Le Degré des âges du plaisir/04

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(Attribution contestée)
Vital Puissant ? (T. 1 : Le Degré des âges du plaisir,p. 50-59).





CHAPITRE IV.


Belleval en garnison ; Constance à Paris ; ce que devinrent nos deux amants dans ces différents séjours ; conduite libertine jusqu’à l’âge de 25 ans.


J’atteignais ainsi que Constance ma vingtième année, et chacun de notre côté nous volions de plaisirs en plaisirs. Toujours follement entêtée de son abbé de Gerville, elle ne respirait que pour lui. Je ne m’en étonne plus maintenant que l’école du grand monde m’a enseigné tout le libertinage dont est pourvue cette espèce calotine ; rien de si scélérat en amour qu’un abbé. C’est une vérité reconnue de tous les temps.

On préparait mon équipage pour rejoindre ma garnison, et le régiment dont je venais d’être nommé lieutenant. Adieu Constance, adieu Sophie, adieu Louison ; je n’aspirais qu’au moment de mon départ et aux plaisirs qui m’attendaient dans une ville éloignée de la mienne, où j’allais être totalement mon maître.

Pendant que je me disposais gaiement à aller habiter un nouveau séjour, Constance sentait remuer dans son sein le germe criminel des caresses impudiques de son cher calotin ; bientôt elle n’allait plus oser lever les yeux dans notre province, de sorte qu’ayant communiqué ses craintes à ce monstre ecclésiastique, il lui donna les plus exécrables conseils ; et un beau matin, ayant soustrait les bijoux de sa mère, ils firent ensemble un trou à la lune, et telles perquisitions que sa famille, la mienne et moi ayons faites, nous ne pûmes découvrir leurs traces. Ce ne fut que bien du temps après et par hasard que je la retrouvai au sein de la capitale, et que j’appris de sa propre bouche les infâmes excès de son libertinage, que je vais mettre sous les yeux de mes lecteurs, pendant qu’on ferme mes malles et que ma chaise de poste s’apprête. Je rendrai compte ensuite de mes aventures de garnison.

J’ai dit que Constance était grosse et que l’abbé de Gerville l’enleva pour la conduire à Paris, dans le dessein de lui manger ou de lui voler les bijoux qu’elle avait emportés à sa mère. Ce trait n’est pas rare dans un méprisable ministre de l’Église ; plus d’un s’est signalé dans de semblables forfaits. Constance ne tarda pas à se repentir de sa fuite ; en arrivant, elle se livra aux plaisirs effrénés de la débauche et de la lubricité ; méprisant souverainement l’objet qui avait pu la réduire dans l’état où elle se trouvait, elle ne rougit pas de livrer ses appas aux fréluquets dont cette grande ville est pourvue ; et le temps de sa grossesse étant arrivé, l’abbé, l’infâme abbé, saisit ce moment pour la dévaliser et la laisser sans ressources au milieu de Paris. Qu’on me permette d’employer ses expressions pour dire ce qu’elle devint. C’est maintenant Constance qui parle :

« Après la lâche et honteuse fuite de l’abbé, toute autre que moi se serait trouvée abattue par le désespoir ; mais point du tout. Je regrettai plutôt la perte de ma petite fortune que cet indigne suborneur ; j’avais lu l’histoire du fameux Dom-Bougre, portier des Chartreux, Thérèse philosophe, la Religieuse en chemise et mille autre livres de cette espèce. J’y avais remarqué les moyens employés par les filles libertines qui s’étaient trouvées dans le même embarras que moi.

« À peine eus-je fait déposer mon enfant dans l’hospice destiné à recevoir les orphelins infortunés et que je fus relevée de mes couches, que je changeai d’hôtel et me transportai dans un domicile où de tous temps avaient logé des femmes prostituées, c’est-à-dire au bordel. Le matin, je faisais des parties, et au déclin du jour, postée en sentinelle sur le seuil de ma porte, j’y toisais les passants d’un regard lubrique et effronté, et les invitais à venir recueillir le suc précieux de mes faveurs amoureuses, je ne dirai pas le poison infect de la vérole, car Vénus sans doute préside au soutien de mon existence, puisque dans la multiplicité d’hommes à qui j’ai livré sans réserve la possession de mes charmes je n’ai reçu d’aucun ce tribut de la prostitution.

« Elle est innombrable la multiplicité d’aventures qui me sont arrivées dans ce charmant état. J’en donnerai quelque jour un détail circonstancié et me plairai à décrire toutes ces paillardises de ceux qui viennent au bordel, à prix d’argent, essayer de retrouver leurs forces épuisées.

« Tantôt un vieil abbé prenait plaisir à marmotter ses patenôtres sur mon ventre nu et à baiser dévotement la relique qui était au bas, tandis que d’un poignet robuste je secouais un membre flasque, dont rarement il m’était possible de soutirer quelques gouttes du précieux élixir dont la source était tarie.

« Quelquefois un autre prenait mes fesses pour l’objet de son culte, et de mon cul faisait un autel ; c’était sur ce trou de l’amour qu’il répandait ses libations et consommait le sacrifice, sacrifice de sa part infiniment plus pieux et plus sincère que ceux que ces tartuffes offrent à la divinité.

« Le bourgeois, le robin, le militaire, le financier, tout était admis dans mon temple, dont j’étais seule la déesse. Jamais sanctuaire ne fut mieux desservi ; il est vrai qu’à l’exemple de ceux du catholicisme nul n’en sortait sans laisser son offrande en argent. Ce n’étaient pas les chaises qui se payaient chez moi, mais bien la vue et le maniement du plus joli des tabernacles.

