Le Tombeau de Jean de La Fontaine/12

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Le Tombeau de Jean de La FontaineMercure de France (p. 55-57).
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LE LOUP


On comprend, garde forestier,
Gentilhomme à guêtre défaite,
Que toi ni moi ne fassions fête
À Médor, car il est rentier.


Plus d’une fois, de la souillarde
De quelque Belle-au-bois-dormant,
Devant un feu clair de sarment
Nous vîmes rôtir la poularde.

Ni toi ni moi n’en avions rien :
L’aile était dévolue au prince
Pour qui, dit-on, la fille en pince,
Et la cuisse allait à son chien.

Restait la suprême ressource :
À jeun tous deux, traînant les pieds,
D’aller dessous les noisetiers
Ecouter se plaindre la source.


Tu regardais mon air battu,
Mes dents longues, mon poil minable.
J’étais le sujet de ta fable.
De ma fable ne l’étais-tu ?