouplent en se roulant l’un autour de l’autre ; ils n’ont ni testicules ni verge, ainsi qu’on l’a déjà dit antérieurement. Ils n’ont pas de verge, parce qu’ils n’ont pas de jambes ; ils n’ont pas de testicules, à cause de leur longueur ; ils n’ont simplement que des canaux dans le genre de ceux des poissons. Comme ils sont de leur nature extrêmement longs, s’il y avait en outre un arrêt dans les testicules, la semence se refroidirait à cause de la lenteur du trajet. 5[33]. C’est là du reste ce qui arrive aussi chez les animaux qui ont une longue verge. Ils sont moins féconds que ceux dont la verge est plus courte, parce que le sperme refroidi ne féconde plus, et qu’il se refroidit en se portant trop loin. On voit donc bien maintenant pourquoi tels animaux ont des testicules, tandis que d’autres n’en ont pas. 6[34]. C’est à cause de l’impossibilité de monter l’un sur l’autre que les serpents s’entrelacent mâle et femelle. Ne pouvant s’unir que par une très petite partie de leur corps, ils sont trop longs pour que leurs mouvements puissent aisément concorder ; et comme ils n’ont pas de parties pour se saisir mutuellement, ils y suppléent par la froideur humide de leur corps, en s’entrelaçant l’un l’autre. Il semble d’ailleurs qu’ils se séparent plus lentement que les poissons, non seulement à cause de la longueur de leurs canaux, mais encore par la disposition générale de leur accouplement même.


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CHAPITRE VII

Des matrices des animaux ; difficultés de cette étude ; variétés de position ; œufs des poissons ; ils sont imparfaits à leur sortie et complétés au dehors ; œufs des oiseaux et des quadrupèdes ovipares ; relation de la forme de la matrice à la position des œufs ; matrices des vivipares ; organisation spéciale des sélaciens et des vipères ; cette organisation participe des deux autres dans les quadrupèdes et dans les oiseaux ; citations des Descriptions Anatomiques, et de l’Histoire des Animaux ; position de la matrice chez les vivipares ordinaires ; causes de cette position ; dangers d’avortements : distinction entre les animaux qui produisent leurs petits en une fois et ceux qui les produisent en deux fois.


§ 1[35]. Il est assez difficile de savoir ce que sont précisément les matrices chez les femelles ; car elles présentent une foule de différences. Elles ne sont pas organisées de la même manière chez tous les vivipares ; ainsi, l’homme et tous les animaux qui marchent sur le sol ont la matrice en bas sous les membres ; mais les sélaciens, qui sont vivipares aussi, ont la matrice en haut, près du diaphragme. Elles ne sont pas non plus organisées de la même façon chez tous les ovipares. Ainsi, les poissons ont la matrice en bas, comme chez l’homme et chez les quadrupèdes vivipares ; mais les oiseaux et tous les quadrupèdes ovipares l’ont en haut. § 2[36]. Ces dispositions contraires n’en ont pas moins leur raison d’être. D’abord, les ovipares font leurs œufs de manières très différentes. Par exemple, les poissons ne font que des œufs imparfaits, qui se complètent au dehors et y prennent tout leur développement. Cela tient à ce que les poissons sont très prolifiques, et que cette fonction s’accomplit en eux comme chez les plantes. Si les poissons formaient complètement les œufs en eux-mêmes, leurs œufs seraient nécessairement en petit nombre. Mais dans leur organisation actuelle, ils en ont tant que chacune des deux parties de la matrice ne semblent former qu’un œuf unique, du moins dans les tout petits poissons. Ces petits animaux sont les plus féconds de tous, comme le sont aussi tous ceux qui ont une nature analogue à la leur, plantes ou animaux.

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Chez eux, l’accroissement en grandeur se tourne en sperme.

§ 3[37]. Les oiseaux et les quadrupèdes ovipares font des œufs complets, qui doivent être durs, afin de pouvoir subsister sans danger ; mais la coquille en est molle, jusqu’à ce qu’ils aient pris tout leur développement. La coquille se forme par l’action de la chaleur, qui dessèche l’humidité de la partie terreuse. Il faut nécessairement que le lieu où se passe cette élaboration soit chaud ; c’est le lieu placé vers le diaphragme ; et ce lieu cuit la nourriture. § 4[38]. Si les œufs doivent être nécessairement dans la matrice, il y a nécessité aussi que la matrice soit près du diaphragme, dans les animaux qui font des œufs complets ; et qu’elle soit en bas, pour ceux qui en font d’incomplets. De cette façon, tout se passe comme il faut ; et naturellement, la matrice est placée en bas plutôt qu’en haut, quand quelque autre fonction imposée par la nature ne s’y oppose pas. C’est aussi en bas que se trouve la fin

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de la matrice, et là où est la fin, là aussi est l’acte : et c’est la matrice qui accomplit l’acte.

§ 5[39]. Les vivipares n’ont pas moins de différences entre eux. Ainsi, les uns n’enfantent pas seulement au dehors des êtres vivants ; mais ils les enfantent aussi en eux-mêmes, comme les hommes, les chevaux, les chiens et tous les animaux qui ont des poils, et, en outre, parmi les animaux aquatiques, les dauphins, les baleines et autres cétacés. § 6[40]. Les sélaciens et les vipères sont bien vivipares au dehors ; mais d’abord ils sont ovipares en eux-mêmes. L’œuf qu’ils font est complet ; car c’est à cette condition que l’animal peut sortir de l’œuf, tandis qu’aucun d’eux ne vient d’un œuf incomplet. S’ils ne produisent pas d’œuf au dehors, c’est qu’ils sont naturellement froids, et non

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pas chauds, comme on le prétend quelquefois. Les œufs qu’ils produisent sont mous, parce que ces animaux ayant peu de chaleur, leur nature ne peut dessécher l’œuf jusqu’au bout. Si donc c’est parce qu’ils sont froids qu’ils font des œufs mous, c’est aussi parce que ces œufs sont mous qu’ils ne les font pas dehors ; car, dans ce cas, les œufs seraient détruits.

§ 7[41]. Lorsqu’un animal vient d’un œuf, sa naissance a lieu le plus ordinairement comme celle des oiseaux. L’œuf descend en bas, et il devient animal dans les membres inférieurs, comme chez les vivipares qui produisent immédiatement leur fruit. Aussi, les animaux de ce genre ont-ils la matrice dissemblable, et à celle des vivipares et à celle des ovipares, parce

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qu’ils participent des deux organisations. Ainsi, tous les sélaciens ont la matrice sous le diaphragme, et elle s’étend en bas. § 8[42]. Du reste, si l’on veut se rendre compte de la disposition de cette matrice et de toutes les autres, il faut consulter les Descriptions anatomiques et l’Histoire des Animaux ; et l’on verra que comme ils font des œufs complets, ils les ont en haut, et qu’ils les ont en bas, parce qu’ils sont vivipares et qu’ils participent ainsi des deux organisations. Tous les animaux qui font immédiatement des petits vivants ont la matrice en bas, parce qu’aucune fonction de la nature n’empêche cette position, et que ces animaux ne font pas leurs petits en deux fois. § 9[43]. Il serait, en outre, bien impossible que des animaux se produisissent sous les diaphragmes ; car les embryons ont nécessairement du poids et du mouvement ; et ce lieu qui est si important pour la vie ne saurait les porter. Il y aurait, en outre, nécessairement des difficultés d’enfantement, à cause de la longueur du trajet, puisque,

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si les femmes, pendant leur grossesse et près de l’accouchement, élèvent trop ces parties, en ouvrant les jambes ou en faisant tel autre mouvement trop fort, elles provoquent l’avortement. § 10[44]. Même quand les matrices sont vides, elles causent des étouffements si elles remontent en haut ; car celles qui doivent contenir un animal doivent nécessairement être plus fortes. Aussi toutes celles-là sont-elles charnues, tandis que celles qui sont sous le diaphragme sont membraneuses. C’est ce qu’on peut voir très bien sur les animaux qui font leurs petits en deux fois ; ceux-là ont leurs œufs en haut et de côté, tandis que les animaux sont dans la partie inférieure de la matrice.


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CHAPITRE VIII

Cause de la position des matrices à l’intérieur du corps ; position des testicules, tantôt dehors tantôt dedans ; rapport de la nature de la peau avec la position intérieure ou extérieure des testicules ; les dauphins et les cétacés ; l’éléphant et le hérisson ; disposition différente des matrices, en bas ou en haut, dans les vivipares et les ovipares et dans les animaux en partie vivipares et en partie ovipares ; canaux pour l’issue des excréments secs et liquides ; les matrices des vivipares sont sur le devant du corps à cause du fœtus ; canal unique pour les deux sortes d’excréments ; animaux ainsi organisés ; conditions générales de la position des matrices et des testicules.


§ 1[45]. Nous venons de dire à quelle cause tient la différence des matrices dans quelques-uns des animaux, et comment il se fait que, chez les uns, la matrice soit en bas, et que, chez les autres, elle soit en haut, sous le diaphragme. Ce qui fait que, dans tous les animaux, les matrices sont à l’intérieur, tandis que les testicules sont tantôt dehors et tantôt dedans, est tout aussi clair. Si les matrices sont toujours intérieures, c’est que l’être qui doit naître se trouve en elles, et qu’il a besoin d’être protégé et d’y avoir la chaleur qui le cuit, tandis que l’extérieur du corps est exposé à bien des dangers, et est froid. Quant aux testicules, s’ils sont tantôt dehors et tantôt dedans, c’est qu’eux aussi ils ont besoin d’être garantis et cachés, à la fois pour se conserver et pour cuire le sperme. § 2[46]. En effet, s’ils étaient froids et congelés, ils ne pourraient se relever et émettre la semence, aussi, toutes les fois que les testicules sont extérieurs, ils ont une peau qui les recouvre et qu’on appelle le scrotum. Quand la nature de la peau s’oppose à ce qu’elle puisse faire enveloppe, et toutes les fois qu’elle n’est pas souple et qu’elle est comme du cuir, ainsi qu’elle l’est chez tous les animaux qui ont la peau analogue à des écailles de poisson ou de tortue, il faut de toute nécessité que les testicules soient à l’intérieur. § 3[47]. C’est pour cela que les dauphins, et les cétacés, qui ont des testicules, les ont en dedans, ainsi que les ovipares quadrupèdes à écailles. Chez les oiseaux, la peau est dure, et elle ne

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saurait envelopper les testicules dans toute leur grosseur ; c’est pour cela que leurs testicules sont à l’intérieur, sans parler des nécessités qu’entraîne l’accouplement, ainsi que nous venons de l’exposer un peu plus haut. C’est encore pour la même raison que l’éléphant et le hérisson ont les testicules en dedans ; car, chez ces deux espèces d’animaux, la peau ne serait pas du tout propre à former une enveloppe réellement protectrice, pour l’organe qui serait isolé.

§ 4[48]. Les matrices ont une position toute contraire dans les vivipares qui font leurs petits en eux-mêmes, et dans les ovipares qui pondent leurs œufs au dehors. Même parmi ces derniers, la disposition n’est pas la même, selon que la matrice est en bas, ou selon qu’elle est en haut sous le diaphragme ; par exemple, chez les poissons, comparativement soit aux oiseaux soit aux quadrupèdes ovipares, et comparativement aussi aux animaux qui font leurs portées sous les deux formes, produisant des œufs en eux-mêmes et des petits vivants au dehors. § 5[49]. Les animaux qui sont vivipares en eux-mêmes et en dehors, ont les matrices

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au bas du ventre : tels sont l’homme, le bœuf, le chien et tous les animaux de cet ordre, parce que, pour la conservation et la croissance de l’embryon, il faut qu’aucun poids ne presse la matrice. Il existe, en outre, dans tous ces animaux, un conduit spécial pour la sortie de l’excrément sec, et un autre conduit pour l’excrément liquide. Aussi, tous ces animaux, les mâles et les femelles, ont-ils des parties sexuelles ou se sécrète l’excrément liquide, le sperme chez les mâles et les menstrues chez les femelles. Ce conduit est dans la partie antérieure du corps, et plus élevé que celui qui donne issue à l’excrément de la nourriture sèche. § 6[50]. Tous les animaux qui sont ovipares et qui font des œufs imparfaits, comme en font les poissons ovipares, n’ont pas la matrice sous le ventre, mais dans l’aine. La croissance de l’œuf n’y fait point d’obstacle, puisqu’il se complète au dehors, et que le produit se développe à l’extérieur. Mais il n’y a qu’un seul et même conduit dans les animaux qui n’ont pas de verge génératrice.

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Ce conduit sert à l’issue des excréments secs chez tous les ovipares, et même chez ceux d’entre eux qui ont une vessie, comme en ont les tortues. § 7[51]. En effet ces doubles conduits sont constitués en vue de la génération, et non point pour l’expulsion des excréments liquides ; mais comme la nature du sperme est liquide, la sécrétion de l’excrément liquide emprunte aussi ce canal. Ce qui le prouve bien, c’est que tous les animaux ont du sperme, tandis que tous n’ont pas d’excrément liquide. Mais comme il faut que, chez les mâles, les conduits spermatiques, et chez les femelles les matrices, soient solidement attachés et ne se dérangent pas en oscillant, comme ils doivent nécessairement être posés, ou sur le devant du corps ou dans la région postérieure, les matrices des vivipares sont sur le devant, en vue des embryons ; et dans les ovipares, elles sont près du croupion et par derrière.

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§ 8[52]. Quant aux animaux qui, après avoir fait des œufs dans leur intérieur, produisent des petits vivants au dehors, leurs matrices sont organisées des deux manières, parce qu’ils participent des deux natures et qu’ils sont tout ensemble vivipares et ovipares. Les parties supérieures de la matrice et le point où naissent les œufs, se trouvent sous le diaphragme, près du croupion et du derrière ; mais dans le reste de son parcours, elle est en bas sous le ventre ; car c’est là que ces animaux sont vivipares. § 9[53]. Dans ces espèces d’animaux, le canal est le même et unique pour la sortie de l’excrément sec, et pour l’accouplement. Aucun de ces animaux n’a de verge suspendue et indépendante, ainsi qu’on l’a déjà dit. Pour les mâles, qu’ils aient ou qu’ils n’aient pas de testicules, les canaux sont disposés de même que les matrices des ovipares ; chez tous, ils sont surajoutés dans les parties postérieures, vers la région du rachis. Il faut en effet qu’ils ne flottent pas et qu’ils restent en place ; et c’est précisément cette région postérieure qui offre la continuité et la stabilité nécessaires. § 10[54]. C’est ainsi que, chez les animaux qui ont leurs testicules en dedans, ils restent fermes à leur place, en même temps que les canaux ; et il en est de même pour les animaux qui ont les testicules à l’extérieur. En avançant, les deux canaux se confondent en un seul canal, dans les approches de la verge. Cette disposition des canaux se retrouve aussi dans les dauphins ; mais leurs testicules sont cachés sous la peau du ventre.


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CHAPITRE IX

Position des organes qui concourent à la génération dans les exsangues : crustacés, mollusques, insectes et testacés ; accouplement des crustacés ; difficultés de cet accouplement à cause des queues ; accouplement singulier des mollusques : citation du traité des Parties des Animaux ; organisation des canaux prolifiques dans les crustacés et les mollusques ; erreur des pécheurs sur l’accouplement des polypes, qui ne se fait pas par les tentacules ; incertitudes sur ce mode d’accouplement ; accouplement des insectes ; génération par des êtres congénères ; génération par corruption ; les femelles des insectes sont en général plus grosses que les mâles, ainsi que chez les poissons et chez les quadrupèdes ovipares ; cause de cette organisation dans les femelles ; matrice des insectes.


§ 1[55]. Nous venons de voir quelle est, chez les animaux qui ont du sang, la position des organes qui concourent à la génération, et quelles sont les causes de cette position. Pour les animaux privés de sang, les parties qui concourent à la génération ne sont pas disposées comme elles le sont pour les animaux qui ont du sang ; et elles ne sont pas même semblables entre elles dans toutes les espèces. § 2[56]. Il y a quatre genres d’animaux qui n’ont pas de sang : d’abord les crustacés ; en second lieu, les mollusques ; troisièmement, les insectes ; et enfin quatrièmement, les testacés. On ne sait pas clairement si tous ces animaux s’accouplent ; mais on le sait très sûrement pour la plupart d’entre eux. Nous verrons plus tard quel est le mode de leur accouplement.

§ 3[57]. L’accouplement des crustacés a lieu comme celui des animaux qui urinent par derrière, c’est-à-dire que, l’un étant dessous et l’autre dessus, les queues se touchent l’une l’autre en sens contraire. Mais, quand les queues ont un très grand développement, en forme de nageoires, elles empêchent les parties basses de monter sur le dos de la femelle. Les mâles ont les canaux du sperme très minces, et les femelles ont des matrices membraneuses, près de l’intestin ; c’est dans ces matrices fendues en deux parts que l’œuf se loge. § 4[58].

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Les mollusques s’accouplent en s’appuyant mutuellement sur leur bouche, et en engageant leurs tentacules. Pour eux, ce mode d’accouplement est nécessaire, parce que dans ces animaux la nature a rapproché l’issue recrémentitielle de la bouche, en les repliant sur eux-mêmes, ainsi qu’on l’a expliqué plus haut dans les Etudes sur les Parties des Animaux. Dans chacune de ces espèces, la femelle a une matrice fort distincte. Tout d’abord, l’œuf qu’elle retient est informe ; en se séparant de la matrice, cet œuf se multiplie en plusieurs, que la femelle pond un à un ; et ils sont alors dans cet état incomplet où sont ceux des poissons ovipares. § 5[59]. Dans les crustacés et dans les mollusques, il n’y a qu’un seul et même canal pour les excréments et pour la partie qui représente la matrice ; et c’est sans doute par là que l’animal lance sa laite. Du reste, ces parties sont dans le dessous du corps, là où le manteau s’ouvre pour laisser entrer l’eau de la mer. C’est par cette partie que se fait l’accouplement du mâle et de la femelle ; car il faut nécessairement que le mâle s’approche du canal matriciel, soit qu’il émette du sperme, soit qu’il introduise quelque organe, soit qu’il y remplisse telle autre fonction. Dans les polypes, l’introduction du tentacule du mâle dans le canal n’a pas l’objet que les pêcheurs lui prêtent, quand ils disent que c’est par le tentacule que ces animaux s’accouplent. C’est bien un rapprochement que cherchent ces animaux ; mais ce n’est pas là l’organe qui accomplit la génération, puisqu’il est en dehors du canal et du corps de l’animal. § 6[60]. Parfois, les mollusques s’accouplent aussi par les

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parties supérieures du corps ; mais jusqu’à présent, on n’a pas pu savoir encore si c’est en vue de la génération, ou pour toute autre cause.

§ 7[61]. Il y a des insectes qui s’accouplent ; et alors, les jeunes naissent d’animaux qui portent le même nom, comme cela se passe dans les animaux qui ont du sang ; telles sont les sauterelles, les cigales, les araignées, les guêpes et les fourmis. D’autres insectes s’accouplent bien aussi, et ils produisent ; mais ce ne sont pas des êtres congénères qui sortent d’eux ; ce ne sont que des larves. Parfois encore, les insectes naissent non plus d’animaux vivants, mais de liquides ou de matières sèches en décomposition ; par exemple, les psylles, les mouches, les cantharides. Il y en a d’autres qui ne naissent ni d’êtres animés ni d’accouplements, comme les empides, les taons et une foule d’espèces analogues. § 8[62]. Dans la meilleure partie de celles qui s’accouplent, les femelles sont plus grosses que les mâles. On n’a pas découvert de canaux prolifiques dans les mâles ; et,

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dans la plupart des cas, le mâle n’introduit quoi que ce soit dans la femelle ; mais c’est au contraire la femelle qui introduit quelque chose dans le mâle, de bas en haut. On a pu observer le fait sur plusieurs espèces d’insectes ; et l’on a constaté, en outre, que le mâle monte sur la femelle. Il est vrai qu’on a constaté également tout le contraire sur quelques rares espèces, de telle sorte qu’on ne saurait établir par là des divisions en genres. § 9[63]. Du reste, cette différence de grosseur de la femelle au mâle se représente aussi dans la plupart des poissons, et même dans les quadrupèdes ovipares ; les femelles y sont plus grosses que les mâles, parce qu’elles peuvent ainsi mieux supporter le poids que les œufs produisent dans la gestation. Dans ces insectes encore, l’organe correspondant à la matrice est fendu près de l’intestin, comme chez tous les autres animaux ; et c’est là que se logent les embryons. C’est ce qu’on peut observer clairement sur les sauterelles, et sur ceux des insectes qui sont un peu gros et qui sont faits pour s’accoupler ; mais presque tous sont extrêmement petits.


CHAPITRE X

Du sperme et du lait, l’un et l’autre étant des parties similaires : tous les animaux qui ont du sang ont du sperme ; incertitudes pour les insectes et les mollusques ; part de la femelle dans l’acte de l’accouplement ; questions diverses à se poser sur le concours des deux sexes dans l’acte générateur ; question de savoir si le sperme vient de toutes les parties du corps ; quatre arguments en faveur de l’affirmative.


§ 1[64]. On vient de voir quels sont les organes de la génération chez les animaux dont il n’avait pas été question antérieurement ; mais nous avions aussi laissé de côté, parmi les éléments similaires, la liqueur séminale et le lait. Le moment est venu de nous en occuper ; nous traiterons dès maintenant de la semence, nous réservant d’en venir plus tard à étudier le lait.

§ 2[65]. Il est bien certain que tous les animaux auxquels la nature a donné du sang, émettent du sperme ; mais on ne sait pas précisément ce qu’il en est pour les insectes et pour les mollusques. Par conséquent,

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il faut rechercher si tous les mâles émettent ou n’émettent pas de liqueur séminale. Si tous sans distinction n’en émettent pas, il faut se demander pourquoi les uns en émettent, et pourquoi les autres n’en émettent point. § 3[66]. Il y aura en outre à rechercher si les femelles émettent ou n’émettent pas de liqueur séminale ; et si elles n’émettent pas de sperme ni rien qui y ressemble, en quoi elles concourent à la génération, en y apportant quelque chose qui n’est pas cependant spermatique. § 4[67]. Une autre question qu’il faudra étudier également, c’est de savoir quel concours les animaux qui émettent de la liqueur séminale apportent, par cette liqueur, dans la génération ; et crime manière générale, il faudra se rendre compte de la nature du sperme et de la nature particulière de ce qu’on appelle les menstrues, dans toutes les espèces d’animaux qui émettent ces liquides. § 5[68]. Comme il paraît bien que tous les animaux viennent de sperme,

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et comme les spermes viennent toujours des parents, c’est une même question de savoir si la femelle et le mâle émettent l’un et l’autre de la semence, ou s’il n’y a que l’un des deux qui en émette, et si le sperme vient de toutes les parties du corps, ou s’il ne vient pas de toutes ces parties. S’il ne vient pas du corps tout entier, la raison nous porte à croire qu’il ne vient pas non plus des deux parents à la fois.

§ 6[69]. Quelques naturalistes ayant prétendu que le sperme vient de toutes les parties du corps indistinctement, il faut examiner ce premier point avant les autres. Ici, il n’y a guère que quatre arguments à invoquer en faveur de cette théorie. En premier lieu, on allègue la violence du plaisir. La même sensation de plaisir est d’autant plus vive qu’elle est plus étendue ; et elle est d’autant plus étendue qu’elle se produit, non dans une seule partie ou dans quelques parties isolément, mais dans toutes sans exception. Un second argument, c’est que, de parents contrefaits,

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naissent des jeunes contrefaits. On suppose que le sperme ne peut pas venir de la partie qui est défectueuse, et qu’alors la partie d’où il n’en vient pas ne peut pas se reproduire. Un autre argument se tire de la ressemblance des jeunes à leurs parents ; car tantôt c’est par leurs corps entiers qu’ils ressemblent à leurs auteurs, ou bien ce sont simplement des parties qui ressemblent à des parties. Si c’est parce que le sperme vient du corps entier que le corps tout entier est ressemblant, il faut en conclure que c’est parce, qu’il vient aussi quoique chose de chacune des parties que les parties se ressemblent. Enfin, il paraît également rationnel de croire que, s’il y a quelque chose d’où vient primitivement le tout, il doit venir aussi quelque chose de chacune des parties, de telle sorte que, s’il y a du sperme pour le corps entier, il doit y avoir également un sperme particulier pour chacune des parties qui le composent.

§ 7[70]. On apporte encore d’autres preuves à l’appui de cette doctrine ; et ces preuves sont assez fortes. Ainsi, les enfants ressemblent à leurs parents, non seulement pour des choses congéniales, mais pour des choses

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tout à fait accidentelles. Les parents ayant des cicatrices, par exemple, on a vu de leurs enfants avoir la marque de la cicatrice dans les mêmes endroits du corps. A Chalcédoine, on a vu un père qui s’était fait tracer une lettre sur le bras, avoir un enfant chez qui la lettre s’était reproduite, quoique un peu confuse et un peu irrégulière.


CHAPITRE XI

Réfutation de la théorie qui fait venir le sperme de toutes les parties du corps ; la ressemblance des enfants aux parents n’est pas une preuve ; la femme d’Elis ; saut par-dessus une génération ; la ressemblance ne peut pas venir des parties similaires, pas plus que des parties non similaires ; si dans le sperme les parties sont séparées, elles ne peuvent pas vivre ; et si elles y sont combinées, l’animal est déjà tout formé ; erreur d’Empédocle ; différences de fonctions et de propriétés entre les parties similaires et les non-similaires : génération particulière de certains animaux qui ne viennent pas de congénères ; erreur d’Ànaxagore ; exemples tirés des plantes et de la reproduction par boutures ; exemples tirés des insectes, où l’intromission vient de la femelle et non du mâle ; la vivacité du plaisir que donne le rapprochement des sexes ne prouve pas davantage que le sperme vienne de tout le corps ; cause de ce plaisir ; les parents contrefaits n’ont pas toujours des enfants qui leur ressemblent ; le sperme n’a pas de sexe ; examen de la question de savoir quelle est la part de l’un et l’autre sexe dans l’acte de la génération.


§ 1[71]. Nous venons d’exposer presque tous les arguments principaux sur lesquels on s’appuie, quelquefois, pour soutenir que le sperme vient du corps tout entier ; mais en approfondissant la question, on se range plus volontiers à l’opinion contraire. Il est assez facile de répondre aux arguments qu’on avance, et de montrer, en outre, qu’il ressort de cette doctrine une foule d’impossibilités. § 2[72]. D’abord, la ressemblance n’est pas du tout une preuve que le sperme vient de tout le corps, puisque souvent les enfants ressemblent à leurs parents par la voix, les cheveux, les ongles, les gestes, d’où pourtant il ne vient rien de spermatique. Il est aussi bien des choses que les parents n’ont pas au moment où ils engendrent, par exemple, des cheveux gris ou de la barbe au menton. De plus, les enfants ressemblent parfois a des ancêtres, dont ils n’ont pourtant rien reçu ; car les ressemblances sautent parfois plusieurs générations. On cite l’exemple de la femme qui, a Elis, avait eu commerce avec un Ethiopien ; sa fille ne fut pas une Ethiopienne ; mais ce fut l’enfant de sa fille qui plus tard fut Ethiopien. § 3[73].

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On pourrait appliquer la même observation à des plantes ; car il est clair que, pour elles aussi, il faudrait que la semence vint de toutes les parties du végétal. Or, bien des plantes manquent de certaines parties ; et l’on peut leur en enlever d’autres qui repoussent. On ne peut pas soutenir non plus que la semence vienne de leur péricarpe ; et pourtant les péricarpes aussi se reproduisent dans la même forme.

