Le système nerveux central/08

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Georges Carré et C. Naud (p. 329-361).



MOYEN AGE

La physiologie aristotélique et galénique du système nerveux central traversa, sans modification essentielle, ce qu’on nomme assez improprement la physiologie des Arabes et celle des Scholastiques, ainsi que celle des nombreuses Écoles médicales du xve siècle : aucune découverte importante ne fut ajoutée à la physiologie traditionnelle des Grecs. De l’an 200 à l’an 1500, il n’a point paru un physiologiste de quelque originalité, quoiqu’on rencontre un certain nombre de recherches spéciales intéressantes. La doctrine de Galien, mieux comprise en général que celle d’Aristote, règne et gouverne.

Constantin l’Africain, un des chefs de l’école de Salerne, contribua surtout au réveil de la médecine grecque en Italie et y fit connaitre celle des Arabes. Né, dit-on, à Carthage, il mourut au couvent du Mont-Cassin, en 1087. Voici comme les Chroniques de ce monastère racontent sa vie. Ayant quitté Carthage, dont il était originaire, il passa en Babylonie, où il s’instruisit à plein de toutes les sciences des Chaldéens, des Arabes, des Perses, des Sarrasins, des Égyptiens et des Indiens. Après avoir consacré trente-neuf ans à ces études, Constantin revint en Afrique. Quand les Africains le virent si solidement instruit dans les sciences de toutes les nations, ils songèrent à le faire mourir. Connaissant leur dessein, Constantin entra en secret dans un navire en partance et arriva à Salerne. Là il se cacha quelque temps sous des habits de mendiant. Mais reconnu par le frère du roi des Babyloniens, qui était à Salerne, il fut comblé d’honneurs chez le duc Robert Guiscard. Ce fut ainsi que Constantin l’Africain devint moine bénédictin du monastère du Mont-Cassin. Il traduisit (transtulit) dans ce couvent un très grand nombre de livres écrits dans la langue de différentes nations[1].

Ces « traductions » ou plutôt ces expositions des théories et des doctrines des principaux médecins et philosophes grecs, d’Hippocrate et surtout de Galien, ne reposaient certainement pas, d’ailleurs, sur l’étude directe des textes originaux, mais en partie sur des versions arabes de ces textes, versions dont rien ne prouve que Constantin se soit servi sans l’intermédiaire d’autres versions en langue vulgaire, selon la méthode universellement suivie au moyen âge, dans lOccident comme dans l’Orient chrétien, pour l’interprétation des textes grecs, hébreux ou arabes (1). Ces traités de CoxsTaxTiN l’Africain n’en ont pas moins été une des sources les plus abondantes des connaissances anatomiques et physiologiques des philosophes et des médecins du moyen âge en Occident. C’est, partout et toujours, le même savoir traditionnel qui passe des écrits d’un savant d’une École dans ceux d’un savant d’une autre École, et cela presque à la lettre. Comment, en admettant, ce qui n’était pas le cas, que ces savants eussent fail ces études préliminaires sur les animaux que GALIEN considérait comme la préparation nécessaire à l’intelligence de la structure et du jeu des appareils et des organes du corps humain, comment auraient-ils pu rien comprendre à l’arrangement des « veines ct des nerfs », comme ils disaient, quand ils devaient attendre, ainsi que GALIEX d’ailleurs, qu’un tremblement de terre bouleversât un cimetière ou que les eaux d’une inondation laissassent en se retirant quelque cadavre en putréfaction ? Un savant religieux anglais du x11° siècle, dont la vie et les voyages en Orient rappellent d’une manière frappante ce que les Chroniques du Mont-Cassin rapportent de CoNSTANTIN l’Africain, AnézarD de Bath, s’expliquait ainsi à lui-même la manière dont les « philosophes » devaient avoir acquis leurs connaissances anatomiques du corps de l’homme : après avoir atiaché quelque cadavre humain apporté par le flot dans la crue d’un fleuve, ct alors que toute la peau ct la « chair » de ce cadavre avaient disparu, les « nerfs » et les « veines », plus résistants à la putréfaction, demeuraient et permettaient de reconstituer la disposition structurale de ces nerfs et de ces veines (2). Voici les textes de Constantin l’Africain particulièrement relatifs à l’anatomie et à la physiologie du système nerveux central qui ont alimenté, jusqu’à la Renaissance, presque tout le savoir traditionnel, en ce domaine de la connaissance, des médecins et des philosophes du moyen âge. Acumen anlerioris capilis propter ventriculum fil prora cerebri, ex quo procedunt nervi unde quinque sensus excunt.

(1) V. Jules Soury, Des Études hébraïques et exégétiques chez les chrétiens d’Occident au moyen äge. Posilions de thèse (École des Chartes). Paris, 1863. (2) Anécann de Bath, Questiones naturales, xvi. Cum opere precium philosophis videretur extensioncs nervorum ct venarum cognoscere, hoc modo id eos assequturos esse arbitror. Cadaver quidem humanum pulo cos in fluminis impelu ligasse, ibique, donec lota culis el caro deciderel, dimissum esse, nervis Lamen et venis que lenacioris subslantiae sunt ibidem remanentibus. Ilaque cis talis contexlio reconiexta est. Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/347 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/348 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/349 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/350 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/351 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/352 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/353 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/354 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/355 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/356 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/357 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/358 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/359 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/360 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/361 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/362 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/363 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/364 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/365 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/366 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/367 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/368 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/369 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/370 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/371 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/372 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/373 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/374 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/375 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/376 Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/377

  1. Leonis Mas. et Petri diaconi Chronica monasterii Casinensis, I. III (1079). (Wattenbach). Monumenta Germ. histor., VII, 728-9. 743