Les Amoureux de Sylvia/Partie 3/04

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Traduction par Paul-Émile Daurand-Forgues.
Hachette (p. 283-293).
3e partie

IV

UNE APPARITION.

Mistress Robson fut assez mal toute la nuit. À ses souffrances physiques se joignait un grand malaise moral. L’idée que Philip avait à se plaindre de Sylvia, pesait sur sa conscience alarmée. Sa fille s’en apercevait de reste aux reproches incohérents que Bell Robson lui adressait çà et là ; et pour en finir, pour calmer la pauvre malade, elle lui promit solennellement, la main dans la main, de ne jamais plus sortir de chez elle sans la permission de son mari. Elle sacrifiait ainsi son dernier plaisir aux scrupules de sa mère infirme, sachant bien que Philip trouverait toujours des objections à ces promenades dont il était offusqué.

Ce matin-là même, il fallut tenir la parole qu’elle venait de donner. Mistress Robson ne connaissait pas de meilleur calmant qu’une infusion de mélisse ; elle en avait demandé toute la nuit, et Sylvia s’était trouvée à court, sa provision étant épuisée. Elle savait, néanmoins, que dans certain recoin abrité du jardin de la ferme, à Haytersbank, croissaient plusieurs tiges de ce « baume, » et que la ferme elle-même se trouvait actuellement inoccupée, les nouveaux tenanciers ayant dû renoncer à leur bail par suite du décès de l’un d’eux. Aussi avait-elle combiné, durant la veillée, une course matinale vers son cher jardin d’autrefois, où elle était sûre de pouvoir cueillir la précieuse plante. Pour cela, il fallait l’assentiment de son mari, et se résoudre à le solliciter ne lui fut pas très-facile. Ainsi qu’elle l’avait deviné, il répugnait à la laisser partir, alléguant la fatigue d’une pareille course et proposant de la faire lui-même si elle était absolument indispensable.

« Soyez tranquille, répondait Sylvia insistant et suppliant ; j’ai été accoutumée, dès ma jeunesse, à des courses bien plus longues.

— Va donc, si tu le veux absolument, dit Philip… Mais prends d’abord quelque chose, et fais ensuite ta promenade tout à loisir. »

Ces dernières recommandations furent perdues, car, dès les premiers mots, Sylvia s’était élancée sur son chapeau et son châle. Depuis le jour de ses noces, elle n’avait revu Haytersbank qu’une seule fois. En cette occasion, la ferme lui était apparue sous je ne sais quel aspect étrange et discordant, envahie par de nombreux enfants dont les jouets épars et les cris tumultueux contrastaient avec l’ordre sévère jadis maintenu par Bell Robson. Ces joyeux enfants, à l’heure actuelle, n’avaient plus de père, et la maison était close en attendant l’arrivée de quelque nouveau tenancier ; close était l’étable, et la volaille avide n’errait pas dans les champs voisins, à la recherche de sa picorée quotidienne. Partout régnait un silence bizarre, inaccoutumé, qui blessait en quelque sorte les oreilles de Sylvia. Seulement, dans le vieux verger situé hors de vue, derrière un pli de terrain, une grive prolongeait incessamment les fredons aigus de sa chanson matinale.

Sylvia passa lentement devant la maison et descendit vers ce bout de jardin, sauvage et désert, qu’elle avait tant et tant de fois parcouru. Auprès de l’ancien puits, les successeurs des Robson avaient creusé une pompe ; innovation aussi choquante pour Sylvia que pour le puits lui-même. La chaîne rouillée était enroulée autour du cabestan ; le seau desséché, fendillé, tombait en miettes. De quelque appentis sortit un pauvre chat, étonnant de maigreur, à qui la faim arrachait de plaintifs miaulements ; il accompagna Sylvia au jardin comme s’il était charmé de retrouver quelque société humaine ; mais il se refusait au moindre contact.