§ 4[74]. On peut encore se demander si le sperme vient exclusivement de chacune des parties similaires, chair, os, nerf, ou bien s’il vient en outre des parties non similaires, visage, mains. Si le sperme ne vient que des parties similaires, on peut cependant remarquer que c’est par les parties non-similaires que les enfants ressemblent le plus aux parents, visage, mains et pieds. Si ces ressemblances ne peuvent pas tenir à ce que le sperme vient de tout le corps, qui empêche de croire que les ressemblances des autres parties ne tiennent pas davantage à cette cause particulière, mais à quelque cause différente ? § 5[75]. Si les ressemblances ne viennent que des parties non similaires,

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elles ne viennent donc plus de toutes les parties du corps. C’est néanmoins des parties similaires quelles devraient venir bien plutôt, puisque les parties similaires sont antérieures, et que les parties non similaires sont composées de celles-là. De même donc que les enfants ressemblent aux parents par la figure, par les mains, de même aussi ils devraient leur ressembler par la chair et par les ongles. § 6[76]. Si l’on admet que les ressemblances viennent tout à la fois des deux espèces de parties, quel est alors le mode de la génération ? Les parties non similaires sont formées de parties similaires, de telle sorte que sortir des unes ce serait aussi sortir des autres et de leur concours. Il en est absolument en ceci comme il en est du sens qui ressort et résulte d’un mot quelconque qu’on a écrit. S’il ressort quelque sens de ce mot entier, c’est qu’il doit sortir aussi quelque sens de chacune des syllabes qui le composent ; et c’est

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parce qu’un certain sens sort des syllabes, que quelque sens ressort aussi des lettres et de leur combinaison. § 7[77]. Par conséquent, puisque les chairs et les os sont formés de feu et d’éléments analogues, à plus forte raison pourrait-on dire que le sperme vient des éléments. Mais comment pourrait-il venir de leur combinaison ? Et cependant sans cette combinaison, il n’y a pas de ressemblance possible. Si plus tard quelque autre cause venait à produire la ressemblance, ce serait alors à cette nouvelle cause qu’il faudrait la rapporter, et non pas à ce que le sperme viendrait du corps tout entier.

§ 8[78]. Si les parties sont séparées dans le sperme, comment peuvent-elles y vivre ? Si elles y sont réunies, alors elles y forment déjà un petit animal. Puis, ensuite, que fait-on des parties venant des organes honteux ? On ne peut pas dire que ce soit pour elles

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la même chose qui sorte du mâle et de la femelle ; et si c’est de l’un et de l’autre tout entiers que le sperme sort, alors il y aura deux animaux, puisque l’animal aura toutes les parties des deux à la fois. § 9[79]. Si cette doctrine était vraie, Empédocle pourrait paraître d’accord avec cette opinion, du moins jusqu’à un certain point ; mais s’il faut par hasard en admettre une autre, Empédocle se trompe. Il croit en effet qu’il y a dans le mâle et la femelle une sorte de concours, et que la fonction parfaite et totale n’appartient complètement à aucun des deux. « La nature des organes, dit-il, est partagée ; et l’une est dans l’homme….. » Alors, pourquoi les femelles n’enfantent-elles pas à elles seules, si le sperme vient de tout le corps, et si le sperme a aussi un réceptacle dans la femelle ? § 10[80]. Mais autant qu’on peut le savoir, ou le sperme ne vient pas de tout le corps ; ou, du moins, il n’en vient pas de la façon qu’Empédocle le dit. Des éléments identiques ne sortent pas du mâle et de la femelle ; et voilà pourquoi il est besoin qu’ils se réunissent. Mais cette réunion même n’est pas possible dans le système d’Empédocle ; car ces parties, bien que toutes grandes, ne peuvent pas se conserver si elles sont isolées, ni avoir la vie à la manière dont Empédocle entend la création, quand il dit en parlant de l’Amour : « C’est ainsi que bien des têtes naquirent sans leur cou ; et qu’ensuite les membres se combinèrent » Il y a, dans toute cette théorie, une impossibilité manifeste. Sans âme et sans vie quelconque, de tels produits n’ont pu subsister ; pas plus qu’en les supposant animés, ils n’ont pu se réunir pour former de plusieurs êtres un seul être. § 11[81]. C’est bien là toutefois la même erreur que l’on commet en soutenant que le sperme vient de tout le corps, puisque le rôle que l’Amour joue sur la terre selon Empédocle, ceux-là le voient jouer par le sperme dans le corps entier. Toutefois, il est bien impossible que les parties naissent

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toutes continues, et qu’elles se réunissent ensuite toutes formées, en un seul et unique lieu. § 12[82]. D’autre part, on peut demander comment alors les parties de haut et de bas, les parties de droite et de gauche, les parties de devant et de derrière, peuvent se séparer et se distinguer. Dans tout ceci, il est bien impossible de comprendre quoi que ce soit. De plus, les parties différent les unes des autres, celles-ci par leur fonction, et celles-là par leurs propriétés. Les unes qui sont non similaires se définissent, parce qu’elles peuvent agir de certaine manière comme la langue et la main ; les autres, qui sont similaires, ont des propriétés diverses et fort distinctes entre elles. Le sang n’est pas sous tous les rapports uniquement du sang ; la chair n’est pas uniquement de la chair.

§ 13[83]. Il est donc évidemment impossible que ce qui provient des parties du corps porte le même nom que ces parties, et, par exemple, que ce qui vient du sang soit du sang et que ce qui vient de la chair soit de la chair. Mais s’il est certain que le sang provient de quelque chose qui n’est pas du sang, il est tout aussi clair que la cause de la ressemblance n’est pas celle qu’on indique, quand on soutient que le sperme vient de toutes les parties du corps. Il suffit de dire que le sperme ne vient que d’une seule de ces parties, puisque le sang ne vient pas du sang ; car alors pourquoi toutes choses sans distinction ne viendraient-elles pas d’une seule et unique chose ?

§ 14[84]. Cette théorie semble se rapprocher beaucoup de celle d’Anaxagore, qui prétend qu’aucune des parties similaires ne peut jamais naître. Seulement, Anaxagore applique cette théorie à toutes choses, tandis que les philosophes dont nous parlons ne l’appliquent

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qu’à la génération des animaux. Et puis, comment les particules qui viendraient de tout le corps pourraient-elles s’accroître et se développer ? Anaxagore a raison de dire que les chairs, grâce à la nourriture, viennent s’adjoindre aux chairs. Mais quand on n’est pas de cette opinion et qu’on soutient que le sperme vient de tout le corps, comment peut-on expliquer que la partie grandira par l’adjonction de quelque autre élément, si cet élément ajouté reste tel qu’il est ? § 15[85]. Mais, si cet élément ajouté est susceptible de changer, pourquoi ne pas admettre que le sperme est organisé de telle sorte qu’il puisse immédiatement produire du sang et des chairs, bien qu’il ne soit par lui-même ni de la chair ni du sang ? On ne peut pas même soutenir que c’est plus tard que l’être s’accroîtra par le mélange, comme le vin s’accroît quand on y verse de l’eau, puisque c’est surtout au début que le sang, qui est à ce moment tout à fait sans mélange, représente chaque partie du corps. Mais, dans l’état actuel des choses, c’est plutôt postérieurement qu’il devient chair, os, ou chacune des autres parties du corps. Du reste, supposer qu’une particule du sperme est le nerf, une autre partie l’os, c’est là une théorie qui dépasse trop notre intelligence pour que nous la discutions.

§ 16[86]. Il faut encore se demander si les deux sexes femelle et mâle diffèrent l’un de l’autre dès la conception, comme le veut Empédocle, quand il dit : « Ils furent versés dans des éléments purs ; et rencontrant du froid, ils devinrent des femmes. » On voit cependant les femmes et les hommes changer également, en ce sens qu’ils deviennent féconds d’inféconds qu’ils étaient, et qu’ils ont des enfants mâles, après avoir eu des enfants du sexe féminin. Dès lors, la cause n’en est pas que le sperme vient de tout le corps ; mais elle tient à ce que le fluide qui vient de la femme et du

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mari a ou n’a pas la proportion convenable ; ou, peut-être est-ce encore quelque autre cause analogue à celle-là. § 17[87]. Il est donc bien évident, si nous admettons cette théorie, que le produit femelle ne vient pas de quelque élément d’où il sortirait, pas plus que l’organe spécial que possèdent le mâle et la femelle, puisque le même sperme peut indifféremment devenir femelle ou mâle, et qu’il n’y a pas dans le sperme de partie spéciale pour l’un des deux sexes. Mais, quelle différence peut-il y avoir à dire cela de cette partie et à le dire de toutes les autres ? Car si le sperme ne vient pas de la matrice, cette même assertion peut s’appliquer à toutes les autres parties également.

§ 18[88]. Il y a, en outre, des animaux qui ne viennent que congénères, ni même d’un genre différent du leur, les mouches, par exemple, et les espèces appelées des psylles (pucerons). Il en sort bien des animaux, mais

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dont la nature n’a rien qui leur ressemble ; c’est une sorte de larves. Il est bien clair que ces êtres hétérogènes ne viennent pas d’un sperme sortant de toutes les parties du corps, sans distinction ; car ils seraient semblables, si la ressemblance est une preuve que le sperme vient de tout le corps. § 19[89]. Un autre argument, c’est qu’il y a des animaux où il suffit d’un seul rapprochement pour produire un grand nombre d’êtres. C’est tout à fait le cas des plantes ; car on peut voir, pour les végétaux, qu’il suffit d’un seul mouvement pour qu’ils portent tout leur fruit annuel. Et comment cette multiple fécondation serait-elle possible si la semence venait de tout le corps ? Nécessairement, il

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n’y a qu’une seule séparation de possible, à la suite d’un seul rapprochement, et d’une seule sécrétion. Mais il est bien impossible que cette séparation se fasse dans les matrices ; car alors ce ne serait plus là se séparer du sperme ; mais ce serait comme se séparer d’une jeune plante ou d’un jeune animal. § 20[90]. Ajoutons que les marcottes prises sur la plante portent aussi de la semence ; et que, par conséquent, il est évident qu’avant même d’être détachées, elles portaient un fruit de la même grandeur, et que la semence ne venait pas de la plante tout entière.

§ 21[91]. Mais c’est surtout des insectes que nous pouvons tirer la preuve la plus satisfaisante que le sperme ne provient pas de tout le corps. Ainsi, dans la plupart des insectes, si ce n’est dans tous, la femelle, lors de l’accouplement, introduit une partie d’elle-même dans le mâle ; et l’accouplement se fait de la manière que nous avons antérieurement expliquée ; les parties d’en bas s’introduisent dans celles d’en haut, si ce n’est chez tous les insectes, du moins dans le plus grand nombre de ceux qu’on a pu observer. Il en résulte évidemment que, pour tous les mâles qui émettent quelque semence, la cause de la génération n’est pas que le sperme vient de tout le corps ; mais la génération tient à une autre cause, que nous aurons à étudier plus tard, puisque, si en effet le sperme venait de tout le corps, comme on le prétend, ceci ne voudrait pas dire encore qu’il doit sortir de toutes les parties, mais seulement de ce qui est vraiment formateur, de même que l’œuvre vient du maçon et non pas de la matière qu’il emploie. Ceci est tout aussi déraisonnable que si l’on jugeait de la ressemblance d’après la chaussure que le fils peut porter, toute pareille à celle que porte son père.

§ 22[92]. Quant au plaisir extrême que cause le rapprochement des deux sexes, il ne tient pas à ce que le sperme vienne du corps tout entier, mais uniquement à ce que l’excitation est très vive. Cela est si vrai que, si ce rapprochement est trop fréquent, le plaisir

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qu’on y trouve en s’y livrant, devient beaucoup plus faible. C’est surtout à la fin du rapprochement que cette jouissance se fait sentir le plus vivement ; et il faudrait, si ce système était vrai, qu’on la ressentit dans chacune des parties du corps successivement et non tout à la fois, dans les unes d’abord, et dans les autres ensuite.

§ 23[93]. Que de parents contrefaits viennent des enfants contrefaits, c’est la même cause qui fait les ressemblances des enfants avec leurs auteurs. De parents qui sont contrefaits, viennent des enfants qui ne le sont pas, comme il y a des enfants qui ne ressemblent pas du tout à leurs parents. Nous expliquerons plus tard à quoi tient cette différence ; car, au fond, cette question est la même de part et d’autre. Enfin, si la femelle n’a pas de sperme, on peut affirmer par le même motif que le sperme ne vient pas de tout le corps ; et réciproquement, si le sperme ne vient pas du corps tout entier, il n’y a rien qui empêche la raison de croire qu’il ne vient pas non plus de sperme de la femelle, et que la femelle participe à la génération d’une autre manière. C’est là le point que nous allons examiner, à la suite de ce qui précède, puisqu’il est

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maintenant évident que le sperme n’est pas sécrété de toutes les parties du corps.


CHAPITRE XII

Etude particulière de la nature du sperme, pour savoir quelle est son action ; sens divers donnés à cette expression qu’une chose vient d’une autre ; citation d’Epicharme ; sens dans lequel on peut dire que tous les êtres viennent de semence ; définition du sperme dans les espèces où il y a deux sexes ; différence de l’excrétion, qui est naturelle, et de la concrétion, qui est contre nature ; le sperme n’est pas l’un des deux ; il n’est pas une concrétion contre nature, comme l’ont cru les Anciens ; c’est une excrétion de la portion utile des aliments ; preuves à l’appui de cette théorie ; l’acte de l’accouplement est toujours suivi d’un affaiblissement et d’une détente ; il n’y a pas de sperme dans le premier âge ni dans la vieillesse ; différences dans la quantité du sperme selon les individus et selon les espèces ; influence de la santé et de la maladie ; l’excès de nourriture diminue la sécrétion spermatique ; élaboration morbide du sperme ; les gens trop gras sont généralement inféconds ; maladies que cause l’écoulement du sperme se confondant avec l’urine ; le canal est le même pour l’expulsion de l’urine et celle du sperme ; l’émission régulière est un soulagement.


§ 1[94]. Le premier point à éclaircir, pour cette étude et pour celles qui vont suivre, c’est de savoir ce qu’est le sperme ; une fois ce point fixé, nous pourrons

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beaucoup mieux comprendre son action et tous les phénomènes qui s’y rapportent. On peut bien dire que la nature du sperme est telle qu’il est le premier élément d’où sortent tous les êtres que la Nature compose. Mais ce n’est pas de lui que provient ce qui les fait ; et, par exemple, ce n’est pas le sperme qui fait l’homme, puisque c’est de l’homme au contraire que vient le sperme. § 2[95]. D’ailleurs, il y a bien des sens à cette expression qu’une chose vient d’une autre chose. Un de ces sens divers, c’est celui où nous disons que du jour vient la nuit, ou que l’homme vient de l’enfant. Ceci veut dire simplement qu’une chose vient après une autre chose. Un second sens, c’est quand nous disons que la statue vient de l’airain, ou que le lit vient du bois, ne voulant dire, dans toutes ces expressions,

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que ceci, à savoir que les choses produites viennent de la matière qui les compose, et qui est considérée comme subsistant dans l’objet, et y recevant une forme qui le complète et en fait un tout. Un troisième sens, c’est quand on dit que, de savant, on devient ignorant, que de bien portant on devient malade. Dans ce cas et d’une manière générale, c’est dire que le contraire vient du contraire. Enfin, outre ces sens différents, il y en a encore un qu’on pourrait appeler avec Epicharme la superstruction, comme lorsqu’on dit que de la médisance vient l’outrage, et que de l’outrage vient la rixe. Cela revient alors à dire que, dans ce cas, le principe du mouvement vient de telle ou telle chose. § 3[96]. Dans quelques-unes

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de ces expressions, on sous-entend que le principe du mouvement est dans les agents eux-mêmes, comme dans les derniers exemples que l’on vient de citer, puisque la médisance fait bien aussi partie de tout le désordre qu’elle cause. Dans quelques autres de ces expressions, l’agent est en dehors de l’objet ; ainsi, l’art est en dehors des produits qu’il crée, la lampe est extérieure à la maison où elle met le feu.

§ 4[97]. Il est évident que le sperme doit être dans une de ces deux conditions indiquées : ou l’être produit doit venir de lui comme matière ; ou bien, comme principe du mouvement initial. Le sperme n’est pas simplement la succession d’une chose venant après une autre, comme le voyage à Délos vient après les Panathénées. Le sperme n’est pas non plus un contraire venant du contraire ; car le contraire ne vient de son contraire qu’en le remplaçant et en le supprimant ; et il faut alors supposer quelque chose de préexistant d’où sortira le contraire oppose. § 5[98]. Des deux sens que nous venons de citer, quel est celui qui doit s’appliquer au sperme ? Ainsi, faut-il le considérer comme matière et comme passif ? Ou bien faut-il, au contraire, le considérer comme forme et comme actif ? Ou bien encore, a-t-il ces deux caractères à la fois ? Peut-être cette discussion nous apprendra-t-elle encore comment la génération se produit par des contraires, dans tous les êtres qui viennent de sperme ; car la génération provenant des contraires est aussi dans la nature, puisque tantôt les êtres viennent des contraires, le mâle et la femelle ; et que tantôt ils viennent d’un seul être, comme en viennent les plantes, et comme en viennent certains animaux, où il n’y a pas de distinction, ni d’isolement, du mâle et de la femelle.

§ 6[99]. On peut donc définir le sperme, ou la semence, en disant qu’il est ce qui sort de l’être qui engendre, chez toutes les espèces d’animaux où la nature a fait un accouplement. C’est le primitif du mouvement de la génération ; et alors, le sperme est ce qui contient les principes venus des deux êtres qui se sont accouplés, comme sont les plantes et quelques animaux où les sexes femelle et mâle ne sont pas séparés. C’est ainsi que le premier mélange de la femelle et du mâle forme une sorte d’embryon ou d’œuf, contenant

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déjà l’un et l’autre ce qui vient des deux êtres à la fois.

§ 7[100]. Mais le sperme et le fruit qui en vient diffèrent entre eux par la postériorité et l’antériorité. Ainsi, le fruit est fruit parce qu’il vient d’une autre chose, tandis que le sperme est sperme parce qu’il en vient un autre être que celui d’où il sort, bien qu’au fond tous deux soient la même chose. § 8[101]. Mais, on peut encore voir plus précisément ce qu’est la nature première du sperme, dont on parle ici. Ainsi, il y a nécessité que tout ce que nous pouvons observer dans le corps fasse partie des éléments naturels, et alors cette partie est non similaire ou similaire ; ou bien la chose observée est contre nature, tels qu’abcès, excrément, concrétion, ou nourriture quelconque. Par excrément, j’entends le résidu des aliments ; et par concrétion, le

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produit sécrété par accroissement d’une élaboration contre nature. § 9[102]. D’abord, il est évident que le sperme ne peut pas être une partie du corps ; car il est similaire ; et du sperme, il ne vient aucun organe qui ressemble à ce que produisent le nerf et la chair. De plus, le sperme n’est pas isolé ; et toutes les autres parties le sont. On ne peut pas dire non plus qu’il soit un produit contre nature, pas plus qu’on ne peut dire qu’il est le résultat d’une infirmité, puisqu’il se trouve dans tous les êtres, et que c’est de lui que provient leur propagation naturelle. Quant à la nourriture, elle vient évidemment de l’extérieur, où l’être la puise. Reste donc nécessairement que le sperme ne puisse être que concrétion ou excrétion.

§ 10[103]. Il semble bien que les Anciens l’ont regardé comme une concrétion ; car dire que le sperme vient de tout le corps par la chaleur que provoque le mouvement,

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cela revient à dire qu’il a la faculté de se concréter. Or, la concrétion est un résultat contre nature, et jamais de ce qui est contre nature ne peut sortir quelque chose de naturel. Il faut donc de toute nécessité que le sperme soit une excrétion. Mais tout produit excrémentiel vient, ou d’une nourriture qui ne peut plus être employée, ou d’une nourriture qui peut encore être utilisée. J’entends par nourriture inutile celle qui ne peut plus contribuer à l’accroissement de l’organisme naturel, ou qui, employée en excès, lui est plutôt nuisible ; et j’entends, par nourriture utile, celle qui produit des effets contraires à ceux-là. § 11[104]. Evidemment, le sperme ne saurait être un excrément inutile, puisque les êtres qui souffrent soit par l’âge, soit par la maladie, ou par complexion spéciale, ont beaucoup d’excrément inutile, et qu’ils ont très peu de sperme. Ils peuvent même n’en avoir pas du tout ; ou bien, celui qu’ils ont n’est pas fécond, parce qu’il s’y mêle d’autres excrétions inutiles et morbides. Donc, le sperme ne peut être que le résultat d’une excrétion utile. § 12[105].

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Mais ce qu’il y a de plus utile, dans la sécrétion, c’est le produit dernier, celui d’où doivent enfin se composer chacune des parties du corps. Or, il y a une excrétion antérieure et une excrétion postérieure. L’excrétion de la première nourriture, c’est le phlegme, ou tel autre produit analogue ; et, ainsi, le phlegme est une excrétion de la nourriture utile. La preuve, c’est que, mêlé à de la nourriture pure, il nourrit le corps, et qu’il est absorbé dans les maladies. Mais, le résidu dernier de la nourriture la plus abondante est toujours en très petite quantité.

§ 13[106]. Ici, il faut se rappeler comment les animaux et les plantes s’accroissent par la petite addition que chaque jour leur apporte ; or, cette addition, toujours la même, pourrait, quelque minime qu’elle soit, leur donner à la fin une grandeur démesurée. Il faut donc à ce point de vue dire tout le contraire de ce que disaient les anciens ; ils croyaient que le sperme est ce qui vient du corps tout entier ; nous, à l’opposé, nous dirons que le sperme est ce qui va dans tout le corps. Ils le prenaient pour une concrétion ; nous y verrons bien plutôt une excrétion surabondante. Il est plus rationnel de supposer que ce qui devient semblable, c’est le dernier produit obtenu et la partie qui surabonde ; de même que les peintres n’obtiennent souvent la ressemblance du portrait qu’ils font, qu’après avoir essayé et perdu bien des esquisses. § 14[107]. Toute concrétion détruit ce qui la précède, et s’écarte de la nature propre de l’objet. Ce qui prouve bien que le sperme n’est pas une concrétion, et qu’il est plutôt une excrétion, c’est que les grands animaux ne produisent que peu de jeunes, tandis que les petits animaux en produisent énormément. Or, dans les grands animaux, il y a nécessairement plus de concrétion ; et il y a beaucoup moins de sécrétion, attendu que, le corps étant très gros, la plus grande partie de la nourriture est employée à son usage et qu’il reste fort peu d’excrétion à expulser.

§ 15[108]. Nous remarquons en outre que la nature n’a pas assigné de lieu spécial à la concrétion, mais que la concrétion s’écoule et se forme là où dans le corps elle trouve la voie la plus facile. Au contraire, toutes les excrétions ont un lieu qui est parfaitement déterminé par la nature : le ventre d’en bas, pour l’excrément de la nourriture solide ; la vessie, pour l’excrément liquide ; l’estomac d’en haut, pour la nourriture à employer ; les matrices, les verges, les mamelles,

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pour les excrétions spermatiques ; car c’est dans tous ces lieux que les sécrétions s’accumulent et s’écoulent.

§ 16[109]. Tous ces phénomènes attestent bien que le sperme est ce que nous venons de dire ; et si ces phénomènes se produisent comme nous le voyons, c’est que la nature de cette sécrétion est bien telle que nous l’expliquons. Il suffit que la moindre partie du sperme s’échappe du corps pour que l’affaiblissement soit manifeste, comme si les corps étaient alors privés du résultat pour lequel la nourriture est faite. Cependant il y a quelques individus en pleine vigueur chez lesquels l’émission du sperme, quand il surabonde, produit, pour peu de temps, un soulagement réel, comme si la nourriture première était en eux excessive et surabondante ; car lorsqu’elle sort, les corps ne s’en portent que mieux. § 17[110]. Ce soulagement se produit encore quand d’autres excrétions que le sperme sortent avec lui ; car le sperme n’est pas seul quand il vient à sortir du corps ; mais bien d’autres forces mêlées à la sienne sortent en même temps que lui. Or ces forces sont morbides ; et de là vient que, chez quelques individus, l’émission qu’ils rejettent est assez souvent inféconde, parce qu’elle a trop peu de parties spermatiques. Mais chez la plupart des animaux et dans la plupart des cas ordinaires, la suite de l’acte vénérien est bien plutôt un relâchement et une faiblesse, par la raison que nous venons d’en donner.

§ 18[111]. C’est encore là ce qui fait qu’il n’y a de sperme, ni dans le premier âge, ni dans la vieillesse, ni dans les temps de maladie, parce que l’on est alors accablé de faiblesse par la souffrance, parce que, dans la vieillesse, la nature n’a plus la coction suffisante, et que, dans la jeunesse, toute la nourriture est employée uniquement à la croissance, qui est le plus pressant besoin ; car c’est dans les cinq premières années de la vie que, chez l’homme, le corps gagne à peu près la moitié de la grandeur totale qu’il doit avoir pour le reste de ses jours.

§ 19[112]. Il y a d’ailleurs, en ce qui concerne le sperme, des différences d’espèce à espèce, soit pour bon nombre d’animaux, soit pour les plantes. Il y en a de non moins grandes dans la même espèce, pour des êtres homogènes, d’un individu à un autre individu, par exemple d’un homme à un homme, d’une vigne à une vigne, etc. Car tantôt la semence est abondante ; tantôt il n’y en a que très peu ; parfois même, il n’y en a pas du tout. § 20[113]. Ce n’est pas toujours par faiblesse, et c’est même quelquefois par une cause tout opposée. Des gens d’ailleurs bien constitués, mais prenant trop de chair ou trop de graisse, émettent moins de sperme et ont moins de besoins sexuels. C’est la même observation qu’on peut faire sur les ceps de vigne, qui s’emportent par suite d’une nourriture trop abondante, et qui ne donnent presque

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rien, comme les boucs qui, en devenant trop gras, sont aussi moins prolifiques. On retranche ces ceps pour soulager la vigne, dont on dit qu’elle fait le bouc, à cause de la disposition particulière du bouc quand il prend trop de graisse. § 21[114]. De même, on remarque que les femmes et les hommes qui engraissent trop, deviennent moins féconds que les gens qui n’engraissent pas, parce que la sécrétion qui se cuit chez des gens si bien nourris tourne à une graisse excessive, la graisse n’étant qu’une sécrétion de pleine santé, résultat d’une trop bonne nourriture. D’autres fois, il n’y a pas du tout de semence, comme, dans les végétaux, pour le saule et le peuplier. Les deux causes qu’on vient de dire peuvent déterminer également

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cette disposition : ou la coction n’a pas lieu par impuissance ; ou, au contraire, la sécrétion fonctionne avec trop de puissance et d’énergie. § 22[115]. De même, il se forme beaucoup de graines et beaucoup de sperme, tantôt par excès de force, et tantôt par faiblesse. Il se forme alors une excrétion surabondante et inutile qui se mêle au sperme ; et cette organisation dégénère parfois en une véritable maladie, quand l’évacuation ne s’en fait pas assez régulièrement. Quelques malades en guérissent ; mais il en est d’autres aussi qui en meurent ; et le dépérissement a lieu comme si le sperme se tournait en urine, maladie qui s’est déjà présentée chez plusieurs personnes.

§ 23[116]. Le canal est le même, soit pour l’excrétion urinaire, soit pour le sperme ; et chez les animaux qui ont les deux sortes d’excréments de la nourriture liquide et de la nourriture sèche, là où passe l’expulsion du liquide, là passe également l’expulsion de la liqueur séminale, qui n’est non plus qu’une excrétion de liquide ; car la nourriture de tous les animaux est plutôt liquide que solide ; et là où elle n’est pas liquide, elle le devient par l’expulsion du résidu sec. La concrétion est toujours une maladie, tandis que l’expulsion d’un excrément fait toujours grand bien. L’excrétion du sperme tient des deux, puisqu’il entraîne quelque chose de la nourriture qui n’est plus utile ; s’il n’était qu’une concrétion, il serait toujours nuisible ; mais il n’a pas actuellement cette action fâcheuse.


