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Les Quatre Évangiles (Crampon 1864)/Luc/18

La bibliothèque libre.
Traduction par Augustin Crampon.
Tolra et Haton (p. 338-341).
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saint Luc


CHAPITRE XVIII


LA PRIÈRE : PARABOLES DE LA VEUVE IMPORTUNE ET DU JUGE, DU PHARISIEN ET DU PUBLICAIN. — JÉSUS, L’AMI DES ENFANTS (Matth. xix, 13 ; Marc, x, 12). — LE JEUNE HOMME QUI ASPIRE À LA PERFECTION (ibid.). — SALUT DES RICHES DIFFICILE (ibid.). — RÉCOMPENSE PROMISE A CEUX QUI QUITTENT TOUT POUR JÉSUS-CHRIST (ibid.). — PASSION PRÉDITE (Matth. xx, 17 ; Marc, x, 32). — GUÉRISON D'UN AVEUGLE PRÈS DE JÉRICHO.


Il leur disait encore cette parabole, pour montrer qu’il faut toujours prier et ne se lasser jamais[1] : Il y avait dans une ville un juge qui ne craignait point Dieu, et ne se souciait point des hommes. Dans cette même ville était une veuve qui venait à lui, disant : Faites-moi justice de mon adversaire. Et pendant longtemps il ne le voulut point ; mais enfin il dit en lui-même : Quoique je ne craigne pas Dieu et ne me soucie point des hommes, cependant, parce que cette veuve m’importune, je lui ferai justice, afin qu’elle ne m’accable plus de ses continuelles instances. Vous entendez, ajouta le Seigneur, ce que dit ce juge inique. Et Dieu ne vengerait pas ses élus qui jour et nuit crient vers lui, et il différerait de les secourir ? Je vous le dis, il les vengera bientôt. Mais, lorsque le Fils de l’homme viendra, trouvera-t-il de la foi sur la terre[2] ?

9 A quelques-uns qui se confiaient en eux-mêmes, comme étant justes, et méprisaient les autres, il dit encore cette parabole : Deux hommes montèrent au temple pour prier, un Pharisien et un publicain. Le Pharisien, debout, priait ainsi en lui-même : Mon Dieu, je vous rends grâces de ce que je ne suis pas comme les autres hommes, qui sont voleurs, injustes et adultères, ni comme ce publicain. Je jeûne deux fois la semaine[3] ; je paie la dîme de tout ce que je possède. Le publicain, se tenant éloigné, n’osait pas même lever les yeux au ciel ; mais il frappait sa poitrine en disant : Mon Dieu, ayez pitié de moi qui suis un pécheur. Je vous le dis, celui-ci s’en retourna justifié dans sa maison, et non pas l’autre ; car quiconque s’élève sera abaissé, et quiconque s’abaisse sera élevé.

15 On lui présentait aussi des petits enfants, pour qu’il les touchât ; ce que voyant, ses disciples les repoussaient avec de rudes paroles. Mais Jésus les appelant, dit : Laissez les enfants venir à moi, et ne les empêchez point ; car le royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent. En vérité, je vous le dis, quiconque ne recevra pas comme un enfant le royaume de Dieu, n’y entrera point.

18 Alors un homme de qualité lui demanda : Bon Maître, que dois-je faire pour posséder la vie éternelle ? Jésus lui dit : Pourquoi m’appelez-vous bon ? Nul n’est bon que Dieu seul. Vous connaissez les commandements : « Tu ne tueras point ; tu ne commettras point d’adultère ; tu ne déroberas point ; tu ne porteras point de faux témoignage ; honore ton père et ta mère. » Il répondit : J’ai gardé tous ces commandements depuis ma jeunesse. Ce qu’entendant, Jésus lui dit : Une chose vous manque encore : Vendez tout ce que vous avez, et le donnez aux pauvres, et vous aurez un trésor dans le ciel ; puis venez, et suivez-moi. Mais lui, entendant ces paroles, devint triste, parce qu’il était fort riche. Voyant qu’il était devenu triste, Jésus dit : Que difficilement ceux qui ont des richesses entreront dans le royaume de Dieu ! Il est plus facile à un chameau de passer par le chas d’une aiguille, qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu. Et ceux qui l’écoutaient lui dirent : Qui peut donc être sauvé ? Il leur dit : Ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu[4].

