Le système nerveux central/04

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Georges Carré et C. Naud (p. 168-211).





THÉORIE DE LA CONNAISSANCE

Matière et Forme.

On n’estime savoir une chose, dit Aristote, que lorsqu’on pense en connaître la cause première. C’est donc par la science des causes qu’on doit commencer l’étude du monde. Il y a quatre sortes de causes. La première est ce qu’on nomme la substance (ἡ οὐσία), la forme (εἶδος, μορφή, λόγος, τὸ τί ἦν εἶναι). La seconde cause est la matière et le sujet (τἡν ὕλην καὶ τὸ ὑποκείμενον). La troisième cause est le principe du mouvement (ὄθεν ἡ ἀρχὴ τῆς κινήσεως). La quatrième est la cause finale (τὸ οὗ ἕνεκα)[1]. La plupart des anciens philosophes n’ont considéré les principes de toutes choses que sous l’aspect de la matière : « Ce d’où sortent tous les êtres, d’où provient tout ce qui se produit et où aboutit toute destruction, la substance persistant, quoique subissant les changements déterminés par ses affections, voilà l’élément, le principe de tous les êtres. Aussi pensent-ils que rien ne naît ni ne périt véritablement, puisque cette nature première persiste toujours[2]. »

Pour Aristote la matière n’est certes pas un non-être, μὴ ὄν. Il ne place pas toutefois en elle la cause du mouvement ; elle n’est pour lui qu’un κινούμενον et un παθητικόν[3]. La matière est d’ailleurs inconnue par elle-même, en soi (en tant qu’indéterminée) : ἡ δ’ ὕλη ἄγνωστος καθ’ αὑτὴν[4]. Mais, quoique la matière soit ce qui n’a, de soi, ni forme, ni propriété, ni aucun des caractères qui déterminent l’être, en tant que sujet pouvant être déterminé elle subsiste et persiste par elle-même ; elle est impérissable, indestructible, incréée : ἡ ὕλη ἀγέννετος[5]. Il n’existe pas plus d’ailleurs de matière sans forme que de forme sans matière. Tout en insistant sur l’importance de la forme au regard la matière dans la considération des parties ou des organes du corps[6], jamais Aristote ne reconnaît à la forme d’existence distincte ou séparée de la matière ; elle est toujours réalisée dans quelque chose ; aussi n’y a-t-il de réel que les individus[7].

L’universel n’est point séparé et distinct des individus[8].

La nature, dit Aristote, peut être envisagée de deux façons, comme matière ou comme forme (ἡ μὲν ὡς ὓλη, ἡ δ’ ὡς μορφή) ; la forme est une fin (τέλος), et tout le reste s’ordonne en vue de la fin οἱ αῑι Ριιῖ (τοῦ τέλους δ̓ ἕνεχα τὰ ἄλλα) : la forme est donc la cause ou le pourquoi des choses et leur cause finale (aïrr ἂν εἴη ἡ αἰτία ἡ οὗ ἕνεκα)[9].

Or dans la psychologie d’Aristote l’âme est la forme du corps : la cause matérielle est le corps ; l’âme est la cause formelle, la cause motrice, la cause finale. Et cela est vrai de l’âme des plantes comme de celles que, en outre de celle-ci, commune à tous les corps vivants, possèdent les animaux. La psychologie d’Aristote comprend en effet les plantes aussi bien que les animaux. Ce n’est que logiquement, non réellement, que ces âmes peuvent être considérées séparément, comme la forme peut l’être de la matière par un semblable artifice. L’âme est ce par quoi nous vivons, sentons, pensons : à Quyn OÈ τοῦτο ᾧ ζῶμευ χαὶ αἰσθαιόμεθα καὶ διανοούμεθα πρώτως[10].

