Le Vieillard des tombeaux/44

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Le Vieillard des tombeaux ou Les Presbytériens d’Écosse
Traduction par Albert Montémont.
Ménard (Œuvres de Walter Scott, volume 10p. 403-411).



CHAPITRE XLIV et dernier.

la mort.


Il ne pouvait détourner ses yeux, qui déjà se fermaient, quoiqu’il vît de moins en moins Émilie ; ainsi il resta un moment sans proférer une parole ; puis il serra la main qu’il tenait dans les siennes, et rendit l’âme.
Palémon et Arcité.


L’indisposition d’Édith la retint au lit le jour où elle avait éprouvé une émotion si violente et si inattendue par suite de l’apparition soudaine de Morton ; mais le lendemain, sa santé était tellement améliorée, que lord Evandale reprit son projet de quitter Fairy-Knowe. À une heure après-midi, lady Émilie entra dans l’appartement d’Édith, avec un air grave qui ne lui était pas ordinaire : les compliments d’usage échangés, elle remarqua que ce jour serait pour elle fort triste, quoiqu’il dût délivrer miss Bellenden d’un grand embarras : « Mon frère nous quitte aujourd’hui, miss Bellenden, dit-elle enfin. — Nous quitte ! s’écria Édith ; c’est pour retourner chez lui, je pense ? — J’ai lieu de croire qu’il se prépare à faire un plus long voyage, répondit lady Émilie ; il n’a plus rien qui le retienne dans ce pays. — Bon Dieu ! s’écria Édith, suis-je donc née pour la ruine de tout ce qu’il y a de généreux et de plus noble au monde ! Que peut-on faire pour l’empêcher de courir à sa perte ? Je vais descendre à l’instant… Dites-lui que je le conjure de ne pas partir avant que je lui aie parlé ! — Ce sera inutile, miss Bellenden ; néanmoins je ferai votre commission. » Elle sortit de la chambre avec la même gravité qu’elle avait montrée en y entrant, et alla informer son frère que miss Bellenden se trouvait si bien qu’elle descendrait avant qu’il partît. « Je suppose, ajouta-t-elle d’un ton d’aigreur, que l’espérance d’être bientôt débarrassée de votre compagnie l’a guérie de ses vapeurs. — Ma sœur, dit lord Evandale, vous êtes injuste, sinon envieuse. — Injuste, je puis l’être, Evandale ; mais je n’aurais jamais deviné, » dit-elle en jetant les yeux sur une glace, « qu’on pût me soupçonner d’envie sans en avoir de plus justes motifs… Mais allons trouver la vieille lady ; elle a fait servir dans l’autre pièce un dîner qui aurait suffi pour votre régiment quand vous en aviez un. »

Lord Evandale la suivit en silence ; car il savait qu’il était inutile de combattre ses préventions et son orgueil offensé. Ils trouvèrent la table couverte de mets préparés sous la surveillance attentive de lady Marguerite.

« Ce n’est point un déjeuner, milord Evandale ; mais avant de monter à cheval, vous partagerez avec nous cette petite collation : c’est tout ce qu’a pu faire de mieux dans sa présente situation, une personne qui vous a tant d’obligations. J’aime que les jeunes gens prennent quelque chose avant de monter à cheval pour aller à la chasse ou à leurs affaires ; c’est ce que je dis à Sa très-sacrée Majesté quand elle déjeuna à Tillietudlem, l’an de grâce 1651 ; et elle me fît l’honneur de me répondre, en buvant à ma santé un verre de vin du Rhin : « Lady Marguerite, vous parlez comme un oracle des Highlands. » Ce sont les propres mots de Sa Majesté : ainsi Votre Seigneurie jugera si je n’ai pas une bonne autorité pour vous engager à prendre quelque nourriture avant de vous mettre en route. »