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CHAPITRE XIII

De la nature de la liqueur séminale ; du concours de la femelle dans l’acte de la génération : le sperme est une sécrétion particulière du sang, qui vient lui-même de la nourriture ; émission de sperme sanguinolent, par suite d’excès vénériens ; action puissante du sperme : obscurité de cette question ; les menstrues dans les femelles vivipares sont analogues au sperme dans les mâles ; similitude des phénomènes dans l’homme et dans la femme ; phénomènes particuliers aux femmes ; elles n’émettent pas de liqueur spermatique dans la cohabitation ; preuves diverses à l’appui de cette observation ; circonstances spéciales où les femmes peuvent ou ne peuvent pas concevoir ; rapports de l’écoulement des menstrues à la conception ; exceptions remarquables ; les cas les plus fréquents sont aussi les plus conformes à l’ordre de la nature.


§ 1[117]. De ce qui précède, il ressort évidemment que le sperme est une excrétion venant de la nourriture utile, élaborée à son dernier degré de perfection, soit que d’ailleurs tous les animaux émettent du sperme, soit qu’ils n’en émettent pas tous. Après ces considérations, il reste à déterminer de quelle espèce de nourriture le sperme est la sécrétion, et aussi à expliquer ce que sont les menstrues, puisqu’il y a des espèces de vivipares chez lesquelles les menstrues se manifestent. § 2[118]. Ceci nous fera voir également, pour la

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femelle, si elle émet du sperme comme le mâle en émet, et si le produit qui vient des deux spermes en est un mélange ; ou bien s’il ne provient aucun sperme de la femelle. S’il est reconnu que la femelle n’émet pas de sperme, il faudra nous demander si elle ne concourt pas en une autre manière à la génération, et si elle ne fait qu’en fournir le lieu ; ou si, au contraire, elle contribue pour sa part à la génération. Enfin, ceci admis, il faudra savoir quelle est cette part, et de quelle manière la femelle la donne.

§ 3[119]. Antérieurement, nous avons dit que, dans les animaux qui ont du sang, c’est le sang qui est la nourriture définitive, et que, dans les animaux qui n’ont pas de sang, c’est la partie qui y correspond. Mais comme la semence génératrice est l’excrétion de la nourriture et de la nourriture finale, le sperme ne peut

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qu’être, ou du sang, ou l’analogue du sang, ou quelque produit venant du sang et de la nourriture. § 4[120]. D’un autre côté, comme c’est du sang recuit et divisé de certaine façon que se forme chacun des organes du corps, et comme le sperme élaboré se sépare bien autrement du sang que lorsqu’il n’est pas recuit, et comme quand on pousse à l’excès le plus violent l’usage du sexe, le sperme sort quelquefois tout sanguinolent, on peut en conclure que le sperme est une sécrétion de la nourriture sanguine et définitive, qui s’est répandue jusque dans les dernières parties du corps. § 5[121]. C’est là ce qui donne au sperme son action si puissante ; car l’expulsion du sang le plus pur et le plus sain ne peut que détendre et épuiser l’animal. La raison comprend dès lors très bien aussi comment les rejetons ressemblent aux parents qui les ont engendrés ; car ce qui se rend aux divers organes est tout à fait pareil à ce qui reste dans le corps. De cette sorte, le sperme qui vient de la main, ou du

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visage ou de tout l’animal est indistinctement la main, ou le visage, ou l’animal entier ; et l’on peut dire que ce que chacune de ces parties est en réalité, le sperme l’est en puissance, ou selon sa propre masse, ou selon la force quelconque qu’il a en lui-même. § 6[122]. C’est qu’en effet, d’après les discussions précédentes, nous ne voyons pas encore très nettement si c’est le corps même du sperme qui est cause de la génération, ou s’il a une qualité particulière, et s’il contient un principe de mouvement générateur. En effet, ni la main ni aucune autre partie du corps ne peut, sans une force vitale ou telle autre force, être une main ni aucune partie du corps ; et elle n’en a que le nom par simple homonymie.

§ 7[123]. Il est clair aussi que, dans tous les animaux où il y a une concrétion spermatique, le sperme n’en est pas

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moins une excrétion. Cet effet se produit quand il y a une dissolution en l’élément qui survient, comme la couche superficielle d’un enduit disparaît sur-le-champ ; alors ce qui s’en va est entièrement semblable à la première addition qu’on avait faite. C’est absolument de même que la sécrétion dernière est pareille à la première concrétion. Mais sur ce point, ce que nous venons de dire doit nous suffire.

§ 8[124]. Il est nécessaire que l’être qui est le plus faible ait une excrétion plus abondante et moins mûrie ; et quand il en est ainsi, la quantité de liquide sanguin doit aussi être considérable. On doit entendre par Plus faible ce qui par sa nature a moins de chaleur ; et nous avons vu antérieurement que telle est l’organisation de la femelle. Il s’ensuit que la division sanguine qui se fait dans la femelle doit de même être un excrément ; et c’est là précisément l’expulsion qu’on appelle les menstrues. § 9[125]. Il en résulte évidemment que les menstrues ne sont qu’une excrétion, et que les menstrues dans la femelle sont tout à fait analogues à ce que la liqueur séminale est dans le mâle. C’est ce que nous démontrent les phénomènes qui se rat-tachent aux évacuations menstruelles. Ainsi, c’est au même âge où le sperme vient à se produire et s’élabore dans les mâles, que les mois font éruption chez les femelles. C’est au même âge encore que la voix mue, et que se produisent les mouvements qui ont lieu dans les mamelles. C’est encore vers la fin des mêmes périodes que, chez les uns, cesse la puissance d’engendrer, et que les menstrues cessent chez les autres.

§ 10[126]. Voici d’autres preuves nouvelles qui démontrent

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que cette sécrétion chez les femelles n’est que l’expulsion d’un excrément. Le plus souvent les femmes n’ont ni hémorrhoïdes, ni saignement de nez, ni aucune affection de ce genre, tant que leurs mois ne s’arrêtent pas ; et quand il leur survient quelque affection de ce genre, leurs purgations mensuelles deviennent moins complètes, comme si la sécrétion ordinaire s’était changée en ces flux irréguliers. § 11[127]. Les femmes ont aussi des veines moins prononcées que celles des hommes. Les femelles sont plus potelées et moins velues que les mâles, parce que la sécrétion qui devrait produire ces effets dans le corps passe dans les menstrues. C’est là aussi sans doute ce qui fait que, dans les vivipares, les dimensions du corps sont moins fortes chez les femelles que chez les mâles. Ce n’est en effet que dans les vivipares qu’on observe l’éruption extérieure des menstrues ; et le phénomène est surtout manifeste chez les femmes ; car les femmes ont l’évacuation la plus abondante comparativement au reste des animaux. Aussi, les femelles sont-elles toujours moins colorées que les mâles ; leurs veines sont moins marquées ; et toute la complexion de leur corps est au-dessous de celle des mâles. Ce sont là des faits de toute évidence.

§ 12[128]. Puisque le fluide qui se produit chez les femelles correspond à la liqueur génératrice chez les mâles, et qu’il n’est pas possible que deux sécrétions spermatiques aient lieu en même temps, il est clair que, dans l’acte de la génération, la femelle n’apporte pas de sperme. Si elle avait du sperme, elle n’aurait pas de menstrues ; et puisque dans l’état actuel, elle a des menstrues, c’est qu’elle n’a pas de sperme. C’est là ce qui nous a fait dire que, comme le sperme, les menstrues sont une excrétion. § 13[129]. Ce qui peut encore le faire croire, ce sont quelques phénomènes qu’on observe sur les autres animaux. Ainsi, les animaux gras ont moins de sperme que ceux qui ne sont pas gras, comme nous l’avons déjà dit. La cause en est que la graisse est une excrétion tout aussi bien que le sperme ; et qu’elle est comme lui du sang recuit ; seulement, la forme de l’élaboration n’est pas la même que pour le sperme. Il est tout simple que, l’excrétion étant employée à produire de la graisse, il en reste beaucoup moins pour la semence génitale, de même que, parmi les animaux dépourvus de sang, ce sont les mollusques et les crustacés qui ont les pontes les plus abondantes ; car, étant exsangues et ne faisant pas dégraisse, ce qui chez eux correspond à la graisse se tourne en sécrétion spermatique.

§ 14[130]. D’autre part, ce qui démontre bien précisément que la femelle n’émet pas de sperme comme le mâle, et que l’embryon ne se produit pas du mélange des deux, ainsi qu’on le prétend quelquefois, c’est que souvent la femme conçoit sans avoir éprouvé le moindre plaisir dans la copulation ; et qu’à l’inverse la sensation ayant été éprouvée tout aussi vivement, et l’homme et la femme ayant fourni la même course, il n’y a pas cependant de génération, si l’écoulement de ce qu’on appelle les menstrues n’a pas eu lieu d’une façon régulière et proportionnée. La femme ne conçoit pas quand elle n’a pas de mois ; mais même quand elle en a, la conception n’a pas lieu tant que l’écoulement continue ; et ce n’est qu’après l’évacuation que la conception est possible, dans la plupart des cas. § 15[131]. C’est que, dans le premier cas, la force qui vient de l’homme et qui est dans le sperme ne trouve, ni la nourriture ni la matière nécessaires à la constitution de l’animal ; et, dans le second cas, cette force est submergée par la quantité de flux mensuel. Mais quand ce flux est tout à fait passé, après avoir eu lieu, ce qui reste se constitue. § 16[132]. Il y a des femmes qui conçoivent sans avoir leurs mois, ou bien qui conçoivent pendant l’évacuation et ne conçoivent plus après. Cela tient à ce que, chez les unes, l’écoulement est assez abondant pour qu’il en reste encore, même après l’évacuation mensuelle, autant qu’il en faut chez les femmes fécondes, bien que la sécrétion ne soit pas

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assez forte pour se montrer au dehors, tandis que, chez les autres, l’ouverture des matrices se referme après que l’évacuation a eu lieu. Lorsque l’expulsion a été considérable, et que l’évacuation dure encore, sans être assez forte pour entraîner le sperme dans le flux extérieur, un rapprochement produit la conception. § 17[133]. D’ailleurs, il n’y a pas à s’étonner que les menstrues coulent encore après que la conception a eu lieu ; car, si elles coulent pendant quelque temps après, ce n’est qu’en petite quantité, et elles ne durent pas tout le temps ordinaire, c’est là une disposition morbide que peu de femmes éprouvent et qu’elles éprouvent rarement. Les dispositions les plus ordinaires sont aussi les plus conformes à la nature.


CHAPITRE XIV

Erreur de quelques naturalistes sur la part de la femme dans la génération ; la femme n’émet pas de liqueur séminale ; arguments divers contre cette erreur ; le plaisir, les enfants, les hommes impuissants ; action spéciale des menstrues ; leur répartition dans les différentes classes d’animaux ; citation de l’Histoire des Animaux ; abondance des menstrues et du sperme dans l’espèce humaine, plus grande que dans aucune autre espèce ; rapports nombreux du sperme et des menstrues ; effets de la séparation des sexes ; détermination plus précise de la part respective du mâle et de la femelle ; le mâle est le principe moteur et l’agent ; la femelle donne la matière, et elle est passive ; les faits observés sont d’accord avec la théorie générale, qui se tire de la raison.


§ 1[134]. Jusqu’ici, deux choses sont évidentes : l’une, c’est que, dans le fait de la génération, la femelle fournit la matière, et que cette matière consiste dans la composition des menstrues ; et l’autre, que les menstrues sont une excrétion. § 2[135]. Si quelques naturalistes ont pensé que la femme émet de la semence dans la copulation, par ce motif que parfois les femmes éprouvent autant de plaisir que les hommes et qu’elles émettent une excrétion liquide, c’est là une erreur. Ce liquide n’a rien de spermatique ; et c’est le fluide spécial de cet organe chez quelques femmes. Les matrices ont une sécrétion particulière, qui a lieu chez telles femmes et qui n’a pas lieu chez telles autres. Celles qui ont la peau blanche et qui sont plus efféminées ont presque toutes cette sécrétion, tandis que les brunes et celles qui ont une forme virile n’y sont pas sujettes. § 3[136]. Dans les femmes qui émettent ce liquide, la quantité n’est pas celle du sperme ; mais elle est parfois beaucoup plus forte. Les aliments ont aussi une influence décisive sur la quantité de la sécrétion, qui est plus ou moins abondante selon les individus ; l’action des aliments de haut goût produit manifestement cette augmentation du fluide sécrété. § 4[137]. Quant au plaisir que provoque la cohabitation, il ne tient pas uniquement à l’émission du sperme, mais encore à la suspension du souffle, qui s’accumule au moment où le sperme sort. C’est ce qu’on peut observer chez les enfants, qui ne peuvent pas encore rien émettre, mais qui approchent de cet âge, et aussi chez les hommes qui n’ont pas de semence ; ils éprouvent tous du plaisir par l’attouchement des organes. Parfois, quand ce sont des hommes adultes qui ont perdu la faculté génératrice, le ventre se dérange, parce que l’excrétion, qui ne peut pas mûrir et devenir du sperme, s’épanche dans le ventre. § 5[138]. L’enfant a presque la figure d’une femme, et la femme ressemble à un homme qui n’engendre plus ; elle est frappée d’une sorte d’impuissance, qui consiste à ne pouvoir mûrir le sperme provenant de la dernière élaboration de la nourriture. Or, ce produit

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extrême, c’est le sang, ou la partie correspondante dans les animaux exsangues. Cette Impuissance tient dans la femme à la froideur de sa nature. De même donc que la diarrhée provient de la coction imparfaite dans les intestins, de même c’est une insuffisance pareille dans les veines qui produit les autres flux hémorroïdaux et cette hémorroïde particulière qu’on appelle les menstrues. Seulement, les hémorroïdes ordinaires sont une maladie, tandis que celle-là est très naturelle.

§ 6[139]. On comprend donc fort bien que la génération puisse venir des menstrues, et la raison le voit avec évidence. Les menstrues sont un sperme qui n’est pas tout à fait pur et qui a encore besoin d’élaboration ; comme on peut l’observer dans la production des fruits, lorsque la nourriture existe bien, mais n’est pas encore tout a fait filtrée et qu’elle a besoin d’être élaborée pour se purifier davantage. Aussi, se mêlant a la liqueur séminale, et celle-ci se mêlant à la nourriture épurée, l’une engendre, et l’autre nourrit. § 7[140]. Ce qui montre bien encore que les femmes n’émettent pas de sperme, c’est que, dans la copulation, elles éprouvent du plaisir à être touchées dans le même endroit où les hommes en éprouvent également, bien qu’il n’y ait pas alors une émission liquide. § 8[141]. Il faut ajouter que cette sorte d’excrétion ne se produit pas chez toutes les femelles ; mais seulement dans les espèces qui ont du sang, et pas même dans toutes ces espèces, mais seulement dans celles qui n’ont pas la matrice sous le diaphragme, et qui ne sont pas ovipares. Cette excrétion n’a pas lieu davantage chez les animaux qui sont privés de sang, et qui n’ont qu’un fluide analogue. Ce qui fait le sang chez certaines espèces d’animaux est chez ceux-là une tout autre combinaison. § 9[142]. C’est la sécheresse des corps qui fait qu’il n’y a pas d’évacuation purifiante chez ces

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animaux, non plus que chez ceux dont nous venons de parler, parmi les animaux qui ont du sang, je veux dire ceux qui ont la matrice en bas et qui ne sont pas ovipares. Cette sécheresse ne produit qu’une petite quantité d’excrétion ; elle n’en laisse que juste ce qu’il faut pour la génération, et pas assez pour en émettre au dehors, § 10[143]. Les animaux qui sont vivipares sans d’abord produire un œuf, et ces animaux sont l’homme et tous les quadrupèdes qui fléchissent en dedans les membres de derrière, et qui sont vivipares sans faire d’œuf préalablement, tous ces animaux-là ont la purgation mensuelle ; il n’y a d’exception que s’ils sont infirmes dès leur naissance, comme le mulet. Néanmoins, dans toutes ces espèces, les évacuations ne se manifestent pas au dehors comme chez l’espère humaine. Du reste, on trouvera dans l’Histoire des Animaux des détails exacts sur cette fonction pour chaque espèce d’animal.

§ 11[144]. Ce sont les femmes qui, de tous les animaux, ont l’évacuation la plus abondante, de même que ce sont les hommes qui émettent le sperme en plus grande quantité, comparativement à leur dimension corporelle. Cela tient à la constitution de leur corps qui est à la fois humide et chaude ; car, c’est dans ces conditions que l’excrétion est nécessairement la plus considérable possible. De plus, ces animaux n’ont pas dans leur corps de parties pour lesquelles soit employée la sécrétion, comme cela a lieu chez bien d’autres ; leur corps n’a pas de poils abondants, ni de très grandes sécrétions d’os, de cornes et de dents. § 12[145]. Ce qui pourrait prouver qu’il y a du sperme dans les menstrues, c’est que cette excrétion séminale, ainsi qu’on l’a dit plus haut, vient, chez les hommes, au même âge que les menstrues se montrent chez les femmes, comme si c’était, chez les uns et chez les autres, au même moment que se développent les lieux destinés à recevoir cette double excrétion. Dans les deux sexes, les lieux circonvoisins se dessèchent, et les poils chu

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pubis viennent à fleurir. § 13[146]. Quand ces lieux sont sur le point de se développer, ils se gonflent d’air. Cet effet se produit plus clairement chez les hommes, dans les testicules et aussi dans les mamelles ; chez les femmes, c’est plutôt dans les mamelles ; car dans la plupart d’entre elles, les mois font éruption quand les seins se soulèvent déjà de deux doigts.

§ 14[147]. Dans les êtres animés ou la femelle et le mâle ne sont pas séparés, le sperme est une sorte d’embryon ; et j’entends par embryon le premier mélange qui ailleurs vient de la femelle et du mâle, parce que d’un seul sperme il ne vient qu’un seul corps, comme d’un seul grain une seule tige, comme d’un seul œuf un seul animal ; car les œufs doubles ne sont réellement que la réunion de deux œufs. Mais dans toutes les espèces où la femelle et le mâle sont séparés, il peut naître d’un seul sperme plusieurs animaux ; et la

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nature semble faire une grande différence pour le sperme entre les animaux et les plantes. Ce qui le prouve, c’est que, d’un seul et unique accouplement, peuvent venir plusieurs êtres dans les espèces qui peuvent produire plus d’un jeune à la fois. § 15[148]. C’est bien là encore une preuve nouvelle que la semence génératrice ne vient pas de tout le corps ; car les deux sexes étant séparés, les éléments ne pourraient, ni venir, ni se détacher immédiatement de la même partie du corps, ni se réunir dans les matrices pour s’y séparer ensuite. Mais le phénomène se passe ici comme la raison peut le supposer. C’est le mâle qui apporte la forme et le principe du mouvement ; la femelle apporte le corps et la matière, de même que, dans la coagulation du lait, c’est le lait qui est le corps, tandis que c’est le petit lait, la présure, qui a le principe coagulant. C’est là aussi la même action que produit ce que le mâle apporte, en se divisant, dans la femelle. § 16[149]. Nous étudierons ailleurs la cause qui fait qu’il y a, tantôt plusieurs produits, tantôt qu’il y en a un moindre nombre, et tantôt un seul. Mais le sperme n’avant aucune différence spécifique, si la portion divisée est en rapport régulier et proportionnel avec la matière, c’est-à-dire, s’il n’y a, ni trop peu pour pouvoir la mûrir et la constituer, ni trop, de manière à la dessécher, alors il se forme plusieurs embryons. Mais, du premier composé, il ne sort qu’un animal unique, quand ce composé est unique aussi.

§ 17[150]. Ainsi donc, dans l’acte de la génération, la femelle n’apporte pas de liqueur séminale ; mais cependant elle y apporte quelque chose, et c’est la composition des menstrues, ou ce qui y correspond dans les animaux qui n’ont pas de sang. § 18[151]. C’est ce qui doit être clair d’après ce que nous venons de dire ; mais cela n’est pas moins évident à ne considérer les choses qu’au point de vue général de la raison. Ainsi, il faut nécessairement un être qui engendre et un être de qui vient l’être engendré. Quand bien même les deux se réunissent dans un seul individu, les deux différent au moins spécifiquement, et leur notion essentielle est autre. La raison nous dit encore que, dans des êtres où les fonctions sont séparées, il faut bien que la nature de l’agent soit autre que celle du patient. Si donc le mâle peut être regardé comme le moteur et l’agent, et que la femelle soit en quelque sorte passive en tant que femelle, il s’ensuit que, dans la semence du mâle, la femelle apporte, non pas de la semence, mais de la matière. C’est bien là ce qui semble être exactement le fait ; et la nature des menstrues joue en ceci le rôle de la matière première de l’embryon.


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CHAPITRE XV

Part du mâle dans l’acte de la génération ; rapports réciproques de l’agent et du patient ; l’agent ne met pas nécessairement une partie intégrante dans le patient ; preuves tirées des animaux où c’est la femelle qui introduit quelque chose dans le mâle ; exemples des insectes ; exemples plus frappants encore tirés des oiseaux et des poissons ovipares ; expériences sur les œufs clairs des oiseaux et sur les accouplements répétés ; exemple de la fécondation des œufs de poissons par la laite des mâles. — Résumé général et conclusion sur l’action du sperme


§ 1[152]. Tenons-nous-en à l’explication qui vient d’être donnée, et qui nous indique en même temps ce que doit être la suite de cette étude, c’est-à-dire, quelle peut être la part du mâle dans la génération, et de quelle manière le sperme venant de lui est la cause de l’être qui est engendré. Le sperme est-il un élément intrinsèque de cet être, et une partie immédiate du corps qui se produit, en se mêlant à la matière qui se trouve dans la femelle ? Ou bien le corps engendré n’emprunte-t-il rien du sperme, si ce n’est son action puissante et le mouvement qu’il provoque ? C’est cette puissance en effet qui produit l’être ; et le composé qui se constitue et reçoit la forme n’est que le résidu de l’excrétion qui est dans la femelle. La raison semble ici être tout à fait d’accord avec les faits qu’on observe. § 2[153]. A considérer les choses en général, il ne paraît pas, en effet, quand un être unique vient à se produire par le concours d’un patient et d’un agent, que l’agent se retrouve intrinsèquement dans le produit, pas plus que cet être ne vient absolument du mobile et du moteur. Mais il est certain que la femelle, en tant que femelle, est passive, et que le mâle, en tant que mâle, est l’agent et le principe initial du mouvement. Que si on les considère l’un et l’autre dans leur sens extrême, où l’un est pris comme agent et moteur, et l’autre comme patient et mobile, ce qui sort des deux ne peut être un que comme, de la main de l’ouvrier et du bois qu’il travaille, sort le lit ; ou comme, de la cire et de la forme, sort une boule sphérique, § 3[154].

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Il est donc évident qu’il n’est pas nécessaire que quelque chose vienne de l’agent, ou que, si quelque chose en vient, il n’est pas nécessaire que le produit qui en sort le contienne comme partie intégrante, au lieu d’en venir simplement comme du moteur et de la forme. C’est absolument encore comme le malade qui est guéri vient de l’art du médecin. Cette théorie que la raison admet se trouve confirmée par les faits. § 4[155]. C’est là ce qui fait que, dans quelques espèces où les mâles s’accouplent à des femelles, le mâle n’introduit aucun organe dans la femelle, mais que c’est au contraire la femelle qui en introduit un dans le mâle ; tel est le cas qu’on observe chez quelques insectes. L’action que le sperme exerce dans la femelle chez les animaux qui émettent du sperme, est remplacé pour eux par la chaleur et la force qui est dans l’animal lui-même, la femelle introduisant dans le mâle l’organe

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qui peut recueillir l’excrétion. § 5[156]. De là vient que, dans ces animaux, l’accouplement dure longtemps ; et qu’une fois séparés l’un de l’autre, la production a lieu très promptement. Ils restent accouplés jusqu’à ce qu’il se forme une action pareille à celle de la liqueur génératrice ; mais quand le mâle et la femelle se sont disjoints, le produit ne tarde pas à sortir. Ce produit est alors incomplet ; car tous les animaux de ce genre ne produisent que des larves.

§ 6[157]. Mais ce sont les observations qu’on peut faire sur les oiseaux et sur les poissons ovipares qui prouvent de la manière la plus décisive que le sperme ne vient pas de toutes les parties du corps ; que le mâle n’émet pas quelque matière qui soit une partie intégrante de l’embryon engendré ; et que c’est uniquement par la force qui est dans la semence qu’il crée un être vivant, ainsi que nous venons de le dire pour

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les insectes, chez lesquels la femelle introduit quelque organe dans le mâle. § 7[158]. Si, par exemple, un oiseau qui a pondu des œufs clairs est coché de nouveau, avant que l’œuf n’ait pu changera ce point que le jaune tout entier se soit converti en blanc, il fait des œufs féconds en place d’œufs clairs ; et si l’oiseau s’accouple quand le jaune existe encore, toute la couvée des jeunes reproduit le mâle qui a coché. Aussi, les gens qui tiennent à avoir de belles races d’oiseaux s’arrangent-ils pour confondre les premières copulations avec les dernières ; ce qui suppose que le sperme ne peut pas se mêler ni devenir partie intégrante, et qu’il ne provient pas non plus du corps entier ; car si le sperme venait des deux parents, le poussin aurait alors deux fois les mêmes organes. § 8[159]. C’est donc justement par la force qui anime le sperme, qu’il transforme et modifie la matière et la nourriture qui est dans la femelle ; car c’est la dernière intromission du sperme qui peut avoir cet effet, par la chaleur et la coction qu’elle détermine. L’œuf en effet prend de la nourriture tout le temps qu’il met à croître. § 9[160].

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On peut faire encore des observations semblables sur les poissons, dans les espèces qui sont ovipares ; car leur génération est la même. Quand la femelle a pondu les œufs, le mâle vient répandre sa laite ; et ceux des œufs que la laite a pu toucher sont féconds, tandis que ceux qu’elle n’atteint pas restent stériles. Ceci prouve bien que, dans les animaux, le mâle ne contribue pas à la quantité, mais seulement à la qualité.

§ 10[161]. De tout ce qu’on vient de voir, on peut évidemment conclure que le sperme ne vient pas de toutes les parties du corps, dans les animaux qui émettent du sperme. On peut conclure en outre que la femelle ne concourt pas à la génération de la même manière que le mâle ; le mâle donne le principe du mouvement, tandis que la femelle donne la matière, c’est justement pour cela que la femelle ne peut à elle seule engendrer quoi que ce soit ; il lui faut absolument un principe extérieur et un être qui produise le mouvement et qui détermine l’espèce essentielle de l’être produit.


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CHAPITRE XVI

Du rôle particulier de la femelle dans la génération ; c’est dans la femelle qu’est la conception ; comparaison de la femelle à la matière dont se sert l’ouvrier ; rôle particulier du mâle ; il n’apporte comme l’ouvrier que la forme et l’idée ; fonction des mains et des instruments qu’elles meuvent sous la direction de l’intelligence ; intervention plus évidente de la Nature dans les espèces où les mâles ne sont pas assez forts pour émettre du sperme.


