Lotus de la bonne loi/Notes/Chapitre 1

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Lotus de la bonne loi
Version du soûtra du Lotus traduite directement à partir de l’original indien en sanscrit.
Traduction par Eugène Burnouf.
Librairie orientale et américaine (p. 285-341).
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NOTES.

CHAPITRE PREMIER.

f. 1Après l’invocation à tous les Buddhas et Bôdhisattvas, on lit une stance qui n’appartient certainement pas au Saddharma puṇḍarîka même, et qu’on doit mettre sur le compte de quelque ancien copiste. Cependant, comme elle se trouve dans les quatre manuscrits que j’ai eus entre les mains, je n’ai pas cru devoir l’omettre. Je la donne ici telle que la comparaison des manuscrits me permet de la corriger ; les lecteurs qui auront la curiosité de recourir au manuscrit de la Société asiatique, base première de ma traduction, reconnaîtront sans peine les fautes de ce manuscrit.

वैपुल्यसूत्रराजं परमार्थनयावतारनिर्द्रेशं ।  सडर्मपुण्ड​रीकं सत्त्वाहय महापथं वक्ष्ये ॥

Ce distique peut se traduire ainsi : « J’exposerai le Saddharma puṇḍarîka (le lotus blanc de la bonne loi), ce roi des Sûtras Vâipalyas, qui est l’enseignement, la communication et la règle de la vérité suprême, et la grande voie de la réalité. » Il nous apprend à quelle catégorie des écritures buddhiques appartient cet ouvrage ; c’est à celle que l’on nomme les Sûtras Vâipalyas, ou Sûtras de développement. J’ai amplement expliqué ailleurs ce qu’il fallait entendre par ce terme de Sûtra développé[1]. La définition que la stance précitée donne de notre Sûtra est surabondamment justifiée par la forme même sous laquelle il nous est parvenu, forme qui est celle des Sûtras les plus étendus, c’est-à-dire de ceux qui sont composés de deux rédactions, l’une en prose et l’autre en vers. Quant au titre même du livre, que j’ai traduit par le Lotus de la bonne loi, on pourrait encore le reproduire de cette manière : le Lotus blanc de la loi des gens de bien. En effet, puṇḍarika signifie, d’après l’Amarakocha, lotus blanc[2], et saddârmah se traduirait très-exactement par satâm dharmah, « la loi des hommes vertueux. » La version que j’ai adoptée me paraît cependant préférable en ce qu’elle est plus simple. Elle s’accorde d’ailleurs avec celle que mon savant confrère M. Stan. Julien propose pour le titre de la version chinoise du Saddharma puṇḍarîka, dans la grande liste d’ouvrages buddhiques chinois qu’il vient d’insérer au Journal asiatique[3]. Le titre de Saddharma donné à la loi de Çâkyamuni est certainement ancien dans le Buddhisme ; et l’on verra dans un des paragraphes du no X de l’Appendice, qui est relatif à la valeur du mot anyatra, que le terme de saddharma se trouve déjà dans les anciennes inscriptions buddhiques de Piyadasi.

Voici ce que j’ai entendu.] Cette formule caractérise avec précision les ouvrages de la collection buddhique du Népâl auxquels on attribue une autorité canonique. Elle se retrouve également sous la forme de êvam mê satam, au commencement de tous les Suttas pâlis de Ceylan que j’ai pu examiner jusqu’ici. C’est, comme je l’ai remarqué ailleurs, le lien par lequel les livres qui font autorité chez les Buddhistes se rattachent au personnage inspiré, fondateur du Buddhisme, qui, selon le témoignage des textes et en particulier de ceux de Ceylan, passe pour n’avoir rien écrit, mais pour avoir toujours communiqué sa doctrine par la voie de l’enseignement oral[4]. Au reste, en traduisant ce début, Evam maya çrutam êkasmin samayê, j’ai rejeté les mots êkasmin samayê au commencement de la phrase suivante, et je les ai séparés de la formule, « Il a été ainsi entendu par moi. » Il se pourrait faire que j’aie eu tort de détacher ces deux derniers mots, et qu’il fallût les laisser unis aux précédents, de cette manière : « Voici ce que j’ai entendu un jour. » C’est du moins de cette façon que I. J. Schmidt rend l’interprétation tibétaine de cette formule sanscrite[5], et M. Foucaux en fait autant au début de sa traduction du Lalita vistara tibétain[6]. Une observation semble venir à l’appui de cette version, c’est que si on supprime la formule complète, y compris les mots êkasmin samayê, on a le commencement d’un Avadâna, classe de livres qui, comme je l’ai dit autre part, ne diffère guère de celle des Sûtras que par l’absence de la formule, « Il a été ainsi entendu par moi[7] ». Or si c’est là, ainsi que je le pense, un caractère fondamental, quoique extérieur pour la distinction de ces deux espèces de livres, ne peut-on pas dire que les mots êkasmin samayê ne se trouvant pas en tête des Avadânas, appartiennent forcément à la formule êvam maya çratam ? Cette disposition des termes du texte est moins conforme aux règles du placement des mots en sanscrit que celle que j’ai suivie dans ma traduction ; mais une considération de ce genre n’est que de peu de valeur, maintenant que nous savons à quelle distance des compositions classiques de la littérature brâhmanique doivent se placer les livres religieux des Buddhistes du Nord. Si l’on préfère cette seconde interprétation, on traduira de la manière suivante le début du Saddharma : « Voici ce que j’ai entendu un jour : Bhagavat se trouvait à Râdjagrĭha. »

Bhagavat se trouvait.] L’expression que les textes sanscrits du Népâl emploient invariablement pour rendre cette idée est viharati sma ; c’est aussi celle dont les Suttas pâlis de Ceylan font usage. On voit clairement que c’est de ce verbe vi-hrĭ qu’a été formé le mot vihâra, nom des monastères buddhiques. Un vihâra est donc le lieu où se trouve le Buddha ou les Religieux qui suivent sa loi[8]. Je me suis expliqué ailleurs sur l’importance du titre de Bhagavat, par lequel on désigne constamment dans les livres canoniques Çâkyamuni Buddha[9]. Je montrerai que l’ancienneté et l’authenticité de son emploi sont établies par une des inscriptions du roi buddhiste Piyadasi, dans un des paragraphes du n° X de l’Appendice, qui est relatif aux noms de Buddha, Bhagavat, Râhula et Saddharma.

À Râdjagrĭha.] Voyez, touchant cette ville célèbre dans l’histoire du Buddhisme, l’introduction à l’histoire du Buddhisme indien, t. I, p. 100, et les autorités auxquelles j’ai renvoyé en cet endroit.

La montagne de Grĭdhrakâta.] C’est la célèbre montagne du Pic du Vautour, située non loin de Râdjagrĭha, et où a longtemps séjourné Çâkyamuni. Une trace de cet ancien nom se retrouve dans la dénomination moderne de Giddore. Voyez sur ce point important la relation du voyage de Fa hian avec les éclaircissements qui l’accompagnent[10], et une note spéciale de l’Introduction à l’histoire du Buddhisme indien, t. I, p. 629, note 5.

Une grande troupe de Religieux.] J’aurais dû, pour plus d’exactitude, traduire : « avec une grande Assemblée de Religieux. » Le texte se sert en effet ici du mot composé bhikchu samgha qui est un terme propre au style buddhique, désignant d’une manière collective l’Assemblée, c’est-à-dire la réunion des Auditeurs du Buddha. Je me suis expliqué ailleurs en détail sur la signification propre et sur l’application de ce terme[11] ; je renvoie le lecteur pour ce que j’ai cru nécessaire d’en dire de plus, au no I de l’Appendice qui suit ces notes.

Douze cents Religieux.] La version tibétaine porte : « deux mille myriades de Religieux ; » c’est une exagération qui ne se trouve pas dans le texte original.

Tous Arhats.] Le mot Arhat, qui signifie vénérable ou digne personnage, désigne l’homme parvenu au degré le plus élevé parmi les Religieux ou bhikchus. J’ai dit ailleurs que les Buddhistes de toutes les écoles, ceux du Nord, comme ceux du Sud, interprétaient ce mot comme s’il était écrit ari-hat, meurtrier de l’ennemi[12]. » Clough, dans son Dictionnaire singhalais, donne les deux interprétations, celle que fournit la grammaire sanscrite et celle qu’ont adoptée les Buddhistes ; il tire en effet arhat de arh, « mériter, » ou de ari, « l’ennemi, » c’est-à-dire les passions, et hat, « celui qui détruit. » « Arhat, dit-il, est celui qui a complètement détruit le klêça ou la passion, et qui conséquemment est préparé pour le Nirvâṇa. C’est la première des neuf qualités éminentes d’un Buddha, dites navaguna[13]. » Cette interprétation systématique du mot arhat, qui a son origine dans les sources indiennes, est passée de là dans les traductions qu’en ont faites les peuples chez lesquels s’est introduit le Buddhisme. Ainsi les Tibétains traduisent uniformément le titre de arhat par dgra-btchom-pa, « le vainqueur de l’ennemi. » Les Mongols, soit à leur exemple, soit directement d’après les textes sanscrits, ce qui est moins vraisemblable, ont adopté la même interprétation[14]. Les Chinois la connaissent également ; et Abel Rémusat, dans sa traduction inédite du Vocabulaire pentaglotte buddhique, rend par hostiam debellator la version chinoise du sanscrit arhat.

Exempts de toute faute.] Le texte se sert du mot kchinâçrava, qui, littéralement rendu, signifie « celui en qui les péchés ou les souillures sont détruites. » Je traduis le mot açrava (qui dans les manuscrits du Saddharma puṇḍarika est fréquemment écrit âsrava), par « péché, souillure, » d’après l’autorité de Abhidharma kôça vyâkhyâ, qui interprète l’adjectif amala, « sans tache, » se rapportant à pradjñâ, « la sagesse, la science, » par anâçrava, et qui ajoute que mala est synonyme d’açrava[15]. Wilson donne açrava avec le sens de « faute, transgression, » et c’est ce qui me fait préférer cette orthographe à celle d’açrava. J’ajouterai que Turnour entend de la même manière l’épithète de khînâsava, qui ne se représente pas moins fréquemment dans les textes pâlis du Sud, que kchiṇâçravan dans les ouvrages sanscrits du Nord. On trouve en effet dans sa traduction du Mahavam̃sa pâli, l’épithète khîṇâsava rendue par who had overcome the dominion of sin[16]. J’ai cru cette remarque nécessaire, parce que ma traduction pourrait donner à penser que les Arhats ici désignés sont naturellement et par le seul effet de leurs perfections natives, exempts de toute faute. Le texte, au contraire, en se servant du terme de kchiṇâçrava, veut dire que ces Religieux avaient détruit et en quelque sorte usé les imperfections naturelles qui étaient auparavant en eux. Nous verrons plus bas comment les Buddhistes chinois ont interprété ce terme, pour s’être strictement attachés à sa valeur étymologique[17].

Sauvés de la corruption du mal.] Le texte se sert du mot nichklêça, qui est formé de nich + kléça ; on trouvera à l’Appendice, sous le no II, une note sur la valeur du mot klêça, que son étendue n’a pas permis de placer ici.

