La nouvelle aurore/Note du traducteur

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Traduction par Teodor de Wyzewa.
Perrin (p. xi-xii).

NOTE DU TRADUCTEUR



Les graves événements qui ont suivi l’apparition du second roman « prophétique » de Mgr Benson, et en particulier la présente guerre avec les suites diverses qui nous semblent dès aujourd’hui devoir en résulter d’une façon presque inévitable, m’ont contraint à modifier, çà et là, quelques menus détails du texte original, qui n’auraient pu manquer d’être pareillement modifiés par l’auteur lui-même si une mort prématurée n’était venue l’enlever, en novembre passé, à l’art et à la pensée catholiques du monde entier. Pour m’en tenir à un seul exemple de ces altérations qui m’ont été rendues nécessaires, il se trouve que Mgr Benson, dans une sorte de résumé rétrospectif de l’histoire des principales nations européennes antérieure à la date d’environ l’an 1980, où il avait placé l’action de son roman, nous faisait voir la France vaincue par l’Allemagne une fois de plus, — et précisément vers l’année 1915 ; après quoi il nous montrait, comme une conséquence infiniment heureuse de cette nouvelle défaite, l’âme française se réveillant de sa longue torpeur religieuse et morale pour inaugurer, depuis lors, une carrière merveilleusement riche et féconde et glorieuse. Oui, mais comment faire accepter au lecteur de 1910 l’hypothèse de cette défaite de nos armes, heureusement démentie par la réalité d’une victoire dès maintenant assurée ?

Voilà donc un échantillon caractéristique des quatre ou cinq détails qu’il m’a fallu essayer de « remettre au point » ! Mais je n’ai absolument rien changé ni au plan et à la composition du roman anglais, ni même à l’ordonnance intérieure d’aucune de ses parties. C’est bien Mgr Benson qui, dès l’année 1911, a prévu notamment une Allemagne se dressant de plus en plus comme l’implacable ennemie du reste du monde. Le défi porté par l’Allemagne aux autres puissances, dans la seconde partie du roman, la résolution expressément affirmée par l’Allemagne de procéder à son œuvre destructrice sans le moindre souci des conventions internationales ni des principes surannés de la loyauté, de la pitié, et de l’honneur chrétiens, tout cela est vraiment issu, naguère, de l’ardente vision prophétique de Mgr Benson. Dans tout cela mon rôle n’a été que celui d’un humble traducteur,– trop heureux s’il est parvenu à conserver aux pages qu’on va lire un reflet de l’admirable brasier d’enthousiasme et de foi qui, jusqu’au dernier jour, n’a point cessé d’enflammer lame profondément originale du plus grand, à coup sûr, des conteurs et évocateurs catholiques de notre temps !

T. Y.