§ 1[162]. Il y a des animaux, comme les oiseaux, par exemple, dans lesquels la Nature ne pousse la génération que jusqu’à un certain point ; ils font des œufs ; mais ces œufs sont imparfaits, et c’est ce qu’on appelle des œufs clairs. La production des petits futurs se fait bien alors dans la femelle ; mais elle n’a pas lieu dans le mâle. Le mâle n’émet pas de semence non plus que n’en émet la femelle ; mais tous deux concourent à réunir dans la femelle ce qui doit provenir d’eux, parce que c’est dans la femelle que se trouve la matière de laquelle doit sortir l’être constitué par les deux parents. Il faut que tout d’abord cette matière y soit assez abondante pour organiser primitivement le

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produit qui est conçu, et pour qu’ensuite vienne successivement la matière qui doit servir à la croissance du produit. Par conséquent, c’est nécessairement dans la femelle que se trouve la parturition. § 2[163]. C’est absolument le même rapport que celui de l’ouvrier au bois qu’il travaille, de la terre glaise au potier qui l’emploie ; et d’une manière générale, c’est le rapport de toute fabrication et de tout mouvement définitif à la matière employée ; c’est le même rapport que celui de la construction aux choses construites. § 3[164]. C’est en raisonnant d’après ces données que l’on peut comprendre quelle est la part du mâle dans l’acte de la génération. Ainsi, tout mâle n’émet pas de sperme ; et quand les mâles en émettent, le sperme n’est pas une partie de l’embryon qui est produit, pas plus qu’il ne vient de l’ouvrier quoi

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que ce soit de la matière des bois façonnés par lui ; il ne se trouve pas dans l’œuvre produite la moindre partie de l’art de l’ouvrier, si ce n’est la forme et l’idée, réalisées par le mouvement qu’il détermine dans la matière. § 4[165]. Or, c’est dans l’âme que se trouve l’idée et la science, qui impriment aux mains, ou à telle autre partie du corps, un mouvement d’une certaine espèce, différent quand le résultat produit est différent, le même quand le résultat est le même. Les mains font mouvoir les instruments, et les instruments meuvent la matière, c’est là aussi ce que fait la Nature, chez les animaux qui émettent du sperme ; elle se sert de ce sperme comme d’un instrument qui possède le mouvement en acte, de même que, dans les produits de l’art, ce sont les instruments qui sont mis en mouvement, parce que c’est dans les instruments qu’est, on peut dire, le mouvement de l’art.

§ 5[166]. Ainsi, dans toutes les espèces qui émettent du

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sperme, c’est de cette façon que le sperme contribue à la génération. Dans les espèces qui n’émettent pas de sperme, et où c’est la femelle qui dépose dans le mâle quelques éléments venus d’elle, la femelle agit à peu près comme quelqu’un qui apporterait la matière à l’artiste qui doit la façonner. A cause de la faiblesse de ces mâles, la Nature ne peut rien faire par des intermédiaires ; et c’est à peine si, en intervenant directement elle-même, les mouvements nécessaires qu’elle provoque ont la force suffisante ; elle agit alors à peu près comme les artistes qui ne travaillent qu’avec leur main, au lieu de travailler avec les outils ordinaires. Elle ne se sert pas de l’intervention d’un intermédiaire pour obtenir le produit qu’elle forme ; mais elle s’y met elle-même avec ses propres organes.


CHAPITRE XVII

De la génération dans les plantes ; le mâle et la femelle n’y sont

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pas séparés ; citation d’un vers d’Empédocle ; génération dans les animaux qui n’ont pas de sang ; leur long accouplement et ses causes ; quelques points de comparaison et de différence entre les animaux et les plantes ; indication d’ouvrages de Botanique ; c’est la sensibilité et le goût qui distinguent l’animal ; degrés divers dans la sensibilité et dans l’intelligence ; grandeur de la vie ; les zoophytes ; théories ultérieures.


§ 1[167]. Dans tous les animaux qui se meuvent, la femelle est séparée du mâle ; l’un et l’autre sont individuellement des animaux différents ; mais l’espèce est la même pour les deux, comme elle l’est, ainsi qu’on peut le voir, chez l’homme ou chez le cheval. Mais dans les plantes, ces deux puissances sont réunies, et la femelle n’est pas séparée du mâle. Aussi, les plantes se reproduisent-elles d’elles-mêmes ; elles n’émettent pas de

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liqueur génératrice ; mais elles ont la production qu’on appelle leur semence. § 2[168]. On ne peut donc qu’approuver Empédocle, quand il dit dans ses vers :

« Tels les grands oliviers ont dû pondre leurs œufs. »

car l’œuf n’est qu’un germe, et c’est d’une de ses parties que naît l’animal ; le reste ne sert qu’à le nourrir ; de même, le végétal vient d’une partie de la semence, et le reste devient la nourriture de la tige et de la première racine. § 3[169]. Il en est bien à peu près de même dans les espèces d’animaux où la femelle et le mâle sont séparés, du moment où la génération doit précisément se produire, il y a quelque chose qui n’est pas plus divisé que ne le sont les plantes, et la nature veut que les deux individus en deviennent un seul.

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On peut vérifier, en regardant à l’union et à l’accouplement des êtres, que c’est un seul et unique animal qui provient des deux à la fois. § 4[170]. Les animaux qui n’émettent pas de sperme, tantôt restent accouplés pendant un temps fort long, jusqu’à ce que le germe à produire soit constitué ; et c’est ce qui se passe chez les insectes qui s’accouplent. Tantôt ils demeurent accouplés, jusqu’à ce qu’ils aient projeté et introduit quelqu’une de leurs parties extérieures, qui, pour constituer le germe, a besoin de plus de temps qu’il n’en faut aux animaux qui ont du sang. Tantôt enfin, ils restent accouplés une partie du jour, et la conception ne s’achève ensuite qu’en plusieurs autres jours. Quand ils ont émis leur liqueur, ils se quittent. § 5[171]. On pourrait assez grossièrement se figurer que les animaux sont divisibles autant que des plantes, comme si, lorsque les plantes ont produit

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leur semence, on les désunissait, en isolant la femelle et le mâle qu’elles contiennent. La Nature a du reste bien sagement disposé tout cela, l’organisation des végétaux n’a pas d’autre objet ni d’autre action que de produire la semence ; et comme cette production ne peut avoir lieu que par l’accouplement de la femelle et du mâle, la Nature a eu soin de les mêler et de les unir l’un à l’autre dans les plantes. Aussi, voilà comment dans les plantes la femelle et le mâle ne sont pas séparés.

§ 6[172]. Mais nous avons étudié les plantes dans d’autres ouvrages. Quant à l’animal, il n’est pas chargé seulement de se reproduire, ce qui est une fonction commune à tout ce qui vit ; mais, en outre, tous les animaux ont une certaine faculté de connaître ; les uns l’ont plus ; les autres l’ont moins ; et quelques-uns

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même l’ont très peu. Cela vient de ce qu’ils sont cloués de sensibilité, et que la sensation est déjà à un certain degré une connaissance. § 7[173]. On trouve de grandes différences entre le degré supérieur et le degré infime de cette connaissance, quand on considère la pensée dans quelques êtres et qu’on les compare à la classe des êtres inanimés. Rapprochés de la pensée, la faculté du toucher et le sens du goût, auxquels d’autres êtres participent, ne semblent vraiment rien ; mais comparés à l’insensibilité absolue de la plante et du minéral, c’est une chose merveilleuse. Il peut même sembler préférable de jouir de cette connaissance, toute imparfaite qu’elle est, plutôt que d’être mort ou d’être un néant. § 8[174]. C’est par la sensibilité que l’animal se distingue des êtres qui ne font que vivre. Comme il faut nécessairement que tout ce qui est animal ait aussi la vie, du moment que l’animal doit accomplir la fonction spéciale d’un être vivant, il s’accouple, il s’unit, et il devient alors une espèce de plante, ainsi que nous l’avons déjà dit. § 9[175]. Les testacés, qui occupent une place intermédiaire entre les plantes et qui tiennent à ces deux classes, ne remplissent les fonctions, ni de l’une, ni de l’autre. En tant que plante, ils n’ont ni femelle ni mâle, et ils n’engendrent pas dans un autre être ; en tant qu’animal, ils ne portent pas d’eux-mêmes un fruit, comme en portent les plantes ; mais ils se constituent et se reproduisent par une combinaison terreuse et humide. Nous aurons du reste à parler plus tard de leur génération.

  1. Jusqu’à présent. Les ouvrages où Aristote a traité déjà des questions qui sont rappelées ici, sont d’abord : le traité spécial des Parties des Animaux, et ensuite l’Histoire des Animaux, où il a étudié, à plusieurs reprises, les organes divers de tous les êtres animés, notamment dans le premier livre, ch. II, pour les animaux en général ; chap. VII et suivants, pour l’homme ; liv. II, ch. I, pour les parties communes à tous les animaux, soit extérieures, soit intérieures ; enfin pour les parties spéciales, dans les chapitres suivants. — Dans ce qu’elles ont de commun… dans ce qu’elles ont de spécial… C’est l’objet de l’Histoire des Animaux, où toutes ces questions ont été discutées très abondamment. — Le but en vue duquel elles sont faites. C’est la cause finale, sans laquelle en effet tout ne serait qu’obscurité dans la nature. Aristote a toujours insisté sur ce principe, qu’il a, le premier, mis en pleine lumière, et qui est le plus indispensable de tous. En traduisant comme je l’ai fait : Sous les choses, j’ai essayé de rendre la force du mot dont Aristote se sert.
  2. Quatre causes diverses. Ce sont les quatre causes ou les quatre principes, qui sont les bases de toute la théorie d’Aristote. Il s’en est spécialement occupé dans la Métaphysique, liv. V, ch. II ; et dans la Physique, liv. II, ch. III. — Le but, qui est la fin même de l’être. Je n’ai pu éviter cette espèce de tautologie, qui se trouve aussi dans le texte. — La notion essentielle. Ceci revient à peu près à l’Idée, telle que l’entendait Platon ; et sur ce point, Aristote se rapproche de son maître, peut-être sans le vouloir. Il remarque d’ailleurs avec raison que les deux premières causes n’en forment guère qu’une seule. — La matière. Ce n’est pas tout a fait une cause, quoi qu’en dise Aristote ; c’est plutôt un élément substantiel de l’être. Au contraire, le mouvement est une cause véritable, puisque sans lui l’être resterait en simple puissance, et ne deviendrait pas actuel, c’est-à-dire, réel.
  3. Déjà. L’expression du texte n’est pas plus précise ; et

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    sans doute il faut regarder cette référence générale comme s’adressant à la Métaphysique et à la Physique, que je viens de citer plus haut. — Parties non similaires… parties similaires. Voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. I, § 1. — Les éléments des corps. On sait que, dans les théories d’Aristote et de toute l’Antiquité, ce sont la terre, l’eau, l’air et le feu. C’est Empédocle, qui a été l’auteur de ces distinctions. Pour nous, les éléments des corps sont beaucoup plus nombreux, puisque la chimie contemporaine reconnaît déjà plus de soixante corps simples ; voir Regnault, Cours élémentaire de chimie, t. I, p. 65.

  4. Dont nous n’avons rien dit. Ceci n’est pas exact ; car il a été tout au contraire grandement question de la génération dans l’Histoire des Animaux, livv. V et VI. Il est difficile de comprendre comment une telle erreur a pu être commise, quand on voit quels développements ont été déjà donnés à ce problème, le plus mystérieux et le plus important de toute la physiologie. Cependant on ne peut douter que l’auteur du traité de la Génération ne pensât à l’Histoire des Animaux, qu’il cite fréquemment. Mais peut-être la restriction qui est faite ici s’adresse-t-elle exclusivement au traité des Parties, où en effet il n’est point parlé de la génération. Voir la Dissertation sur le traité de la Génération et sur sa composition. — C’est au fond une seule et même question. Cette assertion se rattache étroitement à la théorie d’Aristote sur l’action du mâle dans le phénomène complexe de la génération ; suivant cette théorie, le rôle du mâle se borne à communiquer le mouvement, comme celui de la femelle se borne à fournir la matière. — Après tout ce qui précède. Ceci s’applique sans doute à l’Histoire des Animaux, aussi bien qu’au Traité des Parties.
  5. Cette distinction n’existe pas pour toutes les espèces. La science moderne n’a rien à changer à ces théories, fondées sur les faits les plus certains. Il y a des animaux hermaphrodites ; il y en a même qui ont à la fois les deux sexes, et qui tour à tour sont fécondants et fécondés ; enfin, il y en a dont la génération est encore douteuse, malgré les observations les plus attentives. — Parmi les animaux qui n’ont pas de sang. Ce sont surtout les insectes qui sont désignés par là. Les insectes ont du sang ; mais ce sang est blanc ; et c’est cette absence de couleur qui a pu tromper longtemps les naturalistes anciens. — Ils naissent de la terre, qui se putréfie. Ce serait la génération spontanée, que la science moderne a toute raison de repousser. L’erreur d’Aristote, que toute l’Antiquité a partagée, vient de ce que beaucoup d’animaux sont tout à fait invisibles à la vue simple, dans leur état embryonnaire ; on ne les aperçoit que quand ils sont déjà gros : et l’on peut croire alors qu’ils naissent spontanément ; mais le microscope a détruit ces illusions, bien pardonnables de la part des premiers observateurs.
  6. En nageant, en volant, ou en marchant. L’énumération n’est peut-être pas complète ; mais En marchant peut comprendre aussi la reptation des serpents, et l’ondulation de certains insectes. — Quelques-uns de ceux qui n’en ont pas. On sait ce que ceci veut dire ; ces animaux ne sont pas précisément privés de sang, mais leur sang est blanc ; et voilà comment on a pu croire qu’ils sont exsangues. — Qui offre cette différence. C’est-à-dire, la séparation des sexes. — La plupart des espèces. La restriction est justifiée, puisqu’il y a des insectes hermaphrodites.
  7. En effet, tous les insectes… L’observation est juste dans cette première partie ; elle ne l’est plus dans la seconde ; et la même erreur se répète sur les insectes naissants de la terre putréfiée. — De quelques espèces d’insectes. On peut trouver que l’expression est bien générale, et l’auteur aurait pu indiquer les espèces d’une manière plus précise. En général, la reproduction est sexuelle chez les arthropodes, sauf quelques exceptions ; voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 397, trad. franc.
  8. La raison comprend… La méthode habituelle d’Aristote est de contrôler par la raison les phénomènes que l’observation a d’abord constatés. La raison et l’observation sont les deux éléments de la science ; mais l’observation est la première chronologiquement, si d’ailleurs elle est subordonnée a la raison, qui seule la comprend et la féconde. — Qui ne viennent pas d’autres êtres animés. C’est toujours la génération spontanée. Mais ce paragraphe est assez, obscur, et l’auteur pouvait exprimer plus nettement cette pensée que les animaux nés spontanément, selon lui, ne peuvent avoir de sexes. — Aux parents. J’ai ajouté ces mots, qui me semblent indispensables. — Tout à fait rationnelle. C’est une induction légitime tirée de la pluralité des ras, puisque tous les animaux qui s’accouplent produisent, sans exception, des êtres qui leur sont congénères. — La Nature évite l’infini et l’indéterminé. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte ; c’est l’indéterminé que la nature évite bien plutôt que l’infini ; et ici l’indéterminé est le contraire de l’individuel, dont la forme est nécessairement définie et limitée.
  9. Les testacés. Voir Cuvier, Règne animal, t. III, p. 117. Les acéphales testacés sont bivalves et immobiles, bien qu’ils aient une masse charnue qu’on appelle leur pied ; ce pied est attaché entre les quatre branchies. — Qui les rapproche beaucoup des plantes. Ce ne sont pas cependant des zoophytes. — Ils n’ont pas plus qu’elles. Le sexe des plantes n’a pas été connu de l’Antiquité.
  10. Ainsi, dans les plantes. Ce paragraphe pourrait bien n’être qu’une interpolation ; la greffe, à laquelle il est fait allusion, n’a rien à faire ici. Il est donc bien possible que ce ne soit qu’une note de quelque scholiaste, qui, de la marge, sera passée dans le texte. — La figue sauvage. Il semble évident que la figue sauvage est opposée ici à la figue cultivée et obtenue par voie de greffe. — Il y a des plantes qui naissent de semence. C’est le cas de toutes les plantes ; mais chez quelques-unes, le phénomène est si ténu qu’il échappe a l’observation. Il y a même un petit nombre de plantes dont la science moderne ne s’explique pas encore la reproduction. Voir le Traité général de botanique de MM. Le Maruit et Derainsne, 1868, p. 120. Les produisait spontanément. C’est-à-dire, sans l’intermédiaire d’autres plantes. — De la terre putréfiée. Même erreur que pour les insectes. — Qui pourrissent. Celle autre erreur a subsisté non moins longtemps. — Comme le gui. Voir le Traité général de botanique de MM. Le Maout et Decaisne, p. 470. Le gui est de la famille des loranthacées, arbrisseaux toujours verts, vivant sur d’autres plantes dicotylédones. Il y a de nombreuses espèces de gui ; mais Aristote ne les distingue pas ici, et il lui suffit de les indiquer d’une manière toute générale.
  11. Étudier les plantes en elles-mêmes. On

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    ne peut pas douter qu’Aristote ne se fût beaucoup occupé de botanique, en même temps que de zoologie, et ce passage-ci le prouverait de reste ; mais il n’avait pas pu pousser aussi loin qu’il l’aurait voulu ses recherches sur cette partie de la nature ; il en avait chargé son disciple Théophraste, qui s’est acquitté admirablement de cette tache ; voir ma traduction de l’Histoire des Animaux, t. I, p. cxcxii. Le traité des Plantes qui nous est resté sous le nom d’Aristote n’est pas digne de lui ; il est apocryphe. — À celles qui précèdent. C’est-à-dire le Traité des Parties et l’Histoire des Animaux ; voir plus haut le début du premier chapitre.

  12. Nous l’avons déjà dit. Plus haut, ch. I, § 5. — Principes et causes. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Principe moteur et générateur… principe de la matière. Voir plus haut, ch. I, § 4. Le mouvement se confond avec la génération. Dans tout ce qui va suivre, Aristote prêtera toujours le même rôle à la femelle ; selon lui, elle ne fait que fournir la matière ; c’est le mâle qui donne la vie. — Comment se forme le sperme. Ce sera l’objet d’une très longue discussion dans les chapitres suivants, ch. X et suiv. de ce livre. — C’est le sperme qui constitue… Il faut se rappeler que, dans la langue grecque, le même mot exprime la liqueur séminale des animaux et la semence des plantes. C’est là comment Aristote peut dire d’une manière générale que tout ce qui naît dans la nature vient de sperme. — De la femelle et du mâle. Dans les théories d’Aristote,

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    les menstrues dans les femelles correspondent à la liqueur séminale dans le mâle. Voir plus loin chapitre XIX. — Les principes et les causes. Ici encore il n’y a qu’un seul mot dans le grec ; mais ce mot a les deux sens que je crois devoir exprimer formellement.

  13. Nous entendons par mâle. Cette définition mérite grande attention ; et aujourd’hui nous aurions peine à en trouver une plus exacte. — Dans un autre… en lui-même. L’expression d’Engendrer n’est peut-être pas très juste ; mais c’est celle même dont se sert Aristote ; la pensée d’ailleurs est fort claire. — Voilà comment, lorsqu’on parle de l’ensemble du monde. Ces métaphores mythologiques et littéraires ne sont guère habituelles à l’auteur : et l’on peut croire, non sans vraisemblance, que ce passade est une interpolation.
  14. Aux yeux de la raison. Aristote a sans cesse rapproché l’observation des faits et la raison intelligente, qui les explique ; ce sont les deux éléments essentiels de la science. — Par certaines parties. Ce sont les organes sexuels, dont la différence est indispensable à la fonction qu’ils doivent remplir. — Rationnellement. Au paragraphe suivant, les organes considérés dans leur fonction seront opposés à la raison, qui comprend

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    la différence du mâle et de la femelle. — Ainsi qu’on vient de le dire. L’auteur semble vouloir excuser cette répétition, qui aurait pu être aisément évitée. — Qui est déjà dans le générateur. Il semble que ceci est en contradiction avec la théorie qui vient d’être indiquée, et qui attribue à la femelle seule la matière de l’être engendré. Mais le texte ne peut pas avoir un autre sens que celui que je lui donne.

  15. Par une certaine puissance. Ou une certaine faculté. Le mot de Puissance répond peut-être mieux aux formules aristotéliques. Le mot de Force pourrait aussi être employé, s’il n’était pas si moderne. — Des parties spéciales. Ce sont les organes sexuels, qui diffèrent dans le mâle et dans la femelle. — On dit bien, en parlant de l’animal entier… La remarque est très juste ; et cette faute de langage est si naturelle qu’on la commet aujourd’hui, comme on la commettait du temps d’Aristote. — Le simple témoignage de nos sens. Qu’Aristote oppose à la raison, comme il vient de le faire plus haut, § 4. La fonction des organes sexuels est aussi évidente que la fonction des yeux ou des jambes.
  16. Ce qu’on nomme les matrices. Cette forme d’expression semble indiquer que le mot était d’un usage assez, récent dans la langue grecque. — Et la verge. Le mot grec n’est pas aussi précis. — Des canaux qui y répondent. Le fait est exact et très bien observé. — Dans les animaux qui n’ont pas de sang. Ce sont surtout les insectes. — Qui ont du sang… de formes différentes. Les animaux qui ont du sang ne font pas exception à cet égard. Chez les autres animaux aussi, les organes du mâle et de la femelle sont toujours différents.
  17. Il suffit du plus petit changement. Toutes ces considérations sont profondes, et aujourd’hui nous ne saurions y rien ajouter. Seulement la castration n’est pas un petit changement : l’organe n’est pas considérable par rapport au reste de l’animal ; mais l’organe enlevé, une fonction essentielle disparaît avec lui ; et c’est là un changement très important. — Légèrement altéré. La castration fait plus qu’altérer l’organe ; elle

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    le détruit. — Le mâle paraisse être une femelle. Ceci est parfaitement exact des eunuques ; la remarque a été cent fois reproduite depuis Aristote. Dans l’ordre animal, le bœuf se rapproche aussi de la vache, en cessant d’être taureau. — Par une partie quelconque. Ceci vient d’être dit sous une autre forme, au § 5. — Ainsi donc. Résumé de la discussion commencée au § 2. — Beaucoup d’autres changements. Par exemple, les mamelles et les menstrues.

  18. N’est pas toujours pareille. Le fait est certain ; et c’est l’objet de l’anatomie comparée

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    de noter toutes ces différences. — Examinons d’abord. On peut remarquer avec quel soin l’auteur trace la marche qu’il veut suivre. — Qui n’ont pas du tout de testicules. Ceci n’est pas exact ; et les reptiles ont des testicules, qui sont placés en eux a peu près comme ils le sont chez les oiseaux. Ils sont dans la cavité abdominale, collés contre la base inférieure des reins, ou en avant de ces viscères, de chaque côté de la colonne vertébrale. Leur forme varie dans les différents genres de cette classe ; elle n’est pas la même dans les batraciens que dans les ophidiens. Voir Cuvier, Ànatomie comparée, 1ere édition, tome V, p. 25, et toute la XXIXe leçon, sur les organes de la génération en général. — L’espèce entière des poissons. Ceci n’est pas exact ; les poissons ont des testicules, dont la structure est très particulière : Cuvier l’a décrite, loc. cit., pp. 27 et suiv. Il distingue d’abord les testicules des raies et des squales, qui se rapprochent beaucoup de ceux des batraciens ; et ensuite, les testicules des autres poissons, connus sous le nom de laite, et qui sont de grands sacs ; leur volume augmente considérablement à l’époque du frai, et ils sont remplis à cette époque d’une matière blanchâtre, opaque et laiteuse. C’est la liqueur séminale. — Qui n’ont que deux canaux spermatiques. C’est là une erreur, fort excusable du reste par la difficulté de reconnaître anatomiquement ces organes. Les détails qui suivent prouvent clairement qu’Aristote avait disséqué avec le plus grand soin, pour se rendre compte de ce qu’il voulait exposer à ses lecteurs. — Tels sont les oiseaux. Ceci est parfaitement exact, et les testicules des oiseaux sont toujours dans la cavité abdominale, en arrière des

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    poumons et sous la partie antérieure des reins. — Les deux conduits qui en partent. Ce sont sans doute les canaux déférents. — Les tortues. Voir Cuvier, Anatomie comparée, 1re édition, tome V, p. 26.

  19. Sur le devant du corps. Ceci est très exact ; et l’on ne comprendrait pas qu’il pût en être autrement — Comme le dauphin. Aristote semble ici commettre une erreur. Le dauphin, comme tous les autres cétacés, a les testicules dans l’abdomen, placés à côté des reins, et sans muscle crémaster ; c’est une extension du péritoine qui les enveloppe et les soutient. Voir Cuvier, Anatomie comparée, 1ere édition, tome V, pp. 15 et suiv. — Et ils n’ont pas les canaux. Il s’agit peut-être des canaux déférents ; mais alors l’assertion d’Aristote ne serait pas exacte ; le dauphin a ces canaux, comme les autres cétacés. — Chez les bœufs. Ce serait Taureaux qu’il faudrait dire plutôt. — Indépendant comme chez l’homme. Voir Cuvier, loc. cit., pp. 63 et suiv. — Dans l’Histoire des Animaux. Voir ma traduction, liv. III, ch. I, §§ 2, 8, 12, 16 ; liv. V, ch. IV, § 5 ; et liv. VI, ch. VIII, § 5.
  20. Toutes les matrices. Le mot de Matrice est pris par Aristote dans un sens général, et indique l’ensemble des parties dont se compose l’organe femelle. L’anatomie moderne distingue ces parties les unes des autres, et donne à chacune des noms particuliers. — Divisées

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    en deux. D’une manière générale, c’est une fente qui a nécessairement deux bords ; l’assimilation à la forme des testicules n’est pas très juste. — Mais dans l’intérieur. Ceci s’adresse plus spécialement à l’utérus. Voir Cuvier, Anatomie comparée, 1re édition, tome V, pp. 136 et suiv. Des organes éducateurs. — Qui pondent… extérieurement. C’est la presque totalité des poissons. — Comme tous les oiseaux. Dans les oiseaux, l’ovaire, qui est unique, est placé sous la colonne vertébrale entre la partie la plus avancée des reins ; voir Cuvier, loc. cit. p. 59. — Crustacés… mollusques. Voir Cuvier, loc. cit. pp. 164 et 188. Dans les mollusques, Cuvier distingue quatre combinaisons différentes d’organes : séparation des sexes avec accouplement et sans accouplement, réunion des sexes avec accouplement réciproque, et hermaphrodisme. Les organes des crustacés sont en général doubles, deux verges et deux vulves ; voir Cuvier, loc. cit. p. 188. — Dans les polypes. Il serait assez difficile de dire précisément quels animaux Aristote veut désigner sous le nom général de polypes. — Une matrice unique. Ceci pourrait faire croire qu’Aristote avait distingué des animaux à plusieurs vulves. — Dans les insectes aussi. Voir sur les organes de la génération dans les insectes, Cuvier, loc. cit. pp. 189 et suiv. — On ne peut pas les distinguer. Nous avons ce grand avantage sur les Anciens de posséder le microscope ; ils devaient se contenter des observations à l’œil nu, dont le champ était d’ailleurs déjà assez vaste.

