Le Coran (Traduction de Savary)/38

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Traduction de Claude-Étienne Savary.
LE CORAN,

traduit de l’arabe, accompagné de notes, précédé d’un abrégé de la vie de Mahomet, tiré des écrivains orientaux les plus estimés.

Seconde partie.
Réédition de 1821 (première édition en 1782).

Publié à Paris et Amsterdam par G. Dufour, Libraire.
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CHAPITRE XXXVIII.
S.[1]

donné à La Mecque, composé de 88 versets.

Au nom de Dieu clément et miséricordieux.


S. J’en jure par le Coran ; il est le dépôt de la vraie foi ; mais les infidèles vivent dans le faste et le schisme.

2Les générations précédentes ont disparu. A la vue des fléaux du ciel, elles implorèrent notre miséricorde ; mais il n’était plus temps.

3Les habitans de la Mecque sont étonnés qu’un de leurs concitoyens ait été revêtu du caractère d’apôtre, et les infidèles ont dit : C’est un faux prophète.

4Prétend-il que plusieurs dieux ne soient qu’un ? Cette opinion est merveilleuse.

5Leurs chefs se sont levés, et ont dit : gardez votre culte. Soyez fidèles à vos dieux. Nous connaissons ses desseins.

6La dernière secte n’a point prêché l’unité de Dieu. Cette doctrine est fausse.

7Mahomet eût-il été élu préférablement à nous, pour recevoir le Coran ? Ils doutent de ma religion ; mais ils n’ont pas encore éprouvé mes châtimens.

8Ont-ils en leur disposition les trésors de la miséricorde du Dieu dominateur et libéral ?

9Possèdent-ils l’empire du ciel, de la terre, et de l’espace immense qui les sépare ? Qu’ils essaient de s’élever dans les cieux.

10Leurs armées, quelque nombreuses qu’elles soient, seront détruites.

11Les peuples de Noé, d’Aod, et de Pharaon environné de courtisans[2], accusèrent les ministres de Dieu d’imposture.

12Les Thémudéens, les habitans de Sodôme, les Madianites se liguèrent contre leurs apôtres.

13Tous nièrent leur mission, et tous éprouvèrent les châtimens célestes.

14Les habitans de la Mecque n’attendent que le cri épouvantable. Alors la fuite sera inutile.

15Ils ont demandé à Dieu leur portion avant le jour du jugement.

16Souffre patiemment leurs discours. Rappelle-toi notre serviteur David, qui élevait souvent au ciel les vœux d’un cœur vertueux.

17Nous forçâmes les montagnes à s’unir à sa voix, pour chanter le soir et le matin, les louanges de l’Éternel.

18Les oiseaux rassemblés répétaient ses cantiques.

19Nous affermîmes son empire. Nous lui donnâmes la sagesse et l’éloquence.

20Connais-tu le débat de deux frères, qui entrèrent par surprise dans l’oratoire de David ?

21Il fut effrayé à leur aspect. Ne crains rien, lui dirent-ils ; un différent nous amène. Juge-nous avec équité. Rends à chacun de nous ce qui lui est dû.

22Voici mon frère. Il avait quatre-vingt-dix-neuf brebis. Je n’en avais qu’une. Il me l’a demandée à garder. J’ai cédé à ses instances, et il me l’a ravie.

23La demande de ton frère est injuste, répondit David. La fraude et la violence président souvent aux accords des humains. Il n’y a de justes que les croyans vertueux ; mais qu’ils sont en petit nombre ! Dans la suite David pêcheur reconnut que nous l’avions tenté. Il se convertit, et le front prosterné contre terre, il implora le pardon de son crime.

24Nous lui pardonnâmes ; nous le comblâmes de biens, et le Paradis fut sa récompense.

25O David ! nous t’avons établi roi sur la terre. Juge les hommes avec équité. Ne suis point tes aveugles désirs ; ils t’écarteraient du sentier de Dieu. Les tourmens seront le partage de ceux qui, oubliant le jour du jugement, auront marché dans les ténèbres.

26La création du ciel, de la terre, et de tout l’univers, est notre ouvrage. Ce n’est point un jeu du hasard, comme le pensent les incrédules. Malheur aux infidèles ! Ils seront la proie des flammes.

