Le Solitaire (d'Arlincourt)/Épilogue

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ÉPILOGUE.


Long-temps après la mort d’Élodie et du Solitaire, un chevalier de la cour de Lorraine, parcourant l’Helvétie, traversa la vallée d’Underlach ; il entendit parler de l’homme du mont Sauvage, dont le nom était demeuré inconnu, mais dont les bienfaits et les merveilles étaient restés gravés dans tous les souvenirs. Alors, par toute la contrée, par tous les montagnards, la jeune vierge de l’abbaye était presque divinisée.

Le jour où l’orpheline, avait cessé de vivre, auprès de sa couche funéraire Marceline veillait dans la chapelle ; le corps de la jeune fille disparut, et le jour suivant tel fut le récit de Marceline. — « Vers le milieu de la nuit, je m’étais éloignée quelques instans de l’enceinte sacrée ; tout à coup, revenant vers l’église, j’entends les sons lointains d’une harpe céleste ; je cours vers le catafalque… la vierge pure avait disparu par les archanges enlevée. La voûte du temple semblait encore entr’ouverte ; et d’un nuage d’or couvrant le sanctuaire s’exhalaient des parfums célestes. »

Anselme, épuisé par les jeûnes, par les macérations et par les pénitences qu’il s’était imposés, n’avait survécu qu’une année à l’orpheline du monastère.

Le chevalier voyageur apprit qu’un ermite habitait la demeure du Solitaire. Curieux de visiter cette retraite mystérieuse, il gravit le mont Sauvage, et contre le rocher de la cabane aperçut un anachorète agenouillé. Respectant sa prière, il n’osa d’abord s’approcher ; mais bientôt l’immobilité du saint homme lui parut celle de la mort. Il s’avance vers lui ; ses craintes furent confirmées, l’ermite avait cessé de vivre, mais seulement depuis quelques heures : ses membres avaient conservé quelque chaleur.

Le chevalier examine attentivement les traits de l’anachorète ; il croit les reconnaître, malgré qu’ils soient sillonnés par la souffrance et le malheur. Vivement ému, cherchant à s’assurer de la vérité de ses soupçons, il soulève le manteau noir de l’ermite, et sur son cœur trouve une boucle de blonds cheveux que bien des larmes avaient baignée… Il découvre sa poitrine ; ah ! plus de doute : une décoration connue a frappé ses regards, elle a terminé ses incertitudes. Le guerrier jette un cri perçant. — « Ô mon premier compagnon d’armes ! ô mon chef ! est-ce ainsi que je devais te retrouver !… »

Le chevalier avait reconnu le comte Ecbert de Norindall.


FIN.