Parmi les touffes d’herbes à baies, qui poussaient vigoureusement de toutes parts dans un désordre fécond, Sylvia se fraya un chemin jusqu’à l’endroit, bien connu d’elle, où croissait la plante qu’elle venait chercher ; elle en détacha les feuilles naissantes, et de temps en temps laissait quelques légers soupirs s’échapper de sa poitrine. Puis elle revint sur ses pas, s’arrêta tout émue devant la porte de la maison, monta sous le porche, et posa ses lèvres sur le bois insensible avec un attendrissement dont elle-même ne se rendait pas compte. Elle essaya d’attirer le chat dans ses bras pour l’emporter chez elle et lui faire un sort plus heureux ; mais cette tentative effaroucha l’animal, qui courut se réfugier dans son inaccessible retraite, laissant derrière lui comme un vert sentier sur la rosée blanche de la prairie. Alors Sylvia se remit en route pour rentrer chez elle, s’abandonnant à ses pensées, à ses souvenirs, jusqu’au moment où, parvenue à la barrière posée entre le domaine et le chemin, elle se trouva soudainement arrêtée.

Sur le sentier, en dehors de l’étroite issue, un homme était debout, tournant le dos au soleil matinal. Elle ne vit de lui, tout d’abord, que son uniforme ; c’était celui de la marine royale, et les habitants de Monkshaven, à cette époque, le connaissaient bien.

Sylvia passa rapidement près de lui, sans regarder en arrière, bien que sa robe eût presque frôlé l’habit de ce personnage immobile. Elle n’avait pas fait un pas de plus, — non pas même un demi-pas, — lorsqu’elle sentit son cœur bondir et retomber dans sa poitrine comme si une balle l’eût traversé de part en part.

« Sylvia ! disait l’étranger d’une voix que le bonheur et la passion faisaient trembler… Sylvia !… »

Elle tourna la tête ; lui-même avait changé de position, et les rayons du jour, maintenant, tombaient d’aplomb sur son visage. Ce visage était bronzé ; ses traits s’accentuaient plus fortement, mais c’était bien le même qu’elle avait vu pour la dernière fois, trois longues années auparavant, dans l’étroit défilé de Haytersbank, et qu’elle ne s’attendait plus, depuis longtemps, à revoir en ce bas monde.

Il s’était rapproché d’elle et lui tendait les bras ; comme attirée par la fascination d’autrefois, elle arriva toute chancelante sur le cœur qui l’appelait ; mais quand elle se sentit enveloppée, étreinte dans ces bras robustes, elle tressaillit et se dégagea brusquement avec un cri qui déchira l’air, portant en même temps ses mains à son front comme pour écarter une sorte de vapeur magique, un enivrement, un éblouissement qui pouvaient la perdre.

Puis elle le regarda de nouveau, et s’il avait pu lire dans ses yeux, il y eût trouvé un récit tragique.

Deux fois elle ouvrit, pour parler, ses lèvres rebelles, et deux fois les paroles qu’elle allait prononcer rentrèrent au fond de son cœur, où les rappelait le sentiment d’une misère écrasante.

Il crut l’avoir abordée trop soudainement, et ce fut avec des paroles atténuées, une sorte de murmure amoureux qu’il essaya de la ramener dans ses bras avides. Mais à peine comprit-elle ce mouvement que, par un geste rapide, elle sembla vouloir l’écarter, et, avec un gémissement inarticulé, se prenant encore une fois la tête à deux mains, elle se mit à courir aveuglément vers la ville, comme pour y chercher une protection.

Pendant une ou deux minutes, cette conduite si étrange parut avoir arrêté sur place l’étranger surpris et déconcerté ; mais il l’interpréta de nouveau par ce qu’avait eu de trop soudain le hasard de leur rencontre, et il se jeta sur les traces de la fugitive, marchant assez vite pour ne pas la perdre de vue, sans chercher cependant à la rejoindre trop tôt.