Parvenus à la puissance.] Le mot que je traduis ainsi est vaçibhûta, et cette orthographe est celle de mes quatre manuscrits ; or, s’il s’agissait ici de sanscrit classique, et en suivant l’autorité du Dictionnaire de Wilson, on devrait traduire ce mot par « subjugué, soumis à la volonté d’un autre. » Mais cette idée est contradictoire à celle de la haute puissance qu’on suppose aux Arhats. J’ai donc préféré le sens de la version tibétaine, où les mots dvang-dang-ldan-pargyur-pa doivent signifier « devenu puissant, dominateur. « Il semble en effet que vaçibhûta soit une orthographe altérée de vaçibhûta (de vaçin et bhûta), où vaçi (thème vaçin) est pris au sens actif (volontaire), et est placé tout infléchi au nominatif près de bhûta qui n’a presque aucun sens, de manière qu’on peut l’entendre ainsi : « devenu ayant l’autorité, devenu maître par sa volonté. » On doit, ce me semble, appliquer ici l’interprétation que les scolies de Hêmatchandra donnent de vaçitâ, « fascination, action de soumettre à sa volonté : » têchu vaçi svatantrô bhavati , « il est parmi eux (les éléments) maître à volonté, indépendant [18]». C’est vraisemblablement d’après cette analyse qu’ont traduit les Tibétains. Je me trouve encore confirmé dans mon interprétation par l’emploi que font les Buddhistes du Sud du terme de vasîbhâva, qui est le substantif exprimant l’état abstrait dont nous avons ici l’adjectif. Certainement quand on dit du Buddha qu’il est vasîbhâvappattô, en parlant des dix forces dont il dispose en maître, on ne veut pas dire qu’il soit parvenu à l’état de sujétion, mais au contraire on entend exprimer le plus haut degré de sa puissance[19]. De même encore, parmi les mérites attribués par les Buddhistes du Sud aux Disciples accomplis, on trouve l’expression tchêtôvasippattâ, « ceux qui ont obtenu l’empire sur leur esprit, ou sur leurs pensées[20]. « J’avoue cependant que ce terme, où ne reparaît plus le verbe bhû, fait penser à un substantif abstrait, tel que vaçî, auquel il faudrait nécessairement donner le sens de « domination, empire. » Mais ce mot est emprunté à un manuscrit très-incorrect, surtout par omission, et il n’est pas certain qu’on ne doive pas lire tchêtovasibhâvappattâ, ou même tchétôvasihkâvappattâ. L’épithète de vâçibhâta est attribuée au Buddha Çâkyamuni par le Lalita vistara[21].

Sachant tout.] Trois manuscrits lisent le mot que je traduis ainsi, राजनेयै : ou राजन्मयै ; leçons entre lesquelles il n’est pas facile de décider, parce que dans l’écriture sanscrite du Népâl, la voyelle é n’est d’ordinaire que très-faiblement marquée. Mais le manuscrit de la Société asiatique lit seul राजन्येयै, en reportant le r des autres copies à la fin du mot précédent सुविमुत्कप्रज्ञै. Si l’on admet cette dernière leçon, il ne doit plus être question ici d’un dérivé du mot râdjan, « roi, » comme pourrait être râdjanya ou râdjanêya, ainsi qu’on serait tenté de le supposer d’après nos trois autres manuscrits. Ce qui démontre l’exactitude de la leçon donnée par le Saddharma de la Société asiatique, c’est qu’on trouve dans une énumération des titres religieux et philosophiques d’un Buddha, le mot même qui nous occupe en ce moment, accompagné d’une autre qualité qui sera indiquée dans la note suivante. Voici ce passage : Adjânêyatchitta ityutchyatê mahânâga ityutchyatê[22]. Le Lalita vistara de la Société asiatique lit le mot en question âyânêyatchitta, leçon qui est certainement fautive. Il résulte toujours de la comparaison de ce passage avec le terme obscur du Saddharma, que c’est âdjanêyâiḥ, ou mieux âdjânêyâiḥ qu’il faut lire. — À s’en tenir au Dictionnaire de Wilson, on devrait traduire ce mot par « cheval de bonne race, » sens qui est justifié par cette stance de l’Açvatantra, citée dans le Trésor de Râdhâkânt Dêb :

शम्किभिर्भिन्नहदया: स्खलन्तो ऽ पि पदे पदे ।आजानन्ति यत: सँज्ञामाजानेयास्तत: स्मृता: ॥

« Parce que les chevaux, quoique tombant à chaque pas, le cœur déchiré par les lances, reconnaissent encore leur nom, on les appelle âdjânêya[23]. » Ce distique nous montre cependant que ce n’est pas du radical djan, « engendrer, » comme semblerait l’indiquer le sens de « cheval de bonne race, » qu’il faut tirer le dérivé âdjânêya, mais bien de djñâ, « connaître. » Cette circonstance m’a décidé en faveur du sens que j’ai choisi. Je m’y suis trouvé encore confirmé par la version tibétaine qui traduit l’adjectif âdjânêya par tchang-ches-pa, « sachant ou comprenant tout. » L’idée de totalité est probablement exprimée par la préposition â qui ouvre le mot. Ce terme se trouve également en pâli, où il est écrit âdjañña; il figure dans une des épithètes d’un Buddha, celle de purisâdjanna, laquelle suit immédiatement les trois titres de buffle, lion, éléphant, qu’on va voir, par la note suivante, attribués à Çâkyamuni. C’est le Djina alam̃kâra qui nous donne cette série de titres, où chaque terme exprime au moyen d’animaux connus par leur vigueur, l’éminence et la supériorité du Buddha[24]. Il en résulte que purisâdjañña signifie, « qui est parmi les hommes comme le meilleur cheval parmi les chevaux. » Enfin je trouve ce mot sous sa forme pâlie cité incidemment et orthographié d’une manière inexacte adjanna, dans la traduction d’un texte de Buddhaghôsa par Turnour[25]. Il faut corriger ce mot d’après le Djina alam̃kâra et le Dîgha nikâya, qui donne aussi purisâdjañña comme épithète du Buddha[26].

Semblables à de grands éléphants.] Le mot dont se sert ici le texte est nâga ; et l’on pourrait être en doute sur la signification spéciale qu’il faut lui assigner ici. Il ne peut être question dans ce passage des Nâgas, ces demi-dieux serpents qui habitent les régions situées sous la terre. En effet, ces êtres sont considérés par les Buddhistes, ainsi que par les Brâhmanes, comme des créatures imparfaites et nuisibles. Ce n’est pas à des êtres de cette sorte qu’on aurait comparé des Religieux aussi accomplis que ceux dont parle notre texte. Le mot nâga doit être pris ici dans le même sens que les mots rĭchabha, « buffle, » sim̃ha, « lion, » et que quelques noms d’animaux admis comme symboles de la force et de la supériorité physiques. Dans cette supposition, il faudra le traduire par éléphant. C’est de cette manière que l’entend la version tibétaine qui remplace mahânâga par glang-po tchhen-po, « grand éléphant. » L’ouvrage pâli consacré à l’énumération des perfections du Buddha, qui a pour titre Djina alam̃kâra, admet parmi ses qualités les trois suivantes : purisâsabhô, purisasîhô, parisanâgô, « le buffle, le lion, l’éléphant parmi les hommes[27]. » Les formes sanscrites correspondantes à ces termes sont purucharchabha, puruchasim̃ha et purachanâga. La réunion des trois mots par lesquels est déterminé puracha, partie constante de ce composé, ne laisse aucun doute sur le véritable sens de nâga. Comme les Buddhistes du Sud, ceux du Nord donnent également au Buddha le titre de Mahânâga[28].

Accompli ce qu’ils avaient à faire, déposé leur fardeau.] Ces expressions sont, à ce qu’il paraît, consacrées pour désigner les Religieux arrivés au plus haut degré de perfection de leur état, car je les trouve dans un fragment d’un Sutta que Turnour a traduit du pâli : « ayant achevé ce qui devait être achevé, ayant mis de côté [le fardeau du péché][29]. » Ces derniers mots déterminent ce qu’il faut entendre par « déposé leur fardeau. » Le Lalita vistara les attribue à un Buddha, comme les épithètes des notes précédentes et dans le même passage.

Ayant supprimé complètement les liens qui les attachaient à l’existence.] C’est là le sens que, dans le principe, je donnais au composé parikchîṇa bhava sam̃yôdjana. Depuis j’avais pensé que par bhava sam̃yôdjana il fallait entendre « ce qui concourt, ce qui sert à l’existence mortelle de l’homme, » de sorte que je penchais vers cette traduction : « qui avaient épuisé complètement les éléments composants de l’existence. » La version tibétaine paraissait en effet donner exactement cette interprétation : srid-par kun-tu suyôr-ba yongs-su-zad-pa. Mais en comparant le texte du Mahâparinibbâna sutta en pâli avec la traduction qu’en a donnée Turnour, j’ai reconnu qu’il traduisait les mots parikkhiṇa bhava sam̃yôdjana par une phrase qui paraît empruntée à un commentaire : « ayant surmonté tout désir de régénération par la transmigration[30]. » La version littérale que je proposais n’est pas fort éloignée de celle de Turnour ; cependant les mots « ce qui concourt à l’existence, » donnent une idée inexacte du terme de sam̃yôdjana, qui, selon Turnour, exprime ce désir par lequel l’homme, convaincu de la nécessité de la transmigration, s’unit, c’est-à-dire s’attache par la pensée à une existence future qu’il espère meilleure que celle qu’il va quitter. Cette expression difficile de bhava sam̃yôdjana est certainement du même ordre que celle de djîvita sam̃skâra, dont je me suis occupé ailleurs[31]. Il est évident pour moi, aujourd’hui, que djîvita sam̃skâra signifie « la conception de la vie, c’est-à-dire « l’idée de la vie, » sam̃skâra étant pris ici dans son sens philosophique de concept[32]. Le Mahâparinibbâna sutta vient ici encore à notre secours. Quand Çâkyamuni se décide à quitter le monde avec la pensée de ne plus renaître, sa résolution est exprimée dans le texte par cette expression technique âyusam̃kâram ôssadjdji, ce que Turnour traduit ainsi : « il renonce à toute connexion avec cette existence transitoire[33]. » Le composé pâli âyusam̃khâram est le synonyme exact du sanscrit djîvita sam̃skâra ; ces deux mots signifient l’un et l’autre « l’idée de la vie, une idée de vie, » traduction certainement plus fidèle que celle de Turnour, « toute connexion avec l’existence, » laquelle conviendrait mieux pour sam̃yôdjana, que nous examinions au commencement de cette note. Nous reverrons plus bas le composé de bhava sam̃khâra, employé avec la même signification, dans une stance citée à l’Appendice no XXI.

Des [cinq] connaissances surnaturelles.] J’ai traduit suivant la leçon du manuscrit de Londres abhidjñâbhidjñâta, en attribuant au terme spécial d’abhidjñâ le sens qu’il a dans toutes les écoles buddhiques. Mais les deux manuscrits de M. Hodgson lisent abhidjñâtâbhidjñâtâiḥ, leçon qui me ramène à celle du manuscrit de la Société asiatique, abhidjñânâbhidjñânâiḥ. En admettant cette leçon, il faudra traduire « ayant la connaissance évidente des notions évidentes. » C’est ce sens que donne à peu près la version tibétaine, d’où j’infère qu’elle a été exécutée d’après un texte où on lisait abhidjñâna et non abhidjñâ. Mais si l’on établissait qu’abhidjnâna n’est qu’un synonyme d’âbhidjnâ, on devrait garder la traduction que j’ai adoptée. Au reste, pour comprendre dans son entier le abhidjñâ, « connaissance, » il faut ajouter à l’idée de connaissance celle de pouvoir et de faculté. Les cinq abhidjñâs sont énumérées plus bas dans notre Lotus même[34] : ce sont la vue divine, l’ouïe divine, la connaissance des pensées d’autrui, le souvenir de leurs existences antérieures, et un pouvoir surnaturel ; je renvoie, pour plus de développement, à la note relative à ce passage du chapitre V, Appendice no XIV.

