Le Maréchal Macdonald/01

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Le Maréchal Macdonald
Revue des Deux Mondes3e période, tome 107 (p. 657-683).
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LE
MARÉCHAL MACDONALD

PREMIERE PARTIE.

Au mois de mai 1825, le maréchal Macdonald, sexagénaire, veut pour la troisième fois, était abîmé au plus profond de la douleur. De ses précédentes unions il n’avait eu que des filles ; la dernière, formée depuis quatre ans à peine et soudainement brisée, lui laissait un fils, un héritier de son nom. C’est pour lui, pour cet enfant au berceau que, loin de Paris, loin des consolations banales et des condoléances de cour, le maréchal entreprit, non pas de distraire, mais d’occuper l’isolement de son chagrin à noter les étapes de sa longue et glorieuse carrière. Ce ne sont pas des Mémoires qu’il se proposait d’écrire; ce sont de simples souvenirs destinés à l’enfant qui devait seul en prendre connaissance un jour. Il y a soixante-cinq ans qu’ils ont été recueillis ; il y a plus de cinquante ans que le maréchal est mort; ses descendans ont pensé que dans l’intérêt et pour le grand profit de l’histoire, autant que dans l’intérêt et pour la bonne renommée de leur ancêtre, l’heure était venue de soulever le voile qui jusqu’à présent a couvert ces Souvenirs, et c’est à moi qu’ils ont confié le soin de les révéler au public. C’est un grand honneur dont je leur suis reconnaissant. Je n’ai pu toucher, sans une respectueuse émotion, ces pages imprégnées de franchise et d’où le vrai s’exhale comme un parfum vivifiant. Jamais, ni pour personne, Macdonald n’a ménagé l’expression de sa pensée, même avec les plus grands, avec Napoléon comme avec Louis XVIII ; c’est un Alceste soldat.

Demandez-lui la vérité : il vous la présentera toute nue, ni fardée ni attifée ; ne lui demandez pas la parure du style. Il s’est plusieurs fois et très franchement confessé à cet égard. « A la lecture de ce rapide récit, a-t-il dit au début même de ses Souvenirs, aux phrases décousues, à la répétition des mots, au désordre de l’orthographe et de la ponctuation, vous vous apercevrez facilement, mon fils, combien je suis absorbé dans l’idée prédominante de notre malheur, et vous jugerez de la situation de mon esprit mieux que je ne pourrais la peindre. D’ailleurs, je ne relis jamais, même mes lettres ; mais il en est autrement de la correspondance officielle, projets, rapports, instructions, opinions; vous serez frappé d’une différence de style très remarquable ; le mien est ordinairement précis, concis, positif, lorsque les matières ne demandent pas de développemens, car ils en gâtent toute l’énergie. » Ailleurs encore : « Je n’ai pas le loisir de relire ce que j’ai déjà écrit, par la mauvaise habitude que j’ai depuis longtemps adoptée, parce que, écrivant beaucoup et fort rapidement, j’apercevrais aisément des fautes ; mais, pour les corriger, il faudrait barbouiller ou recommencer, et le temps me manque toujours, quoique je sois fort matinal; c’est que j’en connais l’emploi et que je sais le mettre à profit. Cependant ne m’imitez point en ce qui touche à mes mauvaises habitudes ; écrivez moins et plus correctement. D’ailleurs ces notes historiques ne sont que pour vous seul, et vous serez indulgent pour votre père. » Le lecteur ne le sera pas moins, je m’assure, car ici le fond est cent fois plus intéressant que la forme.

Dans ce manuscrit de 472 pages in-folio tracées d’une main rapide, il n’y a pas une seule rature ; il s’y trouve donc un certain nombre de phrases décousues ou amphibologiques dont il a fallu nécessairement rétablir l’équilibre ou le sens ; ceci à part et aussi quelques détails intimes, d’un précieux intérêt pour la famille, mais qui n’en peuvent avoir que pour elle, le texte a été respecté comme il méritait de l’être. Cela dit, je demande au lecteur, avant qu’il aborde ces importans Souvenirs, la permission d’en résumer l’ensemble, en y ajoutant parfois certains éclaircissemens que j’ai trouvés dans les Archives du ministère de la guerre.


I.

Neel Macdonald, père du maréchal, était né, dans les derniers jours de l’année 1719, à Boubry ou Coubry, en South Wist, l’une des Hébrides. Élevé en France, à Douai, au collège des Écossais, il était rentré dans son île, quand l’apparition du prétendant Charles-Edouard vint mettre l’Ecosse en feu et la dynastie hanovrienne en péril. Jacobite ardent, Neel Macdonald l’ut des premiers à joindre le prétendant et demeura le dernier de ses fidèles, lorsque la mauvaise fortune les eut contraints l’un et l’autre de repasser en France. Le jacobite proscrit l’ut, à la fin de 1747, pourvu d’une lieutenance dans le régiment écossais d’Albany, puis dans celui d’Ogilvy ; mais, à la paix de 1763, la plupart des régimens étrangers, au service de la France, ayant été licenciés, Neel Macdonald eut grand’peine à obtenir une maigre pension de trois cents livres. C’est à Sedan, où il s’était retiré d’abord, que naquit, le 17 novembre 1765, son fils, Jacques-Étienne-Joseph-Alexandre, le futur maréchal. De Sedan, la famille alla bientôt après s’établir à Sancerre.

Quand le jeune Macdonald fut en âge de faire des études sérieuses, on le fit partir pour Paris, à l’adresse d’un compatriote, le chevalier Pawlet, qui tenait une maison d’éducation mi-partie civile, mi-partie militaire, une sorte d’académie pour les jeunes gentilshommes. Le novice y entrait, selon les idées de la famille, comme devant être un jour d’église, avec le rêve caressé d’un canonicat à Cambrai ; mais l’instinct militaire prévalut « surtout, dit le maréchal, après la lecture d’Homère qui m’avait porté le feu à la tête; je me croyais un Achille. » Il eut d’abord un mécompte; un médiocre examen de mathématiques l’empêcha d’être admis, comme ingénieur, à l’école d’application de l’artillerie et du génie. Il se désespérait lorsqu’une chance fortuite vint lui ouvrir l’accès de l’armée, par une porte dérobée, il est vrai.

C’était en 1784; les Hollandais avaient, au sujet de la navigation de l’Escaut, maille à partir avec leur puissant voisin, l’empereur Joseph II, souverain du pays belge ; ils n’avaient qu’une faible armée, tout à fait insuffisante; il leur fallait des généraux, des officiers et des soldats. Un gentilhomme français, le comte de Maillebois, plus ou moins autorisé par le gouvernement, levait pour eux une légion composée de toutes armes; grâce à la recommandation de quelques gens bien placés, le jeune Macdonald y fut incorporé comme lieutenant d’infanterie. Peu s’en fallut que la tête ne lui tournât ; à l’institution Pawlet, il se croyait un Achille ; pour cette fois, il se complaisait modestement à l’idée de devenir un Turenne. Il partit pour la Hollande et s’employa pendant plusieurs mois avec ardeur à l’instruction de sa compagnie ; mais, cruel déboire, au moment d’entrer en campagne, la paix se fit, la paix avec ses suites, c’est-à-dire le licenciement de la légion. Les Hollandais, bons calculateurs et ménagers de leurs finances, avaient stipulé, pour ce cas d’ailleurs prévu, soit une pension viagère, mais réduite à la moitié de la solde mensuelle et sous la condition expresse qu’elle fût dépensée dans le pays, soit une indemnité, une fois pour toutes, de quatre années de ladite pension; à quoi il convient d’ajouter que l’année militaire en Hollande n’était que de huit mois, chaque mois comptant pour quarante-cinq jours. Le jeune Macdonald pouvait-il accepter le premier terme de l’alternative, au risque de végéter, pauvre pensionnaire des Provinces-Unies ? Il préféra toucher l’indemnité et s’en revenir.

Il n’était plus rien, puisque la légion de Maillebois n’avait jamais eu d’existence officielle en France; il se trouva trop heureux de reprendre, comme si de rien n’était, l’échelle militaire par le premier échelon, non pas même avec une sous-lieutenance, mais comme cadet-gentilhomme, c’est-à-dire un peu moins qu’officier; ce fut ainsi qu’il entra au régiment irlandais de Dillon. Au bout de six mois il fut nommé sous-lieutenant de remplacement ; après six autres mois, titulaire. Dès lors il roula de garnison en garnison, toujours attentif au métier ; il se trouvait à Calais quand son père mourut, en 1788, à Sancerre. Au mois d’octobre 1791, il fut promu lieutenant, toujours au régiment de Dillon ; il venait de se marier. On était en pleine révolution, et bientôt survint la guerre.

