Lettres de Jules Laforgue/151

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Lettres. — II (1883-1887)
Texte établi par G. Jean-Aubry, Mercure de France (Œuvres complètes de Jules Laforgue. Tome Vp. 213-214).
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À TEODOR DE WYZEWA

[Début d’août 1887.]
Mon cher Ami,

Quel effort de prendre la plume quand on passe ses journées à sommeiller dans un fauteuil !

Et il fait si chaud.

Mais quelque éveil me vient. Je passe de bonnes nuits ayant imaginé de ne plus dormir dans un lit, mais dans mon fauteuil arrangé ; la position un peu assise me supprimant la toux. Et puis nous recevons de la glace chaque jour.

À quoi pouvez-vous bien passer vos journées à Cracovie ? Avez-vous emporté de la besogne ? Entreprenez-vous quelque chose ? Ceci serait intéressant. Quand le feriez-vous en effet ? Mais, d’autre part, le rêve et rien que le rêve, n’est-ce pas ?

Racontez-moi donc une journée de Cracovie ; je regarderai sur la carte.

Je suppose que vous n’avez pas un besoin immédiat de la petite somme que je vous dois ? cent francs me sont tombés du ciel il y a une semaine, dette à laquelle je n’eusse jamais plus pensé, et d’un homme de lettres.

À part cela, je ne fais rien. Vous ne me parlez pas de la solution de M. May. Cela ne vous a-t-il pas semblé risible ?

Je ne coupe si brusquement ma lettre — je souffre un peu — qu’avec la résolution de vous écrire un de ces jours vraiment et autrement. En vérité, vous êtes le seul pour qui je pouvais prendre la plume par cette torpeur.

Votre dévoué pour toujours,
Jules Laforgue.

Ma femme vous serre cordialement la main.