La matière du corps vivant est la puissance (ἡ μὲν ὓλη δυνάμις), c’est-à-dire l’aptitude fonctionnelle à vivre existant comme à l’état latent. Cet état, Aristote l’appelle la première entéléchie ou énergie, c’est-à-dire le plus bas degré d’actualité du corps. Le « vivant » est ce qui résulte de l’union de la matière et de la forme qui l’actualise (τό δ’ εἶδος ἐντελέχεια) : ἐπεὶ δὲ τὸ ἐξ ἀμφοῖν ἒμψυχον. Ainsi Le corps n’est pas l’entéléchie de l’âme, mais l’âme celle du corps ou de la matière. De là la définition célèbre : « L’âme est la première entéléchie ou actualisation d’un corps naturel organisé qui a la vie en puissance » (ψυχὴ ἐστιν ἐντελέχεια ἡ πρώτη σώματος φυσικοῦ δυνάμει ζωὴν ἔχοντος. De an., II, I, 5). Des fonctions de l’âme, c’est-à-dire, on le voit, des fonctions psychiques de la vie, certains êtres vivants n’en possèdent qu’une seule, suivant le Stagirite. Tels les végétaux, auxquels il n’accorde que la nutrition : « Parmi les corps naturels, les uns ont la vie, les autres ne l’ont pas. Ce que nous appelons vie, c’est ce qui possède

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par soi-même la nutrition, la croissance et la décroissance (1). » Les autres fonctions de l’âme sont, en dehors de l’âme trophique, l’appétitive, la sensitive, la motrice, qui détermine le déplacement, la noétique ou l’intelligente (2). Aucune de ces âmes ne peut avoir une existence distincte ou séparée du corps (à l’exception du vs5 théorétique et de sa fonction, dont on ne sait d’ailleurs « rien de clair », 255£v rw oxepdr). « Ceux-là sont dans le vrai, dit ARISTOTE, qui estiment que ni l’âme ne peut exister sans un corps (pr deu cwuaxtss elrx) ni être un corps ; l’âme n’est pas un corps ; elle est quelque chose d’un corps, et voilà pourquoi elle est dans un corps (xx ! διὰ τοῦτο ἐν σώματι ὑπάρχει) et dans un corps qui est tel. » Il ne faut donc pas dire que l’âme éprouve de la colère, de la pitié, de l’amour, de la haine, etc., que l’âme apprend, raisonne, se rappelle, mais que c’est l’homme avec son âme (3).

Partout, dans l’œuvre entière d’’ARISTOTE, éclate la croyance à la réalité et à l’objectivité de la perception sensible.

« La sensation des choses particulières est toujours vraie, et appartient à tous les animaux{4}. » Les anciens physiologues ne se sont pas correctement exprimés, estimant que, sans la vision, il n’y a ni blanc ni noir, non plus que de saveur sans le goût. Ils avaient en partie raison et tort en partie. Sensation et sensible ayant deux sens, tantôt pour signifier les choses en puissance, tantôt pour signifier les choses en acte, ce qu’ils ont dit convient à celles-ci et non à celles-la. *AXA” οἱ πρότερον φυσιολόγοι τοῦτο οὐ χαλῶς ἔλεγου, οὐθὲν οἰόμενοι οὔτε λευκὸν, οὔτε μέλαν εἶναι ἄνευ ἔψεως, οὐδὲ χυμὸν άνευ yeisews...{5). Ainsi ce sont bien les choses elles-mêmes que les sens nous font connaître. La sûreté, la réalité et la certitude immédiate de la perception sensible ne font point doute. Le caractère absolument objectif de la théorie de la connaissance d’ARISTOTE est indiscutable. Il n’y a pas de connaissance en dehors de l’expérience, et c’est des faits particuliers qu’on doit partir pour s’élever aux choses universelles : « Il est plus facile de définir le particulier que l’universel ; aussi faut-il toujours passer des choses particulières aux choses universelles. Ῥᾷόν τε τὸ κὰθ̓ ἕχαστον ὀρίσχσθαι Ἡ τὸ (1) De an., IL, 1, 3. τῶν δὲ φυσικῶν, τὰ μὲν ἔγει ζωὴν, τὰ δ̓ οὐκ ἔγει’ ζωὴν δὲ λέγομεν τὴν δἰ αὐτοῦ τροφήν τε χαὶ αὔξησιν μαὶ φθίσιν.

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(2) Πυίᾶ., Π, ταν 1. δυνάμεις δ̓ εἴπομεν θρεπτικόν, ὀρεχτικόν, αἰσθητικόν, χινητικὀν χατὰ τόπον, δια- νοητικόν.

(3) Jbid., I, 1v, 12. BéArtoy yap ἴσως μὴ λέγειν τὴν φυγὴν ἐλεεῖν, ἣ μανθάνειν, ἢ διανοεῖσθα :, ἀλλά τὸν ἄνθρωπον τῇ φυγῇ.

