Lettres écrites d’Égypte et de Nubie en 1828 et 1829/26

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VINGT-SIXIÈME LETTRE.


Au lazaret de Toulon, le 26 décembre 1829.


À M. le baron de la Bouillerie, intendant général de la maison du roi.

Monsieur le Baron,

Mon premier devoir, en touchant la terre de France, est de renouveler l’expression de toute ma gratitude à la main protectrice qui, secondant les hautes vues du roi pour l’avancement des études historiques, m’a généreusement fourni les moyens d’accomplir la série des recherches que la science montrait encore à faire dans l’Égypte entière et sur le sol de la Nubie. Je me suis efforcé, par mon complet dévouement à l’importante entreprise que vous m’avez mis à même d’exécuter, de ne point rester au-dessous d’une si noble tâche et de justifier de mon mieux les espérances que les savants de l’Europe ont bien voulu attacher à mon voyage.

L’Égypte a été parcourue pas à pas, et j’ai séjourné partout où le temps avait laissé subsister quelques restes de la splendeur antique ; chaque monument est devenu l’objet d’une étude spéciale ; j’ai fait dessiner tous les bas-reliefs et copier toutes les inscriptions qui pouvaient fournir des lumières sur l’état primitif d’une nation dont le vieux nom se mêle aux plus anciennes traditions écrites.

Les matériaux que j’ai recueillis ont surpassé mon attente. Mes portefeuilles sont de la plus grande richesse, et je me crois permis de dire que l’histoire de l’Égypte, celle de son culte et des arts qu’elle a cultivés ne sera bien connue et justement appréciée qu’après la publication des dessins qui sont le fruit de mon voyage.

Je me suis fait un devoir de consacrer toutes les économies qu’il m’a été possible de réaliser à des fouilles exécutées à Memphis, à Thèbes, etc., pour enrichir le musée Charles X de nouveaux monuments ; j’ai été assez heureux pour réunir une foule d’objets qui compléteront diverses séries du Musée égyptien du Louvre ; et j’ai enfin réussi, après bien des doutes, à faire l’acquisition du plus beau et du plus précieux sarcophage qui soit encore sorti des catacombes égyptiennes. Aucun musée de l’Europe ne possède un si bel objet d’art égyptien. J’ai réuni aussi une collection d’objets choisis d’un très-grand intérêt, parmi lesquels se trouve une statuette de bronze d’un travail exquis, entièrement incrustée en or, et représentant une reine égyptienne de la dynastie des Bubastites. C’est le plus bel objet connu de ce genre.

Je me hâterai, autant que l’obligation de la quarantaine et l’état de ma santé pourront me le permettre, de me rendre à Paris le plus tôt possible, afin d’avoir l’honneur de mettre sous vos yeux, Monsieur le baron, tous les résultats de mon voyage. Je m’estimerais heureux si vous vouliez bien voir en eux une marque de mon zèle pour le service du roi, et en même temps une preuve de la vive reconnaissance et du respectueux dévouement avec lesquels j’ai l’honneur d’être, Monsieur le baron, votre, etc.