Le Major Pipe et son père/3

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III

Grâce au ciel, la nuit on peut dormir et légitimement ne rien comprendre… même qu’on dort. C’est ce qui advint à notre voyageur. Mais s’éveillant, il retrouva ses inquiétudes de la soirée, surtout quand le major lui dit avec sa gaîté juvénile :

— Aujourd’hui nous devons voir le terrain conquis !

« Terrain conquis ». Ces mots firent battre le brave cœur de Barbet. Mais, il se frotta les mains et se força à rire :

— Nous sommes bien capables de nous y faire tuer, hein ?

On ne sait jamais jusqu’à quel point un Anglais est humoriste, puisque, dans l’humour, il conserve le même flegme que dans une minute tragique ; mais il est vraisemblable que James Pipe eut quelque ironie quand il répondit :

— En ce cas, ce qu’il faudra, mongsieur Bâbette, c’est mourir comme des vaillants hommes.

En attendant, pour vivre et bien vivre jusque là, il glissa dans l’auto une boîte en fer-blanc qui renfermait une douzaine de sandwichs. Il montra au chauffeur le chemin sur la carte, puis joyeusement :

— All right ! En route pour le grand jeu !

L’auto ne mit pas une heure à atteindre la zone ravagée, à l’est de Fricourt, et Barbet, qui était parti fort ému, l’était moins lorsqu’on arriva.

C’est que, sur ce sol qui connut tant d’heures infernales, après quelques mois seulement, il faut une forte imagination pour évoquer les massacres qu’il souffrit. On est dans un pays plus bizarre qu’effrayant, plus nouveau qu’évocateur.

À la place des tranchées, de tout ce qui fut crevé, qui s’ouvrit ou sauta, la puissance de la nature qui reste, maîtresse partout, d’un terrain furieusement déchiqueté a fait un chaos de verdure, et ce n’est plus douloureux, mais étrange et sauvage. Quand Barbet descendit de voiture sur cette terre historique et qu’il regarda le cœur de la plaine et ce qui s’appelait des villages et des bois, il demeura surpris sans être navré. C’est déchirant de voir un arbre quand la mitraille l’abat, ou, qu’étendu, il tremble encore de toutes ses feuilles ; mais des troncs nus, secs, morts, des poteaux, des perchoirs, c’est pauvre : est-ce triste ? Qu’un obus crève un mur ou pulvérise des toits, les ruines encore chaudes émeuvent comme une plaie vive. Si tout est rasé, si le village n’est qu’un terrain vague avec des détritus, c’est délabré : est-ce pitoyable ?

Le major James Pipe n’était pas un lunatique d’idées, mais il aimait les faits, les résultats, et de ses grandes jambes, fièvreusement, il parcourait l’emplacement des anciennes lignes allemandes, se retournant vers Barbet qui s’essoufflait à le suivre.

— Ah ! Ah ! Les Boches. Où sont-ils ?

C’est vrai qu’il ne restait pas grand chose de leur long séjour, de toutes leurs forces et de leur effort. Même plus de tranchées, des bouts de boyaux, des entonnoirs, des trous de mines. James Pipe, avec une rage de tout voir, dégringolait dans les excavations et voulait y entraîner cet excellent Barbet qui protestait : « Je vois… je vous remercie… je vois très bien. »

Mais lui, James Pipe, dénichait ici un sac, là une boîte, là un casque et des pierres calcinées qu’il retournait, qu’il pesait, et partout des fils de fer tordus, dépecés, encore tout barbelés de pointes, les restes de tant de pièges qui maintenant le faisaient sourire.

Le sol, labouré par la mitraille, s’était partout repris à vivre, et tandis que le printemps ne s’annonçait encore nulle part, là, comme si la terre sous cette forme nouvelle était pressée de verdoyer et de fleurir, c’était une poussée d’herbe étonnante, haute et fraîche, qui comblait, cachait, nivelait et qui, d’un terrain ravagé par de pauvres mortels, faisait une vraie prairie renouvelée par l’éternelle nature.

Barbet était français, idéaliste et sentimental, et il ne se contentait pas, comme James Pipe, d’explorer, de découvrir et de constater. Aussitôt, sa cervelle grouillait : atavisme en même temps qu’habitude du métier ; aussitôt il déduisait, songeait, soupirait :

— Dire que tout ça c’était… de la campagne… des champs, des prés, des taillis, des paysages !…

Et butant du pied, se tordant les chevilles, suant sur cette terre à faire crever le plus fort mulet, — il oubliait de regarder le présent, attendri par le passé. — « Dire qu’il y avait là des maisons, des arbres !… »

Maintenant, que distinguer dans cet ensemble plat, médiocre ? La route et le reste, tout confondu, d’un ton pareil, et les yeux ne retrouvent nulle part ce qu’ils ont connu et aimé. Contrée bizarre et inculte. On ne suppose plus qu’elle eut des habitants, des paysans, des jardins avec des fleurs, des fruits, et qui sait, derrière un bouquet de saule, une mare où les bêtes, au soleil couchant, s’en venaient lentement pour boire… « Dire, pensait Barbet, que sous ce ciel, il y avait un coin de France et que, de ma place, un peintre aurait trouvé jadis une matière champêtre et touchante ! »

Il en avait de la stupeur… et s’ennuyait presque ; mais James Pipe remarqua :

— Vous direz : « tout cela est rien », quand maintenant vous serez voyant le vallée de l’Ancre.