  21. Les organes spermatiques. La suite prouve que ce sont les testicules, que l’auteur veut désigner par ces mots, et il les nomme précisément quelques lignes plus bas. — Ni les serpents ni les poissons n’ont de testicules. C’est une erreur ; les reptiles ont des testicules assez semblables à ceux des oiseaux : les poissons en ont aussi, mais d’une structure spéciale : voir plus haut, ch. III, § 1, et Cuvier, Anatomie comparée, 1re édition, tome V. pp. 25 et 27.
  22. En vue du mieux. Puisqu’ils ne sont pas nécessaires, comme il a été démontré au § précédent. — N’ont d’autre fonction que de produire. Tous les animaux se reproduisent ; mais c’est aller trop loin que de dire qu’ils n’ont que cette fonction : ce n’est même pas tout à fait exact pour les plantes. — À intestins tout droits… Cette remarque reproduite souvent depuis Aristote est très vraie. Cuvier a donné une attention toute particulière à la question de la longueur des intestins, Anatomie comparée, 1ere édition. tome III, p. 440. En général la longueur des intestins est beaucoup plus grande dans les animaux qui se nourrissent de substances végétales que dans les carnassiers. — Seulement des canaux. Voir plus haut, ch. III, § 2. — Bien plus rapides que les autres. Le fait est exact ; mais la cause qu’indique Aristote, quelque ingénieuse qu’elle soit, n’est peut-être pas la vraie. L’accouplement n’est pas moins prompt chez certains animaux qui ont des testicules extérieurs et indépendants. — Pleins de circonvolutions. Il n’y a que la dissection qui pouvait révéler de tels faits. — Afin que le désir du sexe. Le désir n’en est pas moins violent ; seulement l’acte ne dure pas aussi longtemps.
  23. Tels que les hommes. L’exemple n’est pas très bien choisi, à ce qu’il paraît ; mais cependant les désirs du sexe chez l’homme n’ont jamais autant de fureur que le rut chez les animaux. — Dans l’Histoire des Animaux. Voir ma traduction, liv. III, ch. I. — Ne font pas partie des canaux. Il s’agit des canaux déférents, qui sont en effet fort distincts des testicules ; mais ce passage, comme tant d’autres, prouve avec quel soin Aristote disséquait, pour pénétrer le secret des organes. — Comme les pierres… La comparaison peut sembler assez bizarre au premier coup d’œil ; mais, au fond, elle est assez juste. — Les fileuses. Il paraîtrait d’après ceci que c’était surtout des femmes qui, en Grèce, exerçaient le métier de tisserands. — Les canaux remontent. Le fait est exact ; et il justifie la comparaison que l’auteur vient d’employer. Mais ce n’est pas parce que les canaux sont remontés que les animaux deviennent stériles ; c’est que les testicules retranchés n’élaborent plus le sperme et qu’il n’y a plus d’érection. — L’on a vu un taureau. Ce fait exceptionnel peut n’être pas impossible.
  24. Voir très bien dans les oiseaux. Cuvier remarque aussi que le volume des testicules varie beaucoup, suivant les espèces d’oiseaux, et dans les individus d’une même espèce suivant la saison. Ce volume augmente considérablement dans la saison des amours, notamment chez le coq et le canard, où la grosseur alors devient extraordinaire ; Anatomie comparée, tome V, p. 24, 1re édition. — Les testicules ne se soient soulevés. C’est la traduction exacte du texte ; mais évidemment c’est de la verge qu’il s’agit, et non pas précisément des testicules.
  25. Ils sont conformés pour l’avoir. Les différences de conformation sont manifestes ; et il semble bien en effet que les oiseaux et les reptiles ne pourraient avoir des testicules extérieurs sans de graves inconvénients. Chez l’homme, les organes génitaux sont assez cachés pour être protégés efficacement par la station droite, ainsi que chez les quadrupèdes eux-mêmes par la disposition des cuisses. — Le membre honteux. C’est la traduction littérale du mot grec. — Les jambes se tendent-elles. La pensée n’est pas très claire ; ce qui est certain, c’est que, dans l’acte de l’accouplement, les quadrupèdes sont forcés de s’appuyer sur leurs jambes de derrière. — La nature des jambes est nerveuse également. Ce rapprochement de la nature des jambes et de la nature de l’organe génital n’est pas juste ; l’organisation est, de part et d’autre, absolument différente. — Avoir cet organe. Cet organe est la verge. — Ou du moins qu’ils ne les aient pas en cet endroit. La restriction est très prudente ; dans le cas signalé par Aristote, les testicules sont à l’intérieur au lieu d’être au dehors.
  26. De la même façon. Ceci n’est pas tout à fait exact ; et en général, le testicule gauche est un peu plus bas que le droit. — C’est la chaleur. Cette explication n’est pas exacte physiologiquement ; et l’émission du sperme tient à d’autres causes.
  27. Excepté le hérisson. C’est certainement une question curieuse que de savoir comment des animaux couverts de piquants peuvent s’accoupler sans se blesser. On voit que cette question avait attiré l’attention d’Aristote ; il ne paraît pas que la zoologie moderne s’en soit occupée : du moins ni Cuvier, ni M. Claus n’en parlent. Le hérisson a les testicules tantôt dans l’abdomen, et tantôt sortant au dehors, sur le scrotum, selon la saison. — Ils s’accouplent debout. Ce fait est très probable ; et sans doute Aristote avait pu le constater : mais la zoologie moderne n’a pas, je crois, renouvelé cette observation.
  28. On voit donc… Ce résumé est peut-être prématuré ; et il serait mieux placé quand l’auteur aura fini la théorie des testicules.
  29. Comme on vient de le dire. Plus haut, ch. V, v§ 1, et ch. IV, § 1. — C’est bien… nécessité. Cette opposition est ordinaire dans les théories aristotéliques. La nécessité est de pure hypothèse ; c’est-à-dire que la conformation de certains animaux étant donnée, ils ne peuvent pas avoir de testicules, du moins apparents. — Nécessité… nécessairement. Cette répétition est dans le texte. — Très rapide. Ceci s’applique particulièrement aux poissons, comme il sera expliqué tout au long dans les paragraphes suivants.
  30. En se frôlant. Le mot du texte exprime un acte plus rapide encore ; et il implique en quelque sorte une chute du mâle sur la femelle. — Forcés… de retenir leur souffle. La raison peut être ingénieuse ; mais le fait est loin d’être certain, et je ne crois pas qu’aucune observation l’ait constaté. — Ils risquent fort de périr. Ceci est de toute évidence ; mais la théorie n’en est pas plus juste. — Ils ne peuvent donc pas. La suite du paragraphe prouve qu’il faut ici une négation ; le mot dont se sert le texte pourrait être pris également en un sens affirmatif. — Régulière. J’ai ajouté ce mot. — En se touchant mutuellement. L’expression dont se sert ici le texte est plus exacte que celle dont il vient de se servir au début de ce §. — Tout cuit. J’ai dû conserver les formules du texte, parce quelles tiennent au fond même des théories d’Aristote. La coction signifie seulement ici que la liqueur séminale a subi toutes les élaborations qui doivent la rendre féconde.
  31. Des canaux tout droits et tout simples. Ce sont sans doute les canaux qui, dans les poissons, répondent aux canaux

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    déférents dans l’homme.

    Une petite partie des testicules. Les testicules des quadrupèdes ont des circonvolutions très nombreuses.

    Dans le canal redoublé… Tout ce passage, jusqu’à la fin du §, est très difficile à comprendre, parce qu’il faudrait avoir sous les yeux les préparations anatomiques d’où Aristote a tiré cette description. Mais ce qu’on ne saurait méconnaître, c’est l’effort que fait l’auteur pour rapprocher l’organisation des poissons de celle des quadrupèdes. C’est de l’anatomie comparée déjà fort attentive, si ce n’est très bien informée.

    Des quadrupèdes. J’ai ajouté ces mots, qui me semblent indispensables.

    Une partie qui a du sang… Il est impossible de savoir nettement quelles sont ces deux parties qu’Aristote veut distinguer ; rien dans l’organisation des testicules ne présente la différence qu’il signale. Leur substance présente beaucoup de vaisseaux remplis de liqueur séminale et entrelacés de vaisseaux sanguins. Ces vaisseaux partent en général de l’épididyme. Des circonvolutions de l’épididyine, part le canal déférent, qui remonte jusqu’à la vésicule séminale ; puis, il descend au-dessous et forme le canal éjaculateur. La liqueur séminale entre à ce point dans le canal de l’urètre, venu de la vessie, et elle sort par le gland et le méat urinaire. Cette conformation se répète pour chacun des testicules, dans les animaux où, comme chez l’homme, ces organes sont indépendants et extérieurs. Il n’est pas douteux qu’Aristote a du voir les parties principales de cette organisation ; et le redoublement dont il parle ne peut s’appliquer qu’au canal déférent, d’une part, et au canal de l’urètre d’autre part. Il me semble que c’est là la conjecture la plus probable.

    La seconde partie du redoublement. C’est sans doute du canal de l’urètre qu’il s’agit ; il est

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    tout droit en effet, sauf quelques inflexions, à partir de la vessie jusqu’à l’extrémité de la verge.

  32. Ni testicules ni verge. C’est une erreur : les reptiles ont des testicules, qui sont cachés dans la cavité abdominale, contre la face inférieure des reins. Quant à la verge, les chéloniens n’en ont qu’une ; les sauriens et les ophidiens en ont deux, pour la plupart ; les batraciens en manquent complètement : voir Cuvier. Anatomie comparée, 1re édition, tome V, pp. 25 et 113. — Antérieurement. Plus haut, § 1. et ch. III, § 1. — Parce qu’ils n’ont pas de jambes… à cause de leur longueur. Il n’est pas besoin de faire remarquer l’insuffisance de ces explications. — Que des canaux. On pourrait ajouter : « Séminifères ». — La semence se refroidirait. Cette explication ne vaut pas mieux que les précédentes.
  33. Qui ont une longue verge. Voir Cuvier, loc. cit., pp. 84 et suiv. La verge de l’éléphant est pliée dans son fourreau, en forme de double S. Celle des ruminants a aussi des replis tout particuliers. Dans le chameau, dans le dromadaire et dans le chat, l’extrémité de la verge est repliée en arrière, et de là vient que ces animaux urinent par derrière ; mais dans l’érection, elle se redresse et se porte en

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    avant.

    On voit donc bien. La conclusion ne semble pas justifiée par ce qui précède.

  34. Impossibilité de monter. Cette raison est excellente. — De parties pour se saisir mutuellement. Ces parties seraient des membres dans le genre de ceux des quadrupèdes, ou ceux de l’homme. — Ils se séparent plus lentement. L’explication est également très exacte. Sur l’accouplement des serpents, voir l’Histoire des Animaux, liv. V, § 2, de ma traduction. Le mode d’accouplement des reptiles est fort curieux ; Aristote a bien fait de s’y arrêter. La science moderne y a donné généralement moins d’attention.
  35. Il est assez difficile… Voir Olivier, Anatomie comparée, 1ere édition, tome V, pp. 120 et 124. Cuvier remarque que, par une anomalie assez, singulière, les organes de l’accouplement existent moins généralement dans les femelles que dans les mâles. Cela tient à ce que dans beaucoup d’espèces, chez tous les oiseaux, chez la plupart des reptiles, le cloaque tient lieu de ces organes : on conçoit que ces différences de conformation rendent l’observation des faits plus difficile, comme le dit Aristote. — Qui marchent sur le sol. C’est l’expression même du texte ; elle est peut-être un peu générale, à moins qu’elle ne se rapporte uniquement qu’aux vivipares, comme la suite semble le prouver. — Sous les membres. Ou peut-être : « Sous les parties honteuses. » — Les sélaciens. Voir l’Histoire des Animaux, liv. 1. ch. IV et ch. V ; et pour la matrice des sélaciens,

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    ibid., liv. III, ch. I, § 21, de ma traduction. Voir aussi Cuvier, Règne animal, p. 384, édition de 1829. — En bas… en haut. On ne voit pas assez nettement ce que l’auteur entend par le bas et le haut ; il veut sans doute indiquer par là une distance plus ou moins grande au diaphragme.

  36. D’abord, les ovipares… Les ovipares comprennent les poissons et les oiseaux ; il sera question de ces derniers au § suivant. — Des œufs imparfaits. En ce qu’il faut la laite du mâle pour qu’ils deviennent féconds. — Comme chez les plantes. Cette assimilation n’est pas très exacte ; et il aurait été nécessaire de la justifier. — Ne semblent former qu’un œuf unique. Cette observation est ingénieuse ; et l’on ne voit pas que la zoologie moderne l’ait reproduite. — Plantes ou animaux. Ceci répète ce qui vient d’être dit un peu plus haut.
  37. Subsister sans danger. Au dehors, après la ponte. — Pris tout leur développement. A l’intérieur de l’animal. — La coquille se forme. C’est encore une question fort obscure aujourd’hui que de savoir comment se forme dans l’oiseau la partie dure de la coquille. L’action de la chaleur que signale Aristote n’est pas sans doute étrangère au phénomène ; mais elle ne suffit pas pour l’expliquer.
  38. Il y a nécessité. Selon les théories d’Aristote, la Nature, pour atteindre le but qu’elle poursuit, doit nécessairement employer certains procédés ; le but n’est pas nécessaire ; mais une fois le but donné, les moyens le sont ; et sans eux, le but ne pourrait être atteint. — Ne s’y oppose pas. C’est là un principe qu’admet la science contemporaine, aussi bien que le naturaliste grec. — Là où est la fin… accomplit l’acte. Tout ce passage semble dénué de sens à MM. Aubert et Wimmer ; et ils proposent une correction que je n’ose adopter, parce qu’aucun manuscrit ne l’autorise. Il vaut encore mieux suivre le texte tel qu’il est, tout en avouant qu’il est peu satisfaisant.
  39. Les vivipares… Tout ce qui est dit ici des vivipares est très exact : et l’on ne saurait aujourd’hui même y rien ajouter ; seulement, au lieu de vivipares, nous parlerions de mammifères. — Les dauphins, les baleines et autres cétacés. Voir Cuvier, Règne animal, tome I, pp. 281, 285 et 295. Le naturaliste grec est en parfait accord avec le naturaliste français.
  40. Les sélaciens et les vipères. Ce rapprochement n’est peut-être pas très juste, et la science moderne ne l’admettrait pas. Parmi les sélaciens, les uns font éclore leurs petits a l’intérieur ; les autres font des œufs revêtus d’une coque dure et cornée. Quant aux vipères elles font des petits vivants, parce que leurs œufs éclosent avant d’avoir été pondus ; C’est ce qui leur a valu, dit Cuvier, le nom général de vipères, contracté de vivipares. Règne animal, tome II, pp. 383 et 87, édition de 1829. Voir aussi l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. VI, § 6 ; liv. III, ch. I, § 23, et liv. V, ch. XXVIII, de ma traduction. — Complet… incomplet. Voir plus haut, § 2. L’œuf des poissons est incomplet, en ce que le mâle doit leur donner la vie par sa laite, après que la femelle les a pondus. — C’est qu’ils sont naturellement froids. La raison ici donnée n’est pas très bonne. — Dessécher l’œuf. Voir plus haut, § 3. — Dans ce cas, les œufs seraient détruits. Cette explication est plus acceptable que la précédente. Il est certain que ce n’est pas sans motif que la coquille des œufs d’oiseaux est dure, comme elle l’est.
  41. L’œuf descend en bas. MM. Aubert et Wimnier trouvent avec raison que tout ce passade est corrompu ; et ils proposent une rédaction nouvelle qui donne un sens plus satisfaisant. Mais il me paraît qu’il vaut encore mieux s’en tenir au texte reçu que de tenter une correction arbitraire. La pensée générale est assez claire, si quelques détails ne le sont pas. Les vivipares, dans le genre de la vipère, produisent à l’intérieur un œuf, qui se comporte comme celui des oiseaux : mais c’est seulement quand le petit est éclos intérieurement, qu’il se produit au dehors. — Dans les membres inférieurs. J’ai ajouté ce dernier mot. MM. Aubert et Winimer semblent croire qu’il s’agit ici, comme plus haut, des membres honteux ou organes de la génération ; voir plus haut § 1. — Les animaux de ce genre. Sélaciens et vipères. — La matrice dissemblable. Ce détail, qui ne peut être connu que par la dissection, est fort exact : « Les femelles des sélaciens ont des oviductes très bien organisés, qui tiennent lieu de matrice à ceux dont les petits éclosent dans le corps ; » Cuvier, Règne animal, tome II, p. 384, édition de 1829.
  42. Descriptions anatomiques… Histoire des animaux. Les Descriptions anatomiques, qu’Aristote cite très souvent, ne sont pas parvenues jusqu’à nous. Pour l’Histoire des Animaux, voir liv. III, ch. I, §§ 17 et suiv., et liv. VI, ch. X, XI et XII. — Participent… des deux organisations. Répétition de ce qui vient d’être dit, au § 7. — La matrice en bas. Au lieu de l’avoir près du diaphragme. Voir dans l’Anatomie comparée de Cuvier la XXIXe leçon, tome V, pp. 120 et suiv., 1ere édition.
  43. Sous les diaphragmes. Les raisons données ici par Aristote peuvent être acceptables même à la science moderne. — Qui est si important pour la vie. L’expression grecque n’est guère plus précise ; mais il faut se rappeler que, pour Aristote, le centre phrénique, voisin du diaphragme, est le centre principal de la vie. — À cause de la longueur du trajet. L’embryon aurait un trop long espace à parcourir pour naître, s’il était formé trop haut dans l’intérieur de la mère. — Elles provoquent l’avortement. Ces observations se vérifient très fréquemment.
  44. Sont vides. C’est la traduction exacte du texte. L’auteur entend évidemment par là les cas où il n’y a pas de conception, et où la matrice ne contient encore aucun embryon destiné à se développer. — Si elles remontent. MM. Aubert et Wimmer pensent qu’il s’agit ici de désordres hystériques. Il faut remarquer que, dans ce passage comme dans tant d’autres, Aristote prend le mot de matrice dans un sens beaucoup plus large que la science moderne ne peut le prendre. L’appareil générateur chez les femelles se compose de plusieurs parties, qu’Aristote semble avoir confondues sous une seule dénomination. — Celles qui doivent contenir. Ce n’est plus la matrice en général, mais bien l’utérus. — Charnues… membraneuses. La distinction paraît assez exacte. — En deux fois. D’abord, un œuf à l’intérieur ; puis, un petit sortant vivant, après l’éclosion, qui se faite au dedans. — En haut… de côté.. partie inférieure. Tous ces détails attestent bien, après tant d’autres, qu’Aristote disséquait avec le plus grand soin les animaux dont il parlait.
  45. Sont à l’intérieur. Cette observation est fort simple ; mais elle est essentielle ; et il était surtout utile de la faire au début de la science. — Se trouve en elles. Dans cette partie de l’organe qu’on appelle l’utérus. — La chaleur qui le cuit. J’ai conservé fidèlement la formule du texte, qui tient étroitement à toutes les théories d’Aristote. Nous dirions plutôt aujourd’hui que la chaleur développe et non pas qu’elle cuit. La même expression est employée un peu plus bas pour le sperme, qui lui

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    aussi a besoin d’être cuit et élaboré. — Tantôt dehors et tantôt dedans. Quand les testicules sont intérieurs, ils n’ont plus besoin d’être protégés, puisqu’ils le sont par leur position même. Quand ils sont au dehors, ils sont organisés comme il est dit au § suivant.

  46. Se relever. Ce ne sont pas précisément les testicules ; c’est la verge proprement dite. — Une peau qui les recouvre… le scrotum. La bourse où sont suspendus les testicules n’est qu’un prolongement de la peau. Cette bourse est doublée par un tissu cellulaire cotonneux, qui enveloppe les testicules. Une seconde enveloppe est un prolongement du péritoine ; enfin leur tunique propre se distingue par sa blancheur, qui l’a fait appeler Albuminée ; voir Cuvier, Anatomie comparée, tome V, p. 12, 1re édition. — Il faut de toute nécessité… L’explication est fort ingénieuse ; mais je ne sais pas si la science contemporaine peut l’adopter.
  47. C’est pour cela. Même remarque. Les cétacés ont, il est vrai, les testicules à Tintérieur ; mais il est bien difficile de comprendre quelle est la cause de cette organisation. — Un peu plus haut. Voir ch. VII. § 3, et ch. V, § 1. — L’éléphant et le hérisson… Ceci est exact. — La peau ne serait pas du tout propre… L’observation est juste, si elle s’applique au reste de la peau de ces animaux ; mais pour les testicules, la peau pouvait être modifiée, comme elle l’est dans l’homme.
  48. Les matrices. Il faut toujours se rappeler que, par le mot de Matrice. Aristote comprend et confond toutes les parties de l’appareil de la génération chez les femelles. Son observation sur la différence des matrices n’en est pas moins juste. — Les ovipares. Oiseaux et poissons. — Sous les deux formes. Comme les trois premières classes de reptiles, et particulièrement la vipère.
  49. Au bas du ventre. Ceci n’est pas applicable à tous les mammifères. — L’homme, le bœuf, le chien. J’ai conservé la formule du texte, qui s’adresse au genre entier, sans tenir compte de la différence des sexes. — Qu’aucun poids ne presse la matrice. Cette cause finale est très vraisemblable. — Un conduit spécial. Tous les détails qui suivent sont d’une complète exactitude, dans leur généralité. — Des parties sexuelles. Voir plus haut, ch. III, § 1. — Le sperme… les menstrues. Qu’Anstote assimile l’un à l’autre. — Ce conduit… Tous ces détails sont très exacts.
  50. Dans l’aine. Peut-être le mot de ma traduction n’est pas très convenable ; celui de Hanche ne le serait pas davantage ; je n’en ai pas trouvé de meilleur. La région qu’Aristote veut indiquer est celle qui correspond au bassin, chez l’homme et les quadrupèdes. — Dans les animaux qui n’ont pas de verge. Il eût été bon de désigner plus précisément ces animaux. — Les tortues. On sait qu’entre les reptiles la tortue a, par exception, une vessie qui est relativement très grosse. Quant aux oiseaux, ils n’urinent point ; et leur urine se mêle aux excréments solides. Le rectum, les uretères, et les canaux spermatiques aboutissent au cloaque ; qui est ouvert extérieurement par l’anus ; voir Cuvier, Règne animal, tome I. p. 309, édit. de 1829.
  51. En vue de la génération. Cette théorie est peut-être trop exclusive ; et l’organe sert à la fois aux deux fonctions. — Comme la nature du sperme est liquide. L’appareil spermatique est très distinct de l’appareil urinaire, dans une foule d’espèces. — N’ont pas d’excrément liquide. Notamment les oiseaux, sauf l’autruche. — Les conduits spermatiques. On peut trouver que cette expression est bien vague. — En vue des embryons. Qui doivent pouvoir sortir vivants du sein de leur mère.
  52. Ils participent des deux natures. Voir plus haut, ch. VII. § 7. — Le point où naissent les œufs. Ces détails ne peuvent être connus que grâce à l’anatomie et l’on ne peut douter qu’Aristote n’ait beaucoup disséqué, ainsi que je l’ai déjà fait remarquer plus d’une fois.
  53. Dans ces espèces d’animaux. Ce sont ceux qui produisent un œuf au dedans, et au dehors un petit vivant. — Aucun de ces animaux n’a de verge. C’est une erreur, s’il s’agit des reptiles tels que la vipère. Les chéloniens ont une verge ; les sauriens et les ophidiens en ont deux ; les batraciens en manquent entièrement. Voir Cuvier, Anatomie comparée, tome V. p. 113, 1re édition. Seulement, Aristote fait une restriction ; il ne nie pas absolument que ces animaux aient une verge ; mais il dit que cette verge n’est pas indépendante, comme elle l’est dans bien d’autres animaux. — Ainsi qu’on l’a déjà dit. Voir plus haut, ch. II, § 6, et ch. III § 3. — De même que les matrices des ovipares. La science moderne, éclairée par des observations anatomiques plus complètes, ne serait pas de cet avis. — Ils sont surajoutés. On pourrait traduire encore : « Ils sont adhérents, » Cuvier dit aussi que les testicules sont collés, dans les reptiles, contre la face inférieure des reins, ou en avant de ces viscères,

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    de chaque côté de la colonne épinière ; loc. cit., p. 25.

  54. En même temps que les canaux. Cette expression est trop vague pour qu’on puisse savoir précisément à quoi elle n’applique. — Les deux canaux se confondent en un seul. Il est évident qu’il s’agit des canaux déférents, qui, remontent du testicule, s’infléchissent un peu au-dessous des vésicules séminales, et qui, à la suite des canaux éjaculateurs, se réunissent dans le canal de l’urètre pour que l’émission ait lieu par le méat urinaire. — Dans les approches de la verge. La verge commence un peu au-dessous de la glande de Cooper et de la vessie. — Dans les dauphins. Ceci semble bien être une addition faite par une main étrangère, quoique le fait soit exact. Le dauphin a des testicules, qui ne sortent jamais de l’abdomen. C’est un fait bien constaté.
  55. Chez les animaux qui ont du sang. J’ai ajouté ces mots, qui complètent l’expression, et qu’autorise la suite du contexte, où les animaux privés de sang sont opposés aux autres. — Dans toutes les espèces. D’animaux exsangues.
  56. Quatre genres d’animaux. Voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. I, de ma traduction. — Crustacés…, mollusques…, insectes…, testacés. La science moderne a conservé encore toutes ces distinctions ; mais ces animaux ne sont pas privés de sang, comme le dit Aristote ; ils ont du sang, qui est blanc, au lieu d’être rouge. L’ordre dans lequel Aristote range les quatre genres n’est pas très régulier. — On ne sait pas clairement. Aujourd’hui même, on n’est pas tout à fait fixé sur tous les détails de la reproduction de ces animaux. — Plus tard. Voir plus loin, liv. III, ch. VIII et ch.

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    IX.

  57. L’accouplement des crustacés. Voir l’Histoire des Animaux, où cette question a été déjà traitée, liv. V, ch. VI, § 1, et ch. XIII, § II., de ma traduction. — Celui des animaux qui urinent par derrière. C’est une erreur, à laquelle a donné naissance la conformation de la verge à l’état de repos chez ces animaux. — En sens contraire. L’une s’abaissant, et l’autre se relevant. Sur les crustacés, voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 183, et tome IV, pp. 7 et suiv., édition de 1829. Linné avait eu le tort de confondre les crustacés avec les arachnides et les insectes. — Les mâles… et les femelles. Ces observations n’ont pas été sanctionnées par la science moderne ; il paraît que les organes sexuels des mâles sont toujours doubles, et placés sous la poitrine, c’est-à-dire à l’origine de la queue. Voir Cuvier, Règne animal, tome IV, p. 12. Ici encore, on peut voir avec quel soin Aristote observait les faits que l’anatomie pouvait seule lui révéler.
  58. Les mollusques s’accouplent. Cuvier reconnaît quatre modes d’accouplement des mollusques : sexes séparés avec accouplement ; sexes séparés sans accouplement ; sexes réunis avec accouplement réciproque ; et enfin hermaphrodisme parfait, les deux sexes étant réunis dans le même individu, qui se féconde. Aristote n’a pas fait ces distinctions ; Cuvier. Anatomie comparée, tome V. pp. 164 et suiv. — En s’appuyant mutuellement sur leur bouche. Je ne vois rien dans la science moderne qui confirme ces observations d’Aristote ; elles ne doivent pas cependant manquer de quelque vérité. — Sur les Parties des Animaux. Voir ce traité dans ma traduction, livre IV, ch. IV. §§ 4 et 5 et suiv. Dans beaucoup de mollusques, il n’y a qu’une seule ouverture pour recevoir les aliments et pour en expulser le résidu. — Dans chacune de ces espèces. L’expression est bien générale : il aurait fallu indiquer plus précisément les espèces auxquelles il est fait allusion. — La femelle a une matrice. A quelle espèce ce détail se rapporte-t-il ? C’est ce qu’il est difficile de savoir. — Dans cet état incomplet. C’est-à-dire sans doute que le mâle doit passer sur ses œufs pour les rendre féconds.
  59. Dans les crustacés. Voir Cuvier, Anatomie comparée, 1ere édition, tome V, p. 188. — Dans les mollusques. Voir l’Histoire des Animaux, liv. V, ch. V, §§ 1 et suiv. de ma traduction. — Un seul et même canal… sa laite. Ceci suppose qu’Aristote connaissait l’hermaphrodisme d’une grande partie des mollusques. La matrice concerne l’organe femelle ; la laite concerne l’organe mâle ; et les deux semblent réunis dans le même individu, d’après ce passage, bien que l’auteur ne le dise pas formellement. — Dans le dessous du corps. C’est exact ; mais on pouvait indiquer le lieu plus précisément. — Le manteau. Tous les mollusques n’ont pas le manteau, qui est un développement de la peau, recouvrant le corps ; voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 4, édition de 1829. — L’accouplement du mâle et de la femelle. Aristote revient ici à la séparation des sexes, qu’il paraissait réunir dans ce qui précède. C’est qu’en effet ces diverses organisations se retrouvent dans les espèces différentes de mollusques. — Dans les polypes. Sur l’accouplement des polypes, voir l’Histoire des Animaux, livre V, ch. V, §§ 1 et suiv. ; et aussi, liv.