Il est permis de supposer qu’une bonne partie du discours de lady Marguerite échappa aux oreilles d’Evandale, attentives à écouter les pas légers d’Édith. Ce moment de distraction, bien naturel sans doute, lui coûta cher. Pendant que lady Marguerite s’acquittait des devoirs d’une maîtresse de maison empressée, ce qu’elle faisait avec autant de plaisir que de talent, elle fut interrompue par John Gudyill, qui, avec la phrase consacrée pour annoncer les inférieurs à la maîtresse du logis, dit : « Quelqu’un demande à parler à madame. — Quelqu’un ? qui est ce quelqu’un ? a-t-il un nom ? On dirait que je tiens une auberge, et que je dois me déranger pour le premier venu. — Certainement il en a un, répondit John ; mais c’est un nom que Votre Seigneurie n’aime pas à entendre prononcer. — Quel est ce nom, imbécile ? — C’est Gibbie, milady, » répliqua John d’un ton un peu plus élevé que ne l’autorisait un respectueux décorum. Mais il s’oubliait quelquefois, se confiant en ses services, comme ancien domestique de la famille et fidèle compagnon de sa mauvaise fortune. « C’est Gibbie, si madame veut le savoir. C’est Goose Gibbie qui aujourd’hui garde les vaches d’Édie-Enchaw, après avoir jadis gardé les oies à Tillietudlem, et qui, le jour du Wappenshaw, s’en alla… — Taisez-vous, John, » répondit la vieille dame avec un air de dignité ; « vous êtes un insolent de supposer que je voudrais parler à une créature de cette espèce. Qu’il dise, à vous ou à mistress Headrigg, le motif qui l’amène. — Il ne l’entendra pas ainsi, répliqua Gudyill ; il prétend que celui qui l’envoie lui a donné quelque chose à remettre en mains propres à Votre Seigneurie ou à lord Evandale. Mais, en vérité, il n’est pas à jeun ; et il a l’air aussi sot qu’autrefois. — Alors, répondit lady Marguerite, renvoyez-le, et dites-lui de revenir demain matin, quand il ne sera plus ivre. Je suppose qu’il vient demander quelques secours, comme ancien serviteur de la maison. — C’est assez probable, milady, car il est en guenilles, le pauvre garçon. »

Gudyill se retira en prononçant ces paroles, et fit de nouveaux efforts pour apprendre de Gibbie le sujet de son message ; mais Gibbie, voulant exécuter à la lettre les ordres qu’il avait reçus, refusa de dire un mot, et remit dans sa poche un billet qu’il tenait à la main. Ce message était pourtant d’une extrême importance : c’étaient quelques lignes de Morton à lord Evandale, dans lesquelles il lui signalait les menées d’Olifant, et l’exhortait ou à fuir sur-le-champ ou à se réfugier à Glasgow, lui assurant qu’il y trouverait protection. Ayant trouvé près du pont Gibbie qui gardait son troupeau, il lui avait remis ce billet écrit à la hâte, l’accompagnant d’une couple de dollars pour qu’il le portât à l’instant même à celui auquel il était adressé.

Mais il semble que l’intervention de Goose Gibbie, soit comme messager, soit comme homme d’armes, dût toujours être fatale à la famille de Tillietudlem. Pour s’assurer si l’argent de celui qui l’employait était de bon aloi, il fit une si longue pause au cabaret, qu’à son arrivée à Fairy-Knowe le peu de sens qu’il avait reçu de la nature était noyé dans l’ale et l’eau-de-vie, et, au lieu de lord Evandale, il demanda lady Marguerite, dont le nom lui était plus familier. Ne pouvant obtenir de la voir, il se retira sans avoir remis sa missive, trop fidèle exécuteur des ordres que lui avait donnés Morton, dans le seul point où il eût bien fait de s’en écarter.

Quelques minutes après que Gudyill fut sorti de la salle à manger, Édith y entra. Lord Evandale et elle éprouvèrent un égal embarras. Lady Marguerite, qui avait appris vaguement que leur mariage avait été différé à cause de l’indisposition de sa petite-fille, attribua cet embarras à la timidité ordinaire à une jeune fiancée et à son futur époux : pour les mettre à leur aise, elle lia avec lady Émilie un entretien sur des choses indifférentes. En ce moment, Édith, pâle comme la mort, dit, ou plutôt murmura à l’oreille de lord Evandale qu’elle désirait s’entretenir avec lui en particulier. Il lui offrit son bras, la conduisit dans la petite antichambre qui, comme nous l’avons expliqué plus haut précédait le salon, la fit asseoir sur une chaise, et en prenant une lui-même, il attendit qu’elle commençât l’entretien.