— Comment ? C’est pis ?

— Oh ! dit James Pipe, riant, c’est le première fois de l’ère chrétien qu’on voit telle chose.

Et, toujours, il paraissait satisfait, ce diable d’homme, ne considérant, lui, dans son cerveau d’homme de trente ans, robuste et sans mélancolie, que l’avance sur le terrain et le recul boche.

Remontant en voiture, Barbet pensa :

— Il ne peut pas s’attendrir comme nous, parbleu… C’est à nous ce pays !

Et il se dit encore :

— Quand j’aurai vu la vallée de l’Ancre, j’écrirai là-dessus un joli article mélancolique… pour les femmes, qui ne se doutent pas de ce que c’est.

Il n’y a d’ailleurs nul besoin d’être femme, ni même Barbet, pour revenir terrifié de la vallée de l’Ancre. Elle est tout entière terrible.

Ce n’est plus une vallée terrestre. On y songe à quelque planète chauve, brûlée, et errant dans l’espace après une catastrophe. On est stupéfait d’y respirer encore.

Les Français qui, la paix signée, rentreront sur ces terres, n’y retrouveront ni un village, ni même un pays, et leur confusion sera plus grande encore que leur douleur. Tout ce qui faisait leur bien et leur vie, tout ce qu’ils aimaient aura disparu si totalement, que leur détresse ne sera plus nourrie que par des souvenirs.

La guerre, en se perfectionnant, anéantit sans laisser trace de ce qui vivait, et les habitants de ces contrées ravagées seront comme les parents des soldats tués à la bataille, qui n’ont pas vu les yeux fermés de leur grand garçon et qui, dans leurs sanglots, ne se figurent qu’avec peine les détails du martyre de leur pauvre enfant. Ainsi, ils remettront le pied sur la terre qu’ils labouraient autrefois, mais ils ne sauront plus que c’est elle. On leur dira : « Votre maison était là », ils ne verront rien, même pas des ruines. Ils regarderont autour d’eux : plus un arbre ; au-dessus d’eux : le ciel aura changé. Et alors, en peinant, ils tenteront de se refaire une vie qui ne sera plus liée à la vie d’autrefois que par ce fil ténu d’une mémoire qui, elle-même, s’étonnera.

Quand Barbet, avec le major James Pipe, parvint après une heure d’auto dans ces régions malheureuses, l’horizon grondait encore de l’orage des canons ; le cataclysme était récent, mais déjà le calme et l’oubli régnaient sur ces lieux ruinés, — calme mortel, oubli de néant ; tout là-bas est enterré, les choses et les hommes, et, sous une atmosphère de lourd silence hideux, la terre, souillée, brûlée, empoisonnée par les engins de la science et la chimie, la terre qui n’a plus sa couleur ni son grain, — éventrée, verdâtre, avec des pierres vomies, la terre recouvre tout ce qu’elle portait : les arbres, les villages et les soldats.

Ces derniers sont tombés si nombreux qu’on n’a pu marquer, même d’un bout de bois, le sacrifice de chacun ; ils dorment sous terre, en masse, comme ils ont combattu. Il fallait être un régiment pour avoir la gloire d’un drapeau : morts, ils sont des centaines à ne posséder qu’une croix. Et maintes fois encore s’enfonce-t-elle dans l’eau d’un trou, entre deux bosses du sol explosé, en sorte qu’il n’y a que l’aspect horrible du terrain qui évoque l’énormité du drame.

Troué, boursouflé, partout équivoque, il est devenu cette chose inconnue de la nature : « de la terre morte ». Il a fallu l’homme, ses calculs et son travail, pour tuer ainsi un pays. Quelle nouveauté ! Pays méconnaissable, non parce qu’il est ruiné, rasé, tout nu, mais parce qu’on y marche sur une matière sans nom, désolée, massacrée, qui n’a plus de germes de vie.

