Les Stances (Jean Moréas)/44

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Les StancesSociété du Mercure de France (p. 97-98).

VI


Relève-toi, mon âme, et redeviens la cible
De mille flèches d’or :
Il faut qu’avec ma main cette Minerve horrible
Frappe la lyre encor.

L’arbre portant ses fruits, le vent qui le renverse,
Sur le front d’un ami
La pâle mort déjà, la trahison qui berce
Le soupçon endormi,


L’étoile à l’horizon, le phare sur le môle,
La coupe au cristal fin
Que j’ai jetée ainsi par-dessus mon épaule,
Toute pleine de vin,

Et chacun de mes jours, tels qu’une fleur qui passe
Sur l’onde et disparaît :
Dans mon destin comment sauraient-ils trouver place
Cet espoir, ce regret ?