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Les Quatre Évangiles (Crampon 1864)/Jean/20

La bibliothèque libre.
Traduction par Augustin Crampon.
Tolra et Haton (p. 516-519).
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saint Jean


CHAPITRE XX


RÉSURRECTION ET DIVERSES APPARITIONS DE JÉSUS-CHRIST (Matth. xxviii, 1 sv. Luc, xxiv, 1 sv.).


Le jour d’après le sabbat, premier jour de la semaine, dès le matin, avant que les ténèbres fussent dissipées, Marie Madeleine vint au sépulcre[1], et elle vit qu’on en avait ôté la pierre. Elle courut donc, et vint trouver Simon Pierre et cet autre disciple que Jésus aimait[2], et leur dit : Ils ont enlevé le Seigneur du sépulcre, et nous ne savons où ils l’ont mis. Pierre sortit avec l’autre disciple, et ils vinrent au sépulcre. Ils couraient tous deux ensemble, et l’autre courut plus vite que Pierre[3], et arriva le premier au sépulcre. Et s’étant penché, il vit les linceuls posés à terre ; mais il n’entra pas. Simon Pierre, qui le suivait, arriva ensuite, et entra dans le sépulcre, et vit les linges posés à terre, et le suaire qui couvrait sa tête, non posé avec les linges, mais plié en un lieu à part. Alors l’autre disciple qui était arrivé le premier au sépulcre, entra aussi ; et il vit, et il crut[4] : car ils n’avaient pas encore compris ce que dit l’Écriture, qu’il fallait qu’il ressuscitât d’entre les morts[5]. Les disciples donc s’en retournèrent chez eux.

11 Mais Marie[6] se tenait dehors près du sépulcre, versant des larmes ; et en pleurant elle se pencha, et regarda dans le sépulcre ; et elle vit deux anges vêtus de blanc, là où avait été mis le corps de Jésus, l’un à la tête, l’autre aux pieds. Ils lui dirent : Femme, pourquoi pleurez-vous ? Elle leur dit : Parce qu’ils ont enlevé mon Seigneur, et je ne sais où ils l’ont mis. Ayant dit cela, elle se retourna, et vit Jésus debout ; et elle ne savait pas que c’était Jésus[7]. Jésus lui dit : Femme, pourquoi pleurez-vous ? Qui cherchez-vous ? Elle, pensant que c’était le jardinier, lui dit : Seigneur, si c’est vous qui l’avez enlevé, dites-moi où vous l’avez mis, et je l’emporterai[8]. Jésus lui dit : Marie. Elle, se retournant, lui dit : Rabboni, c’est-à-dire Maître[9]. Jésus lui dit : Ne me touchez point, car je ne suis pas encore remonté vers mon Père. Mais allez à mes frères[10], et dites-leur : Je monte vers mon Père et votre Père, mon Dieu et votre Dieu. Marie-Madeleine vint aux disciples, disant : J’ai vu le Seigneur, et il m’a dit cela.

19 Sur le soir du même jour, qui était le premier de la semaine, les portes du lieu où les disciples se trouvaient rassemblés étant fermées de peur des Juifs, Jésus vint, et debout au milieu d’eux[11], il leur dit : La paix soit avec vous. Ce qu’ayant dit, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur[12]. Il leur dit de nouveau : La paix soit avec vous. Comme mon Père vous a envoyés, moi aussi je vous envoie[13]. Ayant dit ces paroles, il souffla sur eux et leur dit : Recevez l’Esprit-Saint[14]. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis ; et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus[15].

24 Or Thomas, un des Douze, appelé Didyme, n’était pas avec eux lorsque Jésus vint[16]. Les autres disciples lui dirent donc : Nous avons vu le Seigneur. Mais il leur dit : Si je ne vois dans ses mains la marque des clous, et ne mets mon doigt à la place des clous, et ma main dans son côté, je ne croirai point. Huit jours après, ses disciples étant encore dans le même lieu[17], et Thomas avec eux, Jésus vint, les portes fermées, et debout au milieu d’eux, il leur dit : La paix soit avec vous. Puis il dit à Thomas : Mets ton doigt là, et vois mes mains ; approche ta main, et mets-la dans mon côté ; et ne sois pas incrédule, mais fidèle. Thomas lui répondit[18] : Mon Seigneur et mon Dieu ! Jésus lui dit : Parce que tu as vu, Thomas, tu as cru. Heureux ceux qui n’ont point vu, et qui ont cru[19] !