Grands Çrâvakas.] J’ai cru devoir conserver le titre original de Çrâvaka en le faisant suivre, une fois pour toutes, de sa traduction (Auditeur), parce que ce titre désigne une classe entière de personnes qui joue un rôle important dans les textes buddhiques. C’est le titre général de tous ceux qui écoutent d’ordinaire les enseignements du Buddha, quelques progrès qu’ils aient faits d’ailleurs. Pris au propre, le mot Çrâvaka n’a pas d’autre sens ; et quand les textes du Népâl réunissent ce titre à ceux de Pratyêkabuddha et de Bôdhisattva, ils entendent sans doute, d’une manière générale, tous ceux qui sont les auditeurs d’un Buddha, c’est-à-dire les Bhikchus ou Religieux, y compris les divers ordres dans lesquels on les divise. Mais lorsqu’il s’agit de distinguer ces divers ordres entre eux, le mot de Çrâvaka reçoit une signification spéciale, et il désigne alors le degré inférieur de l’échelle au sommet de laquelle est placé l’Arhat. Il est donc nécessaire pour déterminer exactement la valeur de ce terme, d’examiner avec attention l’ensemble et les détails des textes où il se présente. Quand on voit dans le Lotus de la bonne loi cette énumération si souvent répétée, « les Çrâvakas, les Pratyêkabuddhas et les Bôdhisattvas, » il est bien évident que ces Çrâvakas doivent comprendre les Religieux qui sont parvenus au rang d’Arhat. En effet, comme on ne peut être Arhat sans avoir été Çrâvaka, et que l’Arhat est inférieur au Pratyêkabuddha, il faut pour arriver au titre de Pratyêkabuddha passer par le degré de Çrâvaka ; d’où il résulte que ce dernier renferme l’Arhat, comme le terme général renferme le particulier[35].

Adjñâtakâuṇḍinya, etc.] Les noms de ces Religieux sont célèbres, et on les voit se représenter fréquemment dans les légendes. Ils ont été réunis dans la Section xxie du Vocabulaire pentaglotte, où ils sont joints à d’autres noms, cités également par les légendes, mais qui dans ce Vocabulaire ne sont pas toujours exactement transcrits. Dans le premier nom, Adjñâtakâuṇḍinya, le mot âdjñâta est rendu chez les Tibétains par kun-ches (omniscius), et le reste du nom est simplement transcrit. Cela prouve que le participe âdjñâta doit être pris dans un sens actif, sens que je ne lui connais pas dans le sanscrit classique. Mais d’un autre côté, âdjñata ne pourrait-il pas être une sorte d’altération populaire du sanscrit âdjñâtrĭ, comme djêta l’est de djétrĭ, « vainqueur » ? Ce nom est celui qu’on trouve transcrit dans une note du Foe koue ki, de cette manière, A jŏ kiao tchin ju, où, suivant les autorités chinoises, a jŏ est un surnom qui signifie sachant[36]. J’ai expliqué ailleurs les noms suivants, savoir celui d’Açvadjit, de Vâchpa, de Mahânâman, de Bhadrika[37], de Mahâkâçyapa, d’Uruvilvâkâçyapa, de Gayâkâçyapa[38], de Çâriputtra[39], de Mahâmâudgalyâyana[40], de Vakula[41], de Rêvata[42]. Je crois avoir montré aussi en examinant la transcription que donne le Foe koue ki du nom de Kakuda Kâtyâyana, que les syllabes kia tchin yan représentent le mot sanscrit Kâtyâyana[43]. Et quant aux noms que je viens de rappeler, je dois prévenir une remarque à laquelle pourrait donner lieu le troisième, celui de Vâchpa, que nous voyons figurer parmi les personnages que toutes les traditions s’accordent à nous représenter comme les vrais disciples de Çâkya. Cette remarque, c’est que si l’on devait s’en rapporter exclusivement aux noms, en acceptant sans le critiquer leur témoignage, on serait peut-être porté à supposer que Vâchpa est le personnage célèbre dans l’histoire du Tibet pour son vaste savoir, et qui écrivait au commencement du xiiie siècle de notre ère[44]. Et comme d’autre part le Saddharma puṇḍarîka est manifestement d’une date antérieure, il faudrait admettre que le nom de Vâchpa a été introduit ici par une de ces interpolations si faciles dans des ouvrages restés longtemps manuscrits. Mais cette supposition devient inutile, si l’on se rappelle que Vâchpa a été un disciple de Çâkya, et que bien des siècles après lui un religieux d’un autre pays a pu prendre son nom.

Parmi les noms cités dans le Lotus, et que je n’ai pas eu occasion d’examiner ailleurs, plusieurs exigent quelques remarques spéciales. Je suppose que le nom du sage appelé Aniruddha a pu être confondu par les Buddhistes étrangers à l’Inde avec celui d’Anuruddha, nom d’un cousin germain du Buddha. C’est du moins une supposition que me suggère la lecture d’une note du Foe koue ki, dans laquelle je crois reconnaître, sous des transcriptions chinoises dont je n’ai pas le moyen de vérifier l’exactitude, la trace de deux mots sanscrits primitivement distincts. Ainsi A na liu, ou plus exactement, dit-on, A na liu tho, est, suivant cette note, le nom d’un des dix grands disciples de Çâkya, qui passe pour avoir possédé le don d’une vue perçante[45]. Or ce don de la vue perçante ou de l’œil divin, comme le dit encore la note du Foe koue ki, est justement celui qu’une légende que j’ai citée plus d’une fois dans mon Introduction à l’histoire du Buddhisme, celle de la Belle fille du Magadha, attribue au sage Aniruddha[46]. Cette légende nous apprend que Bhagavat l’avait désigné comme le chef de ceux qui possédaient la vue divine, divya tchakchus. La note précitée du Foe koue ki traduit son nom par inextinguible ; cette version n’est pas tout à fait exacte, et la version tibétaine représente mieux le mot sanscrit, de cette manière, ma hgags-pa, « celui qui n’a pas été arrêté. » Ce nom s’explique par une autre note de M. A. Rémusat sur le voyage de Fa hian ; quoique aveugle, Anarôdha (ainsi que son nom est écrit dans cet endroit), n’en voyait pas moins tout ce que renferme un triple chiliocosme, comme on voit un fruit qu’on tient dans la main[47]. Son nom veut donc dire « celui qui n’était pas arrêté par sa cécité. » Ces observations suffisent, je pense, pour établir l’identité de ces deux personnages, celui que nomme le Foe koue ki, et le Religieux Aniruddha du Lotus de la bonne loi ; et j’ajoute que c’est à ce nom d’Aniruddha que se rapportent les transcriptions chinoises a na liu, a na liu tho, et surtout a ni leou theo. Mais il ne doit pas en être ainsi de a neou leou tho, que le Foe koue ki traduit par « conforme aux vœux, » et où j’avais cru retrouver le sanscrit anuvrata, quand je n’avais encore à ma disposition aucun des ouvrages buddhiques que je puis consulter aujourd’hui. Je suis convaincu maintenant que cette transcription chinoise exprime le sanscrit Anuruddha, nom du cousin germain de Çâkyamuni, lequel est cité plus d’une fois dans le curieux récit des derniers moments de Çâkya. La note précitée du Foe koue ki traduit a neou leou tho par « conforme aux vœux, » traduction qui nous conduit assez directement au terme sanscrit original anuruddha, par le sens de « conformité, ressemblance, » qu’exprime le préfixe anu. Or c’est le préfixe qui a ici toute l’importance, puisque c’est lui qui distingue nettement le nom d’Anuruddha de celui d’Aniruddha.

Le nom qui vient ensuite, celui de Kapphiṇa, est écrit diversement ; cette leçon qui est celle du manuscrit de la Société asiatique, est remplacée par celle de Kam̃philla dans les deux manuscrits de M. Hodgson, et par celle de Kapphilla dans le manuscrit de Londres. J’avais adopté pour ma traduction la variante Kapphiṇa, parce que je l’avais trouvée justifiée par le passage suivant de l’Abhidharmakôça vyâkhyâ : êvam̃ tchâivam̃tcha râdjâ kapphiṇô bhavati, « et c’est ainsi que Kapphiṇa devient roi[48], » et aussi par la version tibétaine, qui lit ཀ་པི་ན་ Ka-pi-na. Mais aujourd’hui je suis un peu ébranlé par l’accord des trois manuscrits qui lisent ll le groupe que le manuscrit de la Société asiatique écrit  ; les signes indiens qui représentent l et sont si faciles à confondre, surtout dans une écriture cursive (comme serait celle du Bengale avec laquelle le tibétain a de très-grands rapports), que les Lotsavas tibétains eux-mêmes ont pu se tromper sur la meilleure variante à choisir. De plus la leçon Kamphilla aurait l’avantage de donner un sens ; on pourrait la regarder comme la forme pâlie du sanscrit Kâmpilya, qui désigne une ville d’une assez grande célébrité, que le Vichṇu purâṇa place dans la partie méridionale du pays des Pantchâlas[49]. Au reste, on comprend qu’il ne soit pas très-facile de se reconnaître du premier coup, sans d’autres secours que celui de quelques manuscrits incorrects, au milieu de ces leçons divergentes. Ainsi, pendant que nous trouvons un seul et même nom propre écrit de ces trois manières différentes Kapphiṇa, Kapphilla et Kamphilla, nous voyons le Lalita vistara, autre ouvrage canonique des Buddhistes du Nord, énumérer dans une liste analogue à celle qui nous occupe, deux personnages distincts l’un de l’autre, sous les noms de Kaphina et Kachphila[50]. Ne serait-il pas possible que nos manuscrits du Saddharma puṇḍarîka eussent réuni à tort pour en faire le nom d’un seul et même personnage, des orthographes appartenantes à deux noms distincts ? Cela me paraît très-probable, et quant à présent, voici le résultat auquel je m’arrête : Les orthographes Kapphiṇa, Kaphina, Kapphilla et Kamphilla désignent un seul et même personnage, le Kapphiṇa du Lotus, qui avant de devenir Religieux était le roi nommé Mahâ Kapphiṇa, d’après le Sumâgadhâ avadâna[51]. Quant à Kachphila, ce mot doit désigner un autre Religieux, sur lequel je n’ai encore trouvé aucun détail.

Il me semble que l’on peut rapprocher le nom de Gavâm̃paṭi de la transcription chinoise Kiao fan pa thi, citée dans le Foe koue ki[52]. Le manuscrit de Londres est le seul qui lise Pilandavatsa ; la leçon Pilinda est celle des trois autres manuscrits et de la version tibétaine. Je remarquerai encore qu’il faudrait écrire en deux mots Pûrṇa Mâitrâyaṇîputra, ce que j’ai écrit en un seul, lorsque j’ignorais encore qu’il y avait plusieurs Pûrṇas souvent cités dans les livres buddhiques, et que l’on distinguait les uns des autres, soit par le nom de leur père ou de leur mère, soit par quelque autre épithète. Ainsi la seule légende de Pûrṇa en cite déjà deux[53], et le préambule du Lalita vistara en rapporte aussi deux, l’un desquels est le Pûrṇa, fils de Mâitrâyanî, de notre Lotus[54].

