Le Pyrrhonisme de l’histoire/Édition Garnier/35

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Le Pyrrhonisme de l’histoireGarniertome 27 (p. 290-291).
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CHAPITRE XXXV.
bévue sur le maréchal d’ancre[1].

Le même auteur dit que « le maréchal d’Ancre et sa femme furent écrasés pour ainsi dire par la foudre ». L’un ne fut à la vérité écrasé qu’à coups de pistolet, et l’autre fut brûlée en qualité de sorcière. Un assassinat et un arrêt de mort rendu contre une maréchale de France, dame d’atour de la reine, réputée magicienne, ne font honneur ni à la chevalerie ni à la jurisprudence de ce temps-là. Mais je ne sais pourquoi l’historien s’exprime en ces mots : « Si ces deux misérables n’étaient pas complices de la mort du roi, ils méritaient du moins les plus rigoureux châtiments. Il est certain que, du vivant même du roi, Concini et sa femme avaient avec l’Espagne des liaisons contraires aux desseins du roi. »

C’est ce qui n’est point du tout certain, cela n’est pas même vraisemblable. Ils étaient Florentins ; le grand-duc de Florence avait reconnu le premier Henri IV ; il ne craignait rien tant que le pouvoir de l’Espagne en Italie ; Concini et sa femme n’avaient point de crédit du temps de Henri IV. S’ils avaient ourdi quelque trame avec le conseil de Madrid, ce ne pouvait être que pour la reine. C’est donc accuser la reine d’avoir trahi son mari ; et, encore une fois, il n’est pas permis d’inventer de telles accusations sans preuve. Quoi ! un écrivain dans son grenier pourra prononcer une diffamation que les juges les plus éclairés du royaume trembleraient d’écouter sur leur tribunal !

Pourquoi appeler un maréchal de France et sa femme, dame d’atour de la reine, ces deux misérables ? Le maréchal d’Ancre, qui avait levé une armée à ses frais contre les rebelles, mérite-t-il une épithète qui n’est convenable qu’à Ravaillac, à Cartouche, aux voleurs publics, aux calomniateurs publics ?

  1. Voyez tome XVII, page 202.