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Le Littré de la Grand’Côte/3e éd., 1903/Communs

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Chez l’imprimeur juré de l’académie (p. 104).

COMMUNS, s. m. pl. — Je rougis de donner la définition française : Latrines. C’est cependant le mot exigé par Molard, Grangier et les autres. Fi, quelle horreur ! Ce mot semble puer en le prononçant ! Vous figurez-vous une jeune personne disant à son fiancé : « Pardon, monsieur, de vous quitter, il faut que j’aille aux latrines (!!!). » Communs n’appartient peut-être pas à la haute poésie lyrique, mais l’euphémisme, dans son vague et sa généralité, voile avec goût le côté abject de la chose.

Je ne connaissais pas d’autre sens à ce mot, lorsqu’un jour je reçus une lettre d’un propriétaire, qui me priait de lui étudier « un plan de communs » sur un développement de cent quatre-vingts mètres autour de la cour de son château. Je fus renversé. « Tiens, que je me dis, en voilà un original ! Faut croire que, comme le père Brunet, qui voulait pouvoir se mettre à une fenêtre différente de sa maison chaque jour de l’année, celui-là veut pouvoir chaque jour de l’année se mettre à un oculus différent ! » Heureusement, un charitable confrère, à qui je m’en ouvris, me prévint de mon erreur.

Mais où fus-je encore surpris, c’est lorsqu’un bon propriétaire de Saint-Étienne me recommanda de ne pas oublier de mettre deux orifices dans le même cabinet ; une vraie paire de lunettes, quoi ! J’appris que c’était un usage constant dans le pays. « C’est drôle, que je me disais, je n’avais cependant pas remarqué qu’à Saint-Étienne les gens en eussent deux ! » L’idée qui a fait choisir ce mot est sans doute que l’objet des communs l’est (commun) aux rois et aux gagne-deniers.

Dans le plan primitif de la Charité on voit une série de lunettes, qui permettaient de se rendre en commun dans un endroit où l’usage est plutôt d’aller seul. (Em. Vingt.)