Le général Beurnonville, qui le connaissait et l’appréciait, le fit nommer capitaine et le prit pour aide de camp ; mais il ne put le garder que deux mois, parce que Dumouriez, général en chef de l’armée du Nord, voulut l’avoir avec lui au même titre ; Beurnonville, dans l’intérêt de son protégé, l’engagea vivement à répondre à l’appel du général en chef. Ce fut un bon conseil, car en moins de cinq mois, Macdonald devint lieutenant-colonel; c’était le prix de sa belle conduite à la bataille de Jemmapes. Au commencement de l’hiver de 1793, il se trouvait en congé à Paris lorsque Beurnonville, devenu ministre de la guerre, le nomma colonel du régiment de Picardie; colonel à vingt-huit ans, et colonel de Picardie, le premier des quatre vieux corps, la tête de l’infanterie française! Il y avait, a-t-il dit lui-même, de quoi satisfaire l’ambition la plus effrénée ; mais la fortune allait lui devenir tout à coup moins souriante, et son sort, comme il a dit encore, ne tint, pendant un moment, qu’à un fil. Dumouriez, battu à Nerwinde, Dumouriez devenu suspect faillit l’entraîner dans sa chute, en même temps qu’il perdait l’appui de Beurnonville, livré aux Autrichiens par Dumouriez. Ce ne fut qu’un éclair; mais l’orage ne cessa pas de gronder sur sa tête avec des lueurs menaçantes. Des commissaires de la Convention se succédaient à Lille, tous avec des préventions contre le colonel de Picardie, tous excités par des dénonciations, des accusations, des animosités jalouses. Cependant il continuait son service, avec le même zèle, le même entrain et le même succès. Vint ce qu’il appela lui-même le coup de foudre; le croirait-on? Ce fut sa promotion au grade de général de brigade, promotion faite par le général en chef Houchard et confirmée, le 26 août 1793, par les représentans du peuple Levasseur et Bentabole. « Ce fut, a-t-il dit, un coup de foudre, quoique depuis plusieurs mois j’en eusse rempli les fonctions, mais au moins je n’avais pas la responsabilité du grade; je représentai ma jeunesse, mon inexpérience; rien ne fut écouté ; il fallut subir mon sort, sous peine d’être traité comme suspect et arrêté. »

Le voici donc général, c’est-à-dire plus en vue, plus responsable, partant plus exposé. Il eut de nouveaux succès, partant plus d’ennemis, de jaloux et d’envieux. De nouveaux représentans survinrent avec les pouvoirs les plus étendus ; leur premier acte devait être la destitution de Macdonald, son arrestation et son envoi au tribunal révolutionnaire d’Arras. Heureusement pour lui, les commissaires reçurent de la Convention l’ordre de se transporter sans retard à Dunkerque. En attendant leur retour, le général Souham, qui commandait à Lille, et qui avait de l’amitié pour Macdonald, lui conseilla de passer la frontière ; il s’y refusa. Un des précédens commissaires lui avait témoigné publiquement quelque sympathie : « Lui! dit Souham; j’ai réclamé son témoignage pour toi, devant les autres ; il a gardé le silence. — N’importe, répondit Macdonald, il a peut-être été intimidé par ses supérieurs, je serai bien aise de l’éprouver.- Fais-en donc l’essai; tu reviendras ensuite chez moi. » Il s’en alla chez le prudent commissaire. « Eh bien! vous savez que je suis en prévention, et je viens réclamer vos bons offices. — Oh ! ma foi, dit l’autre, veux-tu que je te parle franchement? Tiens, tu n’es pas républicain, et je ne peux ni ne veux me mêler de toi. — Cependant je n’ai pas changé, ce me semble, depuis que nous nous sommes vus sur la frontière ; vous m’assurâtes alors publiquement... — Je sais ce que tu veux dire, mais les temps sont bien changés. » Et il lui tourna le dos. Malgré les nouvelles instances de Souham, Macdonald refusa de fuir, et bien lui en prit ; les commissaires extraordinaires furent inopinément rappelés de Dunkerque à Paris, sans repasser par Lille, et pour cette fois encore il fut sauvé.

Nouveaux commissaires, nouvelle alerte; un décret de la Convention bannissait à trente lieues des frontières, des armées et de Paris tous les ci-devant nobles. Pichegru venait de prendre le commandement de l’armée du Nord ; il savait que Macdonald était un excellent officier ; il demanda qu’il fût excepté personnellement de la mesure. Les commissaires tournèrent la difficulté en le mettant en réquisition. Macdonald réclama d’eux une réquisition écrite; autrement, disait-il, en cas de revers, on ne manquerait pas de l’accuser de mauvais desseins, de trahison même, pour être resté à l’armée, au mépris du décret d’expulsion. On lui refusa la réquisition écrite. « Eh bien ! s’écria-t-il, je vais me retirer. — Si tu quittes, nous te faisons arrêter et mettre en jugement. » Il resta donc entre deux menaces de mort. Il avait sans s’en douter un protecteur à Paris ; c’était le représentant Isoré, qui l’avait vu à l’œuvre sur la frontière : Macdonald était un nom étranger ; il n’était pas précédé de l’odieuse particule ; donc, celui qui le portait ne pouvait être compris ni compromis parmi les ci-devant nobles ; telle fut l’argumentation d’Isoré, qui lui écrivit : « Ta naissance ne m’est pas suspecte ; tu es venu dans le bon temps ; il n’y a pas d’âge plus révolutionnaire que le nôtre et les preuves sont pour toi. J’ai vu le ministre de la guerre et j’ai détourné l’orage qui grondait sur toi. Sois tranquille, travaille comme à l’ordinaire ; si on te tracasse, je serai ton défenseur. Emploie tes talens, perfectionne tes connaissances militaires, et continue à frotter les esclaves ; jamais tu n’auras à craindre de destitution. » Ce fut contre Macdonald le dernier effort de l’acharnement révolutionnaire.

Il prit, sous Pichegru, une part active à la conquête de la Belgique et de la Hollande ; ce fut en ce temps-là qu’il fit la connaissance de Moreau. Vers la fin de novembre 1794, il était en quartier près de Nimègue, lorsqu’il reçut, sans y avoir pensé, le brevet de général de division ; il venait d’avoir vingt-neuf ans ; trois années plus tôt, il n’était qu’un simple lieutenant d’infanterie. Ce fut par un coup d’éclat qu’il inaugura son nouveau grade. Le Wahal était gelé ; sur la rive droite s’étendait la ligne des Anglo-Hanovriens ; un matin, Macdonald crut voir chez l’ennemi des indices de retraite ; trois divisions étaient momentanément sous ses ordres, il leur fit passer le fleuve sur la glace ; mais le mouvement rétrograde qu’il avait remarqué n’était que l’effet d’un malentendu ; un rude combat s’ensuivit, et l’ennemi, qui n’avait pas eu l’intention de se retirer, y fut contraint, en dépit de sa résistance. Ce qui est encore plus à l’honneur de Macdonald, c’est qu’il ne s’en fit pas accroire ; les réflexions que lui suggéra son succès sont utiles à connaître, parce qu’elles sont une preuve de son bon esprit en même temps qu’un avis profitable aux hommes du métier. « Je rentrai, dit-il, à Nimègue pour faire mon rapport. Le général en chef et les commissaires accoururent ; j’étais presque honteux de leurs félicitations, attendu que le hasard avait eu plus de part au résultat de cette journée que mes combinaisons qui, de bonne foi, n’étaient fondées que sur l’apparente retraite des forces opposées qui n’y songeaient point. Cet événement prouve que, dans beaucoup d’occasions comme celle-ci, il faut à la guerre donner quelquefois au hasard ; car, dans cette circonstance, j’ai dit alors ce que je répète aujourd’hui, que j’ai été plus heureux que sage, quoique les succès se mettent ordinairement sur le compte des plans, calculs et dispositions; or, dans celle-ci, l’évacuation de Thiel me paraissait le résultat évident d’une opération rétrograde, tandis que ce mouvement était l’effet d’un malentendu. »

Quoi qu’il en soit, ce passage du Wahal, exécuté de vive force, eut d’énormes conséquences; les Hollandais, séparés de leurs alliés, abandonnés par eux, s’abandonnaient eux-mêmes. Naarden, le chef-d’œuvre de Coehorn, l’émule de Vauban, Naarden, qui avait arrêté Louis XIV triomphant, s’était rendu sans coup férir à Macdonald ; tout fier, il courut en porter la capitulation à Pichegru : « Bah! lui dit en riant celui-ci, je ne reçois plus que des capitulations de provinces! » La température s’était radoucie; Macdonald put encore traverser l’Yssel sur la glace craquante, mais par-delà il fallut marcher dans la boue, et bientôt l’inondation couvrit tout, chemins et champs. Il arriva ainsi jusqu’à l’Ems, de l’autre côté duquel il aperçut des Prussiens ; mais ils venaient simplement lui annoncer que la paix avait été signée à Bâle entre la France et la Prusse. Il paya les fatigues de cette rude campagne d’une fièvre qui faillit l’emporter, et dont les médecins ne purent triompher qu’au bout d’un an.

Au mois de septembre 1796, il fut envoyé sur le Rhin pour couvrir la retraite de l’armée de Sambre-et-Meuse ; il y marchait de nouveau l’année suivante, lorsque la paix de Campo-Formio vint arrêter les progrès des armées françaises en Allemagne. Alors on vit arriver à Cologne le général Augereau, couvert des lauriers du 18 fructidor par-dessus les palmes de Castiglione. Le nouveau général en chef était éblouissant d’or; il en avait jusque sur ses bottes courtes. Rempli de dédain pour cette misérable armée de Hollande, famélique et mal vêtue, il vantait les troupes d’Italie, leur bien-être, leurs exploits, les siens propres, sans nommer une seule fois le général Bonaparte ; là, disait-il devant de pauvres soldats en guenilles, il n’y en avait pas un, si mauvais sujet fùt-il, qui n’eût dans sa poche dix louis et une montre d’or : « C’était, remarque Macdonald, un avis pour les nôtres. » Augereau avait pour acolyte le général Lefebvre ; on verra dans les Souvenirs les excentricités grossières de ce brave homme ; il suffira d’en rapporter ici un trait, le plus convenable. Le général en chef avait demandé au directeur du théâtre une pièce bien révolutionnaire ; on lui donna une tragédie de Voltaire, Brutus ou peut-être la Mort de César; le bon Lefebvre, qui croyait de bonne foi que c’était une pièce de circonstance, applaudissait de ses grosses mains, tout en bourrant du coude le flanc de son voisin, qu’il interpellait à chaque instant : « Dis donc, dis donc, quel est le b… qui a fait ça? Est-il ici ? » Le voisin était Macdonald.