Le plus stupéfiant, c’est le soleil qui éclaire, quelle qu’elle soit, l’œuvre de l’homme, avec sa magnifique indifférence. Le spectacle est terrible dans la lumière d’un beau jour, mille fois plus que sous la grisaille d’un ciel bas, car les rayons s’accrochent à tous les détritus de ce grand champ de bataille, changé en dépotoir. L’artillerie déterre ce qu’elle enterre, cette contrée n’est qu’un terrain vague consumé par le feu et constellé de ferrailles, débris d’obus, armes en morceaux, fils de fer hérissés, enchevêtrés, en perruques, et tout cela rebrille sous le soleil, énervant les yeux qui s’attristent ou s’effarent… pas tous : certains ont l’habitude de ces dévastations, et d’autres sont fouilleurs, dénicheurs de « souvenirs ». James Pipe fit arrêter l’auto dans un endroit désolant. Il en descendit, puis ramassa une informe ferraille qu’il tendit à Barbet. Ce dernier dit aussitôt :

— Comme c’est curieux ! Qu’est-ce que c’est ?… Je rapporterai ça à ma femme… elle adore ces machins-là.

— Alors, attendez, dit James Pipe, nous devons trouver mieux. Et vous direz à Madame Bâbette que cela vient d’une village fameux par le communiqué.

En effet, ils étaient arrêtés sur l’emplacement de Sailly-Sallisel. James Pipe déploya sa carte :

— Par exemple, je sais pas le côté dont le village était en relation à la route.

À droite, à gauche, en face, partout à portée des yeux c’était le même immense ravage, mais deux compagnies de la Garde de Londres, qui compte parmi ce que l’Angleterre a de plus noble et de plus brave, occupaient ce fantôme de pays, et l’on pouvait, tout ensemble, saisir là, sur le vif, l’horreur que l’homme peut engendrer et quelle résurrection il sait faire, quand il veut.

Ces combattants de la Garde s’étaient changés en chiffonniers ; ils avaient des pelles, des pioches, des crochets, et ils grattaient, ils exhumaient… quoi donc ?… ah ! de petites choses magiques !… Sans s’en douter ils avaient des gestes de poètes, ces grands réalistes. Là où les canons avaient pulvérisé des villages, ils fouillaient la terre décomposée ; ils en sortaient des bouts de briques d’un rouge vivant ; ils les transportaient et les broyaient sur un chemin nouveau que leurs pioches venaient d’ouvrir dans le liane de cette terre inerte ; et à mesure que leurs travaux et leurs efforts s’ajoutaient, dans ce paysage cadavérique, mort jusqu’à l’horizon, on voyait s’avancer une route énorme, écarlate, large de vingt mètres et dont la seule couleur était de la vie.

On eût dit un espoir qui naissait et marchait, à travers des espaces désespérés ; mais la teinte farouche et sauvage de cette grande voie britannique faisait songer aussi au feu et au sang des combats. Il y avait, dans cette route, de la beauté et de l’horreur ; elle annonçait et elle rappelait ; et elle avait l’air d’apporter un commencement de paix, mais elle était effroyablement rouge de la guerre.

Et c’est là que James Pipe dit à Barbet :

— Voulez-vous, mongsieur Bâbette… nous déjeunions maintenant ?

— Mais… si vous avez faim…

Il avait grand faim.

Il sortit les sandwichs, puis, avec allégresse, il mordit dans le plus gros.

Barbet soupira : « Tout de même, comment peut-on vivre ici ! »

Cette idée mit James Pipe en joie. La bouche pleine, dansant sur ses pieds, il dit :

— Si mon père il vous entendrait, je crois il serait heureux, car il a un cœur pareil à vous.

Il remordit dans son sandwich.

— Mon père est l’homme le plus bon, mais il ne fut pas élevé autant que moi par le gymnastique. Il a étudié des livres, il ne peut comprendre le guerre, il dit que dans ma place il mourrait de chagrin… ce qui me fait rire beaucoup, car si on n’a pas les obus du Boche comme ici, vous voyez le guerre est un sinécure.

— Oui, mais, reprit Barbet, dans cette désolation qui suit les batailles, j’aurais un cafard… un spleen, comme vous dites !… Ces hommes qui travaillent là, dans cet effroi, n’ont donc pas le spleen ?

— Eh ! Pourquoi ? lança James Pipe qui rit aux éclats.

Alors Barbet qui, lui, mangeait sans appétit, se mit à échafauder en soi-même cette théorie que les Anglais étaient dépourvus d’imagination. On avait dû le lui dire déjà : il le vérifiait. Oui, ils étaient tous dépourvus d’imagination, sauf, peut-être, le père de ce James Pipe… et… Shakespeare aussi… mais… il n’y a pas de règle sans exceptions. En règle générale, un Anglais, c’est le major James Pipe : il subit, il ne songe pas, il se laisse vivre.

Tout de suite il fit part de sa réflexion au major, qui d’abord sourit sans répondre. Et peut-être qu’il ne le pouvait pas, car il eût fallu dire à Barbet tout ce qu’il négligeait en jugeant trop vite, tout ce qu’il ne voyait pas en devinant trop gros, à savoir cet humour particulier qui est la coquetterie suprême de l’Anglais pour cacher son vrai courage et aussi tant de tenue, de gentillesse, tant de charme discret, que trop de Français appellent égoïsme ou insensibilité. Seulement, comme il était né d’un père malin et délicat, le major Pipe trouva quand même une façon de répondre et de s’expliquer.