28 Pierre lui dit alors : Voici que nous avons tout quitté pour vous suivre. Il leur dit : En vérité, je vous le dis, nul n’aura laissé sa maison, ou ses parents, ou ses frères, ou son épouse, ou ses enfants, à cause du royaume de Dieu, qui ne reçoive beaucoup plus en ce siècle même, et dans le siècle à venir la vie éternelle.

31 Ensuite Jésus prit à part les Douze, et leur dit : Voici que nous montons à Jérusalem, et que va s’accomplir tout ce que les Prophètes ont écrit du Fils de l’homme. Car il sera livré aux Gentils, et moqué, et flagellé, et couvert de crachats ; et après qu’ils l’auront flagellé, ils le mettront à mort, et il ressuscitera le troisième jour. Mais ils ne comprirent rien à cela, et cette parole leur était cachée, et ils ne comprenaient point ce qui leur était dit.

35 Comme il approchait de Jéricho, il arriva qu’un aveugle était assis sur le bord du chemin, mendiant. Entendant passer beaucoup de gens, il demanda ce que c’était. On lui dit que c’était Jésus de Nazareth qui passait. Aussitôt il s’écria : Jésus, fils de David, ayez pitié de moi. Ceux qui marchaient devant le gourmandaient pour le faire taire ; mais il criait beaucoup plus encore : Fils de David, ayez pitié de moi. Alors Jésus s’arrêtant, commanda qu’on le lui amenât, et quand il se fut approché, il lui demanda : Que voulez-vous que je vous fasse ? Il lui dit : Seigneur, que je voie. Et Jésus lui dit : Voyez, votre foi vous a sauvé. Il vit aussitôt, et il le suivait en glorifiant Dieu. Et tout le peuple, voyant cela, rendit gloire à Dieu[5].

  1. « Cette prière perpétuelle se fait lorsque, ayant prié à ses heures, on recueille de sa prière et de sa lecture quelque vérité ou quelque mot, qu’on conserve dans son cœur, et qu’on rappelle sans effort de temps en temps, en se tenant le plus qu’on peut dans un état de dépendance envers Dieu, en lui exposant son besoin, c’est-à-dire en le lui remettant devant les }’eux sans rien dire. Alors, comme la terre entr’ouverte et desséchée semble demander la pluie, seulement en exposant au ciel sa sécheresse : ainsi l’âme, en exposant ses besoins à Dieu. Et c’est ce que dit David : Mon âme, ô Seigneur, est devant vous comme une terre desséchée (Ps. cxlii, 6). Seigneur, je n’ai pas besoin de vous prier : mon besoin vous prie, mon indigence vous prie, ma nécessité vous prie. Tant que cette disposition dure, on prie sans prier, et Dieu entend ce langage. Voilà une des manières de prier toujours, et peut-être la plus efficace. » Bossuet.
  2. Cette réflexion indique que la parabole précédente se rapporte en premier lieu aux épreuves que le petit nombre des fidèles auront à souffrir, dans les derniers temps, de la part des ennemis de Jésus-Christ, et dont, après une prière persévérante, ils seront tout à coup délivrés par l’apparition du Fils de l’homme.
  3. Les Israélites pieux observaient chaque semaine deux jours de jeûne, le lundi et le jeudi, et cette pratique de mortification inspirait un grand orgueil aux Pharisiens.
  4. Qui peut donner au riche l’esprit d’humilité et de détachement.
  5. Ce miracle ne doit pas être confondu avec celui que raconte saint Marc, x, 46 sv., et qui eut lieu le lendemain, lorsque Jésus sortait de Jéricho. Voyez Matth. xx, 34, note.