f. 2 a. Le respectable maître Ânanda.] Quand j’ai traduit par maître le mot çâikcha, j’ai suivi l’autorité de la version tibétaine qui remplace le mot sanscrit par slob-pa, terme auquel nos dictionnaires tibétains donnent le sens de maître, instituteur. Mais depuis que j’ai trouvé dans le Vocabulaire de Hêmatchandra le terme de çâikcha, qui s’y présente avec le sens de disciple, il me paraît nécessaire de traduire : « le respectable disciple Ânanda. » En effet, quoique Hêmatchandra soit un Djâina, il n’est pas supposable que le terme de çâikcha, inséré par lui dans son vocabulaire sanscrit, y ait un sens diamétralement opposé à celui qu’a dû avoir ce terme pour les Buddhistes. Il faut introduire le même changement dans la ligne suivante, et au lieu de « dont les uns étaient maîtres et les autres ne l’étaient pas, » dire, « dont les uns étaient disciples et les autres ne l’étaient plus. » Je ferai remarquer que pour obtenir ce sens dans la dernière phrase citée, je lis çâikchâçâikchâiḥ, composé dont la seconde partie est açâikchâiḥ. Cette leçon n’est pas celle du manuscrit de Londres ni des deux manuscrits de M. Hodgson, qui lisent çâikchaçâikchâiḥ. Mais outre que cette variante ne donnerait d’autre sens que celui de disciples de disciples qui ne paraît pas convenir ici, la voyelle â long qui est nécessaire pour ma lecture se trouve dans le manuscrit de la Société asiatique, et est justifiée de plus par la version tibétaine qui a une négation devant le second mot représentant açâikcha, de cette manière, slob-pa dang mi slob-pa. La traduction que je propose est, on le voit, contraire à celle qu’on peut tirer de la version tibétaine. Mais ne serait-il pas possible que le substantif slob-pa, qui n’est autre que le verbe slob-pa ayant les deux sens d’enseigner et d’apprendre, signifiât disciple, comme slob-ma qui a ce dernier sens ? Je soumets cette remarque aux personnes qui connaissent le tibétain mieux que moi. Il faudrait voir si la différence des significations indiquées dans nos lexiques pour slob-pa et slob-ma, ne vient pas du suffixe, actif dans un cas, et passif dans l’autre ? De toute manière, et quoi qu’il en soit de cette conjecture, traduisant sur le sanscrit, j’ai dû donner au mot çâikcha le sens que lui attribuent les autorités indiennes, et que j’ai déjà rapporté ailleurs[55]. On peut, jusqu’à preuve du contraire, admettre que çâîkcha signifie « étudiant, disciple, « et açâikcha, « celui qui n’est pas disciple, » très-probablement « qui est maître ». Mais il manque encore à cette interprétation toute la précision désirable, et la citation du nom d’Ânanda prouve qu’il ne faut pas entendre seulement ici un disciple ordinaire, mais une personne qui a déjà fait des progrès dans la science, sans être cependant arrivée au terme. L’Abhidhâna ppadîpikâ tranche nettement la question, en faisant de Sêkha un titre synonyme de Sôta âpanna, le premier degré des quatre grades au sommet desquels est l’Arhat[56] et d’Asêkkha, le synonyme d’Arhat[57]. On remarquera que cette définition du Sêkha cadre assez bien avec celle du Vocabulaire de Hêmatchandra, où le Çâikcha est défini prâthamakalpika, « celui qui est au premier degré. » Si donc notre Lotus était un texte de l’École méridionale, il faudrait l’entendre ainsi : « dont les uns étaient au premier degré, et les autres arrivés au terme de la perfection. »

Cette interprétation des deux termes pâlis Sêkha et Asékkha, que j’emprunte au meilleur recueil lexicographique de Ceylan qui nous soit connu, est confirmée par un texte capital du Mahâvam̃sa, texte qui a ici d’autant plus d’importance qu’il se rapporte aux débuts d’Ânanda lui-même comme interprète de la loi. Lorsqu’après la mort de Çâkyamuni, ses premiers disciples se réunirent sous la conduite de Kâçyapa pour recueillir ses paroles et fixer sa doctrine, Ânanda n’était pas encore parvenu à l’état d’Arhat. Les Religieux qui ne voulaient pas se priver de son concours, parce qu’en sa qualité de cousin de Çâkya, il l’avait toujours suivi avec un dévouement absolu, qu’il avait été son premier serviteur, aggapatthâka, comme l’avait dit Bhagavat lui-même[58], et qu’il avait assisté à toutes ses prédications, l’avertirent qu’il eût à faire tous ses efforts pour acquérir les mérites supérieurs d’un Arhat. Or voici en quels termes le Mahâvam̃sa exprime et l’avertissement et le résultat qu’il eut pour Ânanda :

Svê sannipâtô ananda sêkhêna gamanam̃ tahim̃
na yuttantê sadatthê tvam appamattô tatô bhava
itchtchêvam̃ tchôditô thêrô katvâna viriyam̃ samam̃
iriyâpathatô muttam arahattam apâpuṇi.

Voici la traduction que donne Turnour de ce passage ; j’ai souligné les mots qui méritent un examen particulier : « Ânanda, demain a lieu la réunion ; comme tu es encore sous l’empire des passions humaines, ta présence à l’Assemblée n’est pas convenable ; fais donc sans relâche les efforts nécessaires pour acquérir les perfections requises. Le Théra, ainsi excité, ayant fait une exertion suffisante de son énergie, et s’étant affranchi de l’empire des passions humaines, parvint à la sainteté d’un Arhat[59]. » Turnour, en traduisant sêkhêna par « comme tu es encore sous l’empire des passions humaines, » en donne plutôt une glose qu’une traduction littérale. Le sens général y est sans doute reproduit ; mais puisque l’on conserve le mot Arhat dans la suite du passage, parce que ce mot est un titre qu’on ne saurait expliquer que par une longue phrase, il n’y aurait aucun inconvénient à conserver aussi celui de Sêkha, et à dire, « parce que tu es (encore) Sêkha, » c’est-à-dire, parce que tu n’as jusqu’ici atteint que le premier des quatre degrés qui conduisent à la dignité d’Arhat. Mahânâma, dans le commentaire qu’il a écrit lui-même sur son Mahâvam̃sa, après avoir rapporté les mots « demain a lieu la réunion, » ajoute tvañtcha sêkhô sakaraṇîyô, « et toi, tu es Sêkha, c’est-à-dire que tu as encore des devoirs à remplir[60]. » Voilà pourquoi les Religieux l’engagent à faire les efforts nécessaires, sadatthê, dit le texte, c’est-à-dire, selon le commentaire, sakatthê, « pour atteindre à son but, » qui est d’obtenir l’état supérieur d’Arhat. Se rendant à leurs exhortations, Ânanda parvient après des efforts énergiques à cet état d’Arhat qui est, dit le texte, « affranchi de la voie des (quatre) positions, » sens sur lequel Mahânâma ne laisse aucun doute en le commentant ainsi : tchatu iriyâpatha virahitam. On sait que les quatre positions sont la marche, la station, la position assise et la position couchée[61]. Or ce sont là autant de conditions propres à tout homme vivant en ce monde ; on les trouve souvent rappelées dans les textes du Sud, et pour n’en citer qu’un exemple, dans le passage suivant : Addasanigrôdha sâmaṇêram râdjag̃gaṇêna gatchtchhantam̃ dantam̃ guttam̃ santindriyam iriyâpathasam̃pannam. « Il vit le Sâmaṇêra (le novice) Nigrôdha, s’avançant dans l’enceinte royale, maître de lui, s’observant bien, les sens calmes, ayant une (des quatre) positions [décentes][62]. » En devenant Arhat, Ânanda s’affranchissait de la nécessité de rester dans une de ces quatre positions qui retiennent l’homme attaché à la terre, c’est-à-dire qu’il acquérait les facultés surnaturelles que l’on attribue aux Arhats. Voilà certainement le sens du texte que Turnour a un peu trop forcé par ces mots, « s’étant affranchi de l’empire des passions humaines. » Outre que c’est l’état d’Arhat qui est affranchi, ce qui du reste revient à peu près au même, ce n’est pas des passions humaines que le texte veut ici nous le représenter affranchi, quoiqu’il ait en réalité cet avantage, mais bien des conditions physiques qui fixent le corps humain sur la terre. Et c’est à dessein que l’attention du lecteur est attirée sur cette espèce d’affranchissement, puisque plus bas l’auteur nous apprend qu’Ânanda se rendit miraculeusement à l’Assemblée par la voie de l’atmosphère. L’idée que le titre d’Arhat n’est donné qu’aux sages possesseurs de facultés surnaturelles, est si familière aux Buddhistes et particulièrement à ceux du Sud, que quand les Singhalais parlant d’un Arhat veulent définir ce titre, ils ajoutent : c’est un sage qui a le pouvoir de traverser les airs en volant.

Quant à la forme du terme pâli sêkha, laquelle correspond au sanscrit sâikcha, elle présente cette irrégularité, qu’un des deux k nécessaires en est absent ; en effet, puisqu’on dit asêkkha de asâikcha, on devrait dire sêkkha de sâikcha. Ce retranchement du premier k se retrouve également dans le mot vimôkha, « affranchissement, » qui devrait s’écrire vimôkkha. Peut-être est-ce une trace de l’influence du dialecte mâgadhî sur le pâli ; peut-être aussi ce retranchement résulte-t-il de l’allongement de la voyelle ê devant le kh aspiré unique. Je le croirais d’autant plus volontiers, que l’on trouve aussi sêkkha, notamment dans la phrase suivante, empruntée à la glose de Mahânâma sur le Mahâvam̃sa : puthudja nasêkkha bhûmim atikkamitvâ, « ayant franchi le degré d’homme ordinaire et de disciple[63]. » Je reviendrai ailleurs sur le titre de puthudjana, ci-dessous, chap. XV, fol. 170 b.

Mahâpradjâpatî.] Ce nom est celui de la tante de Çâkyamuni[64] ; on sait également que Yaçôdharâ est la femme qu’avait épousée Çâkya quand il n’était pas encore entré dans la vie religieuse, et que Râhula est le fils qui était issu de ce mariage[65].

Incapables de retourner en arrière.] Cette expression doit faire allusion soit à la persévérance avec laquelle les Bôdhisattvas poursuivent l’objet de leurs efforts et se préparent à leur mission libératrice, soit à l’avantage qu’ils ont, grâce à leurs mérites antérieurs, de ne devoir plus se détourner du but que cette mission leur assigne. Il n’est pas sans intérêt de retrouver cette expression sous une forme légèrement modifiée dans un monument épigraphique dont l’origine buddhique est incontestable. Je veux parler d’une inscription sanscrite découverte à Buddhagayâ et expliquée en 1836 par J. Prinsep et par son Pandit Ratnapâla. À la quatrième ligne de cette inscription, on lit sur le fac-simile comme dans la transcription de J. Prinsep : avinivartaniya bôdhisattva tcharita, « qui observe les pratiques d’un Bôdhisattva incapable de se détourner ; » la voyelle a que je rétablis ici pour obtenir le mot entier, se trouve engagée dans le mot parâyaṇâ qui termine l’épithète précédente[66]. Il est sans doute singulier de voir ce titre, si élevé pour un Bôdhisattva, figurer dans une des épithètes dont l’inscription décore le ministre d’un petit roi du Bengale : mais cela prouve certainement deux choses, l’une, que le titre était très-familier aux Buddhistes ; l’autre, que le Buddhisme était déjà assez ancien dans cette partie de l’Inde pour qu’on pût prodiguer un tel titre à l’un des officiers royaux. Or cette dernière observation reçoit une confirmation directe de la date même de l’inscription, que tous les indices placent vers le milieu ou à la fin du xiie siècle de notre ère. L’expression qui nous occupe, avâivartya, est représentée comme il suit par la version tibétaine : bla-na-med-pa yang-dag-par rdsogs-pahi vyang-tchhub-las fyirmi ldog-pa, où il n’est pas douteux que le mot sanscrit primitif ne soit rendu par un terme signifiant « se détourner, se désister. » Schröter qui donne l’expression tibétaine citée tout à l’heure[67], jusqu’au monosyllabe las, la traduit par « atteindre à la sainteté parfaite. » C’est là plutôt un commentaire qu’une traduction, et il me semble que le Dictionnaire de Csoma de Körös fournit pour chacun des éléments de cette expression le sens suivant : « qui ne se détournent pas du suprême et très-purement parfait état de Buddha. » En effet, les deux monosyllabes tibétains vyang-tchhub, qui figurent comme première partie dans la traduction du titre de Bôdhisattva, remplacent le sanscrit Bôdhi, « l’état de Buddha ; » et les autres mots, de leur côté, équivalent aux termes samyak sam̃, parties composantes du mot sacramentel samyaksam̃bôdhi, lequel désigne un être qui est samyaksam̃buddha, c’est-à-dire « parfaitement et complétement Buddha. » La version tibétaine entend donc l’épithète avâivartika, « qui ne se détourne pas, » comme si elle signifiait « qui ne se détourne pas de l’excellent et suprême état de Bôdhi ; » et comme cet état est le but d’un Bôdhisattva, la traduction que j’ai adoptée pour le terme un peu vague d’avâivartika n’est qu’une autre expression du sens donné par le tibétain. Mais il n’en est pas moins évident, d’un autre côté, que pour trouver dans le mot avâivartika « l’excellent et suprême état de Bôdhi, » l’interprète tibétain a dû y joindre les mots de l’original sanscrit yadutânuṭṭarâyâm̃ samyaksam̃bôdhâu ; et ce qui le prouve, c’est que l’adjectif anuttarâyâm est représenté par le tibétain bla-na-med-pa. Or, pour opérer cette réunion des mots avâivartikâiḥ et yaduta, etc., il a fallu ou déplacer, ou même passer le terme suivant êkadjâtipratibaddhaiḥ, que j’examinerai tout à l’heure. Et c’est justement ce qui a lieu dans la traduction tibétaine, telle du moins que nous la possédons à Paris ; le terme êkadjâtipratibaddhaiḥ y est omis. Traduisant sur le sanscrit, j’ai dû le conserver ; mais je crains d’en avoir altéré le sens au profit de l’expression qui vient après : « c’est-à-dire l’état suprême de Buddha parfaitement accompli. » En effet, j’ai interprété djâti comme s’il signifiait genre, espèce, et par extension objet, pour pouvoir faire de cet objet « l’état suprême de Buddha parfaitement accompli. » Je ne crois plus maintenant que cette extension du sens de djâti soit possible, et l’interprétant par naissance, je rends conséquemment le terme qui nous occupe par « tous enchaînés à une seule naissance ; » comme l’a fait justement M. Foucaux dans des passages du Lalita vistara, qui ne présentent aucun doute[68]. Mais pour que le rapport de cette expression avec celle qui suit soit intelligible en français, il sera nécessaire d’ajouter quelques mots, qui sont virtuellement contenus dans le sens, et dire : « tous enchaînés à une seule naissance, c’est-à-dire [à celle qui doit conduire] à l’état suprême de Buddha parfaitement accompli. » Cette interprétation est conforme à la théorie buddhique, selon laquelle un Bôdhisattva n’a plus qu’une existence à parcourir, celle où il doit atteindre à la dignité de Buddha parfaitement accompli.