(4) De an., 1, τα, ὃ, Ί. Ἡ μὲν γὰρ αἴσθησις τῶν ἰδίων ἀεὶ ἀληθής, καὶ πᾶσιν ὑπάργει τοῖς ζῴοις... Μει., 11, ν, 17. οὐδ)ᾗ αἴσθησις φενδῆς τοῦ ἰδίου ἐστίν, ἀλλ̓η φαντασία οὗ ταὐτὸν τῇ αἴσθήσει. (5) De an., II, 11, 8.

L’OBJET EST ANTÉRIEUR À LA SENSATION

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καθόλου : διὸ δεῖ ἀπὸ τῶν καθ Éxasta Emi ta naShoy perzéxivav (Analyt. poster., II, xt, 24). Mais, s’il n’y a point de connaissance en dehors de l’expérience, ce qu’ARISTOTE a surtout cherché dans la science, c’est la connaissance abstraite et désintéressée, la vérité, non l’utilité. « La sensibilité (xisônsts) est une faculté innée de tous les animaux, mais chez quelques-uns elle est accompagnée de la persistance de la sensation μονὴ τοῦ αἰσθήματος), chez certains autres elle ne l’est pas. Pour ces derniers, la connaissance (yvùs :), soit d’une manière générale, soit du moins dans les cas où la perception est aussitôt effacée, ne va point en eux au delà de la sensation même. Les autres, au contraire, c’est-à-dire ceux qui conservent les perceptions des sens, peuvent, après la sensation, retenir quelque chose de ces perceptions dans l’âme ; et beaucoup d’animaux sont ainsi constitués. Mais il ÿ a toutefois entre eux cette différence que, dans les uns, de cette persistance des sensations naît la raison, dans les autres, non. La mémoire naît donc de la sensation (ëx uèv dy aicôésews γίνεται uviur), et, du souvenir plusieurs fois répété d’une même chose, vient l’expérience (èurspla) ; car les souvenirs peuvent être très multipliés en nombre ; l’expérience est une. De l’expérience, ou bien de tout l’universel qui s’est arrêté dans l’âme, unité, qui, indépendamment des objets multiples, subsiste et demeure une et identique dans tous ces objets, vient le principe de l’art et de la science : de l’art, s’il s’agit de produire les choses ; de la science, s’il s’agit de connaître les choses qui sont. » Il en résulte que pour nous la connaissance des principes dérive nécessairement de l’induction, et que la sensation produit ainsi en nous l’ universel (καὶ γὰρ καὶ αἴσθησις οὕτω τὸ καθόλου ἐμποιεῖ) (1).

ARISTOTE explique l’origine des idées générales par l’induction, et l’induction repose de nécessité sur la sensation : les sens sont donc la source unique de toute connaissance.

Le caractère absolument objectif de la théorie de la connaissance d’ARISTOTE n’est pas moins manifeste :

« Le principe de l’âme qui sent et le principe qui sait sont la même chose en puissance, ici l’objet qui est su, là l’objet qui est senti (rs δὲ φυχῆς τὸ αἰσθητικὸν γαὶ τὸ ἐπιστημονικὸν δυνάμει ταὐτόν ἐστι, τὸ μὲν ἐπιστητὸν, τὸ δ̓ αἴσθηté). Mais nécessairement ou il s’agit ici des objets eux-mêmes, ou de leurs formes ( :2 er). Or ce ne sont certainement pas les objets. Car ce n’est pas la pierre qui est dans l’âme, mais seulement sa forme (οὐ γὰρ ὁ λίθος ἐν τῇ φυγῇ, ἀλλὰ τὸ εἶδος) (5). » La sensation consiste « à être mu et à éprou- (1) Analytica post., U, xv Rex]. 5,

1)Dean.,IL,vi, 2

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ver quelque chose » ; c’est « une sorte d’’altération » de l’être (1). La sensation résulte à la fois de l’organe et de l’objet extérieur auquel il répond : chaque organe des sens reçoit les impressions des choses sensibles qui le concernent : xxt τὸ αἰσθητήριον ἑκάστου δεκτικὸν εἶναι τῶν αἰσθητῶν (Ώε part. an., IE, 1). Et le νοὺς Παἱ-μιόπις οί ἀεπίίαιιθ αἲὶ νοητόν : « l’âme est en quelque sorte toutes les choses qui sont. Les choses sont en effet ou sensibles ou intelligibles ; or la science est en quelque façon les choses qu’elle sait, de mème que la sensation est les choses sensibles (2). » Si les choses sensibles n’existent pour nous que du moment qu’elles sont senties, elles ne laissent pourtant pas d’avoir une existence propre, distincte et différente de la nôtre, et antérieure à notre existence.

