Le Tour de la France par deux enfants/115

La bibliothèque libre.


CXV. — L’Hôtel-Dieu. — Les grandes écoles et les bibliothèques de Paris.

La charité est plus grande en notre siècle qu’autrefois ; mais elle ne fera que s’accroître sans cesse, et un jour viendra sans doute où on s’étonnera de toutes les misères qui sont encore aujourd’hui sans secours.

— Mon oncle, dit Julien en sortant de l’église, qu’est-ce que c’est que ce grand bâtiment qui est là tout près ?

— C’est l’Hôtel-Dieu, le premier et le plus ancien hôpital de Paris. Paris en a vingt-cinq autres, et malgré cela Paris manque souvent de lits pour ses malades. Alors on donne des secours à domicile en attendant qu’il se trouve une place vide. Il n’y a pas longtemps que ces nombreux hôpitaux existent ; la moitié date de notre siècle. L’Hôtel-Dieu seul fut bâti il y a douze cents ans par saint Landry, évêque de Paris.

Plus nous allons, mes enfants, plus la charité se fait grande aux cœurs de tous les hommes, plus ils s’aiment entre eux, car jamais on n’eut plus de pitié qu’en notre siècle pour ceux qui souffrent. Songez-y, au siècle dernier, Louis XVI, ayant visité les hôpitaux, vit avec étonnement les malades entassés cinq ou six dans le même lit, si bien que l’un mourait au milieu des autres et restait à côté d’eux sans qu’on s’en aperçût. Si pareille chose se voyait de nos jours, quel est celui qui ne parlerait pas bien vite d’y porter remède ?

— Mon Dieu, dit Julien, on était donc bien pauvre dans ce temps-là ?

— Oui, mon enfant, il y avait alors peu d’industrie en France, partant pas assez de travail et point d’argent. Le peuple ne savait ni lire ni écrire ; conséquemment il faisait tout par routine. La terre cultivée avec ignorance rapportait très peu et les famines étaient fréquentes.

L’HOTEL-DIEU A PARIS. — C’est le plus ancien et le plus célèbre hôpital de Paris, qui en possède encore bien d’autres. On y traite de douze à treize mille malades par an. Il a été complètement rebâti.

— Je suis bien content que ce ne soit plus comme cela, dit Julien, et que chacun songe maintenant à s’instruire.

Tout en écoutant l’oncle Frantz, nos enfants suivaient les quais. Le long du chemin ils passèrent devant le joli clocher doré de la Sainte-Chapelle, le Palais de justice, le quai aux Fleurs couvert d’étalages des fleurs les plus variées.

Puis on arriva dans le quartier des Écoles, et l’on vit en passant une foule de jeunes gens qui allaient aux cours de la Sorbonne, du Collège de France, de l’École de médecine, de l’École de droit. Julien s’émerveillait aussi de voir tant de boutiques de livres, avec de belles cartes aux devantures.

André s’arrêta longtemps devant un magasin où l’on fabriquait des instruments de précision : cet art qui lui rappelait son métier l’intéressait. Derrière la vitrine on apercevait les ouvriers au travail, polissant l’acier, limant, ajustant avec une adresse merveilleuse les appareils les plus compliqués. — Oh ! s’écriait André, comme on travaille bien à Paris !

Plus loin on admira des instruments d’optique, longues vues marines, microscopes pour observer les plantes et les animaux invisibles, thermomètres marquant le chaud et le froid, baromètres annonçant le beau temps ou la tempête.

— Mon oncle, disait Julien, c’est donc à Paris qu’on fait tous ces instruments qui servent à la science ?

L’INSTITUT DE FRANCE. — C’est dans ce palais que siègent les cinq grandes Académies dont l’ensemble forme l’Institut de France. On appelle académie une réunion d’hommes illustres dans les lettres, dans les sciences ou dans les arts. Tout le monde connaît l’Académie française qui compta parmi ses membres Bossuet, Racine, Corneille, Boileau et tant d’autres : l’Académie des sciences compta parmi les siens Buffon, Monge, Lavoisier, Fresnel, etc.

— Oui certes, Julien, et nous voici en ce moment dans le quartier savant de Paris. Là est l’Institut de France, où se réunissent les cinq Académies composées des hommes les plus illustres ; là sont les écoles de premier ordre que la France ouvre à ses enfants : l’École normale supérieure, d’où sortent les professeurs qui enseigneront dans les lycées et collèges ; l’École polytechnique, où s’instruisent les officiers qui commanderont les régiments français et les futurs ingénieurs qui feront pour la France des travaux difficiles, ponts, aqueducs, canaux, ports, machines à vapeur. C’est encore dans ce quartier que se trouve l’École de médecine, où se préparent un grand nombre de nos médecins, et l’École de droit, d’où sortent beaucoup de nos avocats.

— Oh ! dit Julien, que de mouvement on se donne à Paris, que de peines on prend pour s’instruire ! Je me rappelle que le petit Dupuytren avait étudié la médecine à Paris et que Monge a professé à l’École polytechnique.

UN COURS A L’ÉCOLE DE MÉDECINE. — Les médecins doivent connaître le corps humain avec tous ses organes, qu’ils auront plus tard à soigner. Les professeurs montrent aux élèves sur les squelettes tous les os qui composent la charpente de notre corps. Dans la salle de dissection ils leur montrent les muscles et les nerfs. La science des diverses parties du corps s’appelle anatomie.

— Paris a aussi d’admirables bibliothèques, dit l’oncle Frantz, comme la Bibliothèque nationale, qui contient trois millions de volumes. Là sont rassemblés les livres les plus savants ; professeurs ou élèves les consultent chaque jour ; de tout ce travail, de tous ces efforts sont sortis et sortiront encore la gloire, la richesse et l’honneur de la patrie.

En causant ainsi on marchait toujours et on commençait à être bien las ; on songea à se reposer un peu et à réparer ses forces : le morceau de pain et de fromage du matin était déjà loin.

UNE SALLE D’ÉTUDE A LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DE PARIS. — C’est le roi Charles V, dit le Sage, qui fonda cette bibliothèque devenue si célèbre. Il avait rassemblé dans une tour, dite tour de la librairie, 600 volumes manuscrits, car l’imprimerie n’était pas inventée. Sous Colbert la bibliothèque nationale prit des développements immenses. C’est maintenant la plus grande qui existe et qui ait existé : elle possède deux millions de livres imprimés et deux cent mille manuscrits. Chaque jour, par centaines, des hommes, des jeunes gens laborieux, des femmes viennent consulter, dans l’une des vastes salles de ce palais, les ouvrages dont ils ont besoin.

L’oncle Frantz entra avec ses neveux dans un petit restaurant, et pour une modique somme on fit un bon repas, car nos amis n’étaient pas difficiles, et en marchant depuis le matin ils avaient gagné un robuste appétit.

— Maintenant, dit Frantz, nous allons monter en omnibus et nous rendre au Jardin des Plantes, où se trouvent réunis les plantes et les animaux curieux du monde entier.

— Oh ! dit Julien, quel bonheur ! Aller en voiture et voir des bêtes, que me voilà content !