« Je lui ai certainement fait peur, à cette chère enfant, » se disait-il persistant dans son idée. Elle servait à refréner son impatience et à ralentir son allure habituelle ; parfois, cependant, il se trouvait si près de Sylvia qu’elle reconnaissait le bruit de ses pas, et dans son exaltation insensée elle songea un instant à chercher l’apaisement de sa douleur sous l’eau de cette rivière qui courait, large et rapide, à quelques pas d’elle. Dans cette voie fatale, quelle pensée l’arrêta ? Peut-être le souvenir de l’enfant qu’elle allaitait, peut-être celui de sa vieille mère infirme ; peut-être un ange envoyé par le Seigneur. Nul ne le saura jamais ; ce qui est certain, c’est que, persistant à courir le long des quais, elle se détourna tout à coup et se précipita dans une porte ouverte.

L’étranger, qui l’avait toujours suivie, arriva ainsi dans une salle basse, obscure et tranquille, où un déjeuner de famille était servi. La brusque transition du plein jour aux ténèbres lui fit croire, tout d’abord, que la fugitive avait passé outre et qu’il était seul : aussi s’arrêta-t-il avec un mouvement de dépit, prêtant l’oreille et sans rien entendre que les battements de son cœur ; mais un souffle haletant, une sorte de sanglot impossible à comprimer lui fit porter ses regards autour de lui, et il aperçut alors Sylvia tapie derrière la porte, la tête enfouie sous ses vêtements, en proie à des tressaillements nerveux, à de violents soubresauts qui ébranlaient toute sa personne.

Il se rapprocha d’elle aussitôt, et avec les plus douces paroles, se reprochant de l’avoir ainsi alarmée, il essayait d’écarter les mains dont elle se couvrait le visage ; mais, par un effort énergique, cherchant pour ainsi dire un coin plus reculé, une obscurité plus complète, elle se dérobait à ces violences caressantes. Elle eût voulu disparaître, s’abîmer sous terre à jamais.

« Sylvia, lui dit-il enfin essayant d’une autre tactique, on croirait que mon retour ne vous cause aucune joie : me reprocheriez-vous de n’être pas venu plus tôt ?… Je ne suis ici que depuis hier au soir, et la première pensée de mon réveil a été pour vous… Depuis que je vous ai quittée, d’ailleurs, il en est toujours ainsi… »

Sylvia retira les mains qui voilaient sa face, et la laissa voir enfin, plus pâle que celle d’une morte. Ses yeux profonds, à force de désespoir, n’exprimaient plus aucun sentiment.

« Où étiez-vous ? lui demanda-t-elle très bas, d’une voix rauque et pour ainsi dire étranglée.

— Où j’étais ? dit-il, et ses yeux s’allumèrent. Un soupçon nouveau, plus sérieux que le premier, venait de poindre dans son esprit… Où j’étais ? répéta-t-il ; et faisant alors un pas vers elle, il lui prit la main, non plus avec tendresse comme naguère, mais résolûment, hardiment, en homme qui réclame des explications immédiates.

— Votre cousin… Hepburn, veux-je dire, ne vous a-t-il pas raconté ce qu’il avait vu ?… Il était là, cependant, lorsque la press-gang est tombée sur moi… Je lui donnai pour vous un message… Je vous demandais de me garder votre foi comme je vous garderais la mienne… »

Entre chaque phrase il s’arrêtait, attendant, bouche béante, qu’elle lui répondît. Aucune réponse n’arriva ; les yeux dilatés de la jeune femme demeuraient fixés, et pour ainsi dire captifs, dans le regard effaré dont il les couvrait en lui parlant ainsi. Quand il eut fini, elle resta muette un moment ; puis, d’une voix perçante, irritée :

« Philip ! » s’écria-t-elle. Personne ne vint.

Alors, d’une voix plus pénétrante encore et plus furieuse :

« Philip ! » s’écria-t-elle de nouveau.

Du fond de l’entrepôt, — où il hâtait la besogne du matin pour ne pas retarder le déjeuner de sa femme aussitôt qu’elle serait rentrée, — Philip entendit ce dernier cri qui traversa la maison, les portes fermées, l’air immobile, et vint le chercher derrière son rempart de ballots. Il pensa que Sylvia s’était blessée, que l’état de Bell Robson empirait, que leur enfant était malade, et il se hâta d’accourir vers l’endroit d’où la voix était partie.