« S’il n’y avait au monde que le sensible, il n’y aurait plus rien dès qu’il n’y aurait plus d’êtres animés ; car il n’y aurait plus de sensation (ois- θησις γὰρ οὐκ ἂν εἴη). Ἡ ροιί être vrai que, dans ce cas, il n’y aurait plus ni objets sentis ni sensations (car c’est une affection du sujet sentant), mais il serait impossible que les objets qui causent la sensation n’existassent point, et cela méme sans qu’aucune sensation ait lieu. La sensation ne relève pas seulement d’elle-même, mais il y a, en dehors de la sensation, quelque chose de différent d’elle, et qui est, de nécessité, antérieur à la sensation. Le moteur est par exemple antérieur à l’objet qui est mû (3). » L’animal venant à disparaître, il n’y aura plus de science [ἔτι ζῴου μὲν œrapelivres, cbx Éctat éruorur), bien qu’une foule de choses susceptibles d’ètre sues puissent exister. Il en est de mème pour la sensation. L’objet sensible semble antérieur à la sensation (53 yàp αἰσθητὸ) πρότερον τῆς αἰσθήσεως δοχεῖ εἶναι). « Οἱοε2 en effet l’objet sensible, il emporte la sensation avec lui. Mais la sensation disparaissant n’enlève pas avec elle l’objet sensible. En effet, les sensations s’appliquent à un corps, et sont dans un corps : l’objet sensible détruit, le corps lui-mème disparait ; car le corps est du nombre des objets sensibles, et s’il n’y a pas de corps, la sensation elle-mème disparait, de sorte que la chose sensible détruite, détruit avec elle la sensation. La sensation au contraire ne détruit pas avec elle la chose sensible. Si l’animal disparait, la sensation disparaît avec lui ; mais la chose sensible restera ; et c’est, par exemple, le corps, la chaleur, la douceur, l’amertume, et toutes les autres choses qui sont sensibles. Il y a plus ; la sen- (1) Jbid., 1, v, 1. Η δ̓ αἴσθησις ἐν τῷ χινεῖσθαί τε καὶ πάσγειν συμθαίνει... δοχεῖ γὰρ ἀλλοίωσίς τις εἶναι. Of. IL, 1v, 6.

(4) Ρο απ., ΠΠ, να, 1.

(3) Met. IL, v, ar. ro dé za ὑποχείμενα μὴ εἶναι, ἃ ποιεῖ τὴν αἰσθησιν, καὶ ἄνευ αἰσθήσεως, ἀδὺ- νατον. Οὐ γὰρ δὴ À Υ̓ αἴσθησις αὐτὴ ἑαυτῆς ἐστίν, ἀλλ̓ ἔστι τι καὶ ἕτερον παρὰ τὴν αἴσθησιν, ὃ ἀνάγχη πρότερον εἶναι : τῆς αἰσθήσεως.

L’OBSERVATION. PRINCIPE DE TOUTE SCIENCE

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sation ne naît qu’avec l’être qui sent, car, en même temps que l’animal, naît aussi la sensation (ἅμα γὰρ τῷ ζῴω γίνετα καὶ αἴσθησις). Mais les objets sensibles existent avant qu’il n’y ait ni d’animal, n1 de sensation ; en effet, le feu, l’eau et tous les éléments analogues dont l’animal est formé, existent avant qu’il n’y ait du tout ni animal ni sensation(r). » Aïnsi l’objet sensible précède la sensation.

