Le Disciple de Pantagruel/1875/21

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Texte établi par Paul LacroixLibrairie des bibliophiles (p. 52-53).

De l’isle des Papillons, et la manière dont les gens du pays font les maisons et habitations et les églises, et comme les grues volent en l’aer toutes rosties par belles bendes.

CHAPITRE XXI.


IL y a en aulcuns quartiers desdictes isles des papillons qui ont les aelles si grandes qu’on en faict les aelles des moulins à vent et les voyles des navires, lesquelz papillons, après qu’ilz ont perdu les aelles et qu’ilz sont muez, il deviennent cerfz grandz et cornuz, lesquelz sont fort dangereux et maulvais à rencontrer. Ilz se nomment cornupetes.

Le pays et la terre sont si gras et si fertiles que tout ce qui y croist vient comme par despit ; et entre les aultres choses, les courges ou cucurbites y croissent si grandes et si grosses qu’ilz en font les maisons et les églises après qu’ilz en ont osté tout ce qui est dedans, et qu’ilz les ont faict seicher.

Les habitans du pays demeurent dedans, comme ilz feroient en grandes maisons ou chasteaux, car ilz font des portes, des huys et des fenestres comme nous faisons en noz maisons par deçà.

Il les faict fort bon veoir après qu’elles sont dressées debout, car le bout d’en hault sert de clocher ou cheminées, comme vous povez ymaginer, ou y allez veoir si vous ne m’en voulez croire, car je vous asseure que je n’en ment d’ung seul mot.

Vous verriez voler en l’aer les grues par moult belles et grandes bandes toutes rosties et toutes lardées, en sorte qu’il ne reste qu’avoir du sel et du pain pour manger avec ; mais il y a bien manière de les prendre, car elles volent fort hault.

Toutesfoys, pour les prendre, ilz ont des gerfaultz qu’ilz laschent en l’aer à tout leurs sonnettes, et quand ilz sont au dessus d’elles en l’aer, ilz les font descendre en bas, et puis ilz les prennent à la course et les mangeussent comme j’ay dict.