En ouvrant la porte qui séparait le magasin du salon, il vit, lui tournant le dos, un officier de marine et sa femme, à lui, prosternée, presque étendue sur le parquet ; dès qu’elle l’aperçut elle se redressa, s’accrochant, s’étayant au bras d’un fauteuil et comme une aveugle, à tâtons, vint se placer debout devant lui.

L’officier fit volte-face d’un air farouche et sembla vouloir s’élancer vers Philip, tellement étourdi par ce spectacle inattendu que, même alors, il ne s’expliquait ni la présence ni l’identité de l’étranger.

Mais Sylvia posa sa main sur le bras de Kinraid, réclamant ainsi, par un simple geste, le droit de parler la première. Sa voix avait tellement changé que Philip n’en reconnut pas les accents.

« Mon ami, disait-elle, voici Kinraid… Il revient pour m’épouser… Il n’a pas péri, comme tu vois… Il a été simplement enlevé par la press-gang… Il affirme que tu étais présent, que tu n’as rien ignoré… En est-il ainsi ?… Parle, explique-toi ! »

Philip ne savait que répondre, à quel expédient recourir, sous quelles paroles chercher abri.

Jusque-là l’influence de Sylvia s’était trouvée assez puissante pour réduire Kinraid au silence ; mais bientôt il lui devint impossible de se contenir.

« Parlez ! s’écria-t-il, se dégageant aisément de la faible étreinte qui l’arrêtait et s’avançant vers Philip dans une attitude menaçante… Ne vous ai-je pas chargé de lui dire ce qui en était… de lui porter l’assurance de ma fidélité… de réclamer en mon nom l’exécution de sa promesse ?… Comment, vil misérable, vous lui avez caché tout ceci ?… vous lui avez laissé croire que j’étais mort, ou que je me jouais de sa parole ?… Tenez ! »

Et sa main était déjà levée pour châtier cet homme dont la tête pliait sous un double fardeau de honte et de remords ; mais Sylvia se jeta rapidement au-devant du coup.

« Charley, disait-elle, tu ne saurais le frapper !… C’est un vil misérable, en effet, (ceci dit sur le ton à la fois le plus dur et le plus calme), mais, après tout, c’est mon mari.

— Cœur déloyal, s’écria Kinraid se tournant soudain vers elle… Entre toutes les femmes, Sylvia Robson, c’est de vous que je me serais le moins défié. »

En même temps, il accompagna ces mots d’un geste de mépris qui semblait la repousser loin de lui. Ranimée soudain par cette espèce d’insulte :

« Épargne-moi, Charley ! s’écria-t-elle, bondissant jusqu’à lui… Ne fais pas comme lui, aie pitié de moi !… Si tu pouvais savoir comme je t’aimais… quel deuil j’ai gardé de toi… comme j’ai conservé pieusement les reliques de ton amour… Ne t’éloigne pas, écoute-moi, puis étends-moi morte à tes pieds, et je te bénirai… Quand je te croyais mort, n’ai-je pas ardemment souhaité, souhaité mille fois d’aller te rejoindre !… Cet homme qui est là pourrait te le dire… Tu le savais, Philip… Dis-lui que je ne mens pas !

— Plût à Dieu que je fusse mort, » gémissait le malheureux, bourrelé par sa conscience. Mais déjà elle s’était retournée du côté de Kinraid, et ni l’un ni l’autre ne prenaient plus garde à lui, absorbés tous deux, l’une dans ses paroles enflammées, l’autre dans l’attention qu’il leur portait.

« Sais-tu, reprit Sylvia, qu’ils ont emprisonné mon père ? ils l’ont jugé, ils l’ont supplicié pour être venu en aide à de pauvres malheureux, victimes comme toi de la press-gang… Oui, Charley… ce bon, ce tendre père a péri sur la potence… Ma mère, sous ce coup terrible, a presque perdu la raison… Nous étions sans ressources, ruinées, on nous chassait… Et toi, Charley, je te croyais mort. »

Insensiblement rapprochés l’un de l’autre, ils étaient à ce moment enlacés dans une mutuelle étreinte et, la tête appuyée sur l’épaule du jeune marin, Sylvia laissait librement déborder ses larmes.