« Je suis désolée, milord, » tels furent les premiers mots qu’elle articula, et encore avec bien de la peine ; « je ne sais ce que je veux dire ni comment vous le dire. — Si j’ai eu le malheur de vous causer quelque chagrin, chère Édith, dit lord Evandale, vous serez bientôt consolée. — Vous êtes donc déterminé, milord, à vous jeter dans cette aventureuse entreprise, à vous unir à des hommes qui se perdront, malgré votre propre raison, les prières de vos amis, malgré le précipice inévitable ouvert devant vous ? — Pardon, miss Bellenden ; mais l’intérêt même que vous me montrez en ce moment ne doit pas me retenir quand l’honneur m’appelle. Mes chevaux m’attendent, mes domestiques sont prêts ; le signal du soulèvement sera donné dès que je serai arrivé à Kilsythe. Si telle est ma destinée, je ne chercherai point à la fuir. Je me trouverai heureux, » ajouta-t-il en lui prenant la main, « d’emporter vos regrets, puisque je n’ai pu obtenir votre tendresse. — Restez, milord ! » s’écria Édith d’une voix qui lui alla au cœur ; « le temps expliquera peut-être l’étrange événement qui m’a si fort troublée : mon esprit agité reprendra sa tranquillité. Ne courez pas à la mort, à une mort inévitable. Restez pour être notre secours, notre appui, et espérez tout du temps. — Il est trop tard, Édith, et je manquerais de générosité si je voulais profiter des sentiments que vous me montrez en ce moment. Je sais que vous ne pouvez m’aimer : une agitation d’esprit si violente qu’elle évoque devant vous l’image des morts ou des absents, indique une prédilection trop puissante pour céder jamais à l’amitié et à la reconnaissance. Mais, quand il en serait autrement, le sort en est jeté maintenant. »

Il finissait de parler, lorsque Cuddie se précipita dans l’antichambre, la terreur et l’effroi peints sur son visage. « Milord, s’écria-t-il, cachez-vous ! ils vont entourer la maison. — Ils ! qui ils ? dit lord Evandale. — Une troupe de cavaliers, commandée par Basile Olifant, répondit Cuddie. — Oh ! milord, cachez-vous, répéta Édith, mourante de frayeur. — Non, par le ciel ! répondit lord Evandale. De quel droit ce misérable m’attaquerait-il ou me fermerait-il le passage ? Je partirai, y eût-il là un régiment pour me barrer la route. Mon ami, dites à Holliday et à Hunter de conduire les chevaux dans la cour : et vous, chère Édith, adieu ! » Il la serra dans ses bras, et lui donna un tendre baiser ; puis, s’arrachant aux prières et aux larmes par lesquelles sa sœur et lady Marguerite s’efforçaient de le retenir, il s’élança hors de la maison et monta à cheval.

Tout était confusion dans cette demeure… Les femmes jetaient des cris de désespoir, et se précipitaient vers les fenêtres de la façade, d’où l’on pouvait voir une petite troupe d’hommes à cheval, dont deux seulement paraissaient des militaires, descendre la colline au pied de laquelle était la chaumière de Cuddie, et s’avancer avec précaution, comme ne sachant pas quelles forces on pourrait leur opposer.

« Il peut s’échapper ! il peut s’échapper ! s’écria Édith ; il le peut, s’il prend le sentier détourné ! »

Mais lord Evandale, déterminé à braver un danger dont sa bravoure ne lui permettait pas de mesurer toute l’étendue, ordonna à ses domestiques de le suivre, et s’avança au petit pas dans l’avenue. Gudyill courut prendre ses armes ; Cuddie saisit un fusil que par précaution il tenait toujours chargé, et quoique à pied il suivit lord Evandale. Ce fut en vain que sa femme, qui avait aussi pris l’alarme, s’attacha à ses habits, lui prédisant qu’il mourrait par l’épée ou par la corde pour se mêler sans cesse des affaires des autres.

« Taisez-vous, chienne, répondit-il en la repoussant brusquement ; taisez-vous ! C’est là du bon écossais, ou je ne m’y connais pas. Que voulez-vous dire avec les affaires des autres ? Puis-je tranquillement voir massacrer lord Evandale sous mes yeux ? » et il se dirigea vers l’avenue. Mais considérant en chemin qu’il composait à lui seul toute l’infanterie, attendu que Gudyill n’était pas encore arrivé, il prit position derrière une haie. Là il fit toutes ses dispositions pour se rendre aussi utile que les circonstances le lui permettraient.