Il ne fit pas de phrases, ainsi que Barbet aimait en faire et comme tout Français aime en entendre, mais, continuant son sandwich, appuyé négligemment à l’auto, au lieu de définir les Anglais, il se mit, lui, à conter des histoires sur eux, — quelques histoires simples qui ne seront pas consignées dans les grands récits de guerre, parce que les historiens aiment les raccourcis, les effets et les proclamations, mais qu’il est bon de se redire entre soi, entre amis, quand on est deux et qu’on peut parler bas. Rien n’y brille d’un éclat factice ; elles ne font pas image ; aucun mot de légende, aucun geste de victoire ; mais elles s’adressent à l’esprit, et elles sentent étrangement leur gentleman bien né.

— Ici, donc, commença James Pipe, dans l’endroit où nous sommes, des Australiens se battaient, et je connais un lieutenant, les Boches l’assiégaient. Il était derrière une petite remblai, presque pris, sans défense ; alors le captain boche cria à lui : « Croyez-vous vous sauver ? Mais ce n’est pas possible ! » Il répondit rien… et le captain boche cria encore à lui : « Rendez-vous ! » Alors, le lieutenant se tenant bien droit et gentillement, il dit cette fois : « Mongsieur Fritz, cela, ce est pas possible non plus ! »

Après quoi, James Pipe mangea un nouveau bon morceau de sandwich, et tout en mastiquant, il raconta une seconde histoire, dont voici le résumé :

Chacun se figure l’horreur d’une mine qui saute, de la terre qui éclate, d’une compagnie d’hommes qui volent en l’air, déchiquetés. — Or, à cent mètres du lieu où Barbet et le major étaient en train de manger des tranches de viande entre deux couches de mie, un capitaine écossais, qui occupait les tranchées avec sa troupe, avait entendu sous terre le travail sourd et terrible de l’ennemi. En même temps, par pli fermé, l’État Major l’avait averti : « Vous allez sauter… Rien à faire… il faut tenir la position… » Devant cette fatalité, il était devenu nerveux d’abord, nerveux comme un homme d’outre-mer, le temps de se rendre compte, trois ou quatre minutes, — puis, songeur, il avait décidé de cacher la chose à ses hommes pour laisser aux malheureux que le sort condamnait leur dernière heure sans angoisse. Enfin, en Anglais fort, qui juge la mort même avec un sens précis, il trouva inutile de mettre ses affaires en ordre, puisque tout devait être bouleversé, ni de rien réserver pour personne, puisque tout sauterait comme lui. Mais soudain, ayant aperçu sur sa banquette de terre un jeu de dames qui était un prêt du capitaine voisin, il réfléchit que c’était un méchant raisonnement de dire : « Puisque je disparais, je me moque du reste ! » — qu’au surplus il était malaisé, aux armées, de se procurer un jeu de dames ; que, finalement, il fallait sauver celui-ci et le renvoyer à son possesseur qui, précisément, pouvait avoir envie de jouer à l’heure même où une centaine d’hommes feraient un bond dans l’autre monde.

Et c’est son ordonnance qu’il chargea de le porter, dix minutes avant la catastrophe, sauvant ainsi par une attention cachée, un homme qui lui était cher. L’ordonnance a raconté depuis :

— Ah ! ce était une bonne captain !… Jamais peur… Après que il a explosé, rien trouvé que… son casquette… mais… derrière… dans une village pour le repos, là était son jument, et son jument moi j’ai porté… yes, à Boulogne…

À son dire, cette bête avait été à la guerre la meilleure amie de l’officier. Aussi, la veuve, prévenue, traversa la mer et s’en vint dans la ville française en grands habits de deuil, embrasser cette humble compagne d’armes.

— Et elle le avait embrassé fort, avec les deux bras… comme une personne !

Dans la même troupe que cet homme et que son chef, il y avait un sous-officier qui, quand la mine sauta, fut projeté parmi les Boches, une jambe brisée, tout abruti. Puis, il revint à lui, et quand il commença de souffrir et de se rendre compte, il remarqua qu’un lieutenant ennemi le toisait avec dédain, comme un officier brave fait pour un prisonnier qui s’est laissé prendre. Alors, il rougit, — et Dieu sait que les Anglais n’ont pas de peine à rougir, — puis il se redressa tant bien que mal, et pour s’expliquer devant cet homme qui, soldat comme lui, devait être régi par un code semblable du courage et de l’honneur, pour se justifier d’un malheur où il était si peu responsable, il dit simplement, mais d’un ton raide comme sa personne :

— Monsieur l’étranger, vous m’excuserez : je n’ai pas pu faire mieux.