f. 2 b. Affermis dans la grande puissance.] Le terme de pratibhâna auquel j’attribuais le sens de puissance, en le déduisant de celui d’audace que Wilson lui assigne, ne doit pas être la signification véritable. Mais on peut hésiter encore entre les deux interprétations d’intelligence et de confiance. Ainsi les Buddhistes du Sud s’accordent avec les autorités classiques parmi les Brâhmanes, pour donner à paṭibhâna le sens d’intelligence, de compréhension, de sagesse[69]. Le terme de pratibhâ a aussi en sanscrit la même valeur, au moins d’après Hêmatchandra[70] ; mais pratibhâyukta dans l’Amarakôcha, comme paṭibhâyutta dans l’Abhidhâna ppadîpikâ, signifient « plein de hardiesse, de confiance[71]. » Toutefois, comme nous avons ici pratibhâna et non pratibhâ, il est encore plus sûr de traduire « affermis dans la grande intelligence, ou dans la grande sagesse. »

Faisant tourner la roue de la loi.] C’est-à-dire, prêchant la loi afin d’établir son empire. Cette expression si fréquemment employée dans les textes buddhiques de toutes les écoles, dans ceux du Népâl, comme dans ceux de Ceylan, a été parfaitement expliquée par M. A. Rémusat[72] ; je compte d’ailleurs y revenir plus bas, chap. VII, fol.  89 b. J’ai suivi ici le manuscrit de la Société asiatique, où le mot avâivartya est uni en composition avec dharmaichakrapravartakâiḥ, tandis que mes trois autres manuscrits l’en séparent, sous cette forme, avâivartyâiḥ, « incapables de se détourner. » Il m’a semblé que cette dernière leçon avait l’inconvénient de répéter l’idée déjà exprimée par avâivartikâiḥ, mot examiné tout à l’heure. La version tibétaine paraît avoir été exécutée sur un texte semblable à celui de la Société asiatique, ou par un interprète qui a eu les scrupules que je viens d’exposer ; car il me semble qu’avâivartya s’y rapporte à dharmatchakra. En effet, la phrase fyir mi ldog-pahi tchhos-kyi hkhor-lo hskor-ba paraît signifier « qui a fait tourner la roue de la loi qui ne revient pas sur elle-même. »

La charité.] Je n’hésite pas à traduire par charité le mot mâitrî, qui exprime non pas l’amitié ou le sentiment d’affection particulière qu’un homme éprouve pour un ou pour plusieurs de ses semblables, mais ce sentiment universel qui fait qu’on est bienveillant pour tous les hommes en général et toujours disposé à les secourir. Cette vertu qui, comme on sait, est un des traits caractéristiques de la morale buddhique, me paraît exprimée par le mot mâitrî. Au reste, il n’est pas certain que j’aie traduit exactement l’expression du texte mâitrî paribhâvita kâya tchittâiḥ, car on peut entendre kâya tchitta par « la pensée du corps, » et traduire le tout « ayant triomphé par la charité des pensées du corps, » en faisant allusion à ces sacrifices héroïques d’une charité surhumaine qui accepte jusqu’au suicide, dont on voit de si fréquents exemples dans les légendes buddhiques.

Habiles à pénétrer la science du Tathâgata.] Au lieu de pénétrer, je préfère maintenant communiquer, parce que quand il s’agit de science, le mot avatârana a souvent le sens de faire descendre, communiquer.

Devenu Kumâra.] J’avais pensé que le mot Kumâra, qui désigne ordinairement un jeune prince destiné au trône après la mort de son père, pouvait avoir ici cette acception classique ; et je m’expliquais le fait en supposant que Mañdjuçrî devait, comme avait fait Çâkya avant de devenir Buddha, naître dans une famille royale, où il aurait occupé le rang d’héritier présomptif et reçu en conséquence le titre de Kumâra. J’étais autorisé dans cette supposition par l’épithète de Kumâra que le Trikâṇḍa çêcha donne à Mandjuçrî[73], et c’est pour cela qu’interprétant littéralement le composé Kumâra bhûta, je l’avais traduit dans la plupart des passages où il est nommé, comme on le voit ici, « Mandjuçrî devenu Kumâra. » Toutefois cette traduction laissait dans le doute la question de savoir si Kumâra devait signifier jeune homme ou jeune prince. Mais depuis que j’ai vu l’épithète de Kumâra bhûta jointe au nom de Bôdhisattvas, même de Bhôdhisattvas fabuleux, que la légende fait naître dans des familles royales, j’ai reconnu que tout en conservant le titre de Kumâra sans le traduire, il fallait le prendre avec la signification de prince royal, sans cependant tenir autant compte de bhûta, qui n’a certainement pas ici une valeur aussi forte que celle que je lui attribuais, et qui signifie tout au plus « qui était. » C’est ainsi qu’on trouvera vers la fin de cette traduction, l’expression plus simple de « Mandjuçrî Kumâra. » J’ai déjà parlé ailleurs de ce personnage célèbre, mais seulement d’une manière incidente et pour caractériser les Sûtras développés où paraît son nom[74]. L’importance du rôle qu’il a joué dans la propagation du Buddhisme parmi les nations himalayennes m’a engagé à réunir ce que nous ont appris sur son compte de savants orientalistes anglais ; on trouvera ces détails dans le no III de l’Appendice qui suit ces notes. Je remarque seulement ici que la rédaction en vers se sert concurremment avec Mañdjuçrî des noms de Mañdjughôcha (st. 12, 43) et de Mañdjusvara (st. 50, 56) ; ces noms sont autorisés par le Trikâṇḍa çêcha, qui les énumère parmi les synonymes du nom de Mañdjuçrî.

Avalôkitêçvara, etc.] J’ai déjà parlé du premier des Bôdhisattvas plus ou moins célèbres qui sont énumérés ici, ainsi que de Mahâsthâma prâpta[75]. Je remarquerai en ce qui touche Avalôkitêçvara, qu’un chapitre du Lotus est consacré à la gloire de ce grand personnage, c’est le XXIVe, f. 228 a. Quant à Mahâsthâma prâpta[76], son nom est quelquefois écrit Mahâsthâna prâpta, notamment dans le texte auquel renvoie l’Introduction au Buddhisme indien ; nos quatre manuscrits du Lotus s’accordent à le lire avec sthâma au lieu de sthâna. Une variante qui a encore moins d’importance est celle de Pradânaçûla que lisent les deux manuscrits de M. Hodgson et celui de Londres, au lieu de Pradânaçûra du manuscrit de la Société asiatique, ce qui est la vraie leçon. Plusieurs des Bôdhisattvas qu’on représente ici assistant à l’Assemblée de Çâkya, sur la montagne de Grĭdhrakûṭa, reparaîtront dans le cours de cet ouvrage, au milieu de scènes gigantesques ou bizarres ; et le lecteur reconnaîtra sans peine si j’ai eu raison de voir dans la création de ces Bôdhisattvas fabuleux, l’effort impuissant d’une imagination qui a cru pouvoir peupler sûrement l’espace parce qu’elle en avait conçu vaguement l’étendue infinie. Si, comme j’ai essayé de l’établir ailleurs, les énumérations de Bôdhisattvas de cette espèce sont un des traits caractéristiques de la composition des Sûtras développés, on ne devra pas s’étonner d’en trouver de pareilles au début des traités de ce genre. Aussi en voyons-nous une au commencement du Lalita vistara, et les noms qui la composent sont, sauf quelques modifications orthographiques, à peu près les mêmes qu’ici. Nous avons d’abord Mâitrêya, le premier dans la liste du Lalita, l’avant-dernier dans la nôtre ; ensuite Dharaṇîçvara râdja, qui n’est probablement qu’un synonyme de notre Dharaṇîdhara ; j’en soupçonne autant de Sim̃hakêtu, comparé au Sim̃ha du Lotus ; il y a même tout lieu de penser que Sim̃hakêtu est une meilleure leçon. Ce Bôdhisattva est-il le même que le Sim̃hanâdanâdin cité par A. Rémusat[77]. C’est un point que je ne saurais décider, quoique la chose soit assez probable, vu le grand nombre de noms synonymes qu’ont souvent ces personnages fabuleux. Quant à Nityôyukta, ce Bôdhisattva est certainement le même que notre Nityôdyukta, sauf l’omission fautive d’une lettre[78].

