Livre pour l’enseignement de ses filles du Chevalier de La Tour Landry/Chapitre 46

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Chappitre XLVIe
De la IXe folie de Eve


La IXe folie et la greigneur fut la derrenière ; car, quant Dieu la mist à raison pourquoy elle avoyt trespassé son commandement et fait pechier son seigneur, lors elle excusa et dist que le serpent lui avoit fait faire et conseillié. Dont elle cuida allegier son pechié pour chargier autruy. Dont il sembla que Dieu s’en courrouça plus que devant, pour ce que Dieux lui respondist que dont de là en avant en seroit la bataille entre elle et l’ennemy, pour ce qu’elle crut contre luy et qu’elle vouloit estre pareille à Dieu, et pour ce qu’elle passa son commandement, et pour ce qu’elle creut plus l’ennemy que lui qui l’avoit faicte, et pour ce qu’elle deceut son seigneur par son fol conseil et que elle s’esforça de excuser son meffaict et son pechié, et pour cestes causes Dieu ordonna la bataille entre homme et femme et l’ennemy. Car moult il desplut à Dieu l’excusacion, comme il fait aujourd’uy de telz qui viennent à confession devant leur prestre, qui est en lieu de Dieu, si se excusent en leur confession devant leur prestre, et pollicent leur meffait, c’est-à-dire qu’ilz ne dient pas leurs pechiés sy vilment comme ilz ont meffait, et en ont honte de le dire ; maiz ilz n’avoient pas honte de le faire. Et pour ce ilz ressamblent à nostre première mère Eve qui se excusoit. Maiz saint Pol dit que qui veult estre bien nettoyé et lavé, il doit dire aussy laidement contre luy et plus comment il le fait, ou autrement il n’est point nettoyé. Car, si comme dist saint Père, tout aussi comme demeure voulentiers le larron là où l’en le celle et là où l’en muce son larrecin, et ne va pas voulentiers là où l’en l’escrie et hue, tout aussy est-il de l’ennemy qui emble les ames par ses temptacions, et se muce et reboute ès corps et ès lieux où il n’est pas escrié, ne hué, ne descovert par confession ; car celui qui se confesse souvent et menu l’escrie et le hue, et est la chose qui soit qu’il plus het et craint. Sy vous laisse à parler de nostre première mère Eve et comment l’ennemy la fist pechier et errer.

Si vous parleray comment nulle saige femme ne doit estre trop hastive de prendre les nouveautés ne les premières cointises, comment un sains homs en prescha nagaires, et après ycelle matière vous parleray de l’exemple d’un chevalier qui ot trois femmes, sur celle matière, et puis je retourneray au compte et à la matière des mauvaises femmes, comme il est contenu ou livre de la Bible, et comment il leur prist mal, et pour estre exemplaire de vous en garder. Après la matière des mauvaises femmes, je vous compteray des bonnes, et comment l’Escripture les loue.