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    IX, ch. XXV, § 22, n, de ma traduction. Aristote comprend beaucoup d’espèces de mollusques sous le nom de Polypes ; il est difficile de savoir de quelles espèces il s’agit ici. Quant à la fonction des tentacules, on n’est pas beaucoup plus fixé aujourd’hui qu’on ne l’était dans l’Antiquité. — En dehors du canal. Sous-entendu, Spermatique.

  60. Parfois, les mollusques… Ce paragraphe n’est guère qu’une répétition du précédent. — On n’a pas pu savoir encore. Ceci montre une fois de plus avec quel scrupule d’attention Aristote observait les choses.
  61. Des insectes qui s’accouplent. Voir Cuvier, Règne animal, tome IV, pp. 312 et suiv., édition de 1829. — Ce ne sont pas des êtres congénères. Aristote évidemment veut parler des métamorphoses des insectes. Le papillon femelle pond des chenilles, qui deviennent chrysalides ; c’est de la chrysalide que sort un nouveau papillon ; il y a là trois états successifs, larve, nymphe et état parfait. C’est uniquement dans le dernier état que l’animal peut produire ; Cuvier, loc. cit. 9 p. 315. — Non plus d’animaux vivants. C’est alors la génération spontanée ; on a cru à cette théorie jusque dans ces derniers temps ; et il y a même encore des naturalistes qui la soutiennent. Dans l’Antiquité, cette erreur était pardonnable, puisqu’on n’avait pas le microscope à sa disposition, et qu’à l’œil nu, il était impossible de distinguer bien des choses. — Les psylles. J’ai du conserver le mot grec, parce que l’identification n’est pas certaine. Voir l’Histoire des Animaux, livre IX, ch. XXVI, § 2. Dans la science moderne, les psylles sont des hémiptères ou faux-pucerons ; ils sont en général sur les arbres ; ils vivent avec les végétaux eux-mêmes. Voir Cuvier, Règne animal, tome V, p. 224 ; et M. Claus, Zoologie descriptive, p. 590, trad. franc. On a cru aussi que les psylles sont des puces. — Les mouches, les cantharides. D’après la construction de la phrase, Aristote semblerait croire que les mouches naissent de la corruption.

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    Ce serait là une erreur que la moindre observation pouvait prévenir ; rien n’est plus facile que de voir l’accouplement des mouches. — Il y en a d’autres. C’est peut-être à ces derniers insectes que s’applique la théorie qui les fait naître de matières putrescibles. — Les empides. Ce sont des insectes diptères, de la famille des tanystomes ; on y a reconnu des sexes fort distincts ; Cuvier, loc. cit., tome V, p. 459. Les larves habitent dans la terre ; et de là sans doute sera venue l’erreur d’Aristote. Voir M. Claus, Zoologie descriptive, p. 604, trad. franc. — Les taons. Voir l’Histoire des Animaux, où Aristote commet la même erreur, liv. V, ch. XVII, § 11, n., de ma traduction.

  62. Les femelles sont plus grosses. Observation très exacte. — On n’a pas découvert de canaux prolifiques dans les mâles. On avait donc cherché à découvrir ces canaux, dont la ténuité se sera dérobée à l’attention des observateurs. — Dans la plupart des cas. L’expression est peut-être trop générale. Sur la génération des insectes, voir Cuvier, Anatomie comparée, tome V, p. 189, 1ere édition. — La femelle qui introduit quelque chose. Le fait n’a rien d’impossible ; mais il ne paraît pas constaté. — Établir par là des divisions en genres. Ceci montre bien qu’Aristote cherchait avec grand soin des bases de classification.
  63. Dans la plupart des poissons. Ici encore ; l’expression peut sembler bien générale. — Mieux supporter le poids. Cette explication est acceptable, si le fait est aussi exact que le croit Aristote. — Près de l’intestin. Les organes femelles chez les insectes sont beaucoup plus uniformes que les organes mâles. Ils consistent le plus ordinairement en un oviducte commun, ouvert à la vulve, et se divisant et se subdivisant en un certain nombre de boyaux plus ou moins longs ; voir Cuvier, Anatomie comparée, tome V, p. 197, 1er édition. — Que se logent les embryons. Les œufs sont disposés dans l’intérieur de manière que les plus gros sont les plus près de l’oviducte, et que les autres, diminuant sans cesse, deviennent presque imperceptibles. — Sur les sauterelles. Les sauterelles ont de chaque côté une trentaine de tubes courts, contenant trois ou quatre œufs visibles, réunis en deux masses ovales par une humeur muqueuse ; Cuvier, loc. cit., p. 198. — Extrêmement petits. Aussi, Aristote conseille-t-il souvent d’observer surtout les individus les plus gros, où les choses sont plus visibles.
  64. Dont il n’avait pas été question antérieurement. Il semble que ceci se rapporte aux crustacés, aux mollusques et aux insectes, dont il n’a été parlé qu’après les autres animaux ; mais peut-être faut-il rapporter cette phrase aux organes, et non point aux animaux mêmes. — Les éléments similaires. Voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. I, §§ 1 et suiv. — Plus tard. Voir plus loin, liv. IV, ch. VIII. L’étude consacrée au lait ne tiendra pas à beaucoup près autant de place que celle du sperme.
  65. Pour les insectes et pour les mollusques. On ne peut pas douter que ces deux ordres d’animaux liaient de la liqueur séminale, puisqu’ils ont tous les organes propres à la sécréter et à remployer ; mais l’observation sur les petits animaux est très difficile ; et voilà comment Aristote doit avouer son ignorance sur cet obscur sujet. — Si tous les mâles. A cet égard, il semble que l’affirmation est évidente. La fonction propre fin mâle est l’émission de la liqueur fécondante.
  66. Il y aura en outre à rechercher. On peut voir avec quelle attention Aristote divise les questions qu’il se propose de traiter. — Les femelles… C’est encore une question pour la science moderne, comme c’en était une pour l’Antiquité. — Elles concourent à la génération. Bien que tous les phénomènes soient aujourd’hui mieux connus que jamais, il nous reste encore bien des choses à apprendre, sur les rapports des deux sexes dans la génération, et sur la part qu’y ont chacun d’eux.
  67. Une autre question. Cette question nouvelle a beaucoup de ressemblance avec celles qui précèdent ; mais elle concerne les mâles plus spécialement. — Apportent, par cette liqueur. Cette question n’est pas encore absolument résolue. — Du sperme… les menstrues. Pour Aristote, les deux sécrétions ont beaucoup d’analogie, et il insistera souvent sur ce point de vue, qui est très soutenable.
  68. Tous les animaux viennent de sperme. Ceci paraît un peu contredire le § 2 ci-dessus. — Viennent toujours des parents. Qui les ont élaborés et qui les émettent à certaine époque de leur vie. — Une même question. L’identité des deux questions n’est peut-être pas aussi forte qu’Aristote semble le croire. — La raison nous porte à croire. L’auteur en appelle à la raison, parce que les phénomènes ne sont pas assez connus, et parce qu’il est très difficile de les bien observer.
  69. Quelques naturalistes. Parmi lesquels il faut comprendre Empédocle, comme la suite le prouve. — Vient de toutes les parties du corps. La science moderne ne se pose pas cette question ; et pour elle, le sperme s’élabore surtout dans les testicules ; mais l’émission de la liqueur séminale a une telle influence, sur l’organisme entier, que l’on comprend très bien comment on s’est posé la question que discute le naturaliste grec. — La violence du plaisir. Ce premier argument n’est peut-être pas très fort ; mais l’émotion s’y fait sentir dans le corps entier, par la prostration qui suit toujours l’acte vénérien. — Naissent des jeunes contrefaits. Ce fait n’est pas aussi général que le croyaient sans doute les naturalistes qu’Aristote combat : de parents contrefaits, il naît souvent des enfants qui sont très bien faits ; et à l’inverse. — Un autre argument. C’est le troisième. — Enfin. Quatrième et dernier argument. C’est dans le chapitre suivant que l’auteur réfutera ces théories.
  70. D’autres preuves. Aristote n’en cite qu’une seule, qui d’ailleurs est assez forte. — Congéniales… accidentelles. Le fait est, certain : et il a été observé bien des fois, quoique certains zoologistes le contestent. Les mêmes remarques sont déjà consignées dans l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. VI, § 6. — A Chalcédoine. En face de Byzance, sur le Bosphore, en Bithynie. — La lettre. Ou peut-être, d’une manière plus générale, Un signe quelconque. C’était une sorte de tatouage, usité dès cette époque.
  71. En approfondissant la question. On voit quelle importance Aristote attache à cette question. — L’opinion contraire. Les raisons qu’Aristole en donne sont péremptoires.
  72. La ressemblance. C’est le troisième argument ; voir au chapitre précédent, § 6. — La voix, les cheveux, les ongles. C’est, à ce qu’il semble, résoudre la question par la question, puisque les partisans de la théorie contraire soutiennent que le sperme vient de toutes les parties du corps, y compris la voix, les cheveux, les ongles comme tout le reste. — Les enfants ressemblent… les ressemblances. Voir sur tous ces faits l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. VI, §§ 6 et suiv. de ma traduction. — A Elis. Cet exemple est cité aussi dans l’Histoire des Animaux. id., ibid, § 8 ; seulement il y est dit : Une femme sicilienne ; quelques manuscrits disent aussi ; Une femme de l’Elide, comme ici. — Ethiopien. En d’autres termes, Nègre. Le fait n’est pas impossible.
  73. La même observation à des plantes. Il est probable que tout ce § est une interpolation ; et en tout cas, la comparaison n’est pas assez développée ni assez claire.
  74. Des parties similaires. Voir le début de l’Histoire des Animaux. L’objection est très forte. — Visage, mains et pieds. Qui sont des parties non similaires, composées elles-mêmes de parties similaires. — Si ces ressemblances. Celles des parties non similaires. — Des autres. Les ressemblances des parties similaires ; mais il serait bien impossible de constater ces dernières ressemblances.
  75. De toutes les parties du corps. Comme on le soutient dans la théorie que combat Aristote. — Par la chair et par les ongles. Qui sont des parties similaires, du moins dans les théories aristotéliques.
  76. Le mode de la génération. L’expression du texte n’est pas plus claire que ma traduction ; et le commentaire de Philopon n’éclaircit pas les choses davantage. Si le sperme vient des parties similaires en même temps qu’il vient des parties non similaires, comment se forme-t-il dans les unes et dans les autres ? Comment de leur mélange sort-il un produit unique ? Il semble que la liqueur séminale devrait être différente pour des parties différentes aussi. — Il en est absolument en ceci. Le texte n’est pas aussi précis que ma traduction ; mais je ne crois pas qu’il puisse avoir une autre signification que celle que je lui donne. Les lettres jouent le même rôle que les parties similaires dans le corps ; et c’est parce que chaque lettre a un sens que le mot entier résultant de leur combinaison en a un. D’ailleurs, cette comparaison n’est point assez : développée pour servir à faire mieux comprendre le reste.
  77. Les chairs et les os. Qui sont des parties similaires. — Formés de feu et d’éléments analogues. Pour l’Antiquité, le feu, la terre, l’eau, l’air étaient des corps simples, dont tous les autres corps étaient composés. Les quatre éléments répondaient aux corps simples de la chimie actuelle. — Vient des éléments. Qui sont antérieurs aux parties similaires, qu’ils composent, comme celles-ci sont antérieures aux parties non similaires. — Il n’y a pas de ressemblance possible. Puisque c’est de la combinaison des premiers éléments et de la combinaison des parties similaires, que se forme le corps entier, d’où l’on prétend que doit venir la liqueur séminale.
  78. Aï les parties sont séparées. Cette pensée ne paraît pas faire une suite régulière à celles qui précèdent. — Que fait-on. L’expression du texte est un peu plus vague encore. — Des parties. Ici encore le texte est moins précis. — Des organes honteux. Les organes du sexe étant différents dans le mâle et la femelle, il est bien à présumer que leur fonction n’est pas moins différente, et qu’ils ne produisent pas une liqueur identique. — Il y aura deux animaux. C’est une conséquence nécessaire, si l’on admet que le sperme vient du corps tout entier, et que chacun des parents fournit son sperme particulier. — Des deux. Parents, sous-entendu.
  79. Empédocle. La théorie d’Empédocle est indiquée dans ce qui suit ; mais la citation est tronquée. — Parfaite et totale. Le texte n’est pas aussi précis. Le mot dont il se sert fait allusion aux deux fragments qui se rejoignent pour former une pièce entière. J’ai conservé cette allusion autant que je l’ai pu par le mot de Concours. — Des organes. Le mot grec signifie proprement Membres. — N’enfantent-elles pas à elles seules. L’objection est irréfutable, du moment qu’on suppose que le sperme vient isolément du corps entier des deux parents.
  80. Autant qu’on peut le savoir. La restriction est prudente dans des questions aussi obscures. — Des éléments identiques. Le fait est de toute évidence ; et

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    bien que souvent Àristote voie une liqueur séminale dans les menstrues, il les distingue toujours du sperme. — Il est besoin qu’ils se réunissent. Parce que, isolés l’un de l’autre, ils sont inféconds, sauf les espèces hermaphrodites. — Dans le système d’Empédocle. J’ai ajouté ces mots qui m’ont paru nécessaires et qui ressortent du contexte. — Bien des têtes naquirent sans leur cou. Aristote cite encore ce vers d’Empédocle dans le Traité de l’Ame, liv. III, ch. VI, § l, de ma traduction.

  81. Le sperme vient de tout le corps. Théorie qu’Aristote tient essentiellement à combattre, et qui aujourd’hui a complètement disparu de la science, bien que Buffbn la soutienne encore, tome XI, p. 374, édition de 1830. — Ceux-là. C’est-à-dire, les naturalistes que réfute Aristote, et qui soutenaient que le sperme vient de toutes les parties du corps. — Naissent toutes continues. C’est-à-dire, avec tout le développement qu’elles comportent ; j’ai conservé le mot du texte, bien qu’il soit assez obscur. — Lieu. C’est le mot même du texte : mais le lieu ne signifie ici que le résultat total, le produit unique sorti de la réunion des parties.
  82. Se séparer et se distinguer. Il n’y a qu’un seul mot dans le grec. — De comprendre quoi que ce soit. La critique peut paraître bien sévère ; l’expression même du texte est encore plus dure. — Les parties. Similaires et non similaires, comme la suite le prouve. — Le sang n’est pas… uniquement du sang. MM. Aubert et Wimmer trouvent avec raison que cette phrase est obscure ; et le commentaire de Philopon ne l’éclaircit point. Le § suivant, qui semble compléter la pensée de celui-ci, n’est pas non plus d’un grand secours.
  83. Ce qui provient. L’expression du texte est tout aussi vague. Il faut entendre par là le produit des sécrétions dans tous les organes du corps. Le sang, par exemple, produit d’autres fluides, qui ne sont plus du sang, l’urine, la bile, la salive,

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    la liqueur séminale, etc. — De quelque chose qui n’est pas du sang. La nourriture que prend l’animal n’est pas du sang ; mais elle devient du sang par les élaborations successives qu’elle reçoit. Elle est donc autre que le sang ; et c’est de ce corps différent du sang que le sang provient, de même qu’il donne aussi naissance à d’autres corps. — Il est tout aussi clair. Cette conséquence n’est pas aussi évidente que l’auteur semble le croire. — Le sperme ne vient que d’une seule de ces parties. Le texte n’est pas aussi précis. — Puisque le sang ne vient pas du sang. La liaison de ces idées ne paraît pas suffisante ; il semble qu’il manque ici quelque développement indispensables que l’auteur seul aurait pu donner à sa pensée. — Toutes choses. Quelques traducteurs ont compris qu’il s’agissait ici des parties, et non pas des choses en général ; j’ai cru devoir conserver l’indécision du texte, que semble justifier ce qui est dit dans le § suivant.

  84. Celle d’Anaxagore. Voir la Métaphysique, liv. I, ch. III, § 20, et ch. VII, § 38 ; et liv. IV, ch. V, § 4, de ma traduction. Il ne semble pas que les Homœoméries d’Anaxagore puissent être identifiées avec les parties similaires des animaux, telles que les entend Aristote. — À toutes choses. Et non pas seulement à l’organisation animale, comme Aristote lui-même le remarque. — Les philosophes dont nous parlons. Le texte dit simplement : « Ceux-ci. » On sait que les parties similaires ou Homoeoméries d’Anaxagore sont éternelles — Pourraient-elles s’accroître et se développer. Il ne semble pas que cette objection s’applique uniquement au système que combat Aristote ; elle s’applique également au sien ; et la croissance des corps est aussi mystérieuse que la vie même qui les anime. — Grâce à la nourriture. Le fait est évident ; mais ce qui ne l’est pas, c’est la force qui modifie les aliments et les convertit en la substance du corps, selon les organes. — Que le sperme vient de tout le corps. Le texte n’a pas cette précision ; et il se sert d’une expression indéterminée.
  85. Immédiatement produire du sang… Il semble que c’est attribuer au sperme une fonction nouvelle dont il n’a pas été parlé jusqu’ici. D’après cette théorie, ce serait le sperme qui serait cause de la croissance de l’embryon et de tout son développement. On ne voit rien de pareil dans le système de ceux qui soutiennent que le sperme vient de toutes les parties du corps, d’après l’exposition même qu’Aristote fait de ce système. — Le vin s’accroît. La comparaison ne semble pas juste, en ce sens que c’est bien plutôt le liquide qui s’accroît en quantité ; mais le vin même disparaît au fur et à mesure que

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    l’on y ajoute de l’eau. — Dans l’état actuel des choses. Le texte dit simplement : Maintenant. — Qui dépasse trop notre intelligencee. Mot à mot : « Trop au-dessus de nous. » — Pour que nous la discutions. J’ai du ajouter ces mots pour compléter la pensée.

  86. Les deux sexes. Ces mots explicatifs ont été encore ajoutés ; le texte dit seulement : « Femelle et mâle. » — Empédocle. Voir les Fragments d’Empédorle, édit. Firmin-Didot, p. 10. Le vers que cite Arisiote paraît avoir appartenu au second livre des Choses physiques d’Empédocle. — On voit cependant… L’objection est très forte ; et les sexes ne sont pas séparés dès le moment de la conception, puisque les mêmes individus ont tantôt des enfants mâles et tantôt des enfants femelles. — Ils deviennent féconds… Le fait est assez fréquent. — Elle tient à ce que le fluide… Cette explication n’est peut-être pas plus vraie que celle qu’elle prétend réfuter ; mais il faut dire aussi que, sur ce point, la science moderne n’est guère plus avancée. — Quelque autre cause. Cette restriction prouve que l’auteur lui-même sent que sa théorie est insuffisante. Autrement, il n’aurait pas cette hésitation.
  87. Il est donc bien évident. Cette formule, qu’Aristote emploie très souvent, n’est pas toujours justifiée ; et ici particulièrement, la pensée n’est pas exprimée assez clairement pour qu’on puisse parler d’évidence. — Dont il sortirait. J’ai ajouté ces mots qui me semblent indispensables. — L’organe spécial. Ce sont les parties génitales dans l’un et l’autre sexe. Indifféremment devenir femelle ou mâle. Le fait est exact. — De cette partie. C’est-à-dire, des organes qui distinguent les sexes l’un de l’autre. Si des organes des parents ne viennent pas les organes des jeunes, on peut en dire autant de tous les organes. — De la matrice. En ce qui concerne la jeune femelle, ou des organes mâles en ce qui concerne le jeune mâle.
  88. Les mouches, par exemple. Cette erreur est assez singulière ; car l’observation est très facile ; et l’accouplement des mouches est si évident qu’il est presque impossible de le méconnaître. — Pucerons. Le texte dit ici, comme plus haut, Psyles, ch. IX, § 7. — C’est une sorte de larves. Pour les mouches, ce sont des œufs qu’elles pondent. — Que ces êtres hétérogènes. L’expression n’est pas juste ; ce ne sont pas des êtres hétérogènes ; mais ce sont les métamorphoses naturelles d’êtres du même genre. Voir l’Histoire des Animaux, liv. IX, ch. XXVI, § 2.
  89. Un autre argument. Contre cette théorie qui fait venir le sperme de toutes les parties du corps. — Un grand nombre d’êtres. Ou de Petits. Cette multiplicité des produits, à la suite d’un seul accouplement, peut s’observer sur les animaux supérieurs, mais surtout chez les animaux moins élevés ; on la voit spécialement chez les insectes. — C’est tout à fait le cas des plantes. Aristote se complaît, à ce qu’il semble, dans ces relations entre les plantes et les animaux ; et il fait déjà de la biologie au sens où l’entendent les Modernes. Mais on peut trouver qu’ici, comme plus haut, même chapitre, § 3, ces relations sont bien éloignées et bien peu frappantes. — D’un seul mouvement. J’ai conservé la formule du texte ; mais on voit que l’expression est bien vague. J’aurais pu préciser davantage ; mais comme la fécondation des végétaux n’était pas connue des Anciens, j’ai craint de préciser par trop les choses, en changeant le mot de Mouvement en un mot mieux défini. — Multiple. J’ai ajouté ce mot, qui ressort du contexte. — Semence. On pourrait traduire aussi par Sperme ; mais comme le mot grec peut tout à la fois s’appliquer aux plantes et aux animaux, j’ai cru devoir conserver, en notre langue, un mot qui eût aussi cette double acception. — Une seule séparation. L’expression est bien obscure ; elle peut s’adresser tout a la fois, et à la séparation des sexes, et au jeune, se détachant des parents. — Cette séparation. Sous-entendu : Des sexes. — D’une jeune plante. Le paragraphe suivant complète la pensée, du moins en partie.
  90. Les marcottes. Le mot grec ne paraît avoir tout ce sens ; seulement, c’est un participe au lieu d’un substantif. L’exemple du règne végétal n’est pas ici plus décisif que les exemples du même genre invoqués plus haut.
  91. Surtout des insectes. Cet argument qu’Aristote croit le plus fort n’est pas plus péremptoire que les précédents. D’ailleurs, l’accouplement des insectes, tel qu’il le décrit pour certaines espèces, n’est pas exact. — Si ce n’est dans tous. La restriction est à remarquer ; mais elle n’est pas justifiée par les faits. Il paraît, bien d’après les observations les plus modernes, que l’accouplement des insectes a lieu comme celui des mammifères, et que l’organe du mâle s’introduit dans celui de la femelle, pour y déposer aussi des spermatozoïdes ; voir la note de MM. Aubert et Wimmer, p. 80

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    de leur édition et de leur traduction. — Antérieurement. Plus haut, ch. X, § 2, il a été dit qu’on ne savait pas si les insectes émettent du sperme comme les animaux qui ont du sang ; voir aussi, ch. IX, § 7. — Il en résulte évidemment. La conclusion est ici plus certaine, du moins en ce qui regarde les insectes. — Plus tard. Dans le reste de ce traité, passim. — De même que l’œuvre vient du maçon. On peut croire que ceci est une addition, d’une main étrangère. — Ceci est tout aussi déraisonnable. Le texte n’est pas aussi précis.

  92. Quant au plaisir extrême. Voir plus haut, ch. X, § 6 ; c’est le premier argument donné en faveur de la théorie que combat Aristote, et qui fait venir le sperme de toutes les parties du corps. — Si ce système était vrai. J’ai ajouté ces mots, dont le sens ressort évidemment du contexte, et qui sont indispensables.
  93. De parents contrefaits. C’est le second argument allégué plus haut. ch. X. § 6. — Plus tard. Voir liv. IV, ch. III, où la question de la ressemblance est traitée spécialement. — Enfin. Ceci semblerait répondre à un dernier argument ; mais cet argument n’a pas été énuméré à la suite des quatre autres. — Réciproquement. J’ai ajouté ce mot, que la tournure de la phrase grecque autorise. — À la suite de ce qui précède. Voir plus loin, ch. XIII.
  94. Ce qu’est le sperme. La question est en effet essentielle, et Aristote la pose très bien. Mais pour la résoudre, il fallait le double secours du microscope et de la chimie. Ces ressources manquaient à l’Antiquité ; et le philosophe a dû se borner à étudier l’action du sperme sans savoir au juste ce qu’il contient. — Son action et tous les phénomènes qui s’y rapportent. On ne pouvait pas aller plus loin dans ces temps reculés. — On peut bien dire… ce qui les fait. Tout ce passage peut paraître altéré, ainsi que le pensent MM. Aubert et Wininier ; les manuscrits ne donnent pas de quoi le rétablir complètement. Mais tel qu’il est, il offre un sens assez satisfaisant ; et la pensée de l’auteur est suffisamment claire : le sperme est le premier élément des êtres animés ; mais ce n’est pas lui qui les fait, puisque lui-même vient nécessairement d’un autre être. — La nature du sperme… la Nature compose. La répétition est dans le texte, et j’ai dû la reproduire. — Qui fait l’homme… Le texte n’est pas aussi précis ; mais le sens n’est pas douteux.
  95. Bien des sens. Voir dans la Métaphysique, liv. V. ch. XXIV, de ma traduction, des définitions tout à fait pareilles à celles-ci. Cette digression d’ailleurs ne semble pas être ici très bien placée. — Une chose vient d’une autre. Ou, Provient. — Vient de l’airainvient du bois. Cette expression n’est pas très correcte en notre langue ; mais j’ai dû la prendre pour conserver le parallélisme qui est dans le texte. — Ne voulant dire… Cette définition est très juste ; et cette explication semble prouver que l’expression dont Aristote se sert en grec n’est pas beaucoup plus régulière que celle dont j’ai dû me servir en français. — Epicharme. Voir la Métaphysique, liv. IV, ch. V, de ma traduction. — La superstruction. J’ai risqué ce mot, qui, dans ses éléments, répond bien au mot du texte. Il indique une suite de causes qui s’engendrent successivement, comme le montre l’exemple donne dans le texte. — Le principe du mouvement. Ou, « la cause initiale ».
  96. Dans quelques-unes de ces expressions. La digression continue dans ce paragraphe, où elle n’est pas nécessaire. — La médisance… l’art… la lampe. Ces objets n’ont guère de rapport ; et les relations qu’on établit entre eux sont forcées.
  97. Comme matière. Dans les théories d’Aristote, c’est la mère seule qui fournit la matière ; c’est le père qui communique le mouvement et la vie. — Le voyage à Délos. Le texte dit simplement : « le Voyage ». Voir Platon, Criton. p. 129, et Phédon, p. 184, traduction de M. V. Cousin. — Un contraire venant du contraire. Voir, au § 2. le troisième sens de Venir de.
  98. Des deux sens. Matière et mouvement. — Comme forme et comme actif. L’idée de mouvement est impliquée dans la forme et dans l’action ; mais il aurait peut-être fallu l’indiquer plus nettement. — La génération se produit par des contraires. La suite prouve que, par Contraires, il faut entendre les sexes différents ; mais il n’est pas très correct de dire que le mâle et la femelle sont des contraires, puisqu’ils ne peuvent pas changer l’un dans l’autre. — Comme en

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    viennent les plantes. Les Anciens ne connaissaient pas l’organisation des végétaux, et ils n’y distinguaient pas les organes des deux sexes. — Certains animaux. Ce sont les espèces hermaphrodites. Cette confusion des sexes dans un même individu se retrouve surtout dans les animaux inférieurs.

