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Les Quatre Évangiles (Crampon 1864)/Jean/15

La bibliothèque libre.
Traduction par Augustin Crampon.
Tolra et Haton (p. 490-493).
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saint Jean


CHAPITRE XV


SUITE DU DISCOURS APRÈS LA CÈNE : PARABOLE DE LA VIGNE ET DES SARMENTS. — EXHORTATION A DEMEURER DANS LA CHARITÉ ET L’UNION AVEC JÉSUS-CHRIST. — HAINE ET PERSÉCUTION DU MONDE INCRÉDULE.


Je suis la vraie vigne[1], et mon Père est le vigneron. Tout sarment qui ne porte pas de fruit en moi, il le retranchera ; et celui qui porte du fruit, il l’émondera, afin qu’il en porte davantage. Déjà vous êtes purs à cause des paroles que je vous ai dites[2]. Demeurez en moi, et moi en vous. Comme le sarment ne peut porter de fruit de soi-même, s’il ne demeure uni à la vigne, ainsi vous ne le pouvez non plus, si vous ne demeurez en moi. Je suis la vigne, vous êtes les sarments. Celui qui demeure en moi, et moi en lui, portera beaucoup de fruit : car sans moi vous ne pouvez rien faire. Celui qui ne demeure pas en moi sera jeté dehors comme le sarment, et il séchera ; on le[3] ramasse, et on le jette au feu, et il brûle. Si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous, vous demanderez tout ce que vous voudrez, et il vous sera accordé. C’est la gloire de mon Père que vous s portiez beaucoup de fruit, et que vous deveniez mes disciples[4].

9 Comme mon Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour[5]. Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme moi-même j’ai gardé les commandements de mon Père[6], et je demeure dans son amour. Je vous ai dit ces choses, afin que ma joie soit en vous, et que votre joie soit pleine[7]. Ceci est mon commandement[8]. que vous vous aimiez les uns les autres, comme je vous ai aimés. Nul ne peut avoir un plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis[9]. Vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous commande. Je ne vous appellerai plus serviteurs, parce que le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; mais je vous ai appelés mes amis, parce que tout ce que j’ai entendu du Père, je vous l’ai fait connaître[10]. Ce n’est pas vous qui m’avez choisi ; mais c’est moi qui vous ai choisis et vous ai établis, pour que vous alliez et rapportiez du fruit, et que votre fruit demeure, en sorte que tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, il vous le donne[11]. Je vous commande ceci, de vous aimer les uns les autres.

18 Si le monde vous hait, sachez qu’il m’a haï le premier. Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui est à lui ; mais parce que vous n’êtes pas du monde, et que je vous ai choisis du milieu du monde, à cause de cela le monde vous hait[12]. Souvenez-vous de la parole que je vous ai dite[13] : « Le serviteur n’est pas plus grand que son maître. » S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi ; s’ils ont gardé ma parole, ils garderont aussi la vôtre. Mais ils vous feront tout cela à cause de mon nom, parce qu’ils ne connaissent point celui qui m’a envoyé. Si je n’étais pas venu, et que je ne leur eusse point parlé, ils n’auraient point de péché[14] ; mais maintenant ils n’ont point d’excuse de leur péché. Celui qui me hait, hait aussi mon Père. Si je n’avais point fait parmi eux des œuvres que nul autre n’a faites, ils n’auraient point de péché ; mais maintenant ils ont vu, et ils me haïssent, moi et mon Père, afin que soit accomplie la parole qui est écrite dans leur loi : « Ils m’ont haï sans sujet[15]. » Mais lorsque sera venu le Paraclet que je vous enverrai du sein du Père, l’Esprit de vérité qui procède du Père, il rendra témoignage de moi[16]. Et vous aussi vous rendrez témoignage, parce que vous êtes avec moi dès le commencement[17].

  1. D’après Allioli, Notre-Seigneur dit cette parabole en descendant du mont Sion, d’où la vue s’étendait sur les vignobles situés aux environs ; mais le docte interprète semble oublier qu’en ce moment la nuit était venue. Ad. Maier conjecture que l’occasion de cette parabole fut la coupe consacrée que Notre-Seigneur présenta à ses disciples à la fin de la Cène. — Vraie, parce que les sarments unis à elle en reçoivent une sève (la grâce, principe de la vie surnaturelle) et des fruits meilleurs que ceux qu’une vigne donne à ses rameaux. Saint Jean dit dans le même sens : La vraie lumière, le vrai pain.
  2. Après la Cène. D’autres : à cause de ma doctrine que vous avez entendue et reçue docilement dans vos cœurs.
  3. Le, c’est-à-dire le sarment.
  4. Mes vrais disciples.
  5. De votre côté, persévérez dans l’amour que vous avez pour moi.
  6. En venant sur la terre et en mourant pour les hommes.
  7. Ces choses : vers. 1-10. — Ma joie, la joie qui vient de moi, qui est donnée par moi. Patrizzi : Afin que la joie que me fait éprouver votre amour soit (en grec demeure) toujours en vous, c’est-à-dire que votre fidélité à mon service me la fasse toujours goûter.
  8. Le commandement propre à la religion de Jésus-Christ, appelé ailleurs nouveau (xiii, 34). Ce vers. continue le vers. 10.
  9. Pour ceux qu’on aime, amis ou ennemis.
  10. Tout, avec les restrictions indiquées par le bon sens, et xiv, 23, 26 ; xvi, 12.
  11. En sorte que : le choix que j’ai fait de vous et votre dignité d’apôtres auront pour résultat que tout ce que vous demanderez, etc.
  12. « Ce n’est pas que les hommes du monde s’aiment les uns les autres : c’est tout le contraire, et tout le monde est rempli de haines et de jalousies ; mais c’est que les plaisirs et les intérêts du monde font des liaisons et des commerces agréables. Mais les disciples de Jésus-Christ n’ont rien qui plaise au monde. Le monde veut des flatteurs : on n’y vit que de complaisances mutuelles, en s’applaudissant l’un à l’autre. A quoi bon un chrétien ? Il est inutile : il n’entre ni dans nos plaisirs ni dans nos affaires, qui ne sont que fraudes ; sa vie simple et innocente est une censure de la nôtre : il faut le faire mourir, puisqu’il ne fait que troubler nos joies (Sag. ii, 12, 15, 20). Chrétiens, innocent troupeau, c’est ce qui vous fait la haine du monde ! » Bossuet.
  13. Chap. xiii, 16, quoique dans un autre sens.
  14. Le péché d’incrédulité et de haine contre le Fils de Dieu.
  15. Ps. xxxiv, 19 ; lxviii, 5.
  16. Attestant que je suis le Fils de Dieu, non-seulement par l’illumination intérieure, mais par les divers dons qu’il mettra dans les fidèles, et qui frapperont les regards, les dons de prophétie, des langues, des miracles, etc.
  17. « Ce sera un témoignage irréprochable, rendu par des personnes qui ont tout vu ; un témoignage sincère, confirmé par l’effusion de votre sang. » Bossuet.