« Il est évident que si quelque sens fait défaut, quelque science doit aussi, de nécessité, manquer, qu’il était impossible d’acquérir : Davepèy dt καὶ ὅτι, εἴ τις αἴσθησις ἐκλέλοιπεν, ἀνάγχη γαὶ ἐπιστήμη» τὰ ἐκλελοιπέναι, ἣν ἀδύνατου λαξεῖ. En effet nous ne pouvons apprendre que par induction ou par démonstration (ÿ ëxxywyÿ 4 axsèeiée :). Or la démonstration se tire de principes universels ; l’induction de cas particuliers. Mais il est impossible de connaître les universaux autrement que par Ιπ(ιιοί]οπ (ἀδύνατον δὲ τὰ καθόλου θεω- ρῆσαι μὴ δι Etaywyfs). C’est par l’induction, en effet, que sont connues même les choses abstraites, quand on veut faire comprendre que certaines d’entre elles sont dans chaque genre, choses dites abstraites bien qu’elles ne soient point séparées (nat ei ph ywptotx és) d’ailleurs, en tant que chacune d’elles formerait un objet distinct. Or induire est impossible pour qui n’a pas la sensation, ἐπαχθῆνα. δὲ μῆ ἔχοντας αἴσθησυ ἀδύνατον. (81 Ια θοηθα{ίοη θ’αρplique aux objets particuliers ; et pour eux il ne peuty avoir de science. Car on ne peut pas la tirer des universaux sans induction, ni l’obtenir par l’induction sans la sensibilité(2). »

Ainsi donc les connaissances des principes ne sont pas en nous toutes déterminées ; elles ne viennent pas non plus d’autres connaissances plus claires (057 ἀπ̓ ἄλλων ἕἔξεων Ὑίνουται Ὑνωστικωτέρων) ; elles viennent uniquement de la sensation (@XN amd aiobisewc) (3).

« Les mathématiques ne s’occupent que des formes, non d’un sujet quelconque. Si la géométrie peut s’appliquer à quelque sujet, ce n’est pas en tant que géométrie qu’elle s’applique à quelque sujet. » Τὰ γὰρ μαθήματα περὶ εἴδη ἐστίν : οὗ γὰρ καθ) ὑποκειμένου τινός : εἰ Υὰρ καθ’ ὑποχειμένου τιγὸς τὰ γεωμετρ’κά ἐστω, ἀλλ’ οὐχᾗ γε 1θ) ὑποκειμένου (Analyt. poster., 1, ΧΙ, 15 ; XIV, 2). Aussi la mathématique est-elle pour ARISTOTE l’idéal de toute science : l’arithmétique, la géométrie, l’optique (&pBpnztxn nat yewpetpix xat drmx), bref, les sciences mathématiques et presque toutes les sciences, peut-on dire, qui étudient le pourquoi des choses (èéu), sont au sommet de la connaissance rigoureusement scientifique(4).

(1) Categ., V, 19-22.

(1) Απιθιοτε. Analytica post., I, xvin.

(3) Zbid., IL, xv, 6.

(&) Les lois de la nature ne trouvent que dans la mathématique leur expression la plus exacte ct la LE SYSTÈME NERVEUX CENTRAL

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L’expérience, voilà le principe et le commencement de toutes les sciences. Ainsi l’astronomie repose sur l’observation astronomique ; « car les phénomènes (célestes) ayant été bien observés, alors les démonstrations astronomiques (ai aotochsyinat amsèeiëes) furent découvertes. De mème pour n’importe quel autre art ou quelle autre science ». Ces « démonstrations astronomiques » devaient plus tard s’appeler des « lois astronoimiques ». Si nous ne négligeons rien de ce que l’observation peut nous apprendre sur chaque chose, enseignait ARISTOTE, il nous sera alors facile de démontrer tout ce qui peut l’être, et de rendre clair au moins ce qui ne comporte pas de démonstration (1).

