Lettres à Sixtine/Rentré dans ma chambre, et debout

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Lundi soir, 11 h.


RENTRÉ dans ma chambre, et debout, sur un meuble qui me sert de pupître, je veux passer encore un peu de temps avec toi. Je pense qu’en ce moment tu es joyeuse ou triste à cause de moi, si Patrice a réussi ou pas. Te faire partager des succès, ce serait bien bon, mais les déboires ?

Oh ! cet éloignement m’exaspère, me rendrait fou ou stupide. Je n’en supporterais pas une heure de plus. Quand je suis parti, je ne savais vraiment pas à quoi je me condamnais, mais quand je l’aurais su !

Et voici que je te revois sur le quai du départ, sans mouvement, droite, comme la statue de l’adieu, et il me semble que tu es restée là, immobile, depuis le temps et que si je revenais par là, je t’y retrouverais.

J’ai encore au cœur l’angoisse de cette minute.

Bonsoir, ma chère femme ; je m’endors et je m’éveille avec toi ; la mer gronde, le vent souffle, la nuit est sans lune, c’est l’heure des évocations.

Pour racheter la laideur de ma lettre je la parfume de ces trois petites feuilles que j’ai découvertes tantôt.