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Les mystères de Montréal/XXXI

La bibliothèque libre.
Les mystères de Montréal (Feuilleton dans Le Vrai Canard entre 1879 et 1881)
Imprimerie A. P. Pigeon (p. 98-100).

XX

CONCLUSION.


Bénoni après l’attentat sur Ursule était resté à St-Jérôme où il espérait rencontrer Caraquette.

Il avait fait la connaissance avec l’homme de cour du curé et par son influence il avait obtenu de l’emploi dans les mines de fer.

Bénoni était un licheur de première force.

Son gosier était devenu un véritable Sahara.

Il buvait comme les sables de ce désert.

Lorsqu’il était cassé il recourait à des emprunts effectués au détriment de la bourse d’Ursule.

La pauvre fille avait épuisé le petit trésor de ses économies pour satisfaire aux exigences de son amant.

Pendant la visite de Caraquette Bénoni était entré dans la cuisine de la comtesse où son amoureuse était en train de faire le blanchissage de la maison.

Ursule, les cheveux en désordre était penchée sur sa cuve et s’usait les jointures sur une planche à laver. Des grosses gouttes de sueurs perlaient sur le front de la jeune fille et tombaient dans la cuve d’où s’élevait une buée fade et chaude.

Bénoni, qui était entré en titubant s’approche de la jeune fille et lui passa un bras autour de la taille.

Ursule lâcha le linge qu’elle frottait sur les cannelures de sa planche et d’un coup de coude violent elle se débarrassa de l’étreinte du pochard en disant :

— Veux-tu t’arrêter !

Bénoni d’une voix entrecoupée par des hoquets chargés des effluves de la boisson qu’il avait bue, lui répondit :

— Tiens, Ursule, il y a pas de « go-long ». Faut que tu me prêtes trente sous, je te remettrai ça dans le temps du gagne.

— Bénoni, il y a longtemps que tu m’achales pour de l’argent. Cré sans cœur ! tu viens trouver une créature pour avoir trente sous. Faut que ça finisse !

— Cré tête sèche ! Est-ce comme ça que tu traites un ami ? Tire-moi un trente sous de suite ou je te fais péter ma main sur les babines.

— Pas d’affaires ! Bénoni ! j’ai mon lavage à faire et si tu ne fiches pas ton camp tout de suite j’appelle la bourgeoise.

— Je m’en moque de ta bourgeoise. Ho là ! Ursule, tire ton argent ou bien t’attraperas une gnôle dont tu te souviendras pendant quelque temps.

Ursule se replia le corps au-dessus de sa cuve et recommença à frotter son linge sur la planche.

Bénoni saisit son amante par son waterfall et la renversa.

Bénoni était en train de donner une tripotée à Ursule lorsque la comtesse parut dans l’entrebâillement de la porte de la cuisine.

La présence de la bourgeoise eut pour effet d’assobrir Bénoni.

Madame n’eut qu’à dire quelques mots pour rétablir l’ordre dans sa maison.

D’un geste majestueux elle montra la porte au tapageur qui s’empressa de décamper.

Caraquette, après une heure de conversation avec la comtesse, la décida à partir le lendemain matin pour Montréal.

Le train de sept heures ramena dans Montréal la comtesse de Bouctouche, Ursule, Caraquette et Bénoni, ce dernier s’était fait payer son passage par Ursule.

Caraquette rendu à son hôtel devint jongleur.

La police n’avait pas mis la main sur le voleur du trésor de Bouctouche. Partant il lui était impossible de payer la rente à la comtesse.

Celle-ci pour échapper à la misère loua un magasin sur la rue Craig et ouvrit un débit de tabac, de cigares et de ginger ale.

En arrière du magasin, dans son salon particulier, elle vendait de la boisson sans licence.

Les habitués de son café étaient Caraquette et Bénoni.

Ursule servait la « bar » et par son minois agaçant elle faisait venir l’eau au moulin.

Cléophas, de son côté, menait la vie à grandes guides, semant l’or autour de lui.

Il apprit par l’entremise d’une des pratiques de la comtesse que Caraquette le cherchait avec des détectives pour le livrer à la police. Il résolut de se venger.

Un soir, il engagea le père Sansfaçon pour faire le tour de la montagne.

En revenant en ville il entendit de la musique dans le restaurant de Madame de Bouctouche. Il entra dans la boutique et rencontra Caraquette et Bénoni.

Naturellement il eut des coups de donnés. On brisa les carafes, les chaises et une partie de l’ameublement.

La police arriva et toute la maisonnée fut arrêtée.

Traduits devant le recorder les prisonniers furent condamnés chacun à trois mois de prison pour avoir tenu une maison déréglée.

Le petit Pite passe ses vacances à Ste-Thérèse.

Le père Sansfaçon n’a pas été plus heureux que les autres. Il a été trouvé ivre dans sa voiture, sur la rue Jacques-Cartier, et condamné à un mois de prison.

Ursule a été internée au Bon-Pasteur.