II.

Au printemps de 1798, il fut mis à la disposition du général Brune, commandant en chef de l’armée d’Italie. Celui-ci l’envoya prendre à Rome, alors en république, le commandement d’une division, à la place du général Gouvion-Saint-Cyr. L’Italie était en fermentation, les Napolitains menaçans ; sur la demande expresse du roi de Naples, et surtout de la reine Caroline, ennemie acharnée de la France et des républicains, le gouvernement autrichien avait envoyé le général Mack, un tacticien fameux. Macdonald ne disposait que de 12,000 hommes, dont plus de la moitié se trouvaient répartis le long de la frontière napolitaine ; il avertit le Directoire, demandant du renfort. On lui répondit en créant une armée de Rome, distincte de l’armée d’Italie, avec un général en chef qui tut Championnet. Il faut remarquer ici que cette nomination fut déplaisante à Macdonald ; ce n’est pas qu’il ne rendît justice au caractère de Championnet, mais avec des réserves, sinon peu justes, tout au moins sévères, et non sans amertume, « C’était, dit-il, un tort brave homme, mais de peu de capacité ; il avait acquis une sorte de réputation militaire à l’armée de Sambre-et-Meuse, en commandant une division qui avait eu des succès ; une coterie l’avait fait nommer général en chef. Il avait un caractère fort doux, très facile, mais un entourage à prétentions, ambitieux, envieux. » A peine arrivé, Championnet apprit que, sans déclaration de guerre, l’armée napolitaine avait franchi sur plusieurs points la frontière et marchait sur Rome en plusieurs colonnes ; elle était cinq ou six fois plus nombreuse que l’armée française. Ne se sentant point en mesure de défendre efficacement la ville, et craignant d’y être enfermé, le général en chef négocia avec Mack une convention d’évacuation dont il laissa tout l’embarras à Macdonald, et partit.

Aussitôt une insurrection éclata ; tous les Français surpris isolément, militaires ou civils, furent massacrés. La petite division de Macdonald était au dehors, surveillant l’approche des Napolitains ; il n’avait qu’une poignée d’hommes avec lui dans la ville ; néanmoins il fit tête à l’orage, chargeant dans les rues qui aboutissent à la place del Popolo, faisant tirer aux fenêtres ; enfin il vint à bout de l’émeute, mais il ne voulut pas évacuer Rome pendant la nuit, il attendit le grand jour. L’évacuation se fit avec dignité, sans précipitation. Quoi qu’il en pût être, c’était un mauvais début ; il fallait une réparation par les armes. Tandis que Championnet allait rallier ses autres divisions, Macdonald s’établit à Civita-Castellana ; il avait au plus 5 ou 6,000 hommes ; Mack vint l’attaquer avec 40,000. La position était bonne pour la défense ; les Napolitains échouèrent et s’enfuirent jusqu’à Rome, laissant leur camp tout tendu. Ce fut le commencement d’une série de succès : à Otricoli, où l’on trouva, rempli de cadavres odieusement mutilés, le dépôt des malades et des blessés français ; à Calvi, où 2,000 hommes en firent capituler 7,000. Cela fait par lui tout seul, Macdonald rejoignit le général en chef ; il le trouva singulièrement aigri. Dans sa correspondance, en rendant compte de ses opérations, si brillantes et heureuses qu’elles eussent été, au lieu d’emboucher la trompette, il avait pris plutôt le ton plaisant, « sans autre intention, disait-il, que de faire voir qu’il y avait bien peu de gloire à recueillir contre des ennemis si lâches et si vains quelques jours auparavant. » Or les jaloux avaient persuadé à Championnet que son lieutenant avait voulu se moquer de lui, et le dialogue s’engagea sous cette fausse impression : « Vous voulez me faire passer pour une f… bête. — Sur quelles preuves ? Comment ose-t-on m’imputer un manque d’égards et de respect à mon chef ? — Voici votre correspondance. » — « Je la lui expliquai, ajoute Macdonald ; il s’adoucit ; le général Éblé, commandant l’artillerie, avec lequel j’étais lié, entra, intervint, et nous fûmes raccommodés en apparence. »

On rentra victorieux à Rome dix-sept jours après en être sorti. Le soir même, un parlementaire napolitain fut amené à Macdonald ; il demandait le passage pour une colonne attardée qui venait de Viterbe. « Est-ce sérieusement, lui dit le général, que vous faites une telle proposition ? — Mais on m’a parlé d’un armistice. — On vous a trompé ; mettez bas les armes, c’est ce que vous avez de mieux à faire. — Comment ! mettre bas les armes ! Nous nous défendrons, nous sommes en force. — Eh bien ! on va vous reconduire et donner au commandant de Ponte-Molle l’ordre de sabrer ces messieurs ; je vais me coucher. — Est-ce votre dernier mot ? — Certainement. — En ce cas, je me rends. » C’était le chef de la colonne. La scène est jolie, une vraie pantalonnade italienne. Le lendemain parut un ordre du jour félicitant l’armée de ses succès ; la division Macdonald y était mentionnée à peine, et tous les avancemens, toutes les récompenses furent pour le quartier-général. De Rome on marcha sur Capoue, qui capitula ; puis, au lieu de marcher résolument sur Naples, Championnet consentit à l’octroi d’un armistice indéfini. Cette résolution, prise contre l’avis formel de Macdonald, eut du moins un résultat immédiat et décisif ; après une vive et dernière explication avec le général en chef, il lui offrit sa démission, qui fut aussitôt acceptée. Quelque temps après, l’armistice fut violé ; les lazzaroni désarmèrent la garnison de Naples, s’organisèrent pour la défense de la ville, et Mack, démissionnaire comme Macdonald, fut trop heureux de se tirer sain et sauf des griffes d’une foule qui voulait l’écharper. L’armée française marcha sur Naples et s’en empara, malgré la résistance des lazzaroni. Macdonald s’y rendit en curieux, y passa huit jours et s’en alla à Rome attendre sa destination future. Un jour qu’il faisait la sieste, un courrier l’éveilla; il était nommé, par un décret du 25 pluviôse an VII (13 février 1799), général en chef de l’armée de Naples, en remplacement de Championnet, tombé en disgrâce. Les deux généraux se croisèrent près d’Aversa, sans s’arrêter ni se parler.

Macdonald arriva de nuit à Naples, afin d’éviter la brillante réception qu’on voulait lui faire. Son commandement comprenait non-seulement le royaume, devenu république parthénopéenne, mais encore la république romaine et la Toscane. C’était beaucoup de terrain, d’autant plus que les communications n’étaient pas faciles, non pas même au plus près, entre Salerne et Naples. Tout était à faire en matière de gouvernement, d’administration et de finances ; Macdonald eut la bonne fortune de trouver un excellent collaborateur, le commissaire du Directoire, Abrial. Se déchargeant sur lui de la besogne administrative, il se livra tout entier aux soins qu’exigeait la situation militaire. L’insurrection était partout ; elle vint jusqu’aux portes de Naples, à Torre dell’ Annunziata, pendant qu’une trahison livrait aux Anglais, débarqués de leur escadre, la tour de Castellamare. Les insurgés furent battus, poursuivis jusqu’à Salerne, et la tour fut reconquise. Dans Naples même, la tranquillité était maintenue par une garde nationale, et, qui mieux est, par les lazzaroni, transformés en défenseurs de l’ordre depuis que leur chef avait été affublé d’un habit de colonel chargé d’or, surtout dans les poches.

C’était beaucoup, ce n’était pas assez; l’orage grondait sur toute l’Italie, des Alpes au golfe de Tarente. L’Autriche avait repris les armes, et la Russie envoyait son mystique et fougueux général, Souvarof, joindre le feld-maréchal Mêlas, qui descendait sur l’Adige. Le Directoire avait donné le commandement de l’armée d’Italie au général Scherer. Prévoyant un appel qu’il jugeait plus que probable, inévitable, Macdonald concentrait ses forces ; il proposait à son gouvernement l’évacuation de l’état de Naples et de l’état romain, en n’y conservant que les forteresses bien munies ; « mais, dit-il, c’était un principe de tout garder et de ne pas céder un pouce de terrain. « Il n’en continua pas moins ses apprêts ; la plus grande partie de ses troupes était cantonnée en avant de Caserte; les forts de Naples, Capoue, Gaëte, le fort Saint-Ange à Rome, Civita-Vecchia, Civita-Castellana, Ancone, furent approvisionnes. Les gros bagages, les impedimenta de toute sorte, prirent le chemin de Rome et de la Toscane, y compris les objets d’art que le gouvernement français avait fait enlever des palais royaux et des musées. Après un premier choix, et comme une dîme prélevée afin d’enrichir les collections du Louvre, le Directoire avait décidé que le surplus serait partagé entre les généraux et officiers supérieurs de l’armée de Naples, au prorata des grades ; la part attribuée au général en chef ne valait pas moins, à dire d’expert, de 800,000 francs ; à quoi il convient d’ajouter ce que Macdonald avait acquis de ses propres deniers ou reçu en présent à Naples, à Rome, à Florence. C’était la plus belle collection dont un particulier put se faire honneur.

