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Le livre des jeux d’esprit, énigmes, charades, logogriphes/Logogriphes

La bibliothèque libre.
Ch. Ploche — libraire, éditeur (p. 31-46).

Logogriphes.


LOGOGRIPHE 1.

Semblable à l’univers, semblable à la nature,
Je recèle en mon sein mille divers objets
De toute espèce et de toute figure :
Les uns beaux, et les autres laids.
En France j’ai sept pieds, et n’en suis pas plus leste :
Coupez les deux premiers, si tel est votre goût,
Et vous verrez que souvent ce qui reste
Est sous la garde de mon tout.

M. le duc de Nivernois.


LOGOGRIPHE 2.

Lecteur, sur trois pieds seulement
Je t’offre un bruyant instrument,
Un mal qu’on endure avec peine,
Un écueil qu’on fuit prudemment ;
Sur deux pieds, ce métal dont chacun sûrement
Voudrait avoir sa poche pleine.

M. A. de Champcour.


LOGOGRIPHE 3.

De deux muses, lecteur, je suis l’enfant bâtard
Le fou, le sage, le vieillard,
Le jeune homme, la tendre mère,
En me voyant versent des pleurs,
Et me quittent souvent pénétrés de douleurs ;
Sans tête, un bras nerveux me tient à la galère.
Rends-moi mon chef, coupe mon second pié,
Je me métamorphose en dame.
Supprime-les tous deux, ô douleur ! ô pitié !
Il ne me reste plus que l’âme.

M. Le Bailly.


LOGOGRIPHE 4.

Souvent, de mes six pieds, je produis la fureur,
Quelquefois la tendresse ;
Avec quatre, on me voit désarmer la fureur,
Exciter la tendresse ;
Au contraire, avec trois, je ne suis que fureur,
J’éloigne la tendresse ;
Et j’existe avec un au sein de la fureur,
Au sein de la tendresse.

M. Berger.


LOGOGRIPHE 5.

En langage logogriphique,
Combien font cent cinquante, et puis rien, et puis six ?
Certes ! qui sait l’arithmétique
Ne doit pas rester indécis ;
Le cas n’est pas problématique,
Mais pourtant ce seul numérique
Ne suffit pas pour savoir qui je suis,
Ajoutez donc à ce calcul magique
Le caractère alphabétique
Qu’on trouve entre l’R et le T.
C’est S. Oui, la place l’indique.
Eh bien ! dites-le-moi, qu’en est-il résulté ?

M. de Somer.


LOGOGRIPHE 6.

Je suis un mot très-court, mais peut-être l’unique
Qui soit, au choix de l’écrivain,
Substantif, adjectif, masculin, féminin,
Sans rien changer à ma fabrique.
Des différents objets que par un même son
J’offre à l’esprit, voici l’énumération :
Dans le sens le plus en usage
Je suis oiseau, c’est mon moindre avantage.
Ce qui vaut mieux, je vous rappelle un saint
Martyrisé sous Antonin.

Lorsque pour adjectif à quelque œuvre on m’assigne,
D’un bon chrétien je la rends digne.
Ce n’est pas tout, mon cher lecteur,
Il faut me voir à présent sur le trône
Revêtu de la suprême grandeur,
Et le front ceint d’une triple couronne.



LOGOGRIPHE 7.

Sur cinq pieds je suspends les malheurs des humains ;
Sur quatre je deviens l’emblème
De la gloire, des biens, de la grandeur suprême ;
Et sur trois, le démon, usant de stratagème,
Me fit tremper jadis dans ses mauvais desseins.



LOGOGRIPHE 8.

Dans mes sept pieds, lecteur, je t’offre un aliment,
Qui fait, en maigre, assez bonne figure ;
Ma tête à part, je suis un vêtement
Qui d’un prélat rehausse la parure.
Rends-moi ma tête, et mets ma queue à bas,
Alors en moi tu trouveras
Un ustensile
Dans ta cuisine fort utile ;
Enfin, veux-tu l’emblème d’un cœur dur ?
Tranche-moi tête et queue, et tu l’as à coup sûr.



LOGOGRIPHE 9.

Je suis souvent un bien et quelquefois un mal ;
On me vante parfois et parfois on m’outrage ;
Propice à quelques-uns, à tel autre fatal ;
À ma loi je soumets le fou comme le sage.
Transpose un de mes pieds je change de destins :
J’élève jusqu’aux cieux ma voix et mon hommage,
Et chante les vertus de la Vierge et des Saints.



LOGOGRIPHE 10.

Lorsque je suis belle et brillante,
Je puis flatter l’orgueil de l’homme fastueux ;
Mais retournez mes pieds, dorée, appétissante,
À l’écolier friand je dois plaire encor mieux.



LOGOGRIPHE 11.

Éprouve-t-on une douleur subite ?
Est-on pressé, froissé, suffoqué de chaleur ?
Soudain chacun me prononce de suite.
De mes trois pieds, l’un d’eux changé, lecteur,
Et replacé de queue en tête,
Me donne un sens tout différent ;
Alors je suis cet être divaguant,
Se croyant roi, sophi, sultan, prophète,
Suivant son idée et son goût.
Enfin, dans certain jeu, l’on me place debout.



LOGOGRIPHE 12.

Des ports de la Hollande ou de ceux d’Angleterre
Je sors avec cinq pieds, monté par un corsaire
Qui poursuit, attaque et détruit
Sans pitié son faible adversaire.
Je puis changer de genre, et devenir un fruit
Qu’un petit arbrisseau produit.
Frais, on ne me conserve guère ;
Mais dans le vinaigre confit
On peut me transporter jusqu’au bout de la terre.



LOGOGRIPHE 13.

Je suis brillant, je vous éclaire ;
Ma tête à bas je ne suis rien.
Hélas ! mes amis, je plains bien
Le malheureux, le pauvre hère
Qui n’a plus que moi pour tout bien.



LOGOGRIPHE 14.

Le gros animal que je suis !
Je veux offrir un doute à la raison humaine,
Et je dis bêtement qu’un de mes pieds démis,
Chacun peut m’avaler sans peine.



LOGOGRIPHE 15.

Je suis à certains jeux sur deux pieds nécessaire ;
Sur trois on peut me voir imprimé sur la terre ;
De plus, j’offre le nom d’un pontife éminent ;
Une mesure agraire, et puis un élément :
Sur quatre, un animal utile au labourage,
Qui, mis au rang des dieux, du Nil reçut l’hommage ;
L’emblème de Phébus réfléchi dans les cieux ;
Le pays habité par nos premiers aïeux.
Sur cinq, des Gobelins j’étends la renommée ;
J’orne d’un souverain la tête vénérée ;
Le nom d’une cité rendez-vous des beaux-arts ;
Celui qui d’Ilion fit tomber les remparts.
Sur six pieds autrefois je n’étais qu’un vain titre ;
Mais une auguste loi des lois m’a fait l’arbitre ;
Gravée au fond des cœurs, idole des Français,
J’inspire le génie ainsi que les hauts faits.
On trouve encore en moi, pour peu que l’on s’exerce,
Un brigand patenté, la terreur du commerce.
Si dans tous ces détails tu ne m’as pas saisi,
Lecteur, en quatre mots je vais me peindre ici.
Je renferme neuf pieds, les friands à toute heure
Viennent me visiter en foule en ma demeure ;
Mais si par fantaisie on en déplace deux,
J’orne l’humble boutique et le palais pompeux.



LOGOGRIPHE 16.

Sans moi l’homme ici-bas ne serait pas heureux
Je déride son front et j’anime une fête ;
Mais je deviens, lecteur, si vous m’ôtez la tête,
Un être sot, lourd, ennuyeux.

Et cependant c’est à ma vigilance
Que les Romains durent leur délivrance.

M. Saint-Cyr.


LOGOGRIPHE 17.

Jadis je faisais des miracles ;
Mais, par un régime nouveau,
On ne croit plus à mes oracles.
Et je languis près d’un trumeau,
Dans un boudoir, sur une porte,
Dans les plis nombreux d’un rideau,
Sur les murs d’une place forte,
Et dans le contour d’un chapeau,
Le Russe me trouve assez beau,
Le Musulman fort détestable,
Et le Suisse si misérable,
Qu’il ne me souffre qu’au poteau.
Veux-tu, lecteur, me reconnaître,
Sans t’alambiquer le cerveau,
De ce que je suis ou puis être,
Produit de la terre ou de l’eau ?
Par le milieu tranche mon être,
Et fais-en juste deux morceaux.
Souffle dans l’un ; sa voix perçante
Portera soudain l’épouvante
Parmi les ours ou les taureaux :
Si ton âme est compatissante,
Répands l’autre sur les hameaux
Que la nécessité tourmente.

M. Bonnard, ancien militaire.


LOGOGRIPHE 18.

Je passe sur dix pieds une bien triste vie ;
Coupez-m’en trois, lecteur, je vous en prie,
Je n’aurai plus le mal que je porte en tous lieux,
Et par ce moyen-là vous me rendrez heureux.



LOGOGRIPHE 19.

Messieurs les amateurs, je vous le donne en cent :
Vous aurez beau retourner ma figure,
Je mettrai votre esprit, je crois, à la torture,
Et saurai me soustraire à votre œil clairvoyant.
D’abord, avec huit pieds, je suis de forme ronde ;
Pour son commerce, utile au laboureur ;
Je reçois en mon sein un des trésors du monde,
Et, selon les endroits, je change de grandeur.
Par ma variété j’embellis la nature,
Si l’on m’ôte le chef, ensuite le milieu ;
Avec plaisir on me voit en tout lieu,
Soit pour m’entendre, ou bien pour ma parure.
De huit ôtez-en trois, il restera cinq sœurs
Dont il n’est pas aisé de pouvoir faire usage ;
J’en vois trois pourtant à la nage
Qui du repos augmentant, les douceurs.

M. Prévost de Montigny.


LOGOGRIPHE 20.

Même consonne à chaque bout ;
Diphthongue au beau milieu ; mais, selon moi, voyelle ;
Diphthongue prétendue, ainsi, moi, je t’appelle,
Et puis c’est tout.

M. Lebrun.


LOGOGRIPHE 21.

Mes six pieds rappellent, lecteur,
Bossuet et son éloquence ;
Réduit à cinq, j’offre au pécheur
Un instrument de pénitence ;
Sur quatre, utile au moissonneur,
Je suis encore ville en France ;
Sur trois, je peins la violence
De l’homme en sa mauvaise humeur ;

Avec deux, j’ai ma résidence
Dans la gamme, au gré du chanteur ;
Quant au dernier, c’est un malheur,
Mais en lui finit l’espérance.



LOGOGRIPHE 22.

Avec mon chef je suis une prison ;
Sans mon chef, de tes jours je deviens la mesure,
Et par moi de la vie on règle la saison ;
Si de mon chef tu changes la figure,
Je change avec lui chaque fois.
Je suis avec un G le sceau d’une promesse ;
Avec un M on me vit autrefois
Me prosterner au pied du Roi des rois.
Avec un N et quelque peu d’adresse
Je pourrai te sauver au fort de la détresse.
Avec un P chacun connaît mes tours ;
Avec un R évite mon délire ;
Avec un S on me verra t’instruire :
Mes leçons t’offrent des secours
Contre les peines de la vie.
Enfin avec un T j’arrose dans mon cours
Les champs de la Lusitanie.



LOGOGRIPHE 23.

Je réveille
À merveille
Un petit
Appétit.
Que l’on mette
Bas ma tête,
En oiseau,
Gros et beau,
Chose étrange !
Je me change.

M***.


LOGOGRIPHE 24.

Avec mes quatre pieds je ne connais personne
Qui veuille se charger de moi ;
Chacun sans balancer à son prochain me donne,
Et me rejette loin de soi.
Mais si vous me coupez et la queue et la tête,
Qui chez moi ne diffèrent pas,
Chacun me fait alors l’accueil le plus honnête :
On me prise et l’on plaint celui qui ne m’a pas.



LOGOGRIPHE 25.

Quand je raisonne creux, je suis plus d’une fois
La dernière raison des peuples et des rois ;
Alors que j’ai six pieds on tremble à mon approche ;
Sur deux, avec plaisir, on me met dans la poche ;
Sur quatre, quel sublime emploi !
Le monde est partagé par moi ;
Sur quatre encor, je suis moins que la moindre chose,
Et je suis aussi plus que dix ;
Sur cinq, en de lointains pays,
On sait trop quels tourments, quels travaux je m’impose ;
Pour être admiré des benêts
Sur trois je ne suis pas mauvais ;
Mais je reprends cinq pieds pour borner cet ouvrage :
Le lecteur attentif me voit d’ici, je gage.



LOGOGRIPHE 26.

Que diversement on arrange
L’ordre de mes cinq éléments ;
Alors cinq fois la scène change,
On voit cinq objets différents :
Une ville chère aux gourmands,
Qui n’est pas loin de la Garonne ;
Un meuble commode en hiver ;
Ce qu’on jette au fond de la mer,
Sans faire de tort à personne ;

Un ornement que le hasard
A fait trouver au sein de l’onde ;
Ce que deviendra tôt ou tard
La plus belle tête du monde,

Madame Pauline S. A.


LOGOGRIPHE 27.

J’instruis tous les humains ; si tu coupes ma tête
Je n’ai plus de raison, et suis pis que la bête.



LOGOGRIPHE 28.

Je suis un animal ; sa maison ; un empire.



LOGOGRIPHE 29.

Sur mes huit pieds, lecteur, je suis du masculin,
Et la fidélité souvent me sert de guide.
Ôte les deux derniers, je serai féminin ;
Et la France, aux combats me voit de gloire avide.
Sur cinq pieds, je suis masculin ;
De fleurs je sais embellir ton langage.
Sur quatre pieds je deviens féminin,
Et te couvre le corps ainsi que le visage.
Sur quatre aussi, je suis du masculin ;
Lorsqu’il fait froid tu me fais bonne mine
Sur quatre aussi, je suis du féminin,
En rond toujours je me termine ;
Et sur quatre, encor masculin,
Lecteur, qu’à la fin j’importune,
Ne va pas me faire à la lune.



LOGOGRIPHE 30.

Dieu, tout puissant qu’il est, seul ne peut me former ;
Il lui faut un second. Lecteur, pour me trouver,
À me chercher longtemps il faut que tu t’apprêtes :
Je marche sur neuf pieds, et je porte deux têtes.



LOGOGRIPHE 31.

Pour me former il faut du feu !
Avec cinq pieds je suis fragile.
Avec quatre je suis un jeu,
Avec trois une plante utile,
Avec deux un pronom, avec un seul je suis
Le nombre de mes pieds multipliés par dix.



LOGOGRIPHE 32.

Je suis du haut en bas maître de l’univers,
Je fus du bas en haut la maîtresse du monde,
Seul j’ai su célébrer par de sublimes vers
Mon empire éternel sur la mer et sur l’onde,
Et seul, portant mes pas dans cent climats divers,
Par le fer et le feu jadis j’ai pu détruire
Les plus sublimes vers et le plus grand empire.



LOGOGRIPHE 33.

Attrape-moi, lecteur, je fais comme Protée,
Qui, pour se jouer d’Aristée,
Employait de son art les magiques ressorts,
Et changeait, à son gré, la forme de son corps.
Je commence : me voilà ville,
Ville plus belle que Séville ;
Pour me saisir redouble tes efforts.
Soudain je perds la moitié de moi-même
Mes quatre pieds se réduisent à deux,
Et je deviens un métal précieux,
Ou bien je finis le carême.
Lecteur, encore un changement :
Puisque tu veux m’avoir à toute force,
Je vais, dangereux élément,
Environner l’île de Corse.
Mais comment me soustraire au bras d’un bûcheron
Qui veut me livrer au charron ?


LOGOGRIPHE 34.

Avec six pieds je soigne tes habits,
Avec cinq pieds je fais triste figure,
Sur quatre pieds j’ai bien des favoris,
Avec trois pieds je suis des plus hardis,
Avec deux pieds j’encourage à l’usure,
Et sur un pied je suis dans tes écrits.



LOGOGRIPHE 35.

Mes quatre pieds font tout mon bien ;
Mon dernier vaut mon tout, et mon tout ne vaut rien.

M. Th. M.


LOGOGRIPHE 36.

Lecteur, connais-tu la grammaire ?
Je suis un substantif du genre féminin :
Ma première moitié compose la dernière ;
Avec cinq pieds on peut me traduire en latin.



LOGOGRIPHE 37.

Boileau, ce critique fidèle,
A sur moi remporté le prix ;
Car, en imitant mes écrits,
Il a surpassé son modèle.
Avec un léger changement,
Je fais dans les forêts tomber sous mon tranchant
Ces dômes orgueilleux qu’élève la nature ;
C’est à moi qu’un bosquet doit toute sa parure,
Car j’embellis les bois tout en les élaguant.
Un prince fameux dans l’histoire,
Alexandre le conquérant,
Contre moi s’est couvert de gloire
Et t’est acquis le nom de grand.



LOGOGRIPHE 38.

Sur mes cinq pieds, lecteur, je règne en Sibérie.
D’un million de héros j’ai terminé la vie ;
De mes fureurs bien loin d’implorer le pardon,
Je viens, accompagné du farouche aquilon,
Étendre sur tes champs ma main dévastatrice.
En vain, pour m’éviter, tu cours à l’artifice ;
Tu penses m’échapper ; efforts vains, superflus :
Ôte mon cœur, je fus, et je n’existe plus.



LOGOGRIPHE 39.

Renverse-moi, lecteur ; et quand ton pauvre esprit,
Tout enveloppé d’un nuage,
Ne saurait distinguer le jour d’avec la nuit,
Tu n’y verras que trop, je gage.
Redresse-moi, le fanal luit ;
Cingle droit, ne va pas au port faire naufrage.



LOGOGRIPHE 40.

De quatre pieds, lecteur, mon tout est composé :
Je suis un fruit assez prisé ;
Mais je n’atteins mon mérite suprême
Qu’au moyen d’une qualité
Qui se nomme et s’écrit tout ainsi que moi-même,
Sans la moindre disparité.

M. N…, d’Arras.


LOGOGRIPHE 41.

Vous pouvez sans fatigue extrême,
Chers lecteurs, me décomposer :
Car je n’ai que six pieds ; sans y rien transposer.
Ôtez-moi le dernier, je suis toujours le même.
Ôtez-m’en deux encore, et sachez bien,
Qu’à ma nature ainsi vous n’avez changé rien.



LOGOGRIPHE 42.

Avec cinq pieds je suis fragile ;
Réduit à trois je suis rampant ;

Pour peu, mon cher lecteur, que vous soyez habile,
Vous trouverez en moi ce qu’on fait en dormant.



LOGOGRIPHE 43.

À mon aspect le plus hardi frissonne ;
Déplace deux pieds, cher lecteur,
Riche attribut de la grandeur,
Les rois me portent sur le trône.



LOGOGRIPHE 44.

Sur quatre pieds, je suis audacieuse,
Vaine, pleine d’attraits, on m’offre des autels ;
Et cependant je soumets les mortels
À mon humeur capricieuse ;
Un pied de moins, je suis lyrique, harmonieuse,
Et je rendis Horace et Pindare éternels.



LOGOGRIPHE 45.

Fuyez, et loin de moi précipitez vos pas,
Ô vous tous, qui ne voulez pas
Ou rôtir ou vous battre
Je brûle avec six pieds, et je perce avec quatre.



LOGOGRIPHE 46.

Autour de moi quelque soin qu’on se donne,
Pour être plus poli, je n’en suis pas moins dur ;
Mais retranchez mon chef, vous aurez, j’en suis sûr,
De mes fleurs au printemps, de mes fruits en automne.



LOGOGRIPHE 47.

Je suis ce titre en plus d’un lieu trompeur,
S’il doit unir l’apparence à la chose,
De loin parfois il séduit plus d’un cœur ;
De près, hélas ! on s’en plaint, et pour cause.

Un pied de moins, il laisse un autre nom,
Partout donné sur la foi du langage ;
Mais, ici-bas, ce n’est qu’un beau renom,
Dont trop souvent on n’a jamais le gage.



LOGOGRIPHE 48.

Sur mes sept pieds marchant avec audace,
J’ai l’âme d’un despote et les traits d’un géant ;
Toujours j’aspire à la première place,
Et malgré tout cela, je ne suis que du vent.
Retranche-moi deux pieds, ma bruyante existence
N’est encor que du vent ; mais par un art heureux
Je résonne en l’honneur des héros et des dieux.
À deux pieds raccourci, mon pouvoir est immense
Je décide à mon choix ou la guerre ou la paix.
Un vil usurpateur dut à mon influence
Et son crédit et la puissance
De semer en tous lieux le trouble et les forfaits.



LOGOGRIPHE 49.

Pour aller me trouver il faut plus que ses pieds,
Et souvent en chemin on dit sa patenôtre :
Mon tout est séparé d’une de ses moitiés ;
La moitié de mon tout sert à mesurer l’autre.



LOGOGRIPHE 50.

Prenez un arbre, un élément,
Un des métaux, un sédiment,
Joignez-y ce que fait l’abeille,
Mêlez ensemble tout cela,
Bientôt un diable en sortira
Sans se faire tirer l’oreille.



LOGOGRIPHE 51.

Je suis utile à la toilette :
La femme la plus sage, ainsi que la coquette,

Le magot, le bel homme et même jusqu’au roi,
Par ton ou par besoin, tous se servent de moi.
Arrangeant mes huit pieds de certaine manière,
On y rencontrera l’égal du mot colère ;
Un arbre toujours vert ;
Un volatile ; un fleuve d’Italie ;
Un bourg de Normandie ;
Un bon fruit de dessert ;
D’une espèce de pain je fournis la matière,
Et souvent celle de la bière ;
Le synonyme de pays ;
Un nom qui nous est cher, respecté dans Paris ;
Enfin l’on trouve en moi le nom d’une rivière.
Me voilà trait peur trait ; cherche, ne cède pas :
Peut-être en ce moment tu m’as entre tes bras.



LOGOGRIPHE 52.

Sans user de pouvoir magique,
Mon corps, entier en France, a deux tiers en Afrique.
Ma tête n’a jamais rien entrepris en vain.
Sans elle en moi tout est divin.
Je suis assez propre au rustique
Quand on me veut ôter le cœur
Qu’a vu plus d’une fois renaître le lecteur.
Mon nom bouleversé, dangereux voisinage,
Au gascon imprudent peut causer le naufrage.

Dufresni.