Le capitaine au jeu de dames, l’ordonnance et sa jument, ce sous-officier si digne dans sa malchance, ils appartenaient tous à la même petite compagnie d’Écosse.

L’immense armée anglaise est riche d’histoires pareilles que la mémoire des hommes ne retiendra pas. C’est la menue monnaie journalière ; elle s’usera vite avec le temps ; mais pendant qu’elle nous passe dans les mains, nous nous devons d’en admirer l’effigie avec un cœur bien ému.

Et c’est ce que pensait James Pipe qui, craignant par pudeur d’exprimer son sentiment personnel, dit, lorsqu’il eut fini :

— Mon père et ma sœur ils aiment beaucoup les histoires…

Barbet les goûta-t-il ? En tout cas, ce qu’il aima, c’est apprendre que le major Pipe avait une sœur. Cette simple nouvelle éveilla dans son esprit de français toute une série d’idées galantes.

— Quel âge a-t-elle ? demanda-t-il avec un sourire d’homme du monde.

— Ah ! ah !… Est-ce donc point l’habitude, en France, que les dames mentent pour leur âge ? demanda James Pipe s’épanouissant. Alors vous permettez je vous donne point cette détail sur ma sœur.

— Vous êtes un malin, fit, en s’inclinant, Barbet.

Il bombait le torse, comme s’il était déjà devant cette jeune personne.

— Est-elle brune ou blonde ? demanda-t-il encore.

— Les deux ensemble, en sorte que tous peuvent l’aimer, reprit le major James Pipe.

— Elle est vive ?

— Pareille à un ruisseau de vif argent, reprit le major James Pipe.

— Enfin, elle est charmante ?

— Autant que peut être créature de Dieu ! reprit le major James Pipe.

— Et elle vit avec votre père ?

— Dont elle est son rayon de soleil.

— Tout en étant le vôtre… car elle doit vous écrire ?

— Elle m’écrit que je suis son « croisé ». Ah ! Ah !

Et James Pipe, plus fort depuis ses trois sandwichs, eut un rire clair, sonore, et plus juvénile que jamais.

Barbet, à son côté, en oubliait d’être triste. Il s’accoutumait au décor ; puis, ces quelques mots sur une femme éveillaient sa gaillardise.

— Ah ! les femmes, major ! C’est ce qu’il y a de mieux, les femmes ! Ça aide à la misère une petite femme ! Et c’est ce qui manque à votre vallée de l’Ancre… des femmes ! Mais à Londres, dites-moi, elles sont gentilles vos femmes ? Car moi, j’ai beau venir du pays des femmes, j’ai besoin de voir d’autres yeux, d’autres bouches… d’autres femmes !

James Pipe, rougissant, repartit :

— Cher mongsieur Bâbette, je suis chargé vous montrer les horreurs de la guerre, mais non les charmes de la paix.

— Ah ! très drôle, reprit en riant Barbet.

Seulement, l’air demi-gêné du major le fit changer de ton, et il dit :

— Il ne faut pas que je vous effarouche ! Ce n’est qu’en paroles, allez, que les Français sont légers. La plupart de nous épousent des femmes sérieuses, car le sérieux n’enlève pas le charme…

Il avait conscience, ainsi, de flatter son guide qu’il devinait chaste, et aussi timide sur ce sujet de l’amour qu’il paraissait robuste et bien planté dans la vie militaire et civile.

Gêné lui-même, il regarda ses pieds, puis sa pensée fut reprise par le spectacle étrange et terrible de ces terres dévastées. — Sur la route rouge il passait des hommes d’armes, avec de grosses pièces et des charrois d’obus ; ils s’en allaient plus loin, sur des terrains d’où tout aussi devait disparaître. Guerre atroce, car le vainqueur ne conquiert que des spectres, et il n’a pour lui que ses souvenirs qui sont des revenants. Est-ce pour cela, se demandait Barbet, que, de tous les coins du monde, des soldats ayant fait leur bagage, viennent se battre et mourir sur la terre déchirée de la France ? Quelle étrange vision, par exemple, de voir tout à coup, sur cette route guerrière et mirifique, apparaître et défiler quelques milliers d’Indiens, sur leurs chevaux et sur leurs mules !

Au passage des premiers, Barbet croisa les bras, puis, les yeux vagues, il se mit à rêver.

— Curieuses gens !… Leur civilisation est-elle du raffinement, ou bien ne sont-ils encore que des sauvages ?

Certains avaient l’air pensif et religieux d’une vieille race fatiguée de la barbarie du monde ; mais ces hommes tenaient des lances pointues et redoutables. Ils montaient de petites bêtes qui se cabraient et les secouaient ; quelques-uns, aux oreilles, avaient des boucles d’enfant ; mais tous, dans leur ceinture, cachaient un poignard à lame recourbée.

— Qu’ils sont nombreux !… Et comme ils sont pareils ! murmura Barbet.

