Le système nerveux central/05

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Georges Carré et C. Naud (p. 212-257).





FINALITÉ DE LA NATURE. CONCEPTION DU MONDE ET DE LA VIE DE L’HOMME

Histoire de la civilisation.


L’idée de finalité dans la nature était, selon Aristote, une conception demeurée à peu près étrangère aux anciens physiologues hellènes : c’était une conquête de la science grecque postérieure, alors qu’elle commenca de s’élever contre la considération des causes purement mécaniques de l’univers, de celles, en particulier, de la matière et du mouvement[1]. La nature fait toutes choses en vue d’une fin[2]. Il y a un pourquoi, une fin à toutes les choses qui existent ou se produisent dans la nature[3]. {sc|Aristote}} oppose le nécessaire, τὸ àvæyxaïov, à la fin ou au but, + 05 évexa. Ce n’est que dans la matière qu’est le nécessaire ; le but est dans la définition : ἐν γὰρ τῇ ὕλῃ τὸ ἀναγκαῖου, τὸ δ̓ οὗ ἕνεκα ἐν τῷ λέγῳ (Ρἠ49., ΠΠ, 1x, 2). La matière ne sert qu’à la réalisation du but. Le but ou la fin n’est rien autre chose que la forme se réalisant dans la matière. La forme constitue, au regard de l’individu, le général dans les choses. Il suit que tout ce qui est purement individuel est indifférent et par conséquent exclu de la considération du but. Cela est surtout déclaré au livre V du De animalium generatione.

« La nature ne fait rien en vain ; elle réalise toujours le mieux de ce qui est possible pour chaque espèce d’animal selon son essence »[4]. Ainsi les poissons n’ont point de membres indépendants, parce que leur nature est de nager (ètx rà νευστικήν εἶναι την φύσω aivüv) par définition de leur essence (xatx tèv ts cdsixs Xéysv) : attendu que la nature ne fait jamais rien de superflu ni d’inutile (ἐπεὶ οὔτε περίεργο οὐδὲν, οὔτε μάτην ἡ φύσις moiet[5]. De même si les serpents sont dépourvus de pieds. Non seulement la nature

PRINCIPES DE TÉRATOLOGIE

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ne fait rien en vain ; non seulement elle vise, dans chaque cas donné, à faire le mieux possible : elle conserve à chaque être son essence et ce par quoi il est ce qu’il est (r).

Mais ici l’on élève un doute (sur ce que la nature agit toujours en vue d’une fin, ñ pots τῶν ἕνεκά του aiziwv). Qui empêche, dit-on, que la nature agisse sans avoir de but et sans chercher le mieux des choses. Zeus, par exemple, ne fait pas pleuvoir pour développer et nourrir le grain ; mais il pleut par une loi πόοθβφαϊῖτο (αλλἐξ avéyxns) ; car en s’élevant la vapeur doit se refroidir ; et la vapeur refroidie, devenant de l’eau, doit nécessairement retomber. Que si ce phénomène ayant lieu, le froment en profite pour germer et croître, c’est un simple accident (suy#atve). Et de même encore, si le grain que quelqu’un a mis en grange vient à s’y perdre par suite de la pluie, il ne pleut pas apparemment pour que le grain pourrisse, et c’est un simple accident s’il se perd. Qui empêche de dire également que dans la nature les organes corporels eux-mêmes sont soumis à la même loi, et que les dents, par exemple, poussent nécessairement, celles de devant, incisives et capables de déchirer les aliments, et les molaires larges et propres à les broyer, bien que ce ne soit pas en vue de cette fonction qu’elles aient été faites, et que ce soit une simple οοἵηcidence (suuresetv). Qui empêche de faire la même remarque pour tous les organes où il semble qu’il y ait une fin et une destination spéciale ? ‘Oyciws δὲ καὶ περὶ τῶν ἄλλων μέρω», ἐν ὅσοις δοχεῖ ὑπάρχειν τὸ ἔνεχά του. « Αἰηδὶ ἆοπς toutes les fois que les choses se produisent accidentellement comme elles se seraient produites en ayant un but, elles subsistent et se conservent, parce qu’elles ont pris spontanément la condition convenable ; mais celles où il en est autrement périssent ou ont péri, comme EMPÉDOCLE le dit de ses créatures bovines à forme humaine, (5x Bauer arSpérewsx) » (2). Ὅπου μὲν οὖν ἅπαντα συνέδη ὥσπερ κἄἂν εἰ ἕνεκα του ἐγίγνετο, ταῦτα μὲν ἐσώθη ἀπὸ τοῦ αὐτομάτου συστάντα ἐπιτηλείως’ ὅσα δὲ μὴ οὕτως, ἀπώλετο χα) ἀπόλλωται... Le tout est, de nécessité, antérieur à la partie : τὸ γὰρ Έλου πρότερον ἀναγκαῖον εἶναι τοῦ uépous. Le tout une fois détruit, en effet, il n’y aura plus de pied ni de main ; sice n’est par une pure analogie de mots, comme on dit, une main de pierre ; une fois séparée du corps et mutilée, cette main ne sera plus une main qu’en ce sens. C’est ainsi que, dans un organisme comme l’État, la cité est antérieure à la famille et à l’individu, et cela de par la nature des choses : Kai moétepoy δὴ τῇ φύσει πόλις ἢ οἰχίᾳ καὶ ἕκαστος ἡμῶν ἐστίν (3). (1) De anim. incessu, c. vitr. διασώζουσαν ἑκάστου τὴν ἰδίαν οὐσίαν καὶ τὸ τί ἦν αὐτῷ εἶναι. (2) Anisr., Phys., IL, vu.

