Aller au contenu

Le Littré de la Grand’Côte/3e éd., 1903/Cayon

La bibliothèque libre.
Chez l’imprimeur juré de l’académie (p. 82-83).
◄  Caye

CAYON, s. m. — 1. Parlant par respect, Habillé de soie.

Ladre comme un cayon. — Très avare. Dans ce dicton, on joue sur le mot ladrerie, maladie du porc, et ladrerie, avarice, quoique je n’aie jamais pu comprendre le relation (qui remonte au moins au xvie siècle) entre les deux sens.

D’un bon cayon, hormis le… bran, tout est bon.

L’honnête Cotgrave donne le même proverbe sous une forme bien plus gros- sière : Le porc a tout bon en soy, fors que la m… Il ajoute cependant cette restriction que j’aime mieux laisser au lecteur (tout le monde sait l’anglais maintenant) le soin de traduire : Yet is the dung of a hog an excellent remedy for bloudspitting (blood spitting); but it must first be eaten, fried with sweet butter, and some of the bloudy spittle.

Autant qu’un cayon n’en peut compter, c’est-à-dire un, le cayon faisant toujours hun, hun, et jamais deux.

Il ira loin si les cayons ne le mangent pas en route, pour indiquer qu’un jeune homme est plein d’avenir, toutefois avec une restriction bien naturelle.

Amis comme cayons, Très unis. Il parait que les cayons, entre eux, sont bons amis. Il est plus convenable de dire amis comme … frères, et cela revient souvent au même.

C’est donner de la confiture à un cayon. Répond au margaritas ante porcos des latins. Le génie populaire est partout le même.

Nous n’avons pas gardé les cayons ensemble. Manière noble de faire entendre à quelqu’un que l’on entend conserver son quant à soi. Un monsieur de ma connaissance avait un domestique d’humeur susceptible. Un jour, pour adoucir un petit reproche, il l’appela « mon ami ». Monsieur et moi, fit le domestique avec dignité, nous n’avons pas gardé les cayons ensemble.

Au fig. sale, malpropre. Un père dira à son fils avec bonté : Auras-tu bientôt fini de pitrogner comme ça de la bouse de vache, petit cayon !

Qui se marie est content une journée, qui tue un cayon est content toute une année. Proverbe inventé par un mari repentant.

Un marchand est comme un cayon dont on ne sait s’il est gras que lorsqu’il est mort. Il y a en effet bien des gens dont la mort seule révèle l’embarras des affaires.

Gras comme un cayon. Voy. gras.

On dit encore à un ami qu’on n’a pas vu depuis quelque temps et qu’on retrouve florissant : Ça me fait plaisi de voir que te te portes comme un cayon.

2. Les cayons sont des soliveaux ou chantiers que l’on place sur le manteau qui couvre la trouillée lorsqu’on fait le vin, afin de combler le vide entre le manteau et le chapeau. Un chantier beaucoup plus gros qu’on place par-dessus se nomme caye (v. caye 2). Le peuple s’est plu à donner des noms d’animaux aux objets qui supportent. Comp. grue, chèvre, corbeau, poutre, sommier, grenouille (treuil) et le vieux lyonnais bochet (petit bouc), sorte de corbeau.