Ainsi la connaissance des phénomènes particuliers devait, selon Anis-TOTE, précéder tout essai d’explication et de théorie scientifique. Pour être suflisante, l’observation devait embrasser complètement tous les phénomènes à expliquer sans dépasser :ces faits. Quand les faits ne suflisent pas à la connaissance scientifique, le besoin de synthèse, je ne dis pas d’unité (2), dans la conception générale du monde nous porte à chercher une explication, partant à instituer ‘une hypothèse, au lieu de fournir une démonstration fondée en fait. Par hypothèse (ÿrc0éoux), d’ailleurs, ARISTOTE entendait, en général, quelque chose d’autre que l’idée du mot nous suggère. Une hypothèse est une démonstration qui résulte logiquement de quelques propositions, démontrées ou non, mais qui ne sont point en désaccord avec l’observation et l’expérience. « La méthode reste toujours la mêine, dit ARISTOTE, qu’on l’applique soit à la philosophie, soit à l’art, soit à la science. » ‘H μὲν οὖν ὁδὸς .ατὰ πάντων ἡ αὐτὴ καὶ περὶ φιλοσοφίαν καὶ περὶ τέχνη» ὁποιαγοῦν καὶ μάθημα (5). À côté de la méthode analytique, ARISTOTE vante et pratique la méthode historique ou de développement pour tous les ordres d’étude : diviser le composé jusqu’à ce qu’on arrive à des éléments entièrement simples (4). La manière d’établir une théorie scientifique, c’est d’observer les choses plus élevée. Aussi KaxT cstime-t-il que la part de science contenue dans chaque théorie de la nature est en rapport direct avec l’expression mathémalique de ses principes et de ses lois (*). C’est ce qu’avait écrit NEwrox au début de ses Philosophiae naturalis Principia mathematica : Missis formis substantialibus el qualitatibus occultis, phacenomena naturac ad leges mathematicas revocare. (4) Analyt. priora, À, xxx. 09 di un πέφυχεν ἀπόδειξις, τοῦτο ποιεῖν φανερύν. (2) Car il existe, pour le Stagirite, une physique et une mécanique célestes, absolument différentes de la physique ct de la mécanique terrestres, et cette conceplion d’AnisroTe s’est perpéluée jusqu’au xviie siècle.

(β) Analytica priora, 1, xxx, 1.

(4) Polit., Ἱ, 1, ὃ. τὸ σύνθετον μέγρι τῶν ἀσυνθέτων ... διαιρεῖν (ταῦτα Ὑὰρ ἐλάΓιστα μόρια τοῦ παντός).

(°) Sämmtl. Werke (Hartenstein), IV 30ο, L’EXPÉRIENCE, PRINCIPE DE TOUTE SCIENCE

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dans leur origine et dans leur développement : εἰ δή τις ἐξ ἀρχῆς τὰ πράγματα φυόμενα ῥλέφειεν ... κάλλιστ’ ἂν οὕτω θεωρήσειεν.

« Notre premier soin, ἀῑί ΑΛΙΦΤΟΤΕ, sera d’étudier les parties dont se composent les animaux. Mais nous nôus appliquerons tout d’abord à l’étude des parties de l’homme (rà roù ἀνθρώπου μέρη). (αγ de même qu’on estime la valeur des monnaies en les rapportant à celles qu’on connaît le mieux, de même en doil-on faire pour lout le reste. Or, l’homme est nécessairement de tous les animaux celui qui nous est le plus connu. Ses parties sont en effet manifestes à nos sens(r). » Ces parties des organes de l’homme sont certainement les parties externes. Ailleurs, en effet, Anisrore répèle que c’est par l’homme qu’il faut commencer parce que, entre autres motifs, « la forme de ses parties externes nous est la plus connue » (rnv rüv Ewev uopiwv uoppñiv) (2). T’outelois, il écrit au commencement du livre V de l’Histoire des animaux : « Antéricurement nous partions de l’homme pour connaître et décrire les parties des animaux ; maintenant, au contraire, nous ne parlerons de l’homme qu’en dernier lieu, parce que c’est lui qui exige le plus de peine et d’applica- ἔἴοη (διὰ τὸ πλείστην ἔχειν πραγματείαν). Όπ débutera d’abord par les testacées (äro rüv 8orçaxcSéouüv), on passera ensuite aux crustacés (epi rüv ualexoctpéxev), et ainsi de suite pour les autres animaux en procédant par ordre. Ce sont les mollusques et les insectes (τὰ τε μαλάκια καὶ τὰ ἔντομα), ρμῖ Ίο ΡοηΓθ ἆοδ Ροἱδδοης (τὸ τῶν ἰχθύων γένος), ἰαπί les vivipares que les ovipares, ensuite les oiseaux (rù +üv ὀρνίθων). ΕΠΙΙΠ viendront après les animaux qui marchent sur le sol, ovipares et vivipares. Quelques-uns des quadrupèdes sont vivipares, l’homme est le seul qui le soit des bipèdes." » En parlant de la nature απἰπιόο (περὶ τῆς ζωϊχῆς φύσεως), ΑΝΙΦΤΟΤΕ Ρο5ο en principe qu’on ne doit négliger aucun détail, quelque bas ou peu relevé soit-il (3). Car, mème dans ceux de ces détails qui peuvent ne pas flatter nos sens, la nature organisatrice (4 Snuroupyéouox qüais) procure, par l’élude de ces êtres animés, d’inexprimables joies à ceux qui peuvent cn connaître les causes et sont véritablement philosophes. Il ne faut donc pas, comme un enfant, reculer de dégoùt devant l’examen (éxioxe}is) des animaux les plus infimes : dans toutes les choses de la nature il ÿ a quelque chose d’admirable (ëv xäst yàp voi φυσιχοῖς ἔνεστί τι θαυμαστόν).

