Les Aventures de Til Ulespiègle/LXXXI
CHAPITRE LXXXI.
auprès du feu de son hôte.
uand il eut fait la malice, Ulespiègle partit
promptement de Rostock et s’en alla dans
un village, où il se logea dans une misérable
auberge où il n’y avait guère de quoi manger. L’aubergiste avait plusieurs enfants, ce qu’Ulespiègle
n’aimait guère. Ulespiègle attacha son cheval
à l’écurie, puis il entra dans la maison et s’approcha
du feu ; mais il trouva le foyer froid et la maison
vide. Il comprit bien qu’il n’y avait là rien que misère.
Il dit à l’aubergiste : « Monsieur l’hôte, vous
avez de mauvais voisins. – Oui, Monsieur, répondit
l’hôte ; ils me volent tout ce que j’ai dans la maison. »
Ulespiègle se mit à rire, pensant que l’aubergiste
était un homme de même humeur que lui, et il
aurait eu bien envie de rester, n’eût été les enfants,
qu’il ne pouvait souffrir. Bientôt il s’aperçut qu’ils
allaient derrière la porte, l’un après l’autre, faire
leurs nécessités. Alors il dit à l’aubergiste : « Comment
vos enfants sont-ils si malpropres ? N’ont-ils
pas un endroit où ils puissent faire leurs nécessités,
ailleurs que derrière la porte ? – Monsieur, dit l’aubergiste,
qu’est-ce que cela vous fait ? Pour moi,
cela m’est indifférent, je m’en vais demain. » Ulespiègle
ne dit rien, et quand il en eut envie, il fit un
gros tas d’ordure auprès du feu. L’aubergiste entra
comme il était en train, et dit : « Que le diable t’emporte !
tu fais dans le foyer ! Est-ce que la cour n’est
pas assez grande ? – Monsieur l’hôte, qu’est-ce que
cela vous fait ? Pour moi, cela m’est indifférent,
je m’en vais à l’instant. » Là-dessus il monta à cheval
et partit. L’aubergiste lui criait : « Arrête, et
enlève-moi cela du foyer ! » Ulespiègle répondit :
« Que celui qui reste le dernier nettoie la maison, il
enlèvera mes ordures avec les vôtres. »