  99. Le sperme, ou la semence. J’ai ajouté ces derniers mots, pour que, dans ma traduction, on retrouvât les deux sens qu’a le mot grec. — C’est le primitif du mouvement de la génération. Le sperme ne suffit donc pas à lui seul ; il faut qu’il trouve une matière préexistante, à laquelle il donne le mouvement. — Des deux êtres qui se sont accouplés. Ce n’est plus alors seulement la liqueur séminale venue du mâle ; c’est la réunion des éléments fournis par les deux sexes ; et c’est en ce sens qu’on peut rapprocher les plantes des animaux. — Ne sont pas séparés. Ils le sont en réalité ; mais les Anciens ne l’ont jamais su. — Le premier mélange. Il est certain qu’il y a un moment où l’élément venu du mâle et l’élément venu de la femelle se réunissent, et où les sexes sont en quelque sorte confondus, bien qu’il y ait deux individus et non point un seul. — Ou d’œuf. Il semblerait que, dans ce passage, Aristote entrevoit déjà que l’embryon commence par n’être qu’un œuf. C’est un fait qui est aujourd’hui incontestable ; et cette observation est une des conquêtes les plus belles de la science moderne.
  100. Le sperme et le fruit. Il faut se rappeler toujours qu’en grec le même mot signifie le sperme et la semence. Ce dernier mot fait mieux comprendre la comparaison de la semence et du fruit. — La postériorité et l’antériorité. Le fruit est un résultat de bien des transformations successives ; le sperme est l’origine de tout un mouvement qui donne la vie. Cela revient à dire que le germe précède ce que le germe produit. — Que celui d’où il sort. J’ai ajouté ces mots. — Soient la même chose. C’est-à-dire, de même espèce.
  101. Voir plus précisément. La question est très difficile, et l’on doit remarquer le soin que prend l’auteur de la traiter à tous les points de vue. Celui-ci est presque exclusivement logique. — Des éléments naturels. Ceci peut s’entendre à la fois, ou des quatre éléments, terre, eau, air et feu ; ou bien, des éléments ordinaires du corps de l’animal. — Non similaire ou similaire. Voir le début de l’Histoire des Animaux. — Ou nourriture quelconque. J’ai dû conserver le mot de Nourriture, qui est le mot même du texte, — Et par concrétion. Il faudra, dans ce qui va suivre, se rappeler la définition que donne l’auteur de ce qu’il entend par Concrétion ; c’est toujours d’une affection morbide qu’il s’agit, puisque la santé seule est dans l’ordre de la nature. Sur l’Abcès, voir la note de MM. Aubert et Wimmer, dans leur édition et traduction, p. 88.
  102. Une partie du corps. Peut-être faudrait-il traduire : « un Organe » au lieu d’une Partie ; j’ai reproduit le mot du texte. — Aucun organe. L’expression du texte est tout à fait indéterminée. — Les autres parties. Ici encore, on pourrait remplacer le mot de Parties par celui d’Organes. — Un produit contre nature… une infirmité. Il semble qu’il eût été fort simple de voir dans la liqueur séminale une sécrétion particulière, comme il y en a tant d’autres dans le corps, élaborée par le testicule, comme l’urine l’est par le rein, et la bile, par le foie. — Quant à la nourriture. Voir plus haut, § 8. — Que concrétion ou excrétion. Les deux mots grecs n’ont pas entre eux la même ressemblance que les mots dont se sert ma traduction. Pour Aristote, le mot d’Excrétion emporte toujours quelque chose du sens de superflu et de résidu.
  103. Les Anciens. Il eût été à désirer qu’Aristote désignât plus précisément les philosophes dont il entend parler sous ce nom général ; ce sont sans doute Empédocle, Démocrite, Anaxagore, etc. — Cela revient à dire, L’identité des deux expressions n’est pas aussi évidente. — Un résultat contre nature. Voir, plus haut, la fin du § 8. — Soit une excrétion. Le sperme doit être expulsé du corps, à certaines conditions ; et c’est pour cela qu’Afistole l’appelle une excrétion plutôt qu’une sécrétion. — Qui ne peut plus être employée… qui peut encore être utilisée. Ces définitions peuvent être toujours acceptées par la science — Employée en excès, lui est plutôt nuisible. La nutrition surabondante est la cause d’une foule de maladies.
  104. Un excrément inutile. Dans le genre des matières qui doivent être nécessairement expulsées du corps. — Très peu de sperme. Toutes ces observations sont exactes. — Point du tout… n’est pas fécond. Ces détails montrent bien que tous ces faits avaient été étudiés avec grand soin ; ils relèvent de la médecine plus encore que de la zoologie. — Il s’y mêle d’autres excrétions. Entre autres, de la liqueur prostatique, qui devient trop liquide, ainsi que le sperme, dans certaines affections. — Le résultat d’une excrétion utile. Le sperme est la sécrétion régulière du testicule.
  105. Dans la sécrétion. J’ai ajouté ces mots. — Une excrétion. Ou Sécrétion. — Le phlegme. Voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. I, § 9 de ma traduction. Le phlegme tient, dans les doctrines physiologiques de l’Antiquité, beaucoup plus de place que dans la science moderne. Voir aussi l’Hippocrate de M. E. Littré, t. VI, p. 161. A la définition que donne ici Aristote, on pourrait croire que le phlegme se confond avec le chyle, ou plutôt encore avec le chyme, première élaboration de la nourriture sortant de l’estomac. Après avoir passé par le duodénum et l’iléon, le chyme devient le chyle, et il est absorbé par les vaisseaux chylifères, qui le portent dans le sang. — Tel autre produit analogue. Selon les diverses espèces d’animaux. — Il nourrit le corps. C’est la fonction propre du chyle. — Il est absorbé dans les maladies. Ceci ne se rapporte plus au chyle. Seulement, le chyle est altéré par les maladies, comme tous les autres liquides du corps. — Le résidu dernier… en très petite quantité. Parce que, sur son trajet entier, la masse alimentaire est obligée de fournir à une multitude de sécrétions.
  106. Ici, il faut se rappeler. Cette digression ne semble pas très utile, bien qu’elle ne soit pas absolument étrangère au

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    sujet. — La petite addition… Le fait est exact ; et il est certain que tout animal a des limites de forme qu’il ne peut franchir sans périr : c’est son essence qui règle ces bornes. — À la fin une grandeur démesurée. Il y a donc un moule d’où l’animal ne peut sortir. Cependant quelques animaux, comme les ammonites et d’autres coquillages, ne cessent de croître pendant toute la durée de leur existence ; et pour ces animaux on ne connaît pas de limites. — Les Anciens. Dans le sens indiqué plus haut, § 10, n. — Ce qui va dans tout le corps. Cette théorie est plus exacte ; et la preuve qu’on en peut donner, c’est l’espèce de refroidissement général que cause foule émission de liqueur séminale. — Sécrétion surabondante. Mais cette sécrétion elle-même est le résultat dernier des élaborations antérieures, qu’a subies tout le fluide sanguin. — Ce qui devient semblable. C’est-à-dire, ce que les organes s’assimilent définitivement. — Essayé et perdu bien des esquisses. La comparaison semble bien peu naturelle, et elle n’est pas très juste ; elle n’appartient peut-être pas à Aristote. La Nature ne se reprend pas à plusieurs reprises, comme les artistes, pour atteindre son but ; elle le poursuit sans interruption, dans les transformations successives quelle imprime ai la matière.

  107. Toute concrétion. Voir plus haut. § 8, et plus loin, § 23. —

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    Détruit ce qui la précède. Parce que, selon la théorie aristotélique, la concrétion est contre nature — Ce qui prouve bien. La preuve que l’auteur croit péremptoire est bien loin de l’être, quoique le fait allégué par lui soit exact, et que plus les animaux sont grands, moins ils sont féconds. — Les petits animaux. Les insectes, par exemple, et les petits poissons. — Le corps étant très gros. L’explication ne manque pas de vraisemblance.

  108. De lieu spécial à la concrétion. Cela se conçoit sans peine, du moment qu’on admet que la concrétion est contre nature ; il n’est pas possible qu’elle ait un organe particulier ; elle se forme, au contraire, pour désorganiser les fonctions régulières. — Toutes les excrétions. Comme celles que l’auteur cite lui-même pour les fèces, l’urine, etc. — C’est dans tous ces lieux. Le texte n’est pas aussi précis ; mais le sens n’est pas douteux.
  109. Tous ces phénomènes attestent bien… La démonstration n’est pas très décisive ; mais l’auteur a fait les plus sérieux efforts pour la rendre complète. Seulement, à son époque, la science était encore trop peu avancée pour résoudre de tels problèmes. — Pour que l’affaiblissement soit manifeste. L’observation est d’une justesse parfaite : et elle se trouve déjà dans Hippocrate, édition et traduction de M. E. Littré, tome VII, p. 473. — Il y a quelques individus. Ce n’est pas le privilège de quelques individus, ainsi que l’auteur semble le croire ; la sensation dont il parle appartient à tous les hommes continents et sains. Lorsque l’usage est peu fréquent, le soulagement est certain. — Quand il surabonde. C’est la condition nécessaire. — En eux. J’ai ajouté ces mots, qui ressortent du contexte
  110. Ce soulagement se produit. J’ai encore ajouté ces mots, qui sont nécessaires pour éclaircir

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    la pensée. — Que le sperme. Même remarque. — D’autres forces. J’ai conservé le mot même du texte ; au lieu de Forces, nous dirions plutôt Éléments. — Or ces forces sont morbides. Il serait peut-être difficile de justifier de telles assertions. — Assez souvent inféconde. La stérilité tient à bien d’autres causes. — Un relâchement et une faiblesse. Voilà le fait vrai, sans que l’explication qu’en donne l’auteur le soit autant.

  111. C’est encore là ce qui fait. Ici encore, l’explication peut paraître insuffisante, quoique les faits soient très exactement décrits, pour ce qui concerne l’enfance, la vieillesse et la maladie. — Accablé de faiblesse par la souffrance. L’influence de la maladie sur les fonctions spermatiques est incontestable, de même que celle de la santé. — La croissance, qui est le plus pressant besoin. Il faut que l’être lui-même soit complètement formé avant de pouvoir produire un autre être semblable à lui. — Dans les cinq premières années. On peut prendre ce chiffre comme une moyenne, quoiqu’il y ait bien des

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    différences. Voir Billion, De la Nature de l’homme, tome XI, pp. 356 et suiv.

  112. Des différences d’espèce à espèce. Cette observation est très exacte, ainsi que toutes les suivantes. — La semence. J’ai pris ici le mot le plus général, pour qu’il put s’appliquer aux plantes aussi bien qu’aux animaux. — Il n’y en a pas du tout. Cette erreur tient, comme tant d’autres, à l’insuffisance des moyens d’investigation dont disposaient les Anciens. Parmi les végétaux, les cryptogames devaient leur paraître n’avoir pas du tout de semence.
  113. Une cause tout opposée. Ce n’est peut-être pas très exact, parce que l’embonpoint est loin d’être toujours l’effet de la saute. — Ont moins de besoins sexuels. Le fait est incontestable ; mais il y a bien d’autres causes qui, même en pleine santé, peuvent rendre moins abondante la sécrétion de la liqueur séminale, notamment les exercices athlétiques. — Les ceps de vigne. C’est la continuation de la comparaison entre les plantes et les animaux. — Elle fait le bouc. J’ai pris cette locution singulière, afin de me rapprocher autant que possible de l’expression grecque, qui est une sorte de jeu de mots. — Quand il prend trop de graisse. C’est ce que les éleveurs peuvent constater sans cesse.
  114. Deviennent moins féconds. Ce fait est certain ; et on peut l’observer aujourd’hui comme du temps d’Aristote, chez nous comme chez les Grecs, malgré la différence des races et des climats. — Qui se cuit. J’ai conservé l’expression du texte, parce qu’elle se lie à toute une théorie. D’ailleurs le sens ne peut être douteux. — Une graisse. Voir l’Histoire des Animaux, livre III, ch. XIII, § 1 et suiv., et ch. XIV, § 4 ; voir aussi le traité des Parties des Animaux, liv. II, ch. V, de ma traduction. — Dans les végétaux. J’ai ajouté ces mots pour justifier la transition, qui peut paraître un peu brusque ; car il est bien difficile d’admettre ces rapprochements entre les deux règnes. — Le saule et le peuplier. Le saule et le peuplier forment un genre à part, celui des salicinées ; voir le traité général de Botanique de MM. de Maout et Decaisne, p. 521 ; mais Aristote se trompe quand il dit que ces deux arbres n’ont pas du tout de semence. Leur oraison est au contraire assez apparente. — Les deux causes. Quelques éditions disent : « D’autres causes, » Pour moi, j’adopte la correction de MM. Aubert et Wimmer, qui s’accorde mieux avec le contexte ; voir le § précédent.
  115. Beaucoup de graines. C’est la suite de la comparaison entre les plantes et les animaux. — En une véritable maladie. C’est la consomption dorsale, ou l’affection dite des pertes séminales, qui est en effet une très grave maladie. — En guérissent… en meurent. Les deux faits sont également exacts. Les guérisons ne sont jamais spontanées, et elles sont fort rares. — Se tournait en urine. Ceci n’est pas tout à fait exact : mais ce qui est vrai, c’est que le sperme devient très liquide, et que parfois il s’écoule en même temps que l’urine. — Chez plusieurs personnes. Voir l’Hippocrate de M. E. Littré, tome VII. p. 471.
  116. Le canal est le même. La description donnée dans ce § est irréprochable, quoique incomplète ; mais au temps d’Aristote l’anatomie de ces parties n’était pas poussée assez loin pour qu’on sût bien nettement quel trajet parcourait le sperme, élaboré par les testicules, avant d’arriver

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    au méat urinaire. — Plutôt liquide que solide. Cette affirmation est trop générale ; mais il est vrai que, même dans les aliments solides, il se trouve une portion d’eau assez considérable — Elle le devient… Je ne suis pas sûr d’avoir bien saisi le sens du texte. Ceci semblerait se rapporter plus particulièrement aux oiseaux qui n’urinent pas, mais dont les excréments sont très liquides. — La concrétion… Voir plus haut, § 8. — Qui n’est plus utile. Cette théorie n’est pas très juste, et l’on ne peut pas assimiler la liqueur génératrice aux résidus qu’expulse le corps d’une manière absolument nécessaire ; l’émission du sperme ne l’est pas. Voir le chapitre qui suit.

  117. Une excrétion venant de la nourriture. Cette définition est très supérieure aux précédentes ; et la science moderne aurait de la peine à dire mieux. — De quelle espèce de nourriture. Il semble que l’auteur vient de le dire dans la phrase qui précède. Pour les menstrues, c’est une question neuve, qui sera étudiée dans tout ce qui va suivre.
  118. Si elle émet du sperme… s’il ne provient aucun sperme. Ce sont là encore des questions pour la science moderne. Àris-tote se prononce pour la négative. — En une autre manière. En fournissant l’œuf, que féconde l’action du mâle. — En fournir le lieu. Il est évident que cette explication ne saurait suffire, et que la femelle doit tout au moins procurer une nourriture convenable à l’embryon déposé dans son sein. — Quelle est cette part. La question est parfaitement posée ; mais elle n’en reste pas moins obscure.
  119. Antérieurement. Ceci semble se rapporter plus spécialement à la théorie du sang telle qu’elle est exposée dans le traité des Parties des Animaux, liv. II, ch. II et suiv., de ma traduction. — L’excrétion de la nourriture finale. Il est certain que la liqueur séminale est la dernière et la plus essentielle élaboration de tout l’organisme, puisque c’est elle qui transmet la vie, tandis que les autres fonctions ne sont faites que pour la conservation de l’individu ; celle-là seule a pour objet la propagation de espèce. — Ou du sang, ou l’analogue du sang. Le sperme n’est pas du sang ; mais c’est une sécrétion venue du sang, comme toutes les autres sécrétions que produit le fluide nourricier, par les différents organes. —— Quelque produit venant du sang. Voila la vérité.
  120. Du sang recuit. Ou Elaboré. La coction n’est pas autre chose que la maturité poussée à son dernier terme, dans les productions, soit naturelles, soit morbides et irrégulières. — Chacun des organes du corps. S’appropriant chacun ce qui lui convient dans la masse homogène que charrie la circulation. — Sort quelquefois tout sanguinolent. Ce n’est pas le sperme lui-même qui est sanguinolent ; mais l’excès auquel on s’est livre brise quelques petits vaisseaux intérieurs, qui alors donnent du sang. — Jusque dans les dernières parties du corps. Ces dernières parties du corps sont ici les testicules et la verge.
  121. C’est là ce qui donne… L’action du sperme tient à une toute autre cause ; mais les spermatozoïdes n’étaient pas connus des Anciens ; et la découverte en est même pour nous assez récente. Néanmoins l’explication d’Aristote était très avancée pour son temps. — La raison comprend dès lors très bien… Les détails qui suivent semblent être d’accord avec la théorie qu’Àristote vient de combattre, et qui fait venir le sperme de toutes les parties du corps. — Le sperme l’est en puissance. La formule est heureuse, et elle fait assez bien comprendre l’action générale de la liqueur séminale. — La force quelconque. L’expression est indécise ; mais elle s’accorde bien avec l’obscurité de ces phénomènes mystérieux.
  122. Nous ne voyons pas encore très nettement. C’est un aveu très modeste, et qui prouve que l’auteur ne s’aveugle pas sur le succès de ses efforts pour arriver à la vérité. — Le corps même du sperme. Comme on pourrait le croire aujourd’hui qu’on connaît les spermatozoïdes. — Un principe de mouvement générateur. C’est à cette conclusion qu’aboutit Àristote, et qu’aboutit aussi, du moins en grande partie, la science moderne. — Par simple homonymie. Le texte est un peu moins développé.
  123. Tout ce paragraphe est à bon droit regardé comme suspect par MM. Aubert et Wimmer ; il semble déplacé, et il se rapporterait bien plutôt au § 23 du chapitre précédent. Je suis absolument de cet avis ; mais il faut laisser les choses en l’état où les manuscrits nous les donnent. — Une concrétion spermatique. Bien que, plus haut, loc. cit.. l’auteur ait essayé de définir ce qu’il entend par Concrétion, il est bien difficile de le comprendre ; la comparaison dont il se sert n’éclaircit rien. Le sens le plus probable, c’est que le sperme se produit par couches successives, et que celle qui est expulsée est pareille à celle qui reste dans les organes. Mais cette explication même que je hasarde n’est pas satisfaisante ; et ce passage est un de ceux où le sens nous échappe nécessairement. — Doit nous suffire. Il est à croire que l’auteur s’entendait lui-même, en se bornant à ces affirmations si concises ; mais nous ne pouvons nous flatter de l’entendre aussi bien que nous le souhaiterions.
  124. L’être qui est le plus faible. La suite prouve que l’être le plus faible, c’est la femelle comparativement au mâle, la femme comparativement à l’homme. — Une excrétion plus abondante. Ce peut être le fait réel ; mai si il n’y a pas là une nécessité évidente, comme le texte le dit. — Et nous avons vu antérieurement. Voir plus haut, ch. II, § 4, et dans le Traité des Parties des Animaux, liv. IV, ch. X. § 33, de ma traduction. — La division sanguine. Ou Séparation, ou encore Désaggrégation ; le mot du texte n’est pas plus défini. Ceci d’ailleurs revient à dire que les menstrues sont une des transformations du sang, doit elles viennent, mais dont elles se distinguent.
  125. Tout à fait analogues. Dans ces limites, le rapprochement entre les deux sécrétions est admissible, quelles que soient d’ailleurs les différences ; il n’y a qu’une analogie et non une identité, comme la suite le prouve. — C’est ce que nous démontrent… Ainsi, Àristote ne veut établir ses théories que sur des faits bien observés. — C’est au même âge. Si ce n’est absolument au même âge, c’est du moins à peu près au même âge, que ces phénomènes se manifestent chez les garçons et chez les filles. — Que la voix mue. Même remarque, qui s’applique aussi au gonflement des mamelles chez les deux sexes. — Vers la fin des mêmes périodes.. Pour ce dernier phénomène, la différence entre les sexes est plus grande ; la femme cesse beaucoup plus tôt que l’homme d’être féconde. Voir l’Histoire des Animaux, liv. V, ch. XII, § 16, et liv. VII, ch. VI, § 2, de ma traduction. Voir aussi la Politique, liv. IV, ch. XIV, § 3, de ma traduction. Il est d’ailleurs impossible d’assigner à ces phénomènes des dates précises ; une foule de circonstances influent sur les époques ; et l’

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    on ne peut indiquer que des à peu près. Voir Buffon, tome XI, pp. 372 et suiv.. édition de 1830.

  126. Voici d’autres preuves nouvelles. Je ne sais pas jusqu’à quel point la science moderne accepterait ces preuves, qui, du reste, n’offrent rien d’impossible. — Quelque affection de ce genre. Hémorrhoïdes, ou saignements de nez.
  127. Des veines moins prononcées. Le fait est exact en général, ainsi que tous les détails qui suivent : plus potelées, moins velues, etc. — Parce que la sécrétion… L’explication n’est peut-être pas aussi bonne que le fait est exact. — C’est là aussi sans doute… Même critique. J’ai conservé les formules du texte, qui parle de mâles et de femelles là où il s’agit évidemment d’hommes et de femmes. — Dans les vivipares. Nous dirions aujourd’hui avec plus de précision : « les mammifères ». — Chez les femmes. L’observation est exacte. —

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    Sont moins marquées. Répétition de ce qui vient d’être dit, au début du paragraphe. — Des faits de toute évidence. Et sur lesquels la science peut et doit s’appuyer.

  128. Deux sécrétions spermatiques. Àristote pense que la sécrétion spermatique n’a lieu que chez le mâle ; et par conséquent, elle est impossible chez la femelle. Ce sont là de simples assertions ; mais elles ne sont peut-être pas tout à fait fausses, bien qu’elles ne s’appuient pas sur des faits réels. — C’est qu’elle n’a pas de sperme. Ceci semble contredire la théorie du § 9 ci-dessus, où l’auteur assimile les menstrues au sperme. — C’est là ce qui nous a fait dire. La conclusion me paraît aussi certaine que l’auteur le suppose. — Sont une excrétion. Voilà en effet la seule relation à peu près qu’on peut établir entre la sécrétion mâle et la sécrétion femelle.
  129. Sur les autres animaux. C’est de la physiologie comparée. — Nous l’avons déjà dit. Voir plus haut, ch. XII, § 20. —

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    Du sang recuit. J’ai dû conserver la formule du texte ; mais on comprend très bien ce que l’auteur entend par là. L’élaboration dernière du sang qui produit la liqueur séminale, a lieu dans le testicule : et l’on peut dire que c’est en quelque sorte la dernière cuisson que la chaleur intérieure a pu lui donner. — La forme… n’est pas la même. Ce n’est pas seulement la forme qui diffère ; c’est aussi la matière du produit, comme le prouve l’analyse chimique, qui n’était pas à l’usage de la science, il est vrai, dans ces temps reculés. — Les mollusques et les crustacés. Voir plus haut, ch. IX. § 5.

  130. On le prétend quelquefois. Il eût été intéressant de savoir à qui s’adresse précisément cette réfutation. — Sans avoir éprouvé le moindre plaisir. Ceci ne serait pas une preuve très directe de ce qu’Àristote veut prouver. — Fourni la même course. J’ai conservé l’expression métaphorique dont se sert le texte. — Régulière et proportionnée. Il n’y a dans le texte qu’un seul mot, qui présente les deux sens. — Quand elle n’a pas de mois. Le fait est certain. — Dans la plupart des cas. Il paraît que les exceptions ne sont pas très rares, comme il est dit au §

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     16.

  131. La force. L’expression est bien générale ; et l’explication reste tout à fait insuffisante. — De l’animal. On pourrait traduire aussi : « du futur animal » ; car il s’agit du développement de l’embryon. — Dans le second cas. C’est-à-dire, quand le flux mensuel continue et qu’il est abondant. Au lieu de Dans le premier cas… Dans le second cas, le texte dit : Tantôt… tantôt. — Ce qui reste. Du flux mensuel.
  132. Il y a des femmes. Ces cas exceptionnels sont reconnus par la science moderne, tout comme ils l’étaient du temps d’Àristote. — Sans avoir leurs mois. La suite prouve qu’il ne s’agit pas d’une suppression complète. — Bien que la sécrétion… se montrer au dehors. Il semble bien qu’il y a dans cette phrase une contradiction ; mais on peut comprendre que le flux reste en partie à l’intérieur, et qu’il n’en coopère pas moins à la génération, bien qu’il ne paraisse point a l’extérieur. — Chez les autres. Cest-à-dire, les femmes qui ne peuvent plus concevoir après l’évacuation, et qui ne conçoivent que pendant qu’elle dure. — Se referme. Il est peu probable que la physiologie actuelle puisse accepter cette explication. — Un rapprochement. Sous-entendu : « même pendant le flux mensuel ».
  133. Après que la conception a eu lieu. Ce sont toujours là des cas morbides, ainsi qu’Aristote le dit quelques lignes plus bas. — Les plus ordinaires.. les plus conformes à la nature. C’est presque une tautologie. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. II et III.
  134. Deux choses sont évidentes. Le texte n’est pas tout à fait aussi précis. — Fournit la matière. Qui doit nourrir l’embryon. Le fait est vrai ; mais il n’est pas complet ; car la mère fournit encore autre chose que la matière, dans le sens où l’entend Aristote.
  135. Quelques naturalistes. Sans doute Démocrite, Empédocle, Anaxagore, etc., dont Aristote a souvent réfuté les doctrines. — Par ce motif. L’argument n’est pas suffisant, et Aristote a raison de le combattre. — Une excrétion liquide. Ce second argument est beaucoup plus spécieux, et Aristote ne se trompe pas en affirmant

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    que ce liquide n’a aucun caractère spermatique. La science moderne est tout à fait de son avis ; il est constaté que ce fluide féminin vient des glandes vulvo-vaginales, dites glandes de Bartholin, et dont la sécrétion est analogue à celle de la salive ; voir M. Béclard, Traité élémentaire de physiologie humaine, 6e édition, p. 1146. — Le fluide spécial de cet organe. On ne saurait mieux dire ; et c’est aujourd’hui une opinion reçue. — Telles femmestelles autres. La sécrétion ne manque jamais, parce qu’elle est nécessaire ; mais elle varie d’intensité, selon les tempéraments. — N’y sont pas sujettes. C’est exagéré ; seulement la sécrétion est moindre.

  136. Beaucoup plus forte. L’observation paraît exacte. — Les aliments,.. C’est un fait que chacun peut observer sur soi-même, et aussi sur les autres, surtout quand les aliments sont de haut goût, comme le dit le texte. — De haut goût. Le mot grec signifie à proprement parler : « Acres ».
  137. À la suspension du souffle. Ou, De la respiration. Ce détail n’est pas aussi exact que ceux qui précèdent ; il est difficile

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    de voir à quel fait réel il se rapporte. — Ils éprouvent tous du plaisir. Ces idées ne semblent pas se suivre très bien ; et cette interruption de la respiration n’a rien à voir ici. Tout ce qui peut être vrai, c’est que l’émotion est assez vive pour suspendre quelques instants la respiration ; mais cette circonstance ne peut rien ajouter à la sensation de plaisir. — Qui ont perdu la faculté génératrice. Mot a mot : « Qui sont détruits relativement à la génération ». Il est possible qu’il ne s’agisse que d’une impuissance passagère. — Le ventre se dérange. Le fait peut être exact ; mais la cause à laquelle on attribue le relâchement du ventre ne l’est peut-être pas autant.

