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Les Quatre Évangiles (Crampon 1864)/Luc/05

La bibliothèque libre.
Traduction par Augustin Crampon.
Tolra et Haton (p. 278-281).
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saint Luc


CHAPITRE V


PÊCHE MIRACULEUSE. — GUÉRISON D’UN LÉPREUX (Matth. viii, 1 sv. ; Marc, i, 40), ET D’UN PARALYTIQUE (Matth. ix, 1 sv. ; Marc, ii, 1 sv.). — VOCATION DE SAINT MATTHIEU. — POURQUOI LES DISCIPLES DE JÉSUS NE JEÛNENT POINT (Matth. ix, 9 ; Marc, ii, 13).


Un jour que Jésus était sur le bord du lac de Génésareth, la foule se précipitant sur lui pour entendre la parole de Dieu, il vit, attachées au rivage, deux barques d’où les pêcheurs étaient descendus et lavaient leurs filets. Montant dans une des barques, qui était à Simon, il le pria de s’éloigner un peu de terre ; et, s’étant assis, il enseignait le peuple de dessus la barque. Lorsqu’il eut cessé de parler, il dit à Simon : Avance en pleine mer, et jetez vos filets pour pêcher. Simon lui répondit : Maître, nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre ; mais, sur votre parole, je jetterai le filet. L’ayant jeté, ils prirent une si grande quantité de poissons, que leur filet se rompait. Et ils firent signe à leurs compagnons, qui étaient dans une autre barque, de venir à leur aide. Ils y vinrent, et ils remplirent les deux barques, au point qu’elles étaient près de couler à fond. Ce que voyant Simon Pierre, il tomba aux pieds de Jésus, en disant : Éloignez-vous de moi, Seigneur, parce que je suis un pécheur. Car il était dans la stupeur, et tous ceux qui étaient avec lui, à la vue des poissons qu’ils avaient pris ; il en était de même de Jacques et de Jean, fils de Zébédée, qui étaient associés de Simon. Et Jésus dit à Simon : Ne crains point, car désormais ce sont des hommes que tu prendras. Aussitôt, ramenant leurs barques à terre, ils quittèrent tout et le suivirent[1].

12 Comme il était dans une ville, voilà qu’un homme tout couvert de lèpre, apercevant Jésus, se prosterna la face contre terre, et le pria en disant : Seigneur, si vous voulez, vous pouvez me guérir. Jésus, étendant la main, le toucha et lui dit : Je le veux, soyez guéri ; et à l’instant sa lèpre disparut. Et il lui défendit d’en parler à personne ; mais allez, lui dit-il, montrez-vous aux prêtres, et offrez pour votre guérison le don prescrit par Moïse, en témoignage pour eux. Or, sa renommée se répandait de plus en plus, et on venait par troupes nombreuses pour l’entendre et pour être guéri de ses maladies. Mais il se retirait dans la solitude et priait.

17 Un jour qu’il était assis enseignant, des Pharisiens et des Docteurs de la Loi, venus de tous les villages de Galilée et de Judée, et de la ville de Jérusalem, étaient assis autour de lui, et la vertu du Seigneur[2] opérait pour guérir les malades. Et voilà que des gens, portant sur un lit un homme paralytique, cherchaient à le faire entrer et à le mettre devant lui. Et n’en trouvant pas le moyen à cause de la foule, ils montèrent sur le toit, et, par les tuiles, ils le descendirent avec le lit au milieu de tous devant Jésus. Voyant leur foi, il dit : Homme, vos péchés vous sont remis. Alors les Scribes et les Pharisiens commencèrent à dire en eux-mêmes : Qui est celui-ci qui profère des blasphèmes ? Qui peut remettre les péchés, que Dieu seul ? Jésus, connaissant leurs pensées, leur dit : Que pensez-vous en vos cœurs ? Lequel est le plus facile de dire : Vos péchés vous sont remis ; ou de dire : Levez-vous et marchez ? Mais afin que vous sachiez que le Fils de l’homme a le pouvoir sur la terre de remettre les péchés ; je vous le commande, dit-il au paralytique, prenez votre lit et vous en allez en votre maison. Et aussitôt, se levant devant eux, il prit le lit où il était couché, et s’en alla dans sa maison en glorifiant Dieu. Et ils furent tous frappés de stupeur, et ils glorifiaient Dieu, et, remplis de crainte, ils disaient : Nous avons vu aujourd’hui des choses prodigieuses.

27 Après cela il sortit, et ayant vu un publicain nommé Lévi, assis au bureau du péage, il lui dit : Suivez moi. Et, laissant tout, il se leva et le suivit. Lévi lui fit ensuite un grand banquet dans sa maison ; et il y avait une foule nombreuse de publicains et d’autres qui étaient à table avec eux. Et les Pharisiens et les Scribes murmuraient et disaient à ses disciples : Pourquoi mangez-vous et buvez-vous avec des publicains et des pécheurs ? Jésus prenant la parole leur dit : Ce ne sont pas les sains qui ont besoin de médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs à la pénitence.

33 Alors ils lui dirent : Pourquoi les disciples de Jean et ceux des Pharisiens jeûnent-ils et prient-ils souvent, et que les vôtres mangent et boivent ? Il leur répondit : Pouvez-vous faire jeûner les fils de l’époux, tandis que l’époux, est avec eux ? Viendront des jours où l’époux leur sera enlevé ; ils jeûneront en ces jours-là. Il leur proposa aussi cette comparaison : Personne ne met à un vieux vêtement un morceau pris à un vêtement neuf : autrement on déchire le neuf, et le morceau convient mal au vêtement vieux[3]. Personne non plus ne met le vin nouveau dans des outres vieilles : autrement, le vin nouveau rompant les vaisseaux, il se répandra, et les outres seront perdues. Mais il faut mettre le vin nouveau dans des outres neuves, et tous les deux se conservent. Et personne, venant de boire du vin vieux, n’en demande aussitôt du nouveau, car il dit : Le vieux est meilleur.

  1. Cette vocation de saint Pierre, etc., est postérieure à celle qui est racontée Matth. iv, 17 sv. ; Marc. i, 16 sv. Appelés une première fois, ces disciples s’étaient mis dans la compagnie de Jésus, mais sans rester constamment à sa suite. Désormais ils ne se sépareront plus de lui. Patrizzi.
  2. Ce n’est pas le seul endroit de saint Luc où le mot Dominus, Seigneur, soit employé pour désigner Jésus-Christ.
  3. Les anciennes prescriptions ne conviennent pas aux disciples de la loi nouvelle, et ces mêmes disciples (vers. 39) ne sont pas encore en état de suivre les pratiques de pénitence que j’établirai plus tard dans mon Église.