Là, James Pipe s’ébroua :

— Nô, oh ! nô ; ils sont vingt races, cent races, et il y a des types sémites, mais voilà un type noir, et tous ceux-ci sont des hommes jaunes.

— Croyez-vous ? fit simplement Barbet.

Dans cette vallée de l’Ancre où, seul, le ciel a résisté à la bataille, son âme de Parisien, trop avide de précisions et un petit peu borné, se sentait submergée par ce défilé d’Indiens mystérieux et superbes, sur cette route écarlate.

Heureusement, le major le tira de sa rêverie. À dix mètres de la route, il ramassa un morceau de terre fumante qu’il lui présenta en riant aux éclats. Et Barbet, effrayé comme un civil qui croit que dans cette zone dangereuse tout éclate, Barbet demanda avec angoisse :

— Sapristi, qu’est-ce que c’est ?

— Je ne sais pas, dit James Pipe en envoyant le morceau au diable, négligemment.

— Vous avez tort, balbutia Barbet, de lancer comme ça des choses…

— Laissez-nous poursuivre le ennemi ! fit alors James Pipe. Si mongsieur Bâbette veut être bon assez pour monter sur le voiture !

En moins d’un quart d’heure, l’auto sortit de la vallée de l’Ancre, traversa la Somme, et pendant quelques kilomètres se rapprocha de la bataille, ce qui fit dire à Barbet :

— Hé ! Hé ! Je crois que nous y allons !

D’abord, à l’horizon, il vit s’élever et prendre l’air deux ballons, d’une toile écrue, dont le lourd balancement semblait presque puéril, — « saucisses » qui faisaient deux grosses taches de lumière au-dessus de choses monotones et maussades.

Le temps était curieux. C’était une de ces méchantes journées d’avril à sautes rageuses, qui sont la mauvaise humeur de l’hiver, déjà bousculé par le printemps. Cieux barbouillés, noirs et blancs, âpres et crus, qui crèvent tout à coup pour laisser place à un azur léger, premier sourire de la saison nouvelle. Des obscurités, des rayonnements, et les deux saucisses prenaient une importance fantômatique, se détachant sur ce fond de « paysages », qu’il faut chercher dans le ciel lorsqu’ils ont disparu de la terre.

Soudain, dans la pénombre, il partit des éclairs : c’étaient de grosses pièces anglaises. La guerre animait cette ancienne campagne, transformée en camp. Les coups de canon se précipitaient, les uns avec un bruit sec d’amorce, d’autres roulant tel l’orage ; et sous la voûte des nuées qui semblaient prises dans la bataille, tout se répercutait en un écho si formidable, que cette lutte terrestre avait l’air d’un combat géant dans les cieux.

L’auto, soufflante, n’allait plus qu’à petits pas sur la route encombrée, où tout un régiment d’artillerie pataugeait, piétinait, poussait, tirait, dans l’odeur piquante des chevaux en sueur. Une compagnie d’hommes s’y mêla, porteurs de pelles et de pioches, et coiffés de casques verdegrisés, comme s’ils venaient, avec leurs outils, de les déterrer profondément. Et il passa encore des bataillons de mules chargées d’obus, installés soigneusement dans des étuis de paille, comme des bouteilles d’un vin précieux. Puis, il vint de gros camions ayant tous sur le flanc leur marque : chat, pingouin, fer à cheval, et des autos d’ambulance, agiles, silencieuses, respectueuses. Tout cela s’empêtrait, puis se dégageait tranquillement, sérieusement, sans grognements, sans colères. Et l’on n’entendait que le souffle des hommes et des bêtes et l’énorme pétrissement de cette terre boueuse par les pieds et les roues.

Barbet était las, étourdi dans ce mouvement. Il se disait : « Cette guerre est colossale !… Ces Anglais sont formidables !… Il en sort de partout… Ils ont tout créé !… On n’a pas d’yeux assez grands pour les voir… Ça vous dépasse… Nom d’une pipe, que j’ai envie de dormir !

Puis, fermant les yeux, il songea à sa vie ordinaire et pacifique, à son intérieur, à sa femme.

— Il faudrait qu’elle vit par elle-même. Elle ne me croira pas. Comment raconter toutes ces choses superbes… ou horribles ? Car c’est beau de se défendre, mais tout ça pour se tuer !… Ah ! Folie !

— Mongsieur Bâbette, fit tout à coup James Pipe. Pensez-vous mal de moi que vous ne parlez rien ?

— Mon cher major, je songe à la bêtise des hommes.

— Oh ! reprit James Pipe, je souhaiterais alors être un cochon de Guinée.

— Ne vous plaignez pas, fit sérieusement Barbet ; vous êtes Anglais ; c’est encore ce qu’il y a de mieux.

— Et ce qu’il y a plus aimable c’est de être français.