Aussitôt que lord Evandale parut, Olifant fit développer sa troupe comme pour l’entourer ; lui-même resta sur le chemin avec trois hommes : deux étaient des dragons, et le troisième un paysan, à en juger par son costume. Mais à son visage dur et farouche, à son air déterminé, ce dernier paraissait le plus redoutable de toute la troupe ; et quiconque l’avait jamais vu, ne pouvait manquer de reconnaître Balfour de Burley.

« Suivez-moi, dit Evandale à ses domestiques, et si on s’oppose à notre passage, imitez-moi. »

Il s’avança au galop vers Olifant, et lui demanda pourquoi il occupait ainsi la route ; mais celui-ci au lieu de lui répondre, s’écria « Feu sur le traître ! » et tous quatre ils firent feu de leurs carabines. Evandale chancela sur sa selle, porta la main en avant, saisit un pistolet ; mais, incapable de le tirer, il tomba de cheval mortellement blessé. Ses domestiques avaient mis en joue : Hunter tira au hasard ; mais Holliday, qui était un intrépide soldat, ajusta Inglis et le fit tomber roide mort. Au même instant un coup de fusil, parti de derrière une haie, vengea mieux encore lord Evandale, car la balle alla frapper Basile Olifant au milieu du front, et le renversa aussi roide mort. Sa troupe, effrayée de ce coup imprévu, semblait disposée à refuser le combat ; mais Burley dont le sang bouillait de fureur, s’écria : « Mort aux Madianites ! » et attaqua Holliday l’épée à la main. Mais au même moment, on vit une troupe de cavaliers qui arrivaient au galop par la route de Glasgow : c’étaient des dragons hollandais ayant à leur tête le colonel Wittenbold ; Morton et un officier civil les accompagnaient.

Sommés, au nom de Dieu et du roi Guillaume, de se rendre à l’instant, les assaillants obéirent tous, à l’exception de Burley, qui tourna bride et essaya de s’échapper. Plusieurs dragons le poursuivirent par l’ordre de leur chef ; mais comme il était bien monté, il n’y en eut que deux qui, devançant les autres, parvinrent à l’atteindre. Burley, se voyant serré de près, s’arrête, fait face à ses deux ennemis, et, tirant à la fois ses deux pistolets, en blesse un mortellement, et abat le cheval de l’autre ; puis il se remet à fuir vers le pont de Bothwell ; mais, s’apercevant que les deux issues en sont fermées et gardées, il côtoie la rivière jusqu’à un endroit où elle paraissait guéable, et s’y précipite. Mais ceux qui le poursuivaient parvinrent bientôt jusqu’au bord de la Clyde, et firent pleuvoir sur lui une nuée de balles, dont deux l’atteignirent et le blessèrent dangereusement. Il était alors au milieu de l’eau. Tournant bride sur-le-champ, Burley éleva une main comme pour faire comprendre qu’il se rendait, et revint vers la rive qu’il venait de quitter. Les dragons cessèrent le feu, même deux d’entre eux s’avancèrent de quelques pas dans la rivière pour le soutenir et le faire prisonnier. Mais on eut bientôt reconnu qu’il ne voulait que venger sa mort, et non sauver sa vie. Dès qu’il fut près des deux soldats, rassemblant ce qui lui restait de forces, il déchargea sur la tête de l’un d’eux un coup de sabre qui le renversa de cheval. L’autre, homme d’une vigueur extraordinaire, se précipite sur lui pour le prendre à bras le corps ; mais Burley le saisit à la gorge, comme un tigre mourant saisit sa proie, et dans la lutte qui s’établit entre eux, ils perdent les étriers et sont emportés par le courant. Le sang que perdait le blessé montant à la surface de l’eau, marquait leur passage ; deux fois on les vit reparaître, le dragon s’efforçant de nager, et Burley luttant afin de l’entraîner et de le faire périr avec lui. Leurs cadavres furent retrouvés un mille au-dessous du pont ; mais, pour les séparer il aurait fallu couper les doigts de Burley, tant il serrait le cou du malheureux soldat : on les déposa donc tous deux dans une tombe creusée à la hâte et sur une pierre grossière que l’on y voit encore, on grava une épitaphe non moins dépourvue d’art[1].

Tandis que ce sombre fanatique périssait ainsi, le brave et généreux lord Evandale quittait aussi ce monde.

Morton, sitôt qu’il l’avait vu renversé à terre, avait sauté à bas de son cheval, pour prodiguer ses secours à son ami mourant : celui-ci le reconnut, et lui serra la main, et, ne pouvant parler, fit entendre par signes qu’il désirait être transporté à Fairy-Knowe, ce qui fut exécuté avec tout le soin possible ; et, bientôt lord Evandale se trouva entouré de tous ses amis plongés dans la douleur. Celle de lady Émilie, quoiqu’elle eût un grand éclat, était loin d’égaler la douleur silencieuse d’Édith, qui, ne s’apercevant pas même de la présence de Morton, se tenait penchée sur le visage du mourant, et oubliait entièrement que si le destin lui enlevait un amant fidèle, il lui en avait rendu un autre arraché pour ainsi dire du tombeau. Mais lord Evandale, se soulevant sur son lit, prit leurs mains dans les siennes, les pressa toutes deux affectueusement, les unit ensemble, leva les yeux au ciel, comme pour implorer en leur faveur ses bénédictions, et un instant après il expira.



  1. Ami lecteur, j’ai prié mon honnête ami Pierre Proudfoot (Pas-léger), marchand ambulant fort connu dans ce pays pour les prix justes et modérés de ses mousselines, batistes et autres objets, de ne procurer, à sa première tournée dans ce canton, une copie de celle épitaphe ; et d’après son rapport, de l’exactitude duquel je ne vois aucune raison de douter, elle est ainsi conçue : « Ci-gît un saint fatal aux prélats, John Balfour, nommé quelque temps de Burley, qui tira l’épée pour soutenir la cause de la ligue solennelle et du Covenant. Près de Magus-Moor, dans le comté de Fife, il ôta la vie à James Sharpe l’apostat ; il fut fusillé et haché par les mains d’un Hollandais, et se noya dans la Clyde, non loin de cet endroit. » Le retour en Écosse de John Balfour de Kinloch, appelé Burley, aussi bien que sa mort violente, telle qu’elle est racontée dans le chapitre précédent, sont des faits entièrement imaginaires. Il fut blessé au pont de Bothwell, et il prononça l’imprécation citée dans le texte, quoiqu’elle soit peu d’accord avec ses prétentions religieuses. Il se sauva ensuite en Hollande, où il trouva un asile comme les autres fugitifs de cette époque de troubles. Son biographe est assez simple pour croire que Barley s’éleva très haut dans la faveur du prince d’Orange, et il remarque « qu’ayant toujours le désir de se venger de ceux qui avaient persécuté la cause du Seigneur et le peuple en Écosse, il obtint du prince la liberté de travailler à le faire ; mais il périt sur mer, avant son arrivée en Écosse. Ainsi ce projet ne fut jamais accompli, et le pays n’a jamais été purifié par le sang de ceux qui avaient répandu le sang innocent, contrairement à l’ordre du Seigneur. Genèse, IX, 6. « Celui qui répandra le sang de l’homme, son sang sera répandu par l’homme. » (Hommes illustres d’Écosse, p. 522.) Il était réservé à cet historien de découvrir que la modération du roi Guillaume, sa prudence attentive à prévenir la continuation des querelles et des factions, ou ce que, dans les temps modernes, on appelle réaction, ne doivent être attribuées qu’à la mort de John Balfour, appelé Burley. Feu M. Wemyss-Hall, du comté de Fife, succéda à Balfour dans sa propriété, et eut en sa possession différents mémoires, papiers, et objets d’habillement qui avaient appartenu à ce fanatique sanguinaire.
    Son nom paraît exister encore aujourd’hui en Hollande on en Flandre ; car, dans les gazettes de Bruxelles du 23 juillet 1828, le lieutenant-colonel Balfour de Burley est nommé commandant des troupes du roi des Pays-Bas dans les Indes occidentales.