Tout d’un coup il reçut, avec la nouvelle de la défaite de Scherer à Magnano et de la retraite de l’armée d’Italie, l’ordre prévu de se mettre en marche sans aucun retard, en laissant les forteresses occupées. Il venait d’obtenir un grand succès napolitain, le miracle de saint Janvier, mais les chefs de la république parthénopéenne n’en furent pas moins atterrés lorsqu’il leur notifia brusquement son départ et l’invitation de rester à leur poste. Les colonnes mobiles rappelées, l’armée se mit en mouvement ; derrière elle, autour d’elle, en avant même, les insurrections éclataient. A Rome, parmi les partisans de la république, la désolation et la terreur n’étaient pas moindres qu’à Naples. En dépit de tout, il fallait marcher, marcher vite, essayer de donner la main à l’armée d’Italie, refoulée en Piémont, et dont le général Moreau avait pris le commandement, à la place de Scherer.

Arrivé en Toscane, à Pistoïa, Macdonald se hâta de faire occuper les débouchés de l’Apennin dans la vallée du Pô et de se mettre en communication avec Moreau, qui, après avoir essayé de tenir sur la Bormida, s’était replié en Ligurie. Le général Dessole, son chef d’état-major, vint conférer avec Macdonald ; ils se mirent d’accord : tandis que l’armée de Naples, descendant de l’Apennin, tomberait sur le flanc gauche des Austro-Russes, l’armée d’Italie, débouchant de Gênes, les attaquerait de front, et la jonction des deux armées se ferait entre Parme et Plaisance ; mais, pour le succès de cette combinaison, la plus grande exactitude dans les opérations respectives était indispensable ; des dates précises furent indiquées. Deux divisions, séparées par les événemens du gros de l’armée d’Italie, la division Montrichard, à Bologne, la division Victor, à Pontremoli, furent mises provisoirement à la disposition de Macdonald. Affaiblie par les garnisons qu’elle avait dû laisser dans les forteresses et par les fatigues d’une marche forcée, l’armée de Naples, même avec cette adjonction, ne pouvait guère mettre en ligne plus de 25 à 30,000 combattans. Une observation d’un autre ordre, une observation morale doit ici trouver sa place ; par un fâcheux esprit de corps, les diverses armées se jalousaient et se dénigraient mutuellement ; on connaît les rivalités des unes et des autres, depuis les généraux en chef jusqu’aux simples soldats. Ce mauvais esprit animait l’armée d’Italie contre l’armée de Naples, en sorte que les deux divisions de la première, annexées momentanément à la seconde, en étaient infectées. « Le général Montrichard était à Bologne, dit Macdonald ; je ne le connaissais pas, mais je devais lui supposer des talens, de la résolution, parce qu’il me semblait qu’il avait eu sur les bords du Rhin une sorte de réputation, sans doute usurpée, comme j’en fis la triste expérience. Je lui donnais des éloges, ne sachant pas encore qu’il avait été la principale cause de la perte du général en chef Scherer sur l’Adige. »

Convaincu que Moreau devait exécuter pour sa part le plan convenu, Macdonald descendit de l’Apennin sur Modène avec une partie de ses forces que devait appuyer Montrichard venant de Bologne. Un premier engagement eut heu, le 12 juin 1799 ; un corps autrichien fut mis en déroute et Modène occupé. Après le combat, Macdonald se tenait sur la route de Bologne, attendant Montrichard dont on n’avait pas de nouvelles, quand un détachement de cavalerie autrichienne, égaré, poursuivi, serré de près, déboucha tout à coup d’un chemin de traverse. Pris entre cette troupe et un bataillon français qui sortait de Modène, le général en chef n’eut pas même le temps de mettre le sabre à la main ; renversé, blessé grièvement à la tête, foulé aux pieds des chevaux, il demeura gisant, sans connaissance. Il ne revint à lui qu’au bout de trois heures ; parmi les généraux qui l’entouraient, le premier qu’il aperçut fut enfin Montrichard. « Voilà votre ouvrage, lui dit-il ; si vos troupes avaient pris part à l’action, cet accident ne me serait pas arrivé. » Montrichard donna pour excuse que, le régiment en tête de colonne n’ayant point de cartouches, il avait fallu attendre, pour l’approvisionner, le parc d’artillerie qui marchait en queue. « Comment ! s’écria Macdonald, des régimens en campagne sans cartouches ! et vous ne vous en êtes pas assuré ! Tous étaient-ils aussi sans cartouches ? — Non, celui de tête seulement. — Mais comment ne l’avez-vous pas jeté de côté pour faire avancer les autres ? Peu s’en est fallu que nous ayons été repoussés par votre faute. » Il baissa les yeux et ne répondit pas. « J’aurais très sagement fait alors, a dit Macdonald, de lui retirer son commandement ; nous nous serions épargné bien des événemens fâcheux dont il fut cause ; mais il était de l’armée d’Italie. »

Voilà donc le général en chef meurtri, brisé ; il voulut remettre le commandement à l’un de ses lieutenans ; tous se récusèrent ; ils dirent que, la jonction des deux armées devant bientôt se faire, Moreau le prendrait tout naturellement. On marcha vers les points de rendez-vous, Parme ou Plaisance ; ce fut là qu’on fut joint par le général Victor. Il remit à Macdonald une lettre de Moreau, toute pleine d’hésitation et d’incertitude ; déboucherait-il par Castelnuovo comme venait de faire Victor ? ou par Bobbio ? ou enfin par la Bocchetta ? Il n’en savait rien encore, mais il annonçait son mouvement pour le 20 ou le 21 prairial ; or on était au 26 ; il devait donc être en marche et déjà très avancé, peut-être en action même.

Deux rivières, ou plus exactement deux ruisseaux torrentueux, le Tidone et la Trebbia, courent parallèlement du sud au nord, de l’Apennin vers le Pô, en amont de Plaisance ; c’est entre les deux que l’armée prit position, le 29 prairial (17 juin). L’ennemi était en vue ; quelques coups de canon furent échangés, les premiers de cette bataille de la Trebbia qui devait durer trois jours. Retenu à Plaisance, Macdonald entendait le feu ; qu’est-ce que son avant-garde pouvait avoir devant elle ? Un détachement, tout au plus un corps d’observation ; car, si l’ennemi s’était retourné pour lui faire face, Moreau avait dû nécessairement l’arrêter en menaçant son flanc droit ou ses derrières. Cependant le feu augmentait ; une division qui avait voulu franchir le Tidone avait été refoulée sur les autres. Le soir venu, on se mit en ligne sur la Trebbia. Les incidens de la journée avaient amené l’ennemi à déployer ses forces ; plus de doute, on avait devant soi Souvarof et Mêlas, l’armée austro-russe tout entière. Fallait-il donc se retirer ? C’eût été le plus sage ; mais si l’on se retirait et que Moreau survenant, ne trouvant plus l’armée de Naples, fût écrasé par l’ennemi, ne crierait-on pas à la trahison ? Après une nuit d’angoisse physique et morale, Macdonald se fit porter auprès de ses troupes ; tout paraissait calme, lorsque vers midi cinq longues colonnes d’infanterie flanquées d’une cavalerie nombreuse apparurent et se jetèrent en hurlant sur la ligne française ; en dépit de leurs efforts qu’elles renouvelèrent plusieurs fois, il ne leur tut pas possible de la forcer. Le soir vint ; on prêtait l’oreille ; le canon de Moreau ferait peut-être entendre ses détonations lointaines ; rien. Malgré l’infériorité de ses forces, Macdonald avait résolu de prendre l’offensive ; l’armée la désirait. L’attaque devait commencer le 1er messidor (19 juin), à neuf heures du matin ; elle ne put commencer qu’à midi, parce que la division Montrichard mit trois heures à prendre sa place au centre de la ligne ; la droite et la gauche avancèrent, faisant reculer l’ennemi ; tout à coup le centre plia ; une trouée se fit et les ailes victorieuses durent rétrograder. Il fallut, comme la veille, reprendre la défensive, et la défensive fut, comme la veille, inébranlable ; l’ennemi se heurta contre une muraille d’acier. Saut la défaillance momentanée du centre, l’armée s’était admirablement conduite ; mais elle avait fait des pertes énormes ; presque tous les généraux et officiers supérieurs étaient plus ou moins grièvement blessés. Si la bataille de la Trebbia n’était pas une victoire, elle n’était pas davantage une défaite ; pour tous ceux qui y avaient eu part, elle restait glorieuse.

Fallait-il tenter une quatrième épreuve ? Oui, s’il survenait quelque nouvelle de Moreau ; il n’en vint aucune. Sur l’avis unanime de ses généraux, Macdonald ordonna pour minuit la retraite, les feux de bivouac restant allumés, les grand’gardes à leurs postes. Par un malencontreux retard, analogue à celui de Montrichard la veille, le général Victor ne mit en mouvement sa division qu’à six heures du matin, tout à la vue de l’ennemi qui commença la poursuite ; il fallut que les premières troupes qui avaient une avance de six heures fissent demi-tour pour le contenir, dégager Victor et ramener son artillerie abandonnée. Arrivé le soir à Borgo-San-Donino, sans avoir été inquiété davantage, Macdonald fit appeler le général Victor; celui-ci, qui ne se souciait pas d’une explication pénible, répondit qu’accablé de fatigue, il s’était couché. « Tranquillisez-vous sur votre artillerie, lui fit dire le général en chef; le détachement que j’envoyai à votre secours, lorsque vous en fîtes la demande, et qui, sur le point où vous deviez être, ne trouva ni amis ni ennemis, l’a ramenée sans opposition; je vous la ferai remettre à la première rencontre. » L’observation n’était que juste; Victor la trouva ironique; devenu plus tard maréchal de France, duc de Bellune, ministre de la guerre, il ne l’avait pas encore pardonnée à Macdonald; elle lui était restée sur le cœur.