30 Jésus fit encore devant ses disciples beaucoup de miracles, qui ne sont pas écrits dans ce livre[20]. Mais ceux-ci sont écrits, afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et que, croyant, vous ayez la vie en son nom.

  1. Pour embaumer Jésus (Marc, xvi, 1) ; elle n’était point seule, comme on le voit au vers. suiv. — Sur les diverses apparitions de Notre-Seigneur ressuscité, voy. p. 366, note 1.
  2. Saint Jean.
  3. Sans doute parce qu’il était plus jeune.
  4. Que Jésus était ressuscité : l’état dans lequel il trouva le suaire et les linges n’indiquait pas qu’on eût enlevé son corps, comme le pensait Madeleine. Saint Jean n’avait pas cru aussitôt après avoir entendu Madeleine ; car ils, etc. : voy. le vers. suiv.
  5. Par exemple Ps. xv, 10. Notre-Seigneur lui-même avait parlé plusieurs fois de sa résurrection à ses Apôtres ; mais leurs fausses idées sur le royaume du Messie les empêchaient sans doute de prendre à la lettre ce qu’il leur disait.
  6. Qui était revenue au sépulcre.
  7. Tant elle était troublée ; Jésus avait sans doute aussi quelque chose d’extraordinaire dans l’air et dans la voix.
  8. Le jardinier, le maître du jardin : comp. xix, 41. — Enlevé : elle croit qu’il a entendu ce qui est dit au vers. 13. — Je l’emporterai, pour l’inhumer ailleurs.
  9. Madeleine, ne recevant pas de suite la réponse qu’elle attendait, avait sans doute fait un mouvement d’un autre côté ; mais ayant reconnu Jésus lorsqu’il dit : Marie, elle se jeta aussitôt à ses pieds en les embrassant.
  10. Ne me touchez point, ne vous arrêtez pas si longtemps à embrasser mes genoux ; vous pourrez le faire plus tard à loisir, car je suis encore pour quelque temps sur la terre. — Mes frères : que les Apôtres ne craignent plus, ils sont mes frères : mon Père par nature est leur Père par adoption ; bientôt je remonterai au ciel, et je leur préparerai une place. Cette recommandation n’exclut pas celle que rapporte saint Matth. xxviii, 10.
  11. Jésus se trouva tout à coup au milieu de ses disciples, son corps glorieux, doué de subtilité, selon le langage des théologiens, n’étant arrêté par aucun obstacle.
  12. Son côté : saint Luc (xxiv, 39, 40) parle aussi de ses pieds. Notre-Seigneur voulut, dit saint Ambroise, porter dans son corps glorieux les cicatrices de ses plaies, comme des trophées de sa victoire sur la mort, l’enfer et le péché ; il les conserve jusque dans le ciel, afin de montrer continuellement à son Père le prix de notre rédemption, et de nous obtenir tout, en intercédant par elles en notre faveur. — Le Seigneur, et en le reconnaissant à ses plaies.
  13. Avec la même autorité et pour la même fin.
  14. Ce souffle était le symbole de la communication de l’Esprit-Saint.
  15. S’il était possible d’élever un doute sur le sens naturel de ces paroles, l’Église, infaillible dans ses décisions, l’aurait fait disparaître par l’interprétation qu’elle en a donnée : « Si quelqu’un dit que ces paroles du Seigneur : Recevez le Saint-Esprit, etc., ne doivent pas être entendues du pouvoir de remettre et de retenir les péchés dans le sacrement de pénitence, comme l’Église catholique les a toujours entendues depuis le commencement… qu’il soit anathème. » Conc. de Trente, sess. xiv, can. 3.
  16. Quand reçut-il le Saint-Esprit et le pouvoir de remettre les péchés ? En même temps que les autres Apôtres, répondent Maldonat et D. Calmet, sa présence n’étant pas une condition absolument nécessaire ; — après ce qui est raconté au vers. 28, dit Corn. Lapierre, car auparavant sa foi était trop imparfaite.
  17. A Jérusalem.
  18. Avant d’avoir eu recours à cette épreuve.
  19. Tu as cru que je suis ressuscité. — Plus heureux ceux qui, plus tard, n’auront point vu et croiront.
  20. Les vers. 30-31 sont l’épilogue du quatrième évangile.