Le Bôdhisattva Mahâsattva Mâitrêya.] Ce personnage dont le Lotus de la bonne loi fait un des auditeurs de Çâkyamuni, et qui passe pour être parvenu, grâce à la perfection de ses mérites antérieurs, à la dignité de Bôdhisattva, doit paraître un jour en qualité de Buddha et succéder à Çâkya, le Buddha de l’époque actuelle. On trouve deux allusions à cette dernière croyance, qui est admise par les Buddhistes de toutes les écoles, dans notre Lotus même, ch. I, f. 17 b et 18 a, st. 94, et ch. XIV, f. 165 a. On peut voir dans une note du Foe koue ki le résumé sommaire de la légende relative à la venue future de Mâitrêya[79]. Mais la mention de ce personnage dans le Lotus, sous le double caractère d’auditeur de Çâkyamuni et de Bôdhisattva, donne lieu à une observation qui n’est pas sans intérêt pour l’histoire des Sûtras développés, ainsi que je l’ai indiqué ailleurs[80]. Si Mâitrêya est appelé par ses mérites et par la consécration des Buddhas antérieurs à succéder à Çâkyamuni, il doit se trouver, comme le disent les légendes, au milieu des Dêvas Tuchitas ; car suivant le thème religieux adopté pour tous les Buddhas, c’est du milieu de ces Dêvas que revient au monde tout Bôdhisattva qui a la mission de renaître en qualité de Buddha. Le Lotus même nous fournit un passage tout à fait conforme à cette donnée, d’après lequel nous apprenons que Mâitrêya réside au milieu des Dêvas Tuchitas[81]. Mais si selon ce passage où Çâkyamuni est le narrateur, Mâitrêya est chez les Tuchitas, comment peut-il se trouver au milieu de l’Assemblée devant laquelle se prêche le Lotus de la bonne loi ? Que l’on pose cette question à un Buddhiste du Nord, il y répondra sans doute par un appel à la puissance surhumaine des Bôdhisattvas, et dira que Mâitrêya est miraculeusement descendu du ciel des Tuchitas pour venir s’asseoir parmi les auditeurs du Buddha Çâkyamuni. Je doute cependant qu’un Buddhiste de Ceylan trouvât une pareille réponse, par la raison que la question ne pourrait lui être faite. Je ne crois pas en effet qu’on puisse rencontrer dans les Suttas pâlis conservés à Ceylan un seul exemple de ces merveilleux voyages que font les Bôdhisattvas pour se rendre aux Assemblées de Çâkyamuni. C’est un trait caractéristique et tout à fait propre à distinguer les Sûtras développés des Sûtras simples. On voit dans ces derniers Sûtras, à la classe desquels appartient tout ce que je connais de Suttas pâlis, Çâkya parlant à des Dêvas qui restent invisibles pour les autres membres de l’Assemblée, tandis qu’ils se laissent voir à son regard divin ; mais au nombre de ces Dêvas ne paraissent jamais les Bôdhisattvas. J’en conclus que le système si fréquemment développé dans les grands Sûtras du Nord n’était pas encore inventé au temps de la rédaction des Sûtras simples ; et cette conclusion me paraît d’autant plus fondée, que la présence miraculeuse des Dêvas étant admise par les rédacteurs des Sûtras simples, il ne leur en eût pas coûté beaucoup d’y mêler les Bôdhisattvas, si la tradition leur eût appris que cette classe de personnages assistait en réalité aux Assemblées de Çâkya. Je vais plus loin encore, et je dis que ce système est inconciliable avec les détails dont sont remplis les Sûtras simples. Que nous apprennent en effet ces Sûtras ? Ils nous montrent Çâkyamuni parlant devant des Assemblées formées de Brâhmanes, de maîtres de maison, de gens du peuple, et, dans le principe surtout, adressant ses enseignements d’une manière toute spéciale à quelque Brâhmane ou à quelque Râdja qu’il veut instruire. Si ceux de ses disciples que les Sûtras développés signalent comme prédestinés à la dignité de Buddha parfait, eussent assisté à ces Assemblées, peut-on croire que Çâkyamuni n’eût rien dit de leur présence ? Et pour appliquer cette observation au sujet même qui nous occupe, si Mâitrêya, ou le personnage qui devait porter ce nom, eût été positivement au nombre des auditeurs de Çâkyamuni, peut-on supposer qu’un tel disciple, que celui qui devait être le Buddha successeur immédiat du Maître, n’eût pas paru au premier rang, parmi ces auditeurs privilégiés comme Ânanda, Çârîputtra et Mâudgalyâyana, dont les Sûtras simples nous ont conservé les noms ? De tout ceci je conclus que, dans les premiers âges du Buddhisme, le système qui représente les Bôdhisattvas assistant aux Assemblées de Çâkyamuni était tout à fait inconnu, et que le miracle de leur présence aux grandes Assemblées des grands Sûtras a été, comme tant d’autres miracles, inventé après coup et postérieurement à la séparation du Buddhisme en deux écoles, celle du Sud à laquelle ce système est resté entièrement inconnu, et celle du Nord où il s’est introduit, et a pris des proportions immenses, ainsi qu’on le peut reconnaître par la lecture des Sûtras développés.

f. 3 a.Seize hommes vertueux.] Ces hommes vertueux qui assistent aux Assemblées de Çâkya, et dont notre texte compte ici seize, doivent représenter la partie non religieuse de l’assistance, soit Brâhmanes, soit Râdjas, soit Marchands ; quelques-uns de ces noms, comme ceux de Susârthavâha, Ratnadatta, Ratnâkara, rappellent même plutôt la classe des Vâiçyas, que les deux premières castes. Ces hommes n’avaient pas besoin d’être Buddhistes pour assister à la prédication de Çâkya, puisque c’était à la masse du peuple et pour la convertir à la foi nouvelle, que cette prédication était faite dans le principe. Plus tard, et vraisemblablement à l’époque où furent compilés les Sûtras dits vâipulyas, ces noms n’avaient plus qu’un intérêt historique ; l’énumération qu’on en faisait formait, comme celle des Dêvas, des Nâgas, des Kinnaras, des Gandharvas, des Asuras, des Garuḍas et autres, une partie de la mise en scène de tout Sûtra développé, mise en scène qui avait reçu du respect religieux une sorte de consécration. Aussi est-il naturel de croire que si ces noms désignent des personnages réels, c’est dans les Sûtras simples qu’on devra en retrouver la mention. C’est uniquement dans cette prévision que je note deux variantes, l’une sur Ratnadatta, que les trois manuscrits autres que celui de la Société asiatique lisent Naradatta, et sur Dharaṇîdhara, que les deux manuscrits de M. Hodgson lisent Dharaṇim̃dhara.

Le fils des Dêvas Ratnaprabha.] Ce nom est lu Ratnabhadra dans les deux manuscrits de M. Hodgson.

f. 3 b.Le chef de l’univers Saha.] Les deux manuscrits de M. Hodgson lisent Sâhâpati, ce qui est certainement une meilleure leçon que Sahapati, ainsi qu’on peut s’en convaincre par l’étude des manuscrits les plus corrects, et en se reportant à une note spéciale sur le nom de l’univers Sahâ, note placée à la fin de l’Introduction à l’histoire du Buddhisme indien, t. I, p. 594. Je prie donc le lecteur de vouloir bien lire Sahâ au lieu de Saha, dans le cours de cette traduction qui a été imprimée avant que j’eusse trouvé le moyen de déterminer l’orthographe et le sens véritable du mot Sahâ.

Kôṭis de Nâgas.] Le manuscrit de Londres et les deux manuscrits de M. Hodgson lisent : « Kôṭis de rois des Nâgas. »

Utpala.] Ce nom est lu Utpalaka par les deux manuscrits de M. Hodgson, et Utparaka par celui de Londres ; cette dernière leçon n’est qu’une faute de copiste.

Le roi des Kinnaras Drûma.] Je suis, pour l’orthographe de ce nom propre, les manuscrits qui sont unanimes, sauf en ce qui touche l’abrégement de la voyelle u qui me paraîtrait préférable. Je remarquerai cependant que d’autres listes écrivent Dharma, le nom du roi des Kinnaras. Cette dernière orthographe semble même confirmée par les noms des autres rois des Kinnaras, lesquels ne sont que des composés où dharma occupe la principale place.

f. 4 a.Mahâkâya.] Ce nom est lu Mahâkâlyâyana par les deux manuscrits de M. Hodgson ; cette dernière leçon est certainement fautive.

Vâidêhî.] Je suis ici l’orthographe du manuscrit de Londres et des deux manuscrits de M. Hodgson, ce qui nous donne un nom de femme, au lieu de Vâidéhi, qui serait un nom d’homme. Or on sait que Vâidéhî était le nom de pays de Çrîbhadrâ, la seconde femme du roi Bimbisâra, père d’Adjâtaçatru, et que ce surnom signifie « celle qui est née dans le Vidêha[82]. » J’ignore si c’est d’après les commentaires si précieux qu’il avait entre les mains, que Turnour a traduit cette épithète de vêdĕhiputtô appliquée au roi Adjâtaçatru, par a descendant of the Vedehi line[83]. Rien dans le cours du Sutta pâli au début duquel paraît cette épithète, ne nous avertit du sens qu’il faudrait lui donner.

Destiné à l’instruction des Bôdhisattvas.] Le terme dont se sert le texte est Bôdhisattva-avavâdam, littéralement « instruction orale des Bôdhisattvas. » On voit que je prends ce terme dans le sens passif, en faisant du mot avavâda le moyen par lequel les Buddhas instruisent oralement les Bôdhisattvas ; mais il est aisé de comprendre qu’on pourrait également bien le prendre au sens actif de cette manière, « enseignement oral que donnent les Bôdhisattvas. » Le lecteur est libre de choisir entre ces deux interprétations ; j’ai préféré la première, parce qu’il m’a paru plus conforme au sens général du passage, de faire du Sûtra qu’on y décrit, la possession exclusive des Buddhas. En traduisant avavâda par enseignement, instruction, je ne m’éloigne que très-peu du sens de commandement, ordre, qu’a ce mot dans le sanscrit classique ; mais je crois cette légère modification indispensable. La signification précise en est établie par celle du verbe avavadati, « il adresse la parole, ou l’enseignement, » qui est d’usage dans les deux grandes écoles du Buddhisme indien. J’en trouve deux exemples parfaitement clairs dans le Djina alam̃kâra pâli. Dans le premier, il est question de l’homme qui n’a que des dispositions vicieuses ; après avoir exposé la nature de sa perversité, le texte s’exprime ainsi : Tam̃ Bhagavâ na ôvadati yathâ Dêvadattam̃ Kôkâliyam̃ Sunakkhattam̃ Litchtckhaviputtam yêvâ panaññê sattâ mitchtchhattaniyatâ. « Bhagavat ne lui adresse pas la parole [pour l’instruire], pas plus qu’à Dêvadatta Kôkâliya, à Sunakkhatta fils du Litchtchhavi, pas plus qu’aux autres êtres enclins au mensonge[84] ». Le second passage nous montre le verbe ôvadati (en sanscrit avavadati), rapproché du substantif ôvâda (pour avavâda), par une de ces répétitions familières au style antique : Tattha Bhagavâ tikkhindriyam̃ sam̃khittêna ôvâdêna ôvadati madjdjhimindriyam̃ sam̃khittênatcha vitthârêṇatcha ôvadati mudindriyam̃ vitthârêṇa ôvadati. « Alors Bhagavat enseigne par un enseignement abrégé celui qui a des organes pénétrants, par un enseignement et abrégé et développé celui qui a des organes d’une force moyenne, par un enseignement développé celui qui a des organes mous[85]. » Dans un autre passage, le même livre donne ce qu’on pourrait appeler la formule générale de l’enseignement du Buddha, et il se sert du terme même dont font usage les Buddhistes du Nord. Le passage est assez caractéristique pour mériter d’être cité : Atha Bhagavâ êvam katapûrêbhattakitchtchô gandhakûṭiyâ upaṭṭhâkêna paññattâsanê nisîditvâ pâdê pakkhâlêtvâ pâdapîṭhê ṭhapêtvâ bhikkhusaThgham ôvadati : bhikkhavê appamâdêna sampâdêtha dullabhô buddhuppâdô lôkasmim dullabhô manussattapaṭilâbhô dullabhâ khaṇasampatti dullabhâ pabbadjdjâ dullabam saddhammasavananti êvam Bhagavatâ Sugatôvâdavasêna vuttô dhammô Dîghanikâyamadjdjhimanikâyappamânô hôṭi. « Alors Bhagavat, après avoir accompli de cette manière les actes qui précèdent le repas, s’étant assis sur le siége qui lui avait été préparé par son serviteur dans la chambre des parfums, ayant lavé ses pieds et les ayant posés sur le piédestal, adresse la parole à l’Assemblée des Religieux : Prenez l’investiture sans délai, ô Religieux ! C’est une chose difficile à rencontrer que la naissance d’un Buddha dans ce monde. C’est une chose difficile à rencontrer que l’acquisition de la condition humaine, que l’occasion du moment favorable, que l’état de Religieux mendiant, que l’avantage d’entendre la bonne loi. C’est ainsi que conformément à l’enseignement oral des Sugatas, Bhagavat expose la loi dont les autorités sont le Digha nikâya et le Madjdjhima nikâya[86]. » Je donnerai un autre exemple de la signification de ce mot emprunté à l’un des Édits de Piyadasi ; on le trouvera au numéro X de l’Appendice, où il est parlé de ces inscriptions.