C’est ainsi qu’Hénacuire, raconte-t-on, dit à des étrangers venus pour le voir et s’entretenir avec lui, et qui, s’étant présentés, demeuraient immobiles en le voyant se chauffer au feu de la cuisine : « Entrez, entrez donc sans crainte, car ici aussi sont les ἀῑοιαχ (εἶναι γὰρ καὶ ἐνταῦθα θεούς). »

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De même devons-nous entrer sans fausse honte dans l’étude des animaux, quels qu’ils soient, parce que, dans tout, il y a quelque chose de naturel et de beau. Comme il n’y a point de hasard dans la nature, ct que tous les ouvrages de la naturc existent en vue d’unc certaine fin (évexé rivos), c’est précisément cette fin qui constitue sa beauté (4). (1) Anisrore, H. À., I, vur, 5.

(2) De part. anim., 1, x.

(3) Zbid., I, v.

(4) Cf. de part. an., I, v, 7. « Dans les œuvres de la nature il n’y a jamais de hasard : elles existent toujours en vue de quelque βη. Τὸ γὰρ μὴ τυγόντως, ἀλλ̓ ἕνεχά τινος ἐν τοῖς τῆς φύσεως ἔργοις ἐστι... » Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/192 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/193 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/194 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/195 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/196 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/197 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/198 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/199 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/200 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/201 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/202 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/203 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/204 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/205 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/206 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/207 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/208 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/209 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/210 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/211 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/212 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/213 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/214 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/215 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/216 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/217 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/218 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/219 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/220 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/221 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/222 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/223 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/224 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/225 110

LE SYSTÈME NERVEUX CENTRAL

tendons (592), attachés aux os, et qui seraient en rapport avec le cœur, organe central du mouvement, des appareils de motilité. « On ne voit pas bien, écrivent AuBerr et WIMMER, comment le cœur est aussi l’organe central de la sensibilité ; ArisTorTE semble s’être imaginé que le cœur était en connexion, au moyen des veines, avec la « chair ». En histoire naturelle, en zoologie, ARISTOTE n’a pu tirer ses informations que des pêcheurs (1), des chasseurs, des bergers, des apiculteurs, des montreurs de bêtes. Ses connaissances étendues en embryologie inclineraient pourtant à croire qu’il a vu lui-même ce qu’il décrit. Quoiqu’on ne sache rien de l’existence de traités spéciaux sur ces matières à l’époque d’ARISTOTE, il est toujours possible qu’il en ait existé. Ce qui le ferait supposer, c’est bien moins assurément l’exposition d’ARISTOTE, qui donne souvent l’impression d’observations directes et personnelles, que la conviction raisonnée, et qui s’impose, qu’un philosophe dont l’œuvre en tous les domaines de la connaissance est vraiment immense, n’aurait pu réaliser ni même concevoir le plan d’une histoire générale de la vie et des êtres vivants, s’il n’avait point trouvé une masse, plus ou moins indigeste, de travaux antérieurs, dont il a tiré un monde où tout est ordonné comme dans la nature elle-même. Mais, s’il existait des traités spéciaux sur ces matières, et si ARISTOTE s’en est servi, il l’a fait avec une intelligence si pénétrante, une acuité de génie si intense, qu’il donne l’illusion d’avoir vu et observé lui-même les faits qu’il a décrits, comparés et classés pour la plus lointaine postérité.