« J’ai dit que le matin je faisais des parties ; comme je sortais un jour pour aller faire pousser quelques soupirs à un vieux financier, à qui on n’en avait rarement arraché qu’à l’aide d’un poignet vigoureux ou d’une poignée de verges, je fus abordée par le père procureur des capucins de la rue St-Honoré, qui, en trois mots, me dit à l’oreille que quoique son état ne lui permit pas de porter de l’argent, je n’avais qu’à me rendre dans la même matinée à son couvent, que je serais contente, et que je pouvais le demander sous prétexte de la confession.

« Pareille aubaine n’est pas à refuser ; de l’argent et un moine, quelle journée délicieuse ! Je me rendis au rendez-vous et fus introduite par le révérend père lui-même de l’église à son oratoire où il me conduisit et très-mystérieusement ; mais, ô comble des voluptés, au lieu d’un moine, ils étaient deux. Quelle récolte abondante, je m’en souviens toujours avec ivresse.

Qui n’a jamais été foutue par un moine n’a point connu le plaisir, ou du moins n’en a qu’une imparfaite idée ; c’était à qui s’empresserait le plus des deux à me contenter. La question était de savoir qui commencerait à jouir de ses droits ; je les mis d’accord en jetant moi-même le mouchoir. Le préféré m’assit d’abord sur ses genoux, tandis que l’autre, tout aussi ami de la bouteille que des plaisirs des sens, alla nous chercher des restaurants.

Celui que j’avais choisi pour lutter le premier était trop avare des plaisirs pour assouvir sur-le-champ sa passion, aussi, fourrant son doigt dans la source de Priape, dans la fontaine de Jouvence, dont il entr’ouvrit préalablement les bords, le vieux barbichon en fit couler la liqueur divine avec toute la grâce d’un danseur d’opéra. Cette manière agréable ne m’était pas inconnue, mais elle m’était toujours nouvelle ; il n’est pas nécessaire de me demander quelle était pendant ce temps mon occupation ; je rendais le même service au pénaillon, et le vieux coquin rendit presque en même temps les derniers soupirs de la volupté.

« Je rouvrais les yeux quand rentra le compagnon de mon masturbateur, mais dans le plus plaisant équipage qui se finisse deviner et dont on se soit encore imaginé. Le frocard nous apportait de quoi boire et manger ; mais je ne pus m’empêcher de rire aux larmes, lorsque je m’aperçus qu’il avait suspendu son seau à rafraîchir le jus de la treille sur un membre nerveux de huit à neuf pouces de long dont la tête rubiconde menaçait le bijou qui s’offrait à ses regards. Cet heureux pronostic redoubla ma gaieté ; je n’en devins que plus ardente et plus passionnée. Les deux pères m’attaquèrent presque en même temps, et tandis que l’un s’emparait du poste, l’autre montant à califourchon sur moi lâcha sa bordée entre mes deux tetons.

« Bien et dûment payée, je regagnai mon logis. Pendant l’espace de cinq années, je continuai ce commerce sans qu’il m’arrivât rien de remarquable, et ce fut pendant le cours et vers la fin des cinq suivantes que je revis mon cher Belleval à Paris. »

Voilà ce que j’appris de Constance elle-même, comme je l’ai déjà dit, et quelles furent ses occupations pendant l’espace que je fus à la garnison, pendant le premier séjour que j’y fis, qui fut de sept années consécutives, à l’exception de quelques voyages que je fis chez mes parents.

Depuis l’âge de 20 ans jusqu’à celui de 25, rien d’extraordinaire ne se passa dans mon existence. Quelques coureuses de garnison reçurent mes caresses ; je voulus entretenir et me mis à la mode des jeunes officiers ; je bus, je jouai et perdis mon argent, suivant l’usage ; tout le monde sait que les officiers de fortune redresse ceux qui en ont davantage qu’eux ; j’eus ce sort et je ne m’en plains pas.

Je vais donc passer à ce qui nous arriva à Constance et à moi depuis l’âge de 25 ans jusqu’à celui de 35, âge où l’homme et la femme dans toute leur vigueur offrent le tableau le plus vrai de la force des passions. De combien de plaisirs différents je vais peindre les nuances, que de jouissances multipliées je vais reproduire ! Oh ! que n’ai-je le pinceau divin et enchanteur de l’Arétin, mes phrases couleraient de source. Priape sourirait à mes expressions ; les hommes galants, les roués, les libertins, deviendraient mes imitateurs, et les courtisanes les plus lubriques et les plus expertes dans le grand art de la jouissance se modèleraient sans doute sur les égarements de Constance.




CHANSON.

Depuis 25 ans jusqu’à 45, âge des jouissances.


Air : Aussitôt que la lumière…


Adieu donc, tendre délire,
Où sans choix et sans façons,
Et bandant comme un satyre,
Je foutraillais tous les cons.

Aujourd’hui que la sagesse
Préside à tous nos plaisirs,
Dans les bras d’une maîtresse
Je contente mes désirs.

De temps en temps mon vit bande,
Je baise avec volupté,
Et quand j’ai fait mon offrande,
Je contemple sa beauté.
De mon doigt je la chatouille ;
Avec sa gentille main
Elle me prend chaque couille
Et me fait remettre en train.

Telle on voit dessus la rose
L’abeille se reposer,
Sur son sein je me repose
En cueillant un doux baiser.
Jusqu’au fond de sa matrice
Elle ressent mon amour ;
J’examine avec délices
De ses fesses le contour.