Le 2 messidor, le jour même où l’armée de Naples quittait les rives sanglantes de la Trebbia, Moreau s’était décidé seulement à déboucher de Gênes par la Bocchetta; après s’être heurté au corps autrichien du général Bellegarde, il était rentré dans la montagne. Exécutée cinq ou six jours plus tôt, cette simple démonstration, en retenant ou rappelant en arrière la moitié des forces ennemies, aurait peut-être donné la victoire à l’armée de Naples. « Jamais, dit Macdonald, le général Moreau n’a expliqué sa conduite, quoique je l’en aie souvent pressé, verbalement, par écrit, officiellement, sommé publiquement. Pourquoi ces délais? Certes, il n’y avait pas de mauvaise intention de sa part, mais bien de l’hésitation qui était de sa nature. Quant à ses conseillers, c’est autre chose ; parmi eux, il y en avait un surtout, — Gouvion-Saint-Cyr, — qui, avec plus d’influence et une injuste animosité contre moi, a le plus puissamment contribué, comme on me l’a dit depuis, à augmenter cette hésitation naturelle. Peu importent les résultats pour la chose publique, pourvu que l’on satisfasse ses passions! » L’armée de Naples continuait sa retraite ; elle eut, pour se procurer des vivres, avant de repasser l’Apennin, quelques petits combats sans importance. Macdonald reprit à Pistoïa son ancien quartier-général. C’est de là qu’il adressa au Directoire, en même temps que son rapport officiel, une demande de congé. « J’ignore, écrivait-il au ministre de la guerre, quelle sera l’opinion du gouvernement et la vôtre. Quant à moi, je n’ai aucun reproche à me faire; j’en atteste l’armée qu’on peut interroger. Il est une chose essentielle que je dois mettre sous les yeux du Directoire, ce sont les différentes dénominations et dispositions d’esprit des armées; on s’est aperçu que l’esprit de l’armée d’Italie dominait sur le nôtre, même parmi les généraux; j’avais sous mes ordres Victor et Montrichard. Empressez-vous, citoyen ministre, de faire supprimer l’armée de Naples pour la réunir à l’armée d’Italie. »

Quelque temps après, Abrial, devenu commissaire du gouvernement au tribunal de cassation, écrivait au ministre de la guerre: « Je viens de lire dans les papiers publics que le général Macdonald était rappelé, sans qu’il soit fait mention qu’il soit employé d’aucune autre manière. Je ne sais quelle tournure on a donnée auprès de vous à l’affaire de la Trebbia, mais moi, qui, dans ce moment, n’étais qu’à huit lieues du champ de bataille, qui ai recueilli des blessés, des officiers, moi qui me suis trouvé ensuite à Gênes avec mille témoins oculaires, je puis vous attester qu’il n’y a qu’une voix sur la sagesse de ses dispositions dans cette affaire. J’ignore ce que le général Victor a pu dire à Paris; ce que je sais, c’est que le général Moreau à Gênes, sur la demande précise que je lui en ai faite, a disculpé pleinement Macdonald du reproche d’avoir précipitamment livré la bataille sans attendre la jonction, et cette déclaration a été faite en présence même du général Victor et du commissaire ordonnateur de la marine de Naples; nous n’étions que nous quatre. Ce que je sais, c’est que je viens de recevoir à Paris une lettre du général Macdonald à moi adressée à Gênes, dans laquelle il se plaint gravement du général Victor. Excusez-moi si j’entre dans tous ces détails, mais je pense qu’il est de mon devoir de rendre témoignage à un général dont je crois les talens précieux pour la république. »

Macdonald avait reçu à Gênes l’autorisation de rentrer en France; il y avait trouvé d’abord une surprise désagréable : cette belle collection d’objets d’art qui aurait dû y être depuis longtemps arrivée, personne n’en avait eu de nouvelles; informations prises, il sut que les voituriers, effrayés par les insurrections de la Toscane, l’avaient délaissée à Pise et qu’elle avait été pillée, sous couleur de patriotisme italien, par d’honnêtes gens qui en avaient fait leur profit; ce fut une grosse perte et une déception amère.

III.

De retour à Paris, il fut plus que froidement reçu par le Directoire, mais les derniers jours de ce gouvernement étaient comptés. Bonaparte venait d’apparaître inopinément; de toutes parts on courait à lui, et lui, de son côté, ne négligeait pas de faire à bon escient des avances ; il en fit notamment à Macdonald. Il voulut un jour l’avoir à dîner avec Moreau; nécessairement on parla des affaires d’Italie et, dit Macdonald, « l’opinion du général amphitryon fut dès lors fixée en ma faveur. » Survint le 18 brumaire ; Macdonald y prit part en allant occuper militairement Versailles ; comme souvenir de l’événement, il reçut un sabre que le premier consul, était-il dit dans une lettre officielle de Berthier, ministre de la guerre, lui avait destiné en reconnaissance des services par lui rendus dans la journée du 18 brumaire an VIII. C’était un premier témoignage de gratitude ; il y en eut un second plus sérieux quand Bonaparte distribua les commandemens. Il devait y avoir deux armées du Rhin, l’une destinée à Moreau, l’autre à Macdonald; mais celui-là s’arrangea si bien au détriment de celui-ci qu’il se fit attribuer les deux ensemble. Macdonald indigné ne manqua pas de se plaindre au premier consul qui, étonné, répondit qu’il avait cru, d’après le dire de Moreau, l’affaire convenue entre eux, Moreau devant commander en chef et Macdonald sous lui. « Comment cela serait-il possible, se récria celui-ci, après ce qui s’est passé outre nous en Italie et les explications qui ont eu lieu devant vous à votre table? — C’est vrai, reprit Bonaparte, eh bien! votre santé n’est pas encore bien remise ; soignez-vous, et plus tard je remplirai ma promesse. »

On sait ce que fut la première armée de réserve, l’armée du Saint-Bernard et de Marengo ; il y en eut plus tard une seconde qui prit bientôt le nom plus significatif d’armée des Grisons; Macdonald en eut le commandement. Elle devait opérer dans les Alpes entre les armées du Rhin et d’Italie, donnant la main droite à celle-ci, la main gauche à celle-là. Moreau, qui tenait à se réconciher avec Macdonald, lui envoya ses félicitations : « Je te fais mon compliment bien sincère sur le choix du premier consul, et pour toi et pour nos relations. J’ai su que Bonaparte, nous croyant brouillés, craignait de nous mettre si voisins; j’avais un officier à Paris qui lui a assuré que nous étions très bons amis, et il le savait ; mais j’aurais désiré que, moins instruit, le premier consul t’eût donné le commandement de l’armée d’Italie; quoiqu’en relation moins directe avec toi, cela t’eût convenu davantage. » Plus tard, après la victoire de Hohenlinden, il lui écrivait encore : « j’ignorais où tu étais, mon cher général, quand nous avons eu la bataille de Hohenlinden ; je me serais fait un plaisir de t’instruire de cet événement. J’avais prévu une partie des obstacles que tu éprouverais, mais je ne les aurais pas crus si considérables, et je présumais que tu aurais pu gagner la vallée de l’Adige, ce qui nous aurait été d’un grand avantage. Si tu étais resté dans nos eaux, l’armée du Rhin eût été facilement à Vienne; il m’aurait suffi de te renforcer de tout ce que j’ai laissé derrière moi pour boucher les trous du Tyrol, et tu aurais pu marcher avec facilité dans la vallée de la Drave où tu aurais couvert ma droite et fait la campagne d’Italie. On en a décidé autrement et je crois qu’on a mal fait. Nous avons fait un mal affreux à l’ennemi ; il en est actuellement à cent vingt pièces de canon, cinq généraux, trois ou quatre cents officiers, et environ dix-huit mille prisonniers ; son armée est dans un état de désorganisation complète. Le prince Charles vient d’en prendre le commandement; je crois qu’il se retirera derrière Saint-Pölten, à dix-huit lieues de poste de Vienne; sa gauche sera à Bruck. Si l’armée d’Italie va bien, je pourrai aller où on voudra; mais si elle n’a pas de succès, il faudra que je m’arrête pour assurer ma droite. Adieu, je t’embrasse et suis ton ami. »

Les obstacles que Moreau avait prévus pour Macdonald, sans les croire aussi considérables, étaient venus moins de l’opposition de l’ennemi que de la résistance de la nature. L’armée des Grisons avait eu à franchir le massif des Alpes Rhétiennes dans sa plus grande épaisseur, à travers les neiges, par-dessus les glaciers, sous la menace des avalanches; un escadron de dragons avait été ainsi entraîné, englouti tout entier dans l’abîme; beaucoup d’isolés avaient disparu ; mais il y avait tout autant de péril, sinon davantage, à reculer qu’à marcher en avant ; on marchait donc, Macdonald donnant l’exemple, en tête de la colonne. Enfin on atteignit le sommet du Splugen, on contourna le Tonal, puis on descendit par l’autre versant, jusque dans la vallée de l’Adige. Devant cette marche audacieuse, increvable, l’ennemi avait évacué le Vorarlberg et le Tyrol.