Une assez longue pratique des textes d’ARISTOTE, l’auteur auquel je suis revenu le plus souvent aux diverses époques de ma vie, m’a persuadé que le STAGIRITE a procédé ainsi dans la composition de ses grands traités de biologie. Toute une littérature existait de physiologues des γι et v° siècles dont les écrits ne nous sont plus guère connus que par quelques fragments (Hiprox l’Athée), souvent par un seul vers, une ligne de prose, un apophthegme. Que l’on essaie de supputer, par exemple, le nombre de passages où ARISTOTE a cité, presque toujours avec éloge, EmrépocLe d’Agrigente. De même pour DÉMOCRITE ou ANAXAGORE. Que saurions-nous du grand texte anatomique de DioGÈèNE d’Apollonie, capital pour l’histoire du système vasculaire, si nous ne le lisions dans ARISTOTE lui-même ? Ici le STAGIRITE a transcrit in extenso. Mais, presque toujours, il résume, en quelques mots, avec une concision, que je serais tenté d’appeler, en considérant la maîtrise suprème du philosophe, imperatoria (1) Arisrore note expressément que los pècheurs, par exemple, n’observent pas « pour connaître » οὐθεὶς γὰρ αὐτῶν (τῶν ἁλιέων) οὐθὲν τηρεῖ τοιοῦτον τοῦ γνῶνα : γάριν. De anim. gener., II, ν. ZOOLOGIE D’ARISTOTE

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brevitas, des pages et peut-être des traités entiers. Ainsi tout ce qu’on pourrait dénommer la théorie de l’évolution organique et de la descendance des êtres organisés d’EmPpépocLe, le LaMmarck et le Darwin du v* siècle, tient, chez ARISTOTE, en six mots (1). La réfutation des théories est souvent aussi concise que l’exposition de celles-ci. Évidemment ces vieux textes étaient connus des lecteurs. Voilà pourquoi ARISTOTE pouvait se borner à quelques indications rapides, qni ressemblent bien plutôt à des renvois qu’à des citations. Le texte grec d’ARISTOTE, au moins, est presque toujours infiniment plus clair que celui des traductions latines et surtout françaises, d’ailleurs si méritoires, qu’on en a fait. Il reste pourtant assez difficile, sinon à entendre quant au contexte, du moins à interpréter dans le détail, lorsqu’on s’attache, comme nous y avons tâché, à rendre chaque mot avec sa nuance propre, car l’expression est, nous le répétons, d’ordinaire si concise et si abréviative, qu’on essaierait en vain de lutter à cet égard avec un écrivain dont chaque mot renferme souvent une pensée à vives arêtes, taillées comme celles d’un diamant, quelquefois tout un système de pensées, voire toute une théorie scientifique. (1) De part, an., I, 1. ̓Εμπεδοχλῆς... λέγων ὑπάρχειν πολλὰ τοῖς ζῴοις διὰ τὸ συμθῆναι οὕτως ἐν τῇ γενίσει.

  1. Métaphys. I, III, I. En d’autres termes : causa formalis, causa materialis, causa effciens, causa finalis. Cf. Phys., II, III.
  2. Mét. I, III, 2-3. ἐξ οὗ γὰρ ἔστιν ἅπαντα τὰ ὄντα, χαὶ ἐξ οὗ γίγνεται πρώτου καὶ εἰς ὃ φθείρεται τελευταῖον, τῆς μὲν οὐσίας ὑπομενούσης, τοῖς δὲ πάθεσι μεταθαλλούσης, τοῦτο στοιγεῖον καὶ ταύτην ἀργήν^φασιν εἶναι τῶν ὄντων’ καὶ διὰ τοῦτο οὔτε γίγνεσθαι οὐθὲν οἴουται οὔτε ἀπόλλυσθαι, ὡς τῆς τοιαύτης φύσεως ἀεὶ σωζομένης...
  3. De generat. et corrupt. τῆς μὲν γὰρ ὕλης τὸ πάσχειν ἐστὶ καὶ τὸ κινεῖσθαι...
  4. Métaph., VI, X, 13.
  5. Ibid., II, IV, etc.
  6. De part. an., I, v.
  7. Anal. post. I, XI, I. Εἴδη μὲν οὖν εἶναι, etc.
  8. Met., VI, XVI, 5. Ὥστε δῆλον ὅτι οὐθὲν τῶν καθόλου ὑπάργει παρὰ τὰ καθ’ ἕκαστα γωρίς. Ἀλλ̓οἱ τὰ εἴδη λέγοντες... Cf. ibid., IX, m1 ; XIE, 1x. De an., IL, vin, 3.
  9. ''Phys., I, VII, 7.
  10. De an., II, III, 12.