Son corps était immobile.] Le mot dont se sert ici le texte est écrit de la même manière par nos quatre manuscrits, aniñdjamâna. Cette orthographe cependant donne lieu à une difficulté étymologique. En effet si ce participe est celui du radical îdj, « aller, » on devrait l’écrire avec un î ; si, d’un autre côté, il faut garder l’i bref, c’est à niñdj qu’il faut s’adresser ; mais ce dernier radical ne signifie plus « aller, se mouvoir. » J’en dirai autant du mot suivant aniñdja, lequel appartient au radical quel qu’il soit d’où dérivé le terme précité ; il faut de toute nécessité le prendre ici pour un substantif. Cette orthographe, du reste, est peut-être le résultat de l’influence d’un dialecte populaire où il serait permis, comme en pâli par exemple, de remplacer par une brève une voyelle longue de sa nature, quand cette brève vient à être suivie de deux consonnes qui lui rendent sa quantité primitive. Il se peut aussi que ce radical idj, et avec une nasale iñdj, soit une forme ou ancienne ou populaire du radical classique édj, « se mouvoir. » Quoi qu’il en soit, on le rencontre fréquemment dans les textes buddhiques du Nord, notamment dans le Lalita vistara. Quand le Buddha est parvenu à franchir les quatre degrés de la contemplation, on dit qu’il est âniñdjyaprâpta, « arrivé à l’immobilité ou à l’absence d’émotion, » c’est-à-dire à l’impassibilité[87]. En pâli, et dans un passage que l’on trouvera à l’Appendice sous le no XXI, ce mot est écrit anêdjdjappatta ; ce qui semblerait nous ramener au radical édj, si edjdja ne représentait pas plutôt un primitif sanscrit comme didjya. Avec la préposition sam, dont la nasale est souvent augmentée par l’addition fautive d’un anusvâra, ce même radical forme le substantif sam̃miñdjana, que les Tibétains rendent par « l’action de se ramasser, de se resserrer, » littéralement « se mouvoir avec ou sur soi-même ; » ce substantif se rencontre souvent opposé à prasâraṇa[88]. Le radical indj se trouve également en pâli avec cette dernière acception, comme on peut le voir par la comparaison suivante que j’emprunte à un Sutta pâli, et que je transcris exactement d’après mon manuscrit : Sêyyathâpinâma balavâ purisô sam̃miñdjitam̃vâ bâham̃ pasârêyya pasâritam̃vâ bâham̃ sam̃miñdjêyya. « Comme ferait par exemple un homme vigoureux qui étendrait son bras fermé, ou qui fermerait son bras étendu[89]. »

Mandâras.] Il faut lire mandâravas, comme font les manuscrits de M. Hodgson, et comme fait ailleurs le manuscrit de la Société asiatique sur lequel a été exécutée ma traduction. Les noms de ces arbres ne diffèrent, en effet, les uns des autres que par l’addition de l’épithète mahâ. Il n’en est pas moins vrai que le sanscrit classique ne nous fournit que mandâra, qui, d’après Wilson, désigne un des cinq arbres du paradis d’Indra, lequel répond sur la terre à l’Erythrina fulgens, l’une des fleurs les plus éclatantes de l’Inde. Wilson donne à la mañdjûchâ, auquel répond sans doute le mañdjûchaka de notre texte, le sens de « garance du Bengale. » Ces noms reparaîtront plus bas à l’occasion des arbres qualifiés de divins, ch. XVIII, f. 192 a.

Les quatre Assemblées.] C’est la réunion des Bhikchus ou mendiants, des Bhikchuṇîs ou femmes qui mendient, des Upâsakas ou fidèles, et des Upâsikâs ou femmes fidèles. Ces divers personnages sont, positivement énumérés ci-dessous, f. 5 b, et c’est également la définition que les Buddhistes du Sud donnent des quatre Assemblées, d’après l’Abhidhâna ppadîpikâ[90]. Cette constitution des Assemblées religieuses est certainement fort ancienne, car elle est déjà mentionnée dans la missive du roi Piyadasi que j’examinerai ailleurs. Le monarque buddhiste invite les Bhikkhus et les Bhihkhuṇis, ainsi que les Upâsakas et les Upâsikâs, à écouter et à conserver les expositions de la loi ; le nom des Bhikkhus (Bhikchus) est ou altéré dans l’inscription, ou mal rendu dans le fac-simile ; mais il n’y a aucun doute possible sur les premiers mots de la huitième ligne 𑀳𑁂𑀯𑀁𑀳𑁂𑀯𑀁 𑀉𑀧𑀸𑀲𑀓𑀸𑀘𑀸 𑀉𑀧𑀸𑀲𑀺𑀓𑀸𑀘𑀸 hêvam̃hêva upâsakâtchâ upâsikâtchâ, « de même aussi les fidèles et les femmes fidèles[91].

f. 4 bÉbranlée de six manières différentes.] Rien n’est plus commun dans les grands Sûtras du Nord que ces descriptions de tremblements de terre fabuleux ; on en peut voir des exemples dans le Lalita vistara[92]. Du reste, les mots qui expriment les six manières dont la terre est ébranlée, ne sont pas faciles à traduire avec toute la précision désirable. Ce sont trois verbes exprimant le mouvement et l’agitation à des degrés divers, qui sont différenciés par l’addition d’un ou de deux préfixes dont la nuance propre n’est pas bien définie. Ainsi tchalita exprime le tremblement d’un corps qui va tomber, et, avec l’addition des suffixes sam-pra, il peut signifier que ce tremblement agite d’une manière complète la totalité du corps et le pousse en avant. Le mot vêdhita peut avoir, en tant qu’il vient de vyadh, la signification de frappé, et exprimer le mouvement d’un corps qui est ébranlé et qui se meut sous les coups qu’il reçoit ; l’addition des suffixes sam-pra ajoute sans doute à cette idée, celle d’intensité et d’universalité. Enfin kchubhita exprime l’agitation d’un corps qui monte et descend, le bondissement, par exemple le mouvement des eaux de la mer, et les suffixes sam-pra ajoutent sans doute encore ici l’idée d’intensité que j’ai indiquée tout à l’heure. Après ces explications, on doit voir que je ne donne ma traduction que comme une interprétation approximative. On trouvera dans le Foe koue ki une note détaillée de Klaproth sur les huit causes des tremblements de terre, selon les Buddhistes[93]. J’ai déjà remarqué que les détails renfermés dans la note de Klaproth ont une grande analogie avec une description analogue empruntée à un Sûtra du Nord[94].

Maṇḍalins. Balatchakravartins.] Si ces dénominations ne sont pas tout à fait mythologiques, un commentaire qui en marquerait exactement la différence, nous donnerait probablement quelques notions sur les divisions politiques de l’Inde à l’époque où elles avaient cours ; malheureusement nous ne possédons encore rien de semblable, et nous sommes réduits à rassembler çà et là les notions éparses dans les textes sur ces noms qui réveillent chez les Buddhistes des idées qui leur sont familières et qu’ils n’ont pas besoin de définir. Quant à présent, on peut dire que les trois titres Maṇḍalins, Balatchakravartins, et Tchaturdvîpa tchakravartins, expriment une domination de plus en plus étenétendue jusqu’à devenir fabuleuse. Ainsi les Maṇḍalins sont les souverains d’un royaume dit maṇḍala ; ce sont probablement les rois ordinaires. Les Balatchakravartins sont des souverains de plusieurs royaumes, et leur puissance est, à ce qu’il paraît, soutenue par une armée ou une force (bala) qui leur assure la victoire. Enfin les Tchaturdvîpa tchakravartins sont des monarques souverains dont la fabuleuse domination s’étend sur les quatre îles dont la réunion forme la terre suivant l’opinion des Buddhistes. Mais il se pourrait aussi que la fable commençât ici avec le nom de Tchakravartin, et que ce titre désignât le moins élevé des souverains Tchakravartins, celui qui ne commande qu’à l’un des quatre Dvipas ou îles, et dont un recueil cité par Abel Rémusat compte quatre jusque et y compris le Tchaturdvîpa tchakravartin[95]. Il est à peu près certain que le titre de Mahâtchakravartin ou grand monarque souverain, n’est qu’un synonyme de celui de Tchaturdvîpa tchakravartin. Il semble cependant que l’addition de l’épithète mahâ ne soit pas indispensable pour marquer l’infériorité des Balatchakravartins à l’égard des Tchakravartins ; car ces derniers passent pour posséder seuls les sept objets précieux qui sont énumérés au commencement du Lalita vistara[96]. C’est ce que je crois pouvoir conclure d’un passage du Lotus, ch. XVIII, f. 196 b, que j’ai corrigé dans une note. On trouvera dans le Foe koue ki une note intéressante où Abel Rémusat a rassemblé ce que les textes chinois lui offraient de plus caractéristique touchant le roi Tchakravartin, la puissance qu’il possède, et l’époque à laquelle il paraît au monde[97]. Remarquons en terminant que le titre de Tchakravartin a été emprunté par les Buddhistes aux Brâhmanes qui l’attribuaient à Bharata, ce personnage épique, souverain de toute la terre ; mais G. de Humboldt[98] et Lassen[99] ont montré que ce titre, par l’usage qu’en ont fait les Buddhistes, leur est devenu à peu près exclusivement propre. Ainsi l’idée d’assigner à un Buddha dans l’ordre religieux le rang qu’occupe le roi Tchakravartin dans l’ordre politique, ne pouvait se présenter aux Brâhmanes.

Remplis d’étonnement et de satisfaction.] L’expression consacrée dans les textes sanscrits du Nord pour rendre cette idée est âçtcharyaprâptâ âudvilyalchittâḥ ; le premier mot signifie littéralement « arrivés à l’étonnement ; » mais je n’ai pas d’autorité positive pour traduire par satisfaction, plutôt que par curiosité, ou encore par surprise ou même par trouble, le mot âudvilya, que je ne trouve pas dans Wilson. Il faut probablement rattacher ce dérivé au radical vil, « to throw, to cast, » et y voir un substantif abstrait qui devra signifier au propre agitation, trouble. En rapprochant âudvilya de vélâ, on serait tenté de traduire le premier mot par « l’état d’être hors de sa rive, » ou encore « d’être inopinément frappé, surpris à l’improviste. » Cette dernière interprétation semblerait être confirmée par le singhalais, où le mot uvale signifie, selon Clough, confused, entangled, perplexed[100]. Ce dernier mot semble nous conduire à une forme pâlie qui serait uvila ou ubbila.

Jusqu’au grand Enfer Avîtchi, etc.] Sur cet Enfer qui est le dernier des huit Enfers brûlants, voyez une note du Foe koue ki, p. 299, et aussi l’Introduction à l’histoire du Buddhisme indien, t. I, p. 201 et 202. L’enfer Avîtchi est le point le plus déclive d’un monde, comme la limite de l’existence en est le point le plus élevé. Appliquées à ces dix-huit mille terres de Buddha, c’est-à-dire à ces dix-huit mille mondes fabuleux qu’on suppose chacun sous la direction tutélaire d’un Buddha, ces expressions signifient que ces mondes furent entièrement illuminés depuis le haut jusqu’en bas. Quant à ce que j’ai traduit ici par « jusqu’aux limites de l’existence, » et ailleurs « jusqu’aux lieux où commence l’existence, » c’est l’expression bhavâgra, qu’il serait plus exact de rendre par « le point culminant de l’existence, » littéralement le sommet de l’existence, ou comme je l’ai dit plus bas, st. 5, « la limite extrême où finit l’existence ; » ce sommet est celui du dernier étage du monde sans forme, qui est la partie la plus élevée des mondes superposés[101]. On trouve encore dans quelques textes, mais autant que je le puis croire jusqu’ici, dans des textes plus modernes, une autre expression qui paraît au premier abord synonyme de bhavâgra, mais qui en diffère par l’application qu’on en fait. C’est le terme de bhûtakôṭi qui est synonyme du Vide selon le Saddharma Lag͂kâvatâra[102] ; dans cette acception, il est probable que bhûtakôṭi signifie « le bout, l’extrémité de ce qui est » non pas inclusivement, mais exclusivement, de manière qu’avant la première chose qui est, on ne voie encore que le vide. Au reste quand même cette explication devrait être reconnue inexacte ou insuffisante, il n’en resterait pas moins à peu près certain que bhûtakôṭi, par cela seul qu’il est synonyme de çunyatâ, « la vacuité, » ne peut l’être de bhavâgra, dont le sens a été suffisamment déterminé par ce qui précède.