Après la conclusion de la paix à Lunéville, entre l’Autriche et la France, Macdonald, qui avait hiverné à Trente, ramenait son armée par la haute Italie, lorsque, chemin faisant, il reçut une nouvelle absolument inattendue ; il était nommé envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire à Copenhague! Certes, si quel- qu’un était le moins fait pour la diplomatie, c’était lui assurément; une franchise souvent désespérante, un manque absolu de souplesse, aucun art de sourire et de feindre agréablement, en un mot le caractère le plus antidiplomatique. C’était au mois de mars 1801. Il arrive se récriant ; on lui dit que la mission est plus militaire qu’autre chose ; le Danemark, violenté moralement par l’Angleterre en attendant qu’il le soit matériellement, a fait demander un général français pour diriger sa défense. Sous ce point de vue, la désignation était flatteuse ; mais, avant qu’il fût même arrivé à Paris, le malheur était fait, Copenhague bombardé, le Danemark éperdu. N’importe ; le premier consul voulut que Macdonald partît; il n’était pas impossible que l’alliance défensive de la Russie, de la Suède et de la Prusse ne se renouât en faveur de l’intéressant petit royaume. Il partit donc; en passant à Berlin, il apprit que la Russie avait fait son entente avec l’Angleterre; n’importe, il reçut l’ordre de poursuivre ; à Copenhague, on était en armistice, on négociait; il n’y avait plus pour lui rien à faire; n’importe, on le retint dans cette sorte d’exil cinq mois encore; il avait fort à se louer des Danois; mais leur bon accueil ne lui faisait pas oublier la France. Quand le traité d’Amiens eut rétabli une apparence d’accord avec l’Angleterre, il se crut au bout de sa peine, point, voici qu’on lui offre l’ambassade de Russie; énergiquement il refuse, et finit par obtenir son rappel.

« Je soupçonnais vaguement, a-t-il dit, que M. de Talleyrand avait des raisons que je ne pouvais pénétrer de me tenir éloigné. Je lui en avais écrit vertement ; toutefois comme on pouvait m’avoir prévenu contre lui ou l’avoir indisposé contre moi, je lui rendis visite. Sa réception fut froidement polie; je lui en fis vivement sentir l’inconvenance devant sa femme et quelques personnes ; je sortis brusquement, et depuis lors j’ai cessé toute relation avec ce personnage qui, par la suite, a dégradé de plus en plus son nom, son existence et sa position. Il a bien fait de temps à autre quelques tentatives de rapprochement, mais inutilement ; j’avais jugé la sécheresse de ses affections. Cependant, à la cour impériale comme à celle des Bourbons, son esprit souple, ses insinuations, ses intrigues avaient plus d’une fois satisfait l’ardeur de son ambition ; mais enfin mieux connu et apprécié, tous les partis se sont comme entendus pour le jeter de côté et le laisser jouir d’une charge à peu près insignifiante par ses fonctions[1] et vivre de regrets, si ce n’est de remords. Je m’étends trop longuement, je le sens, sur ce personnage, mais c’est parce que j’ai la conviction qu’il m’a beaucoup nui dans l’esprit du premier consul, en lui donnant des préventions et en insinuant que j’étais l’ennemi de son pouvoir. »

En effet, Macdonald fut, dès 1801, dans une sorte de disgrâce et, trois ans après, plus qu’en disgrâce, puisqu’on essaya de l’impliquer dans le procès de Moreau; « mais, dit-il, on reconnut apparemment que j’avais la conscience trop nette là-dessus, et on se borna à me surveiller, à épier toutes mes actions; du reste, on me laissa tranquille. » L’empire fait et proclamé, des maréchaux furent créés; naturellement il ne fut pas du nombre. « Il fallut, dit-il, me contenter de croire et de penser que j’avais mérité de figurer sur la liste; avec la fierté naturelle à mon caractère, jointe au sentiment que j’étais l’objet d’une injustice, je ne fis aucune démarche pour détruire de fausses préventions ; je m’en suis applaudi plus tard, les circonstances m’ayant assez favorisé pour arracher le bâton de maréchal à la pointe de mon épée, à la bataille de Wagram. « Cependant, lorsque fut instituée la Légion d’honneur, il fut, à sa grande surprise, nommé grand-officier : «Dans la position préventive où je me trouvais, dit-il, c’était en quelque sorte une faveur. »

Il venait d’acheter la terre de Courcelles ; il y vivait en campagnard, épris d’agriculture, suivant, en imagination, non sans regret, la course victorieuse des armées françaises, mais convaincu que la carrière des armes ne se rouvrirait plus jamais pour lui. Un certain jour du mois de mars 1807, il reçut tout à coup du ministre de la guerre l’avis qu’il était autorisé à se rendre à Naples pour y être à la disposition du roi Joseph. Autorisé? Comment? il n’avait jamais demandé cette autorisation, ni aucune autre. Des amis bien intentionnés sans doute, mais maladroits, l’avaient demandée ou fait demander, à son insu, par le roi de Naples ; en effet, il avait commandé par là, il pouvait donc y rendre de véritables services ; assurément, mais à quel titre? Non point comme général appelé à commander des troupes françaises, mais comme fonctionnaire ou général napolitain. « Mon sang frémit encore d’indignation, a-t-il écrit dans ses Souvenirs, et toutes mes facultés se soulèvent pendant que je trace ces lignes, en songeant à l’abaissement où je serais tombé, à la condition de commander des soldats napolitains ! Moi qui les combattis, les pulvérisai à Civita-Castellana, à Otricoli, et leur donnai le coup de grâce à Calvi, quoique, dans ces affaires, nous tussions moins d’un contre douze ou quinze! moi qui fus témoin de leur lâcheté, de leur déroute et de leur fuite! moi qui envahis leur territoire! je m’arrête... »

Deux ans après, au mois d’avril 1809, ce fut une autre dépêche, et s’il s’était senti justement offensé, une grande, une éclatante réparation, l’ordre de se rendre à l’armée d’Italie, à la disposition du prince Eugène, vice-roi et commandant en chef. Il courut à Paris; sans lui donner d’autre explication, le ministre lui montra le billet laconique de l’empereur : « Monsieur le duc de Feltre, donnez l’ordre au général Macdonald de se rendre en Italie où il recevra de nouveaux ordres du vice-roi; je lui saurai gré des services qu’il rendra. »

« Le grand besoin qu’on avait de généraux et d’officiers, par suite de guerres continues, a dit M. Thiers, obligeait de revenir à beaucoup de ceux qu’on avait négligés. Napoléon s’était prêté à ce qu’on envoyât au prince Eugène, pour lui servir de guide et de soutien, le général Macdonald, l’un des hommes les plus intrépides qui aient paru dans nos armées, expérimenté, manœuvrier, froid, sachant se faire obéir. » Ainsi, après cinq années d’inaction et de disgrâce, Macdonald voyait se rouvrir inopinément devant lui une carrière qu’il avait crue irrévocablement fermée.


IV.

Dès son arrivée en Italie, à Milan, Macdonald ne trouva que de mauvaises nouvelles; la campagne était à peine ouverte, et déjà le prince Eugène s’était laissé battre à Sacile ; l’archiduc Jean, le vaincu de Hohenlinden, venait de prendre contre lui sa revanche. De Milan à Vérone, Macdonald ne rencontra que gens affolés, incapables de lui donner quelque information précise. A Vérone, « tout était en confusion ; les blessés arrivaient en grand nombre ; des fuyards, des chevaux démontés, des charrettes, des fourgons, des équipages, se croisant, s’embarrassant dans les rues, encombrant les places, enfin le hideux spectacle d’une déroute. » Le vice-roi était encore à Vicence; il accueillit Macdonald avec effusion ; celui-ci le réconforta, lui conseilla de convoquer immédiatement les généraux dans lesquels il avait le plus de confiance : « Je les connais d’avance, répondit le prince; tenez, voyez, regardez; en voilà un qui se retire avec sa division ; il n’a pas pris part à l’action, et c’est l’un des plus pressés et qui tient le plus de mauvais propos. » C’était le général Lamarque. La réunion eut lieu, fâcheuse, désolante; Macdonald eut beau dire pour relever les cœurs, il fallut rétrograder jusqu’à l’Adige. Cependant l’archiduc ne profitait pas de sa victoire; sa marche lente, presque timide, donna du répit à l’armée française qui se refaisait, se réorganisait, réparait ses pertes.

Il y avait encore dans ses rangs beaucoup de soldats de l’ancienne armée de Naples ; ils avaient vu avec satisfaction l’arrivée de Macdonald, et la confiance qu’ils témoignaient gagna les camarades; mais à quel titre était-il dans cette armée? A vrai dire, il aurait dû y être le chef d’état-major général ; mais la fonction était occupée par le général Vignolle, un bon officier à qui le vice-roi aurait été désolé de faire de la peine. Le prince Eugène était bon, intelligent, très brave, mais sans expérience, effrayé de sa responsabilité et ployant sous le faix du commandement, il avait besoin d’un mentor; il le sentait; l’empereur lui en donnait un ; il l’accepta sans dépit, sans arrière-pensée, avec reconnaissance. Le mentor était franc jusqu’à la rudesse; mais la franchise était aussi une des bonnes qualités du prince. Pour faire à Macdonald une situation digne de lui, il lui donna le commandement d’un corps formé de deux divisions d’infanterie et d’une division de dragons. En toute occasion il prenait ses conseils, sans les suivre toujours, au moins jusqu’au bout; Macdonald l’exhortait, le poussait à entreprendre; mais lui, hanté par le mauvais souvenir de Sacile, commençait bien, puis hésitait, devenait craintif et s’arrêtait. L’ennemi, de son côté, n’était guère moins hésitant; de part et d’autre on attendait avec anxiété les nouvelles d’Allemagne ; c’était là que se jouait la grosse partie, celle qui devait être décisive ; en Italie, le jeu, qui avait bien son intérêt, n’était pas d’une aussi grande importance.