27Les croyans qui auront fait le bien, seraient-ils traités comme les impies, qui n’ont connu d’autre loi que la violence ? L’homme vertueux, et le scélérat, éprouveraient-ils le même sort ?

28Nous t’avons envoyé un livre béni. Les sages le liront avec zèle et graveront ses préceptes dans leur cœur.

29David eut pour fils Salomon. Il fut un serviteur pieux et sincère.

30Un soir on lui avait amené des chevaux excellens[3] ; ils couraient d’une si grande vitesse qu’à peine leurs pieds touchaient la terre.

31J’ai préféré, s’écria-t-il, des biens terrestres au souvenir de Dieu, en cessant de le prier jusqu’à ce que la nuit ait couvert la terre de son voile.

32Qu’on ramène les chevaux. Il leur fit couper les jarrets et la tête.

33Nous le tentâmes, et nous fîmes asseoir sur son trône un démon sous la forme humaine[4].

34Seigneur, dit-il, pardonne à ton serviteur ; accorde-moi le règne le plus florissant qui fût jamais. Tu es le bienfaiteur suprême.

35Nous lui donnâmes l’empire des vents. Ils parcouraient la terre à sa volonté.

36Des démons soumis à ses ordres élevaient des palais, et pêchaient des perles.

37Il en tenait d’autres chargés de chaînes.

38Nous lui dîmes : Jouis de nos bienfaits ; répands-les sans mesure ou les resserre à ton gré.

39Comblé des biens terrestres, Salomon a été introduit dans le séjour éternel.

40Célèbre Job, notre serviteur, lorsque, levant sa voix au ciel, il s’écria : Seigneur, le tentateur a rassemblé sur moi tous les maux.

41Frappe la terre du pied, lui dit Dieu ; il en sortira une source d’eau propre à te purifier et à te désaltérer.

42Nous lui rendîmes sa famille, et nous augmentâmes ses richesses par un effet de notre miséricorde, et pour l’instruction des sages.

43Nous lui commandâmes de prendre un faisceau de verges[5] et d’en frapper son épouse, afin d’accomplir son serment, et il obéit.

44Serviteur fidèle, il élevait souvent vers le ciel l’hommage d’un cœur pur.

45Publie les vertus et la prudence de nos serviteurs Abraham, Isaac et Jacob.

46La pensée du palais éternel entretenait leur innocence.

47Ils sont au nombre de nos élus privilégiés.

48Chante les louanges d’Ismaël, d’Élisée et d’Elcafel, nos serviteurs distingués.

49La terre chérit leur mémoire. Ceux qui craindront le Seigneur jouiront de la félicité.

50Les portes du jardin d’Éden s’ouvriront devant eux.

51Le banquet divin leur offrira des fruits exquis et un breuvage délicieux.

52Près d’eux seront de jeunes beautés au regard modeste :

53Telles sont les jouissances que vous promet le jour de la résurrection.

54Tels sont les biens éternels qui vous sont offerts.

55La fin des pécheurs sera épouvantable.

56L’enfer sera leur habitation. Ils gémiront sur un lit de douleur.

57Rassasiez-vous de tourmens, leur dira-ton ; avalez cette eau bouillante et corrompue.

58Ce breuvage, et d’autres non moins affreux, seront leur partage.

59Il n’y aura plus de grâces pour les réprouvés ; tous seront précipités dans les flammes.

60Les infidèles diront à leurs séducteurs : Vous ne méritez aucune indulgence. Vous nous avez devancés dans l’erreur. Notre habitation mutuelle sera horrible.

61Seigneur, ajoute aux tourmens de ceux qui nous ont conduits à l’infidélité ; augmente pour eux l’ardeur du feu.

62Pourquoi ne voyons-nous pas ici ceux que nous mettions au nombre des méchans ?

63Nous nous moquions d’eux. Les a-t-on dérobés à nos regards ?

64Tel sera le langage des habitans de l’enfer.

65Dis : Je ne suis que votre apôtre. Il n’y a de Dieu que le Dieu unique et victorieux.

66Souverain du ciel, de la terre et de l’immensité de l’espace, il est puissant et miséricordieux.