Barbet prit un air de modestie enchantée :

— Vieille réputation, en effet, que nous avons.

— En ce cas, dit James Pipe, aimable et français gentleman, voyez-vous là cette mur ? C’est Péronne.

— Oh ! ce brave Péronne !

— Et sur le plaine, ce chose blanc qui paraît squelette…

— C’est ?

— Mont Saint-Quentin.

— Saint-Quentin ?

— Le mont.

— Ah ! À la bonne heure !… Alors ce mont ?

— Vous souvenez-vous quelle chose terrible pour le prendre ?

— Très bien.

— Les Allemands, dessus, étaient embusqués.

— Parfaitement !

— À présent, ils sont dessous.

— Dessous ?

— Capout ! Ah ! Ah !

— Vous êtes charmant, dit Barbet. C’est un sacrilège, tenez, qu’un homme comme vous ait à combattre des goujats comme eux.

L’auto donnait tout ce qu’elle pouvait. Elle eut tôt fait d’atteindre ce coin de terre dévastée, qui, à distance, ne paraît plus grand chose, mais qui, dès qu’on approche, prend de la hauteur et de l’étendue.

James Pipe, plus leste qu’un chat, grimpa dans les ruines, et du haut d’un mur il dit, riant d’un bon rire :

— Je vais vous tirer… j’ai un petit corde.

Puis, avec une joie d’enfant, il sortit de sa poche une ficelle qu’il lia à ce qui restait d’un arbre, et il hissa Barbet en s’amusant comme un fou.

Barbet, l’entendant rire, se rappela que son grand-oncle, qui avait voyagé en Angleterre, racontait toujours après les repas :

— C’est un peuple d’enfants. Ils s’amusent de tout !

— Brave James Pipe ! conclut Barbet, avec le sentiment d’être, quand même, un peu supérieur.

Sur le Mont Saint-Quentin où il ne reste que des gravats et que des oiseaux qui cherchent leurs nids, il se sentit, une minute encore, mélancolique. Ce petit village devait avoir un charme très grand. Le printemps y apportait un air parfumé par toutes les feuilles de la vallée ; l’horizon y était vaste ; et du pays d’alentour, portées par les premières tiédeurs du vent, c’est là que les promesses de l’été devaient se rejoindre et le mieux s’accomplir. Quel crève-cœur de n’y plus trouver qu’un massacre de pierres et d’arbres !

Mais James Pipe, au lieu d’évoquer le malheur des beaux jours perdus, se réjouissait seulement du succès de son armée. D’un geste, il montra le désordre et le ravage de ces lieux, et d’un ton où sa joie frémissait :

— Ah ! Ah !… Bien pilonné !

— Hélas ! répondit Barbet.

Il lança cet « hélas » presque inconsciemment, par lassitude, plutôt que par amertume, — mais les hommes passent la moitié de leur vie à ne pas se comprendre, — et il suffit de ce mot pour jeter James Pipe dans une énorme confusion.

Tout à coup, en entendant « hélas ! », il s’aperçut qu’il avait dû peiner Barbet, et cette idée qui ne lui était pas venue que son compagnon était, en somme, un Français vivant, devant un coin de France à demi-morte, cette idée, soudain, lui fit comme une inondation dans la cervelle, et il se mit à rougir, à rougir jusqu’aux cheveux, si fort que Barbet se détourna à son tour, fort gêné… Ah ! ce James Pipe était un brave cœur, puisque, d’abord, il avait été cruel par métier, par devoir, et puisqu’il s’excusait gentiment, sans chercher des mots superflus, simplement en laissant voir par la panique de son visage qu’il avait une nature charmante et un sang plein de jeunesse.

Ils ne poussèrent pas plus avant la visite du Mont Saint-Quentin ; et, pour changer d’idées, Barbet remarqua :

— D’ici on voyait bien Péronne.

Cette phrase banale permit à James Pipe de répondre vite :

— Mais vous voyez pas ce que le Boche il a fait.

Ils redescendirent à l’aide du petit cordon, toujours attaché à l’arbre, et ensemble ils se dirigèrent vers cette cité qui fut jolie et qui, maintenant, n’est plus que ruines.

Dans sa masse, à un kilomètre, elle semble encore une ville, et le soleil et les nuages ont l’air de faire de la lumière et des ombres sur des maisons ; mais quand on y entre, on n’y voit que des façades sans rien derrière, et des toits sur le sol, car ils ont, d’une seule pièce, glissé jusqu’à la rue. Beaucoup d’entre les demeures de Péronne étaient des vieilles qui avaient résisté à l’âge, aux hommes, au sort : toutes, maintenant, sont à bas. En vain chercherait-on celle que le hasard a épargnée, et, à la réflexion, c’est une grâce qu’aucune n’ait survécu : une maison debout, parmi ces ruines, serait monstrueuse et inhabitable. D’ailleurs, de nos jours, il faut tuer tout ce qu’on reprend, et le Boche brûle ce que les obus laissent, En sorte qu’au lieu d’une ville on découvre un amoncellement de choses qui vous troublent, et puis vous fatiguent, car rien n’est plus à sa place, tout penche, tombe, croule, danse, déroute les yeux et les idées. Péronne ! C’était une ville rouge, en briques, bien étagée au-dessus de la Somme, avec une église blanche, et un château noir. Péronne, on en rêvait ; et maintenant, éveillé, Barbet croyait y vivre un de ces cauchemars odieux et ridicules, où l’on roule dans un monde dont tout perd pied, dégringole et nous fuit.