Les six voies de l’existence.] Ce sont les six conditions d’existence pour les êtres sensibles ; on les nomme gati, « voies, » parce que c’est par elles que va, que marche l’homme, c’est-à-dire que s’opère la transmigration du principe intelligent et sensible. Les six voies sont ainsi énumérées dans toutes les écoles : 1o celle des Dêvas, ou habitants des cieux ; 2° celle des hommes ; 3° celle des génies, comme les Gandharvas, les Kinnaras, les Yakchas, les Asuras et autres ; 4° celle des Prêtas ou démons faméliques ; 5° celle des brutes ; 6° celle des habitants des Enfers ou damnés[103]. Nous verrons plus bas, chap. V, fol. 73 a, que l’on n’en compte quelquefois que cinq dans le texte même de notre Saddharma puṇḍarîka. Ces six conditions se divisent en deux classes, la première formée de deux conditions qui sont bonnes, la seconde formée des quatre autres conditions qui sont mauvaises[104]. Au nombre de ces quatre mauvaises conditions, A. Rémusat met la condition humaine[105]. Mais ce doit être une erreur, car la plupart des autorités s’accordent à placer l’homme au second rang dans l’échelle des êtres. Les Buddhistes du Sud nomment « les quatre apâyas, » ces quatre dernières existences[106] et âpâyika, celui qui est condamné à une de ces existences. Le mot apâya est également usité chez les Buddhistes du Nord, et il en doit être autant de son dérivé âpâyika. Le Djina alam̃kâra emploie cette expression qu’on doit retrouver souvent : tchatusu apâyêsu patitva, « étant tombé dans les quatre états de punition[107]. »

Cette pensée s’éleva dans l’esprit du Bôdhisattva.] Le texte se sert ici d’une expression propre au sanscrit buddhique et qu’il possède en commun avec le pâli, c’est la locution bôdhisattvasya êtad abhavai, littéralement « cela fut au Bôdhisattva. » On dirait en pâli bôdhisattassa êtad ahosi. Il y a un exemple de cette locution dans un texte pâli qui fait partie des fragments publiés par M. Spiegel[108].

L’apparition merveilleuse d’un grand miracle.] Le texte se sert ici de l’expression mahânimitta prâtihârya, qui est spécialement propre au style buddhique de toutes les écoles, et que l’on retrouve dans le pâli de Ceylan sous la forme de pâṭihâriya. En voici un exemple que je cite, parce qu’il rappelle par un trait court, mais expressif, une idée familière aux Buddhistes du Nord : Tattha tattha dassitapâṭihâriyêṇâpi mahâdjanô pasîdati. « La foule du peuple est disposée à la bienveillance par les miracles qu’on lui fait voir çà et là[109]. » Ce passage est certainement inspiré par le même esprit que ceux que j’ai cités ailleurs sur la destination et l’efficacité des miracles dans le Buddhisme[110].

Puissance surnaturelle.] Le mot que je rends de cette manière est rĭddhi, en pâli iddhi, terme que les Mongols ont emprunté ainsi que quelques autres au sanscrit, sans le modifier[111]. C’est à l’aide de leur puissance surnaturelle, véritable pouvoir magique, que les Buddhas et les autres personnages qui sont parvenus au degré suffisant de sainteté, accomplissent les miracles qui jouent un si grand rôle dans les légendes buddhiques. On peut consulter sur l’étendue et les effets de cette prétendue puissance, une note d’Abel Rémusat, rédigée d’après des autorités chinoises, mais dont les détails se retrouveraient épars, soit dans notre Lotus même, soit dans d’autres ouvrages de la collection népalaise de M. Hodgson[112]. Dans la note à laquelle je renvoie le lecteur, les expressions les yeux du ciel, les oreilles du ciel, sont très-probablement la traduction des expressions sanscrites dêva tchakchus, dêva çrôtra ; et nous avons un exemple, sinon de ces facultés divines, du moins d’une perfection d’organes qui en approche, dans notre Lotus de la bonne loi même, chap. XVIII, pag. 215 et suiv.

La puissance surnaturelle ou magique nommée rĭddhi repose sur quatre fondements, ou se compose de quatre portions nommées Rĭddhipâda, que j’ai eu occasion de citer ailleurs d’après une légende du Divya avadâna[113] ; malheureusement la partie de la légende où se trouvent ces Rĭddhipâdas n’est pas très-claire, et même elle-manque à un manuscrit du Divya avadâna que je dois à la libéralité de M. Hodgson. Le Vocabulaire pentaglotte buddhique donne de ces Rĭddhipâdas une énumération plus régulière, mais non encore plus intelligible, qu’il est bon de rapporter ici. Voici d’abord le texte du Divya avadâna : 1o tchhanda samâdhi prahâṇâya sam̃skâra samârôpanatâ rĭddhipâdaḥ, 2o tchittarddhipâdô, 3o vîryarddhipâdô, 4o mîmâmsâ samâdhi prahâṇa sam̃skâra samanvâgata rĭddhipâdaḥ[114]. Je passe maintenant à l’énumération du Vocabulaire pentaglotte, en l’interprétant partie par partie : 1o tchhanda samâdhi prahâṇâ sam̃skâra samanvâgatô rîddhipâdaḥ, littéralement : « la portion de la puissance magique accompagnée de la conception du renoncement à la méditation du désir ; » 2o tchitta samâdhi prahâṇa, et comme au no 1, pour la suite de la formule : « le renoncement à la méditation de l’esprit ; » 3o vîrya samâdhi prahâṇa, et ainsi de suite : « le renoncement à la méditation de la force ; » 4o mîmam̃sâ samâdhi prahâṇa, et ainsi de suite : « le renoncement à la méditation de tout exercice intellectuel[115]. » On voit que pour se faire une idée nette de ces quatre parties de la puissance magique, il faudrait un commentaire détaillé ; car l’inconvénient d’une traduction littérale comme celle qui se présente pour chacun de ces termes, est suffisamment sensible : une telle traduction ou force ou affaiblit la nuance des mots, qui dans ce genre d’expressions sont naturellement très-compréhensifs. Essayons cependant d’y voir un peu plus clair ; il va sans dire que mes explications ne devront conserver quelque valeur qu’autant qu’elles viendraient à s’accorder avec un texte donnant une interprétation authentique de ces quatre termes. Les mots fondamentaux de chaque formule sont le désir, l’esprit, la force et l’exercice de l’intelligence : ce sont ces mots qui différencient les quatre formules. Vient ensuite samâdhi prahâṇa, dont la traduction littérale, « le renoncement à la méditation, » ne présente pas une idée assez exacte. Ici samâdhi n’a probablement d’autre valeur que celle d’idée, ce qui permet de traduire les trois premiers termes de chaque formule de la manière suivante : « le renoncement à l’idée de désir, le renoncement à l’idée d’esprit, le renoncement à l’idée de force, le renoncement à l’idée d’exercice de l’intelligence. » Le mot sam̃skâra peut sans doute conserver sa signification ordinaire de conception, concept ; si cependant il était permis d’y substituer celle d’accomplissement, action, qui est parfaitement légitime, la formule y gagnerait en clarté. Je n’insiste pas sur samanvâgatô, qui signifie « accompagné de, doué de ; » mais dans le composé rĭddhipâda, le terme de pâda ne doit pas signifier fondement, comme je le croyais autrefois, mais bien « le quart, la quatrième partie. » Cette correction a quelque importance, en ce qu’elle nous présente chacune des quatre formules comme une portion intégrante, et numériquement comme le quart de cette faculté supérieure qu’on nomme rĭddhi. Ainsi pour nous résumer : « une portion de la puissance magique est accompagnée de l’exécution du renoncement à toute idée de désir ; une autre l’est de l’exécution du renoncement à toute idée d’esprit ; une troisième l’est de l’exécution du renoncement à toute idée de force ; une quatrième et dernière portion l’est de l’exécution du renoncement à toute idée d’exercice de l’intelligence. » En d’autres termes, avoir cessé de vouloir, de se sentir un esprit, de faire effort et d’exercer son intelligence, voilà les quatre éléments du pouvoir magique, éléments qui, à le bien prendre, se réduiraient à deux, puisque faire effort rentre dans vouloir comme dans sa cause, de même qu’exercer son intelligence rentre dans la fonction plus générale de se sentir intelligent. Le lecteur ne me demandera pas sans doute comment il se fait que l’annulation de ces deux grandes facultés, la volonté et l’intelligence, puisse assurer à l’homme la possession d’un pouvoir surhumain : c’est aux Buddhistes eux-mêmes que je le renverrais. Qu’il me suffise de rappeler que la croyance au pouvoir qu’a le sage d’acquérir des facultés surnaturelles par la pratique de certains exercices ascétiques, est pour les Buddhistes un dogme fondamental et un article de foi. Nous sommes placés ici hors des conditions du bon sens ordinaire, et l’on doit être moins surpris que les Buddhistes voulant faire de leur sage un être qui pût s’élever au-dessus des lois de la nature, lui aient enlevé les deux attributs par lesquels l’ascète le plus insensible est encore soumis à ces lois.

On trouve en outre dans le Vocabulaire pentaglotte cinq autres termes qui sont ajoutés à la section consacrée aux Rĭddhipâdas. Le premier est anupalambhayôgô na bhavati : ces trois mots doivent former une proposition dont la signification peut être : « il n’y a pas union avec la non-perception ; » c’est-à-dire que le sage est indépendant de l’extérieur, en ce qu’il cesse d’être uni avec ce dont il n’y a plus pour lui de perception. Les quatre autres termes sont vivêka niçritam, virâga niçritam, nirôdha niçritam, vyavasarga pariṇatam. Ce sont des adjectifs au neutre qui doivent représenter des substantifs, et qu’on peut traduire ainsi : « la retraite au sein de la solitude, au sein du détachement des passions, au sein de l’anéantissement, et la maturité du complet abandon. » Il semble que ces cinq termes qui reviennent à ceux-ci : la suppression de toute perception, la retraite dans la solitude, l’absence de toute passion, l’action d’arrêter toutes les causes d’activité et l’abandon absolu, sans doute de tout exercice de la volonté et de l’intelligence, doivent être considérés comme les causes efficientes du quadruple pouvoir magique. Je terminerai en avertissant que cette croyance au pouvoir surnaturel des Religieux qu’on distingue spécialement sous le titre d’Arhat, est ancienne dans le Buddhisme. Elle est aussi familière aux Buddhistes du Sud qu’à ceux du Nord ; et les quatre Iddhipâdas, comme on les nomme en pâli, sont à tout instant cités dans le Mahâparinibhâna sutta, aussi bien que dans le Sâmañña phala sutta du Dîgha nikâya, dont on trouvera la traduction au no II de l’Appendice. Je ne les ai cependant pas encore vus nominativement énumérés dans un texte pâli ; mais il n’y a pas d’apparence que les termes doivent en être différents de ceux que je viens d’essayer d’analyser.

Qui a rempli sa mission.] Le mot que je traduis par mission est adhikâra, qui signifie exactement « office, fonction dont on est chargé ; » ma traduction est donc conforme au sens classique d’adhikâra. Mais il se pourrait que chez les Buddhistes du Nord, le radical krĭ, précédé de adhi, eût la même acception spéciale qu’il a chez les Buddhistes du Sud, où, selon l’Abhidhâna ppadîpikâ, le substantif adhikaraṇa signifie « le désir exprimé par quelqu’un ayant le pouvoir d’obtenir ce qui fait l’objet de ses vœux[116]. » Si cette supposition venait à se confirmer, il faudrait adopter la traduction suivante : « Voici Mañdjuçