Le Sanglot de la Terre/L’Impossible

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Le Sanglot de la Terre
Le Sanglot de la TerreMercure de FranceI. Poésies (p. 46-47).


L’IMPOSSIBLE


Je puis mourir ce soir ! Averses, vents, soleil
Distribueront partout mon cœur, mes nerfs, mes moelles.
Tout sera dit pour moi ! Ni rêve, ni réveil.
Je n’aurai pas été là-bas, dans les étoiles !

En tous sens, je le sais, sur ces mondes lointains,
Pèlerins comme nous des pâles solitudes,
Dans la douceur des nuits tendant vers nous les mains,
Des Humanités sœurs rêvent par multitudes !

Oui ! des frères partout ! (Je le sais, je le sais !)
Ils sont seuls comme nous. — Palpitants de tristesse,
La nuit, ils nous font signe ! Ah ! n’irons-nous, jamais ?
On se consolerait dans la grande détresse !


Les astres, c’est certain, un jour s’aborderont !
Peut-être alors luira l’Aurore universelle
Que nous chantent ces gueux qui vont, l’Idée au front !
Ce sera contre Dieu la clameur fraternelle !

Hélas ! avant ces temps, averses, vents, soleil
Auront au loin perdu mon cœur, mes nerfs, mes moelles,
Tout se fera sans moi ! Ni rêve, ni réveil !
Je n’aurai pas été dans les douces étoiles !