Devant la dernière maison, le major s’arrêta ; et il fit voir à Barbet un bout de verger où trois pauvres arbres, trois poiriers maigrelets, sciés à moitié du tronc, s’étaient comme agenouillés, la tête contre terre. Et il haussa les épaules :

— Le soldat boche est misérable ! Il écoute, obéit, suit les ordres ; et il pense pas que trois petits poiriers… c’était la joie de la vie de un homme !

— Que c’est vrai, ça ! balbutia Barbet, qui pensa aussitôt : « Eh ! mais il se fait ! Il est déjà plus délicat… L’influence française… Il a compris ma manière de sentir… »

Puis, il fit quelques pas, et James Pipe dit encore :

— Le soldat boche, dans le crâne, il a seulement des idées grosses : le Guerre, l’Ennemi, toutes idées générales, n’est-ce pas, et kolossales ; mais les hommes, chacun des hommes, le liberté, le bonheur et le respect de chacun des hommes, ce n’est point choses qui croissent dans son jardine !

Barbet approuva de nouveau, avec force, ces paroles bien britanniques. Et il se souvint encore de son grand-oncle qui répétait :

— Les Anglais ont un dada : la liberté de l’individu.

« Il faudra, se dit-il, que j’indique ça dans mes articles… et ça ne va pas être commode… expliquer l’individu anglais… Si je ne touche que cent francs par article, ça ne vaut pas la peine. »

— Mongsieur, Mongsieur Bâbette ! regardez ce monstre animal.

— Diable ! Un tank ? fit Barbet.

Et James Pipe lui montra sur une grosse bête d’acier ruinée par la mitraille, cette inscription modeste à la craie : « John Harrisson a fermé pour la dernière fois les yeux dans ce tank. Maintenant il est loin, mais n’est pas oublié. »

— Ah ! Eh bien, ça confirme ce que je viens de dire, s’écria Barbet avec feu.

— Quoi donc ? Je ai pas entendu, dit le major.

— Si, sur l’individu ! Mon cher major, chaque Anglais sait que dans la grande histoire il ne sera qu’une petite chose, mais il veut être une petite chose qui compte !… N’est-ce pas que c’est vrai ?

— Yes… Peut-être.

— Sûrement !… Il ne se vante pas, mais il connaît son prix… La personne, chez vous, vaut autant que la société.

— Peut-être.

— C’est certain.

— Certain… je ne peux dire… étant pas habitué aussi tant à penser que vous faites.

— Ça, c’est vrai, fit Barbet… J’avais un oncle qui disait : « Les Anglais n’aiment pas la pensée, ni en dévider l’écheveau. »

— Les chevaux ! Oh ! pardone, nous aimons beaucoup les chevaux, protesta James Pipe.

— Non, l’écheveau en un mot.

— Les chevaux en un mot ?

— Oui… vous savez bien… Je cherche un équivalent… ce qu’on roule, ce qu’on déroule… du coton… vous comprenez ?

— Peut-être ! Mais les chevaux, tenez, mongsieur Bâbette, regardez dans ce champ, sont des chevaux australiens. Vivent-ils point à leur aise ?

— Ça, c’est une autre question… D’ailleurs, ils sont étonnants vos chevaux… Personne ne les garde ? Et il y en a à perte de vue !… Alors… pour les retrouver ?…

James Pipe regardait Barbet avec sérénité. Il fit attendre sa réponse, puis d’un ton amical :

— Dans le armée anglaise, mongsieur Bâbette, tout le monde est obéissant, mais tout le monde il est libre, et ceux-là, toute la journée, comme vous dites, on leur « fiche la paix ! » Alors ils comprennent, et le soir ils reviennent !

Et cette conversation sur les chevaux australiens, qui avait commencé par une considération sur l’écheveau des idées, fut la dernière sérieuse que Barbet eut avec le major dans cette deuxième journée sur le front britannique.

Le crépuscule, déjà, rougissait le ciel et tout le pays. Ils remontèrent en auto.

Et ils rentrèrent tous deux pour manger et pour dormir. Et en dormant, Barbet rêva ; et il rêva que James Pipe ne rêvait pas ; car, ainsi que chacun sait en France, les Anglais ne doivent pas avoir d’imagination.