  138. L’enfant a presque la figure d’une femme. Ceci est une digression, d’ailleurs fort courte, et qui n’est pas aussi étrangère au sujet qu’elle le paraît au premier coup d’œil. Dans les théories d’Aristote, l’enfant a ce rapport avec la femme que l’un et l’autre sont également incapables d’élaborer la liqueur séminale. C’est vrai pour l’enfant ; pour la femme, ce ne l’est pas autant. — À un homme qui n’engendre plus. Les fonctions des deux sexes sont absolument différentes ; mais au temps d’Aristote, on ne les avait pas encore suffisamment étudiées et distinguées. — D’une sorte d’impuissance. L’expression est essentiellement fausse ; et l’erreur résulte de ce qu’Aristote assimile trop complètement le sperme et les menstrues. — À ne pouvoir mûrir le sperme. À ce compte, l’évacuation féminine ne serait qu’une liqueur séminale dont la coction serait imparfaite. Cette vue est fort ingénieuse ; mais les faits ne la justifient pas. Voir le paragraphe suivant. — La diarrhée. Voir la fin du paragraphe précédent. — Les autres flux hémorroïdaux, l’étymologie du mot d’hémorroïde ne signifie que Flux sanguin ; et voilà comment Aristote peut dire de l’évacuation féminine que c’est une hémorroïde. — Une maladie… La distinction est très vraie et très simple.
  139. Puisse venir des menstrues. Du moins en partie. — Les menstrues sont un sperme. Cette première erreur en a entraîné beaucoup d’autres dans toutes ces théories. — Dans la production des fruits. Ce rapprochement du règne végétal et de l’organisation animale n’est peut-être pas très heureux ; et la maturation des fruits se rattache à de tout autres causes. Ce qui est commun aux deux cas, c’est que l’élaboration des liquides passe par bien des degrés successifs, avant d’être complète. — Filtrée. C’est le sens propre du mot grec. — L’une engendre, et l’autre nourrit. C’est le rôle qu’Aristote attribue toujours aux deux sexes ; mais les rapports de l’un à l’autre sont très différents de ce qu’il les fait.
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    Ce qui montre bien encore. Cette preuve peut sembler assez forte. — Dans le même endroit. Ou plutôt : « Dans des organes analogues ».

  141. Chez toutes les femelles. Considérées dans toute la série animale, telle qu’Aristote pouvait la connaître. — Qui n’ont pas la matrice sous le diaphragme. Comme certains mammifères, et notamment les cétacés. — Et qui ne sont pas ovipares. La restriction est très exacte ; car, dans les ovipares, il n’y a rien qui ressemble aux évacuations menstruelles qu’ont les mammifères. — Chez les animaux qui sont privés de sang. D’une manière générale, ce sont les insectes, qui ne sont pas précisément privés de sang, mais qui ont du sang incolore. — Une tout autre combinaison. D’éléments, sous-entendu. Le sang des insectes ne paraît pas, à première vue, être du sang, parce qu’il n’est pas rouge comme e sang des autres animaux, et que la couleur est ce qui tout d’abord frappe le plus les regards de l’observateur.
  142. C’est la sécheresse… Il serait difficile de prouver que ce soit là la véritable cause ; mais cette hypothèse n’est pas inadmissible : et elle en vaut une autre. — Dont nous venons de parler. Au paragraphe précédent. — Je veux dire. Répétition textuelle de ce qui précède ; MM. Aubert et Wiminer la rejettent comme inutile.
  143. Sans d’abord produire un œuf. Il y a des animaux qui produisent un œuf intérieur ; et quand le jeune est éclos au dedans, il sort ensuite tout vivant ; telle est la vipère. — Qui fléchissent en dedans les membres de derrière. Quelques manuscrits disent, En dehors : au lieu d’En dedans. MM. Auberl et Wiminer croient que cette dernière leçon est la bonne : et je me range à leur avis. La flexion des membres de derrière dans les quadrupèdes se fait en dedans, puisque l’ouverture de l’angle formé par les membres est tournée vers le dedans et non vers le dehors. D’ailleurs, ce détail importe assez peu. — Sans faire d’œuf préalablement. J’ai ajouté ce dernier mot, qui me semble ressortir du contexte. La science moderne a constaté que l’homme même naît d’un ovule, sorti des ovaires et amené à l’utérus par les trompes de Fallope : mais l’homme ne naît pas d’un œuf comme en naissent les poussins des oiseaux ; et c’est tout ce qu’Aristote a voulu dire. — Dans l’Histoire des Animaux. Voir liv. III, ch.

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    XIV, § 9, et liv. VII, ch. II, de ma traduction.

  144. Ce sont les femmes. Cette remarque a déjà été faite plus haut, ch. XIII. § 11 ; et elle peut paraître exacte. Voir aussi l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. II. § 6. — De parties pour lesquelles soit employée la sécrétion. Ces parties sont indiquées dans ce qui suit, poils, os, dents, etc. L’homme a bien toutes ces parties ; mais elles sont en lui moins considérables que chez bien d’autres animaux.
  145. Ainsi qu’on l’a dit plus haut. Ch. XIII, § 9. — Les lieux. J’ai reproduit le mot même du texte ; il serait mieux de dire : « les organes ». — Se dessèchent. On ne voit pas à quel phénomène physiologique ceci peut faire allusion. — Viennent à fleurir. C’est le mot même du texte ; j’ai cru devoir conserver cette métaphore, qui n’a rien que d’exact.
  146. Ils se gonflent d’air. Les parties du corps dont il est question se gonflent bien en effet, comme le dit Aristote ; mais ce n’est pas d’air. On peut croire bien plutôt que c’est un afflux du sang, et l’apparition de sécrétions nouvelles, qui jusque-là ne se produisait pas. — Aussi dans les mamelles, C’est une sensation que tout le monde a pu observer sur soi, et qui est absolument générale. — De deux doigts. La mesure est bien indécise ; mais on ne saurait la préciser davantage ; et cette indication suffit.
  147. Ne sont pas séparés. Ce sont les espèces hermaphrodites, dont Aristote s’est peu occupé ; mais qu’il n’a pas ignorées complètement. — Le sperme. Ceci semble supposer des observations bien délicates, sur des êtres qu’aujourd’hui même nous ne connaissons que très imparfaitement. — Qu’un seul corps… une seule tige… un seul animal. Les faits souvent contredisent ces assertions un peu trop absolues. — Il peut naître… plusieurs animaux. Dans certaines espèces, le nombre des petits est de plusieurs ; mais dans certaines autres espèces, le petit est généralement unique, comme dans l’espèce humaine.
  148. Une preuve nouvelle. Ceci se rapporte à la discussion qui, plus haut, remplit les chapitres X et XI, et où Aristote essaie de prouver que le sperme ne vient pas de toutes les parties du corps. On ne voit pas ce qui justifie le retour à un sujet déjà traité. D’ailleurs, cet argument nouveau ne manque pas de force. — Comme la raison peut le supposer. C’est à la raison de comprendre les faits que l’observation lui donne ; et dans des phénomènes aussi mystérieux que ceux de la génération, la raison tient plus de place que dans bien d’autres. — La forme et le principe du mouvement. C’est-à-dire, la vie. Le mâle a donc le rôle supérieur, bien qu’il ne puisse rien sans la femelle, qui, de son côté, ne peut pas davantage se passer de lui, là où les sexes sont séparés. — Le petit lait, la présure. C’est la traduction exacte du texte ; mais ce n’est pas le petit lait qui fait cailler ; c’est la présure, produite en général par le quatrième estomac des ruminants ; le petit lait n’est que la sérosité qui sort du lait, quand il se caille. —

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    En se divisant. Ces mots sont obscurs ; la suite les éclaircit en partie.

  149. Ailleurs. Voir plus loin, liv. IV, ch. 20, § 4. — Plusieurs produits. Ou plutôt, Plusieurs embryons ; et par suite. Plusieurs petits. — La dessécher. Le texte se sert de cette expression ; mais il semble plutôt qu’il faudrait dire : « la faire disparaître, l’absorber, l’épuiser ». On ne comprend pas comment le liquide venu du mâle pourrait dessécher le liquide venu de la femelle, en s’y mêlant. — Alors il se forme plusieurs embryons. L’explication est évidemment très insuffisante ; mais il est peut-être impossible d’en trouver une bonne.
  150. Ainsi donc. C’est le résumé des assertions antérieures, plutôt qu’une véritable conclusion. — Pas de liqueur séminale. C’est exact ; mais le Quelque chose qu’apporte la femelle n’est pas moins indispensable que l’apport du mâle ; c’est l’ovule sorti de l’ovaire, et arrivant à l’utérus. — C’est la composition des menstrues. Les Anciens ne pouvaient guère aller au delà de cette théorie,

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    puisqu’ils n’avaient pas le microscope et que leur anatomie n’était pas assez avancée.

  151. Au point de vue général de la raison. A laquelle Aristote fait toujours appel, après l’observation des faits. — De qui vient l’être engendré. Le texte n’est pas aussi développé. — Se réunissent dans un seul individu. Ceci se rapporte sans doute aux animaux hermaphrodites, où les deux sexes se trouvent réunis dans un individu unique Bien que ce soit un seul et même individu qui accomplisse les deux fonctions, elles n’en sont pas moins spécifiquement différentes. — Où les fonctions sont séparées. Ce sont toutes les espèces où les sexes ne sont pas confondus. — La nature des menstrues… de la matière première de l’embryon. Il vaudrait mieux dire la Nourriture plutôt que la Matière, puisque l’écoulement menstruel s’arrête après la conception, afin de nourrir le fœtus.
  152. Ce que doit être la suite de cette étude. On peut remarquer le soin avec lequel le naturaliste grec s’efforce de régler la marche qu’il suit. C’est un moyen de s’égarer le moins possible, dans l’exposition de faits si complexes et si obscurs. — Quelle peut être la part du mâle. La question est parfaitement posée. Des deux alternatives que l’auteur indique ici, et qu’il a déjà indiquées plus haut, c’est à la seconde qu’il donnera la préférence ; pour lui, la seule fonction du mâle se réduira à communiquer le mouvement, c’est-à-dire la vie, sans contribuer matériellement à la formation du nouvel être. —

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    La raison semble ici être tout à fait d’accord avec les faits. La raison rassemble, compare et étudie les faits observés, pour les comprendre ; et c’est là le résultat de la science vraie, que la simple observation ne suffit point à donner.

  153. Un être unique. C’est l’embryon, issu de la réunion nécessaire des deux parents. — D’un patient et d’un agent. L’expression est aussi générale que possible comme l’annonce l’auteur ; mais ici spécialement, l’agent est le père ; le patient est la mère. — Du mobile et du moteur. Considérés chacun à part. — Dans leur sens extrême. Ce serait plutôt dans leur double sens : agent et moteur, patient et mobile, en réunissant chacun de ces termes deux à deux. D’ailleurs, ces distinctions toutes logiques peuvent paraître bien subtiles. — De la main de l’ouvrier. Le texte n’est pas tout à fait aussi précis. — Sort le lit. La comparaison n’est pas absolument juste ; le lit ne ressemble pas à l’ouvrier qui l’a fait, tandis que le jeune est semblable à ses parents, sous le rapport de l’espèce. — De la cire et de la forme. Il faut toujours supposer l’intervention d’un artiste, qui est alors le moteur donnant la forme à la matière, qui la reçoit.
  154. Quelque chose. L’expression est bien vague ; mais j’ai dû la conserver sans la préciser davantage. — Comme partie intégrante. Si en effet le rôle du mâle se borne à transmettre la vie par le mouvement. — C’est absolument encore… Ceci est une comparaison jointe à celles qui précèdent ; mais c’est peut-être aussi l’addition d’une main étrangère. — La raison… confirmée par les faits. Encore une fois, on peut voir combien Aristote est fidèle à la méthode d’observation, base de toute induction rationnelle.
  155. Chez quelques insectes. Je ne sais pas si la science moderne a confirmé ce fait ; du moins, je ne le trouve consigné dans aucun des ouvrages de physiologie comparée que j’ai pu consulter. Ce qui a peut-être donné lieu à l’opinion qu’exprime Aristote, c’est que, dans presque toutes les espèces d’insectes, le mâle monte sur le dos de la femelle, et que leur jonction dure assez longtemps ; voir Cuvier, Règne animal, tome IV, p. 313, édition de 1829. — L’organe qui peut recueillir l’excrétion. Si le fait est inexact, du moins il avait été de la part du naturaliste grec l’objet d’une observation attentive.
  156. De là vient… Il est bien vrai que, dans les insectes, l’accouplement dure longtemps ; mais la cause n’est peut-être pas celle qu’indique Aristote. — La production a lieu très promptement. Le fait est exact ; et tous les naturalistes l’ont remarqué. — Une action pareille… Il est bien difficile de savoir précisément ce qu’il en est ; mais ce qui est certain, c’est que, de l’accouplement, sort un produit ; c’est là le point essentiel dans l’ordre de la nature. — Que des larves. On connaît les métamorphoses des insectes, ou du moins, de la plupart d’entre eux ; larves, nymphes, état parfait, selon les espèces ; Cuvier, Règne animal, tome IV, pp. 315 et suiv. ; et Histoire des Animaux, livre I, ch. IV, § 3. et livre V, ch. XVII, § 22.
  157. Que le sperme ne vient pas… C’est la question traitée plus haut, aux chapitres X et XI ; elle revient ici d’une manière assez inattendue. — Par la force qui est dans la semence. C’est opinion à laquelle Aristote s’est arrêté, après une longue discussion. — Nous venons de le dire. Dans le paragraphe précédent.
  158. Si, par exemple… On ne saisit pas bien la force de cet argument, dans la question spéciale qui est agitée ici. Le fait énoncé peut d’ailleurs être exact ; mais il ne prouve point, comme le veut l’auteur, que la liqueur séminale ne vient pas de toutes les parties du corps. — Des œufs clairs. Voir l’Histoire des Animaux, livre VI, ch. II, § 8. et ch. III, § 15. — Quand le jaune existe encore. Ces détails supposent nécessairement une suite d’observations très attentives. — De belles races d’oiseaux. On voit que la sélection n’est pas très récente ; on en a fait beaucoup de bruit dans notre temps ; mais les Anciens la pratiquaient déjà avec succès. — Et qu’il ne provient pas non plus du corps entier. C’est ce qu’Aristote veut prouver ; et il s’efforce de s’appuyer sur des faits incontestables. — Le poussin aurait alors deux fois les mêmes organes. La conclusion ne semble pas très rigoureuse ; car l’action du second mâle pourrait fort bien annuler l’action du premier.
  159. Transforme et modifie. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — La matière et la nourriture. C’est là toujours le rôle qu’Aristote prête à la femelle dans l’acte complexe de la

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    génération. À cet égard, la science moderne n’est pas très éloignée de ses théories. — La dernière intromission. Dans le cas des œufs clairs. — Qu’elle détermine. J’ai ajouté ceci. — Prend de la nourriture. C’est du jaune que se nourrit le poussin, tout le temps qu’il est dans la coquille ; voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. III, §§ 15 et suiv.

  160. Des observations semblables. A celles qui ont été faites sur les vivipares et sur les oiseaux. C’est de la physiologie comparée, moins complète que la nôtre sans doute, mais dirigée dans la même voie, afin de suivre les formes diverses d’une fonction dans toute la série animale. — Les poissons….. qui sont ovipares. Aristote fait cette restriction, parce qu’il comprend sous le mot générique de poissons tous les animaux aquatiques, cétacés, mollusques, etc. — Leur génération est la même. Cette expression n’est peut-être pas très exacte ; mais quoi qu’il en soit, l’argument est décisif pour démontrer que le mâle ne fournit rien à la matière de l’embryon, mais qu’il modifie seulement l’embryon, qui est déjà dans la femelle. — Répandre sa laite. Voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. XVI, de ma traduction ; voir aussi Cuvier, Règne animal, tome II, p. 127, édit. de 1829. Le mot de Laite, dans son sens propre, désigne les glandes qui servent de testicules aux poissons ; en général, ces glandes sont fort grosses. — Ce qui prouve bien. La preuve s’applique surtout aux poissons, et l’induction l’étend aux autres animaux. — À la quantité. Le mâle ne sert pas à accroître la quantité matérielle de l’embryon : mais il le modifie de la manière la plus essentielle, puisqu’il lui donne la vie, qu’il n’avait pas.
  161. On peut évidemment conclure. La conclusion n’est pas absolument régulière ; et tous les faits allégués ci-dessus ne se rapportent pas d’une manière exclusive à la question de l’origine du sperme, venant ou ne venant pas de toutes les parties du corps. — De la même manière, Ceci est incontestable. — Le principe du mouvement… la matière. Résumé très clair de toute la théorie aristotélique. — La femelle ne peut à elle seule. Le mâle est soumis à la même condition ; à lui seul, il ne peut pas plus que la femelle. — L’espèce essentielle de l’être produit. J’ai ajouté ces mots, qui sont indispensables, pour compléter l’expression de la pensée.
  162. Comme les oiseaux. Ce qui ne veut pas dire que les oiseaux soient la seule espèce où l’on puisse observer ces procédés de la Nature, — Des œufs clairs. Voir au chapitre précédent, § 7. — Alors. J’ai ajouté ce mot, afin de préciser la pensée, qui me semble se rapporter toujours aux oiseaux particulièrement, et non pas à tous les animaux en général. — Futurs. J’ai ajouté ce mot. — Dans le mâle. Ce n’est pas par impuissance dans le mâle : mais le mâle n’a pas exercé son action. — A réunir dans la femelle. Cette observation est juste et profonde ; et l’expression en est excellente. — Les deux parents. Le texte emploie simplement un pronom indéfini. — Qui doit servir à la croissance du produit, C’est là l’objet du flux menstruel, quand il s’arrête après la conception. — La parturition. Ou plutôt peut-être : « la conception ». Le mot du texte peut avoir les deux sens.
  163. Que celui de l’ouvrier. La même pensée a été déjà exprimée plus haut, ch. XV, § 2. — De la terre glaise. Je crois que c’est bien le sens du mot du texte : car c’est bien là en effet la matière qu’emploie le potier. — La construction aux choses construites. Aristote affectionne cette comparaison : voir la Métaphysique, liv. III, ch. II, § 6, et liv. IX, ch. VII § 13.
  164. D’après ces données, Le fait de la génération est profondément mystérieux : et Aristote s’efforce de l’expliquer en s’adressant tour à tour à la théorie, à l’observation, et même à d’autres faits bien connus qui peuvent servir à éclaircir celui-là. — Tout mâle n’émet pas de sperme, cette assertion, prise dans toute sa généralité, n’est pas exacte ; et l’on peut croire, au contraire, que là où les sexes sont séparés, le mâle émet toujours une matière spermatique, quelle que soit d’ailleurs cette matière. — N’est pas une partie de l’embryon. Aujourd’hui même, il serait difficile de se prononcer aussi nettement : et la découverte des spermatozoïdes peut donner des arguments en faveur d’une opinion tout opposée. — La forme et l’idée. On pourrait traduire aussi : € la forme et l’espèce », le mot grec représentant à la fois l’espèce et l’idée.
  165. C’est dans l’âme. J’ai reproduit exactement le texte ; mais il aurait été plus exact de dire : « l’intelligence » au lieu de l’âme. — Et la science. C’est le mot même du texte, qui peut s’appliquer à l’art aussi bien qu’à la science proprement dite. Ici particulièrement, c’est de l’art qu’il s’agit, d’après les exemples qui viennent d’être cités. — Aux mains. On pourrait se borner aux mains, sans parler des autres parties du corps, puisque l’intervention des mains est toujours indispensable. — Les mains font mouvoir les instruments. Et ce sont les facultés de l’intelligence qui mettent les outils de l’ouvrier en mouvement. — Un instrument qui possède le mouvement en acte. La comparaison est tout à fait conforme aux théories d’Aristote sur le rôle de la liqueur séminale.
  166. C’est de cette façon. Ainsi que je l’ai déjà fait remarquer, cette théorie du naturaliste grec ne s’éloigne pas beaucoup de certaines théories modernes. — Qui n’émettent pas de sperme. D’après Aristote, ce sont surtout les insectes qui sont dans ce cas : voir plus haut, ch. XV, § 4. — Quelqu’un qui apporterait la matière.. Comparaison ingénieuse, une fois admis le fait auquel il est fait allusion. — De la faiblesse de ces mâles. Ou de telle autre cause, qu’on pourrait supposer aussi bien que celle-là. — La Nature ne peut rien faire… Cette idée est assez singulière ; et dans les insectes, il ne semble pas que la Nature agisse plus directement que chez tous les autres animaux. — Directement… qu’elle provoque. Le texte n’est pas tout à fait aussi précis. — Avec les outils ordinaires. Même remarque. — Ses propres organes. Ou, Ses propres instruments, le mot grec ayant les deux sens.
  167. Individuellement. J’ai ajouté ce mot, qui n’est pas précisément dans le texte, mais qui ressort de la tournure même de la phrase. — L’espèce est la même. Il est à peine besoin de le dire ; car alors la reproduction ne serait pas possible. — Ou chez le cheval. Cette addition manque dans plusieurs manuscrits ; et en effet, elle n’a rien de nécessaire, l’exemple de l’homme suffisant. — Dans les plantes. En allant des animaux aux plantes, Aristote inaugure, par ces considérations générales, la science que de nos jours on nomme la Biologie, dont l’objet est la vie, étudiée dans les végétaux aussi bien que dans les animaux proprement dits. — La femelle n’est pas séparée du mâle. L’Antiquité n’a jamais connu la distinction des sexes dans les plantes, bien que cependant on connût dès ces temps reculés la différence des individus, dans des végétaux dioïques, tels que le palmier ; mais la distinction des étamines et des pistils réunis sur une seule tige, n’a été observée que beaucoup plus tard. — Qu’on appelle leur semence. Ce fait n’était plus facile à remarquer ; il était de toute évidence, tandis que la réunion des sexes dans la corolle de la fleur était moins frappante. Voir plus bas. § 5.
  168. Approuver Empédocle. Aristote a souvent blâmé les théories d’Empédocle ; mais il n’hésite pas non plus à le louer, quand il le croit dans le vrai : il répond ainsi par avance aux accusations calomnieuses de Bacon, représentant le philosophe comme le meurtrier de ses prédécesseurs, dont la gloire l’aurait offusqué. — Ont dû pondre leurs œufs. Sans doute, cette métaphore se rapporte a la forme de l’olive, qui peut être regardée comme un petit œuf — D’une de ses parties. Le jaune, dont Aristote a parfaitement constaté l’emploi pour la nourriture du poussin. — Vient d’une partie de la semence. C’est-à-dire, que d’une graine sortent les racines par en bas, et la tige par en haut ; mais cette assimilation entre la plante et l’animal ne va pas plus loin ; et c’est la terre qui nourrit le végétal.
  169. À peu près de même. Cette restriction prouve que l’auteur lui-même sent qu’il ne faut pas pousser trop loin ces rapprochements. — Qui n’est pas plus divisé que ne le sont les plantes. C’est-à-dire, que les éléments venus tout à la fois du mâle et de la femelle se réunissent en un tout, qui ressemble à la graine de la plante. — Les deux individus. L’expression du texte est moins précise. — On peut vérifier. Peut-être faudrait-il ajouter : « A simple vue », pour rendre toute la force du texte. — Un seul et unique animal. Même en supposant plusieurs jeunes dans une seule portée, chacun des jeunes est formé de la réunion des éléments venus des deux parents, qui se sont conjoints.
  170. Qui n’émettent pas de sperme… les insectes C’est ce qui a été déjà dit plus haut, ch. XV, §§ 4 et 5. — Projeté et introduit. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Extérieures. Le sens du mot grec est assez douteux ; et je ne suis pas sûr de l’avoir exactement rendu. — Constituer le germe. Ou, « l’Embryon ». — Qui ont du sang. Les insectes étant regardés comme n’en ayant pas. — Restent accouplés une partie du jour. Ces détails prouvent qu’Aristote avait observé de très près la génération des insectes. — Leur liqueur. L’expression du texte est plus vague.
  171. Assez grossièrement. Ainsi, l’auteur ne se fait pas d’illusion sur la valeur du rapprochement qu’il indique entre l’organisation de la plante et celle de l’animal. — En isolant la femelle et le mâle. Ceci semblerait indiquer une certaine connaissance du sexe des plantes, c’est là tout au moins une hypothèse qui ne paraît pas impossible. — La Nature a… bien sagement Nouvel hommage rendu à la Nature par Aristide, qui en a toujours été l’admirateur le plus fervent. — N’a pas d’autre objet. Le rôle des plantes, dans l’ensemble des choses, est beaucoup plus étendu que le philosophe ne le suppose ici ; mais. de son temps, on ne savait rien encore sur les relations de l’atmosphère et des végétaux. — De les mêler et de les unir. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Ne sont pas séparés. C’est vrai pour la très grande majorité des plantes, où les sexes sont toujours réunis : mais il restait à discerner les organes qui appartiennent à l’un et à l’autre sexe.
  172. Dans d’autres ouvrages. Ainsi. Aristote avait fait personnellement de la botanique ; mais ces ouvrages spéciaux ne sont pas parvenus jusqu’à nous. Il avait fait un traité des Plantes, que mentionnent le Catalogue de Diogène de Laërte, celui de l’Anonyme, et le Catalogue arabe. Ce qu’on peut croire également certain, c’est qu’Aristote a inspiré la grande entreprise botanique de Théophraste, son disciple et son successeur. — Une certaine faculté de connaître. Ce qui sépare profondément le règne animal tout entier du règne végétal. — L’ont plus… l’ont moins. C’est un fait de toute évidence, de même qu’au fond la faculté est identique, ainsi que celle de la sensibilité, qui est la condition préalable, si ce n’est la condition unique, de la connaissance. Voir le traité de l’Ame, liv. II, de ma traduction.
  173. On trouve de grandes différences. Toutes ces considérations sont d’une vérité et d’une élévation admirables ; aujourd’hui elles sont banales ; mais elles étaient bien neuves et bien rares, il y a vingt-deux siècles. — De la pensée. Ou, de l’Entendement. Dans le mot grec, il y a une nuance qui se rapporte à l’idée de sagesse. — Le sens du goût. L’indication du sens du goût semble ici assez étrange ; mais il faut se rappeler que toujours Aristote a représenté le sens du goût comme une sorte de toucher ; en quoi, il a pleine raison ; voir la note de MM. Aubert et Wimmer, p. 120 de leur édition. — De la plante et du minéral. Ces mots ne sont pas indispensables, et quelques éditeurs les trouvent suspects. — Toute imparfaite qu’elle est. Le texte n’est pas aussi développé.
  174. Par la sensibilité. C’est là un principe qu’admettent tous les naturalistes ; voir l’Histoire des Animaux, liv. VIII, ch. I, §§ 4 et 8. et Traité des Parties, liv. II. ch. I, § 15. de ma traduction. — Nous l’avons déjà dit, Ou, Comme nous venons de le dire, plus haut, § 5 ; la réunion des sexes qui s’accouplent est comparée à l’organisation végétale, où cependant, selon Aristote, il n’y a pas de sexes.
  175. Les testacés. Voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. II §§ 1 et 2. — Une place intermédiaire. Ceci s’appliquerait encore bien mieux aux zoophytes, comme le montrent les détails qui suivent ; voir aussi Cuvier, tome III, du Règne animal. pp. 218 et suiv. — Plus tard. Voir plus loin, livre III. ch. VII. et même ch. X ; voir aussi Histoire des Animaux, livre V, ch. VI. § 1