67Ce livre est l’histoire sublime.

68Vous vous écartez de sa vérité.

69Je n’avais aucune connaissance des esprits célestes quand ils disputèrent.

70Les révélations divines ne m’ordonnent que la prédication.

71Dieu dit aux anges : Je créerai l’homme de boue.

72Lorsque j’aurai accompli mon ouvrage, et que je lui aurai soufflé une portion de mon esprit, prosternez-vous pour l’adorer.

73Tous les anges se soumirent à l’ordre du créateur.

74L’orgueilleux Éblis refusa seul d’obéir.

75Éblis, lui dit Dieu, pourquoi n’adores-tu pas l’ouvrage de mes mains ?

76L’orgueil t’enivre-t-il ? Ta grandeur se croirait-elle humiliée ?

77Je suis, lui répondit l’esprit rebelle, d’une nature plus excellente que la sienne ; tu m’as créé de feu, et tu l’as formé de boue.

78Sors de ce séjour, tu seras lapidé.

79Ma malédiction te poursuivra jusqu’au jour du jugement.

80Seigneur, reprit Éblis, diffère tes vengeances jusqu’au jour de la résurrection.

81Je les différerai, dit le Tout-Puissant.

82Elles n’éclateront qu’au temps marqué.

83J’en jure par ta puissance, ajouta Éblis, je séduirai tous les hommes.

84Tes serviteurs sincères seront seuls épargnés.

85L’Éternel prononça ces mots : Je suis la vérité, et mes menaces sont véritables. Je remplirai l’enfer de ceux que tu auras séduits. Tu y seras à leur tête.

86Dis : Je ne vous demande point le prix de mes prédications ; mon zèle me suffit.

87Ce livre est un avertissement aux mortels.

88Vous verrez un jour que sa doctrine est véritable.


  1. Les commentateurs du Coran avouent qu’ils ignorent la signification de ce caractère isolé qui répond à la quatorzième lettre de l’alphabet arabe.
  2. Pharaon est peint dans plusieurs endroits du Coran avec cette épithète, zou elaoutad, auteur des pieux. C’est ainsi qu’on a traduit jusqu’à présent ce passage. Zou signifie possesseur, Aoutad ne veut pas dire seulement des pieux, il signifie encore les grands d’une ville. Nous avons cru qu’il était plus naturel de rendre ces mots de la manière suivante : Pharaon entouré de courtisans, que Pharaon auteur des pieux. D’ailleurs Mahomet représente toujours ce prince environné de seigneurs.
  3. Salomon assis sur un trône voyait courir des chevaux excellens qu’on lui avait amenés. La course dura jusqu’au coucher du soleil. Il oublia de faire la prière du soir, et se punit de cette négligence en faisant immoler une partie de ces superbes coursiers. Dieu le récompensa en lui donnant l’empire des vents. Jahia. Zamchascar.
  4. Salomon portait au doigt un anneau d’où dependait la durée de son empire. Il le confiait à une de ses femmes lorsqu’il entrait au bain. Un jour qu’il y était, un démon nommé Sacar prenant ses traits et sa ressemblance, vint demander l’anneau à celle qui en était dépositaire. Elle le remit entre ses mains. Il le prit, le jeta dans la mer, s’assit sur le trône du roi, et changea les lois par lesquelles il gouvernait les enfans d’Israël. Salomon, ayant inutilement cherché l’anneau qui était le gage de la durée de son empire, pensa que Dieu voulait le punir. Il sortit de son palais et se mit à parcourir la Judée en criant : Je suis Salomon ; mais ses sujets refusaient de le reconnaître. Il resta quarante jours dans cet état. Enfin ayant demandé de la nourriture à un pêcheur, il retrouva son anneau dans le ventre d’un poisson. Il rentra aussitôt dans ses droits, se saisit du démon Sacar, et le fit jeter chargé de chaînes dans le lac de Tiberiade. Ismaël ebn Ali raconte cette fable dans sa chronique.
  5. La femme de Job était un peu d’accord avec Satan. Elle exhortait son mari à écouter les propositions du tentateur. C’est pourquoi Job irrité jura qu’il lui donnerait cent coups de verges. Jahia.