Philip s’avança comme pour l’entraîner ; mais Charley la retint plus étroitement que jamais, jetant à Philip un défi silencieux. Sylvia, sans le savoir, protégeait alors son mari contre une atteinte que la fureur de Kinraid risquait de rendre mortelle.

« Écoutez-moi, Sylvia, disait ce malheureux cherchant toujours à la dégager, il ne vous a jamais aimée comme moi… Avant vous il avait séduit, il avait trompé d’autres jeunes filles… Vous seule avez eu mon cœur, et que vous m’aimiez ou non, ce cœur restera vôtre jusqu’à la mort… Que vous dirai-je encore ?… Je le savais infidèle à d’autres… Devais-je penser que tu l’aurais à jamais fixé ?… C’est ce qui m’a retenu… Je ne dis pas que j’aie eu raison… Mais comment vous porter ce message ?… C’était ma mort, savez-vous ?… Comprenez donc que je vous aime plus que jamais femme ne fut aimée !… Au nom de cet amour, pardonnez-moi ! »

Il la regardait, à ces mots, dans une attente fiévreuse, et quand il vit qu’elle n’avait pas même écouté son ardente adjuration, cette attente fit place au désespoir. Il cessa de l’attirer à lui, et son bras inerte retomba le long de son corps.

« Maintenant je puis mourir, disait-il ; rien ne me rattache à la vie.

— Sylvia, reprit alors Kinraid emporté par son impétueuse ardeur, votre mariage est nul… Votre consentement n’a été obtenu que par une ruse infâme… Vous êtes ma femme et non la sienne… Nous étions engagés l’un à l’autre par une solennelle promesse… Et, voyez, voyez plutôt ! »

Il tirait de son sein, disant ceci, la moitié d’une pièce d’argent fixée à son cou par un ruban noir.

« Dans ces prisons de France où on m’a fouillé vingt fois, je suis parvenu à sauver ceci… Notre serment mutuel n’a pu être détruit par un mensonge… Les moyens ne me manquent pas pour faire rompre ce prétendu mariage… Mon amiral me protège… Son amitié, son appui ne me feront pas faute… Venez avec moi !… ce mariage sera rompu et nous en contracterons un autre, à la face du ciel et de la terre… Sortons !… Laissons à ce misérable le remords de son indigne fraude et de sa déloyauté envers un honnête marin… Vouons à l’oubli le passé… Marchons en toute confiance vers un avenir qui ne nous trompera pas… Allons, Sylvia, suivez-moi ! »

De son bras entourant la taille de la jeune femme et le visage animé par tous les feux de l’espérance, il l’entraînait déjà vers la porte… L’enfant, justement alors, poussa un léger cri.

« Écoute, dit-elle se dégageant, écoute, Kinraid !… cet enfant m’appelle… Cet enfant, c’est le sien et j’allais l’oublier… J’oubliais tout… Je me serais perdue… Le serment que je vais prononcer me sauvera… Jamais je ne pardonnerai à cet homme… jamais je ne le reconnaîtrai pour mon mari… Tout est fini entre nous !… Il a flétri ma vie, il l’a flétrie à jamais ; mais ni vous ni lui ne flétrirez mon âme… Croyez-moi, Charley, la destinée m’est bien dure… Encore faut-il s’y soumettre… Un baiser donc, un seul baiser, et ensuite, — Dieu m’en soit témoin, Dieu me punisse si je faiblis, — je ne vous reverrai plus, de ce côté de la tombe !… Liée par un double serment, je ne manquerai ni à l’un ni à l’autre… Je sais à quoi je m’oblige, à quoi je renonce pour jamais… Un baiser donc, un dernier baiser !… Dieu me vienne en aide, il est parti… »