() Ausr., Polit., I, 1, 11. Cf. pour les acceptions diverses du mot rodzeoov, ou antérieur, Métaph. , V, xr, etc. L’acte est antérieur à la puissance. Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/230 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/231 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/232 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/233 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/234 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/235 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/236 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/237 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/238 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/239 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/240 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/241 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/242 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/243 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/244 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/245 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/246 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/247 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/248 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/249 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/250 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/251 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/252 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/253 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/254 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/255 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/256 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/257 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/258 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/259 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/260 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/261 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/262 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/263 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/264 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/265 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/266 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/267 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/268 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/269 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/270 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/271 256

LE SYSTÈME NERVEUX CENTRAL

veau et, de même, celle qui provient des oreilles. D’autre part, à la langue et aux yeux se portaient des nerfs sortis du cerveau (tr). » Le pneuma qui, introduit par la respiration, passe des veines du poumon dans les artères, devient, dans le cœur, l’air vital (rveüux ζωτικὸν), dans le cerveau, l’air psychique (rve5ux goyxév) (De Hippocr. et Plat. plac., Il, vin). Dans la secte médicale des PNEUMATISTES, chez ARÉTÉE comme chez ATHÉNÉE d’Attalie, en CGilicie, au 1° siècle, le pneuma, on le sait, joue un rôle capital dans tous les processus de la vie.

Sur la limite du 1°" et du n° siècles, au temps de l’empereur Trajan, Rufus d’Éphèse décrivit avec une rare précision l’élat des connaissances sur la structure et les fonctions du cerveau. Dans l’intérieur du crâne est contenu l’encéphale, plus volumineux, eu égard au corps, chez l’homme que chez les autres animaux. Des deux méninges, l’une plus épaisse, plus résistante, adhère aux os du crâne ; elle a un mouvement analogue à celui ἀιι ροιι]ς (σφυγμικῶς κινεῖται) ; l’autre, plus mince, est étendue sur l’encéphale. Ces deux enveloppes sont nerveuses (c’est-à-dire fibreuses, vespu- δεις) et membraneuses ; elles jouissent d’une certaine sensibilité (rosés ss aicOnouw Éyouox) et présentent un entrelacement de réseaux. La surface supérieure du cerveau est pulpeuse et visqueuse ; ses renflements et ses anfractuosités lui ont fait donner le nom de variqueuse (xoscadés) ; elle est grise (täheuxos) ; sa surface inférieure et postérieure est dite base ; le prolongement qui prend naissance à la base est le parencéphale (cervelet). Les cavités de l’encéphale ont reçu le nom de ventres ou ventricules (xx) ; la membrane qui revêt intérieurement les ventricules s’appelle tunique choroïde : HÉROPHILE l’appelait méninge choroïde. Du cerveau sortent comme des pousses ou rejetons (apophyses) les nerfs sensitifs et moteurs (νεὕρα αἰσθητικὰ καὶ προαιρετικά), Ρα Ιοβᾳ 1615 nous avons le sentiment et exerçons Ιο πιοιινδιηοπἰ νο]οηίαίγο (διὰ ὧν αἴσθησις καὶ rpcaperixh xs) et par lesquels (1). Εκλδιβτηλτος. ἔχει δὲ ἡ ῥῆσις αὐτοῦ τόνδε τὸν τρύπον’ « ἐθεωροῦμεν δὲ καὶ τὴν φύσιν τοῦ ἐγκεφάλουθ καὶ ) ὁ μὲν ἐγκέφαλος διμερής, χαθάπερ χαὶ τῶν λοιπῶν ζῴων, καὶ κοιλία ἐν ἑκατέρῳ μέρει παραμήχη : τῷ εἴδει κειμένη, συντέτρηντο ὃ̓ αὗται εἰς μίαν κατὰ τὴν συναφὴν τῶν μερῶν : ἐκ δὲ ταύτης ἔφερον εἰς τὴν ἐπεγ- Χρανίδα παλουμένην καὶ ἐκεῖ ἑτέρα ἦν αιχρὰ κοιλία. διαπέφραχτο δὲ ταῖς μήνιγξιν ἔχαστον τῶν μερῶν. ἤ τε γὰρ ἐπεγκρανὶς διαπέφραχτο αὐτὴ καθ’ ἑαυτὴν χαὶ ὃ ἐγκέφαλος παραπλήσιος ὢν νήστει χαὶ πολύπλοχος. πολὺ 8) ἔτι μᾶλλον τούτου ἣ ἐπιγκρανὶς πολλοῖς ἑλιγμοῖς καὶ ποικίέλοις κατεσκεύαστο’ ὥστε μαθεῖν τοῦτο τὸν θεωροῦντα, ὅτι, ὥσπερ ἐπὶ τῶν λοιπῶν ζῴων, ἐλάφου τε χαὶ λαγωοῦ καὶ εἴ τι ἄλλο κατὰ τὸ τρέχειν πολύ τι τῶν λοιπῶν ζώων ὑπεραίρει τοῖς πρὸς ταῦτα Ὑρησίμοις, εὖ χατεσχευασμένοις μυσί τε καὶ νεῦροις, οὕτω κάπὶ ἀνθρώπον, ἐπειδῇ τῶν λοιπῶν ζῴων πολὺ τὸ διανοεῖσθαι περίεστι, πολὺ μᾶλλον τούτων ἐστὶ πολύ- πλοκος. ῆσαν δὲ καὶ ἀποφύσεις τῶν νεύρων πᾶσαι ἀπὸ τοῦ ἐγκεφάλου χαὶ καθ̓ ὅλον εἰπεῖν ἀρχὴ φαίνεται εἶναι τῶν κατὰ τὸ σῶμα ὁ ἐγκέφαλος. ἤ τε γὰρ ἀπὸ τῶν ῥινῶν γιγνομένη αἴσθησις συντέτρητο ἐπὶ τοῦτον καὶ ᾗ ἀπὸ τῶν ὥτων. ἐφέροντο δὲ καὶ ἐπὶ τὴν γλῶσσαν καὶ ἐπὶ τοὺς ὀφθαλμοὺς ἀποφύσεις ἀπὸ τοῦ ἐγκεφάλου. » GrauDur Gavent de Placitis Hippocratis et Platonis libri novem. Recensuit.... Iwanus Muezcen. Lips., 1854. 1, 599-600. VII, 111 (Küux, Goo). ANATOMIE CÉRÉBRALE DE RUFUS D’ÉPHÈSE