Un jour, dans une reconnaissance, Macdonald aperçut à l’horizon, en arrière des lignes autrichiennes, un grand mouvement de chariots et de bagages. « Nous sommes victorieux en Allemagne, dit-il au vice-roi, l’ennemi se retire. » Il voyait juste : c’était le contre-coup d’Eckmuhl et de Ratisbonne. On reprit l’offensive; le passage de la Piave fut exécuté de vive force ; il s’ensuivit un grand combat à la fin duquel Macdonald courut au prince et lui dit : « Voyez-vous l’aile droite de l’ennemi qui se retire précipitamment? je vais lui couper la retraite, et ce soir je vous fais présent de dix mille prisonniers. Portez-vous à notre gauche, faites un simulacre d’attaque, pendant que je fais avancer la droite. » Nous nous séparâmes, ajoute Macdonald, plus satisfaits l’un de l’autre, ce qui pourtant ne dura guère; à peine eut-il fait commencer le mouvement de la gauche que quelques coups de canon l’arrêtèrent, et il donna l’ordre d’en faire autant au centre et à la droite ; nous manquâmes ainsi notre opération. Il me dit que l’ennemi paraissait vouloir se défendre et qu’il ne voulait pas compromettre l’armée ; j’eus beau lui représenter que ces coups de canon n’avaient eu d’autre objet que de couvrir la retraite précipitée de l’aile droite ; il n’en tint pas compte. « En ce cas, lui dis-]e, je ne me mêle plus de rien ; vous commandez, donnez des ordres, je les exécuterai. » Le lendemain, j’accompagnai le prince jusqu’à la ville de Conegliano ; l’un des principaux fonctionnaires lui dit : « Ah ! monseigneur, si vous aviez seulement poussé hier deux escadrons, vous eussiez coupé toute l’aile droite des Autrichiens ; elle fuyait pêle-mêle dans le plus grand désordre, et cette fuite a duré toute la nuit. » Le prince me regarda tristement; un sourire fut ma seule réponse. » A partir d’Udine, l’armée fut divisée ; le gros, sous le commandement du vice-roi, devait suivre en Carinthie les traces de l’archiduc Jean ; Macdonald, détaché avec son corps, eut pour mission particulière d’opérer dans l’Istrie, la Carniole et la Styrie, de prendre Goritz et Trieste, et de favoriser la marche du général Marmont qui amenait de Raguse l’armée de Dalmatie ; il avait toute liberté d’action, et comme on dit, carte blanche. Ses opérations ne furent qu’une suite de succès. A Laybach, la fortune lui réservait une de ses plus insignes faveurs ; il y avait là un fort et un camp retranché dont il lui était impossible d’avoir raison, n’ayant pas l’artillerie suffisante; il s’était donc borné à des démonstrations plus ou moins menaçantes et se disposait à tourner de nuit l’obstacle insurmonté, lorsqu’à dix heures du soir, un parlementaire lui apporta la capitulation de la place : « Vous faites bien, dit-il avec un grand sérieux, j’allais donner l’assaut! » Quelques jours après, il rejoignit à Gratz le prince Eugène et le gros de l’armée d’Italie. Il avait pris plus de dix mille hommes, cent pièces de canon, des drapeaux, des armes, des munitions, des magasins immenses. L’empereur lui en fit témoigner par le vice-roi sa grande satisfaction.

Les seules difficultés graves qu’il eût rencontrées dans cette course lui étaient venues, beaucoup moins de la résistance de l’ennemi ou de l’âpreté du terrain que du mauvais vouloir de quelques-uns de ses généraux. Dès les premières attaques, il s’était aperçu qu’elles étaient mollement faites; il se décida dès lors à les diriger en personne et à surveiller de près la stricte exécution de ses ordres. Le chef de la cabale était le premier de ses divisionnaires, le général Lamarque; le second, le général Broussier, était un homme honnête, mais assez faible d’esprit et de conception pour se laisser influencer par l’autre; Lamarque lui avait persuadé que l’empereur n’avait rappelé Macdonald à l’activité que pour achever de le perdre et que ceux qui servaient sous lui seraient, sinon tout à fait entraînés dans sa disgrâce, au moins exclus de toute récompense et de toute faveur. Il fallut couper court à ces essais d’insubordination ; deux jours avant la capitulation de Laybach, Macdonald fit une vive et publique algarade à Lamarque, avec menace de faire arrêter et conduire à l’empereur quiconque n’obéirait pas sur-le-champ; « dès lors, a-t-il dit, ces messieurs se bornèrent à caqueter, mais je ne m’en inquiétai pas. »

Un peu avant d’arriver à Gratz, Macdonald avait connu les douloureux résultats des deux journées d’Essling; mais il avait appris en même temps que l’empereur ne se décourageait pas. L’ordre lui vint de laisser un détachement en observation devant le fort de Gratz et de suivre avec la majeure partie de son corps le prince Eugène en Hongrie. Il était en réserve à Papa, lorsque, mis en éveil par des détonations lointaines, il prit sur lui de marcher immédiatement au canon, et ce fut bien fait, car aux tiers du chemin il vit arriver à bride abattue un officier du vice-roi qui l’appelait au plus vite sur le champ de bataille de Raab. Ses troupes, même en forçant de marche, pourraient-elles arriver à temps? Il prit le galop : « Ah! s’écria le prince en le voyant paraître, j’ai eu bien tort de vous laisser à Papa; vous nous seriez bien utile dans la situation critique où je me trouve. — Rassurez-vous, voici mon corps d’armée. » Malgré les inquiétudes du prince, la bataille était gagnée aux trois quarts; la vue de ce renfort qui survenait acheva de décourager l’ennemi; dans la nuit, il se retira vers Komorn. On le suivit, mais on n’avait pas les moyens indispensables pour attaquer cette forte place et tout ce qu’on essaya pour détruire le pont qu’elle couvrait sur le Danube demeura inutile. Enfin l’ordre vint à l’armée d’Italie de rallier sous Vienne l’énorme rassemblement de forces qu’y avaient fait converger la persévérance et le génie de l’empereur. Après une marche de soixante lieues en trois jours, elle arrivait, le 4 juillet, à neuf heures du soir, au grand quartier-général d’Ebersdorf; pendant la tempête historique de cette nuit fameuse, elle passa dans l’île de Lobau.

Le 5 juillet, à six heures du matin, les troupes, réchauffées par un soleil radieux, se déployaient comme un large éventail sur la rive gauche du Danube. L’armée d’Italie était d’abord en seconde ligne; l’empereur passa devant elle, saluant de la main, sans adresser la parole à personne. Le prince Eugène, qui était en arrière, accourut: « Eh bien! dit-il joyeusement à Macdonald, vous avez été satisfait, j’espère : il vous a confirmé ce que je vous ai écrit de sa part. — Il ne m’a pas dit un mot. — Comment! — Pas un mot; seulement un signe de tête, comme voulant dire: Je te connais, beau masque. » Le pauvre prince était tout contristé. la journée se passa en marches, en déploiemens, en combats d’avant-garde; dans l’après-midi, l’armée d’Italie fut appelée en première ligne, en face de Wagram et de Raumersdorf; un ruisseau encaissé, le Russbach, la séparait des positions ennemies. La canonnade allait son train quand l’empereur apparaissant dit au vice-roi : « Donnez ordre au général Macdonald d’attaquer et d’enlever le plateau; l’ennemi se retire; il faut faire des prisonniers. » Puis il s’éloigna. Macdonald avait entendu : « l’empereur est dans l’erreur, dit-il au prince ; l’ennemi ne s’en va point, il se retire seulement dans la position retranchée qu’il a choisie pour recevoir la bataille. Lorsqu’on veut tenter une pareille entreprise, quoique nous n’ayons pas plus d’une heure de jour, ce n’est pas trop de faire donner l’armée tout à la fois. Allez ou faites faire ces observations à l’empereur. — Ma foi non! il a donné l’ordre d’attaquer; attaquons! — Eh bien! attaquons! mais vous allez voir comme nous serons battus. » On attaqua, on eut d’abord quelque succès; mais quand on eut gravi les pentes du plateau, on trouva un tel déploiement de forces qu’il fallut redescendre; la nuit était venue, la retraite tourna en déroute ; heureusement l’ennemi ne suivit pas. Ainsi finit cette échauffourée.

Le lendemain, dès l’aube, la canonnade commença. L’armée d’Italie était placée comme la veille, entre le corps saxon de Bernadotte, à gauche, et le corps français de Davout, à droite. Celui-ci fut le premier engagé. L’empereur survint, et s’adressant directement cette fois à Macdonald, il lui dit : « Vous avez enlevé hier soir le plateau de Wagram, vous en connaissez les abords, enlevez-le de nouveau; Marmont attaquera en même temps le village de Baumersdorf; vous vous entendez, ce me semble; je vais vous l’envoyer.» Marmont arriva; tous deux se concertèrent; mais tandis qu’ils préparaient leur attaque simultanée, l’empereur avait déjà changé la destination de Macdonald. L’affaire allait mal à l’extrême gauche, le long du Danube, où Masséna, n’ayant que quatre divisions, avait à soutenir l’effort de soixante mille Autrichiens qui manœuvraient pour atteindre les ponts de l’île de Lobau; s’ils y parvenaient, l’armée française, acculée au fleuve, sans retraite possible, pouvait être prise, cernée, enveloppée dans la plaine de Marchfeld. Averti de ce dangereux mouvement, l’empereur s’était hâte de dégarnir le centre pour renforcer la gauche, et pour regarnir le centre, il appelait Macdonald. A toute minute des officiers d’ordonnance accouraient pour hâter sa marche. L’empereur était sur un monticule; tout à coup, on l’en vit descendre de toute la vitesse de son cheval; Macdonald y courut, et du premier coup d’œil il comprit le motif de sa retraite précipitée. Les Autrichiens arrivaient en masses profondes, n’ayant plus rien devant eux; quelques centaines de pas encore, ils coupaient en deux l’armée française.

Macdonald lança d’abord quatre bataillons au pas de course, puis quatre autres; il les déploya sur deux lignes, puis, pour appuyer ce fronton, il forma, en guise de piliers, le reste de ses divisions en deux solides colonnes; en arrière, et comme sur le seuil, il disposa une partie des escadrons de Nansouty, mis depuis le matin sous ses ordres. Pendant ce temps, à sa gauche, cent bouches à feu, de la garde, des siennes et du corps bavarois, s’alignaient au commandement du général Drouot et ouvraient sur l’ennemi un feu terrible; cependant l’ennemi avançait toujours, répondant de son artillerie, appelant sa nombreuse cavalerie à la charge. Macdonald n’eut que le temps de commander à la seconde ligne de sa tête de serrer sur la première ; aux colonnes de droite et de gauche de former les carrés, et sur trois faces de l’imposant rectangle le feu de deux rangs commença. Les Autrichiens chargeaient à fond jusque sur la pointe des baïonnettes; partout ils s’y brisèrent; le feu cessa et la marche en avant fut reprise. Pour achever, pour confirmer le succès, il aurait fallu sans tarder une grande poussée de la cavalerie française; Nansouty fut trop lent dans ses formations; d’autres escadrons qu’on apercevait plus loin, en arrière, ne bougèrent pas. Macdonald se désespérait; il voyait à peu de distance des pièces abandonnées que leurs conducteurs, ramenés à coups de plat de sabre par les cavaliers autrichiens, rattelaient à la hâte. Nansouty parut enfin, trop tard. N’importe, la superbe manœuvre de Macdonald avait porté coup, et c’était maintenant l’archiduc Charles qui voyait son centre rompu, brisé, refoulé en désordre.

Pendant que Nansouty s’efforçait de regagner le temps perdu, Macdonald avait fait halte pour faire serrer les files un peu décousues, en attendant du renfort. Un général qu’il ne connaissait pas, et qui ne le connaissait pas davantage, vint à lui pour lui témoigner son admiration; ils se nommèrent l’un à l’autre. C’était le général Walther, de la garde. « Est-ce vous, lui demanda Macdonald, qui commandez cette belle et nombreuse cavalerie que je vois en arrière? — Moi-même. — Eh! pourquoi donc n’avez-vous pas chargé l’ennemi au moment décisif? L’empereur devra être et sera très mécontent de l’inaction de sa cavalerie. — Dans la garde, répondit l’autre, il nous faut des ordres directs de l’empereur ou de notre chef, le maréchal Bessières ; or, comme le maréchal était blessé, il n’y avait plus que l’empereur, et il ne nous a rien fait dire. » « J’appris plus tard, ajoute Macdonald, que l’empereur avait fort maltraité ce général ainsi que d’autres de sa garde ; mais le premier tort était à lui-même; il n’aurait pas dû oublier la restriction qu’il avait imposée. »

Le renfort était arrivé; c’était la division bavaroise du général de Wrède et la cavalerie légère de la garde. Macdonald reprit son mouvement à la poursuite des Autrichiens; au village de Sussenbrünn, il parvint à couper l’arrière-garde et à faire une bonne capture, cinq ou six mille hommes et dix pièces de canon; mais une forte réserve, postée sur une hauteur, lui opposa une vive résistance. La nuit s’était faite; ce feu soutenu et l’incendie du village qui éclairait l’horizon étonnèrent l’empereur ; il envoya aux nouvelles. Toute l’armée, dès cinq heures du soir, avait reçu l’ordre d’établir ses bivouacs; on avait oublié d’en donner avis à Macdonald. Ses troupes passèrent la nuit sous les armes; quant à lui, atteint pendant la journée d’un coup de pied de cheval, il s’était couché sur une botte de paille dans une maison à moitié détruite.

Il était encore étendu, le lendemain matin, sur ce lit de campagne lorsqu’il vit entrer un officier d’ordonnance qui venait le chercher de la part de l’empereur. Il ne pouvait marcher et n’avait plus de monture, son cheval étant blessé ; l’officier d’ordonnance lui offrit le sien. L’empereur, suivi d’un nombreux état-major, était au milieu des soldats qu’il félicitait et qui l’acclamaient. Envoyant Macdonald, il vint à lui, l’embrassa cordialement, et tout plein de son Corneille : « Soyons amis! » Auguste avait parlé: « A la vie! à la mort, » répondit Macdonald, qui n’avait jamais été Cinna. « Vous vous êtes vaillamment conduit, reprit l’empereur, et m’avez rendu les plus grands services comme dans toute cette campagne; c’est sur le champ de bataille de votre gloire, où je vous dois une grande partie de cette journée d’hier, que je vous fais maréchal de France ; il y a longtemps que vous le méritiez. — Sire, puisque vous êtes satisfait de nous, que les récompenses soient étendues à mon corps, à commencer par les généraux Lamarque et Broussier. — Tout ce que vous voudrez, je n’ai rien à vous refuser. » Ce fut ainsi que Macdonald se vengea du général Lamarque, lequel n’en continua pas moins de clabauder et d’intriguer, mais dont il réussit à se débarrasser peu après. A peine l’empereur eut-il tourné bride que sa suite dorée s’empressa autour du nouveau maréchal; ce furent des accolades, des serremens de mains à n’en plus finir. Sans cette marque insigne de faveur, ils eussent bien vite passé leur chemin ; telle fut la réflexion du triomphateur philosophe. Sa première visite et son premier remercîment furent pour le prince Eugène, ils se jetèrent avec une joie sincère dans les bras l’un de l’autre.

Quelques jours après, un armistice ayant été conclu, Macdonald reçut l’ordre de retourner en Styrie et d’établir son quartier-général à Gratz. Il alla en passant rendre ses devoirs à l’empereur. « Je trouvai, dit-il, à Schœnbrunn, un pays et un personnel tout nouveaux pour moi, je veux dire cette cour impériale qui me salua froidement. » C’est que l’empereur, préoccupé ce matin-là sans doute, l’avait froidement accueilli; cependant il le retint à déjeuner avec Berthier et Marmont qui venait d’être fait aussi maréchal en même temps qu’Oudinot. Pendant qu’on était à table, on remit à l’empereur une dépêche de Vandamme. Celui-ci, commandant le corps wurtembergeois, avait été dirigé sur Gratz dont il devait prendre possession, en attendant l’arrivée de Macdonald; il mandait qu’en route il avait rencontré un corps autrichien qui, appartenant à l’armée de l’archiduc Jean, prétendait ne pas reconnaître l’armistice; sur quoi une suspension d’armes avait été provisoirement convenue, en attendant de nouveaux ordres. Après le déjeuner, l’empereur avait fait entrer un grand nombre d’officiers généraux et autres qui étaient venus faire leur cour. « Où est votre corps? dit-il très haut à Macdonald; pressez sa marche, partez de votre personne; je mets Vandamme sous vos ordres; prenez la direction de tout, marchez sur cette armée et écrasez-la! » Cependant, ajoute le maréchal, comme je prenais congé, il me dit tout bas à l’oreille : « Soyez prudent, tâchez de ne pas réengager les hostilités; nous avons besoin de repos pour nous refaire. »

Vandamme n’était pas content ; après qu’il eut remis le commandement à Macdonald, il se mit à déblatérer violemment contre les nouveaux maréchaux Oudinot et Marmont : « Il voulut bien convenir, dit ironiquement Macdonald, que pour moi c’était juste ; » puis il s’en prit à l’empereur lui-même qui, à l’entendre, lui avait promis, au début de la campagne, de le faire avant trois mois maréchal et duc: « C’est un lâche, disait-il, un faussaire, un menteur; et "sans moi, Vandamme, il garderait encore les cochons dans l’île de Corse! » Et cela devant une trentaine de généraux et d’officiers supérieurs; et c’étaient, pour la plupart, des Wurtembergeois, des étrangers ! On eut beaucoup de peine à le calmer et à le faire taire.

Il fallait cependant en finir avec ce corps autrichien qui barrait la route. Quoique l’archiduc Charles portât le titre de généralissime, l’archiduc Jean, son frère, refusait de reconnaître son autorité suprême et prétendait se soustraire à l’exécution de l’armistice général. Macdonald se montra ferme, alla jusqu’à la menace, mais ne fut pas obligé d’aller plus loin, car les Autrichiens intimidés se retirèrent en Croatie et lui-même rentra sans coup férir à Gratz. L’archiduc Jean en fut pour ses velléités d’indépendance ; il lui fallut, bon gré mal gré, reconnaître pour lui-même la validité de l’armistice. Enfin, après plusieurs mois de négociations pénibles, la paix définitive fut conclue à Presbourg.

Après l’échange des ratifications, l’empereur s’en revint à Paris, et le prince Eugène à Milan. Macdonald prit le commandement de l’armée d’Italie; au 15 août, il avait reçu le grand cordon de la Légion d’honneur, le titre de duc de Tarente, et une dotation de 60,000 francs. Les généraux Lamarque et Broussier étaient nommés grands-officiers de la Légion, et de nombreuses récompenses accordées à l’ancien corps du maréchal.


CAMILLE ROUSSET.

  1. La charge de grand chambellan.