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s’accomplit toute opération du corps. De l’encéphale naît la moelle épinière qui s’échappe dans le trou du crâne à l’occiput et qui descend jusqu’au bas du rachis à travers toutes les vertèbres ; la moelle n’est pas une substance particulière, mais un écoulement du cerveau (arcbéorx ëyrzzähev). Il y a des nerfs qui sortent de la moelle épinière et de la méninge qui l’enveloppe. Parmi les nerfs qui proviennent de la moelle épinière, comme du cerveau, les uns sont actifs (moteurs), les autres sensitifs (νεῦρα πραχτικὰ καὶ aisbrzxa) ; on les appelle cordons (+iv ::) ; ceux qui entourent les articulations sont appelés ligaménts. Du cerveau partent et sortent par des trous qui leur sont destinés des canaux ou nerfs {(x$92 :) qui se distribuent à chaque organe des sens, tels que les oreilles, les narines, etc. Un de ces prolongements se détache en avant de la base du cerveau, se divise en deux branches et se rend à chacun des yeux (1). (r) Du nom des parties du corps. Œuvres, 153 et 163 ; De l’anat. des parties du corps, 169.

J. Sounr. — Le système nerveux central.

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  1. Arist., De anim. gener., V, 1.— De part. anim., 1, 1. Où pv oùv dgyaïor καὶ πρῶτοι φιλοσοφήσαντες περὶ φύσεως περὶ τῆς ὑλιῆς ἀργῆς καὶ τῆς τοιαύτης αἰτίας ἐσκόπουν, τίς χαὶ ποία τις, καὶ πῶς ἐκ ταύτης γίνεται τὸ ὅλον, μαὶ τίνος πινοῦντος, οἵον νείκους, Ἡ φιλίας, ἢ νοῦ, ἢ τοῦ αὐτομάτου, τῆς δ̓ ὑπο- χειμένης ὕλης τοιάνδς τινὰ φύσιν ἐγούσης ἐξ ἀνάγχης, οἷον τοῦ μὲν πυρὸς θερμὴν, τῆς δὲ γῆς φυγράν, καὶ τοῦ μὲν χούφην, τῆς δὲ βαρεῖαν’ οὕτω γὰρ καὶ τὸν χύσμον γεννῶσιν. --- Δε γεδρύγαἰ., ο. ΥΙ, v.
  2. De part. an., 1. 1. ñ φύσις ἕνεκά του ποιεῖ πάντα.
  3. Phys., IL, vur, δ."]όστιν ἄρα τὸ ἕνεκά του ἐν τοῖς φύσει γιγνομένοις καὶ οὗσιν.
  4. Arist., De animalium incessu, C. II. φύσις οὐθὲν ποιεῖ μάτην, ἀλλ̓ αεὶ ἐκ τῶν ἐνδεγομένων τῇ οὐσίᾳ περὶ ἕκαστον γένος ζῴου τὸ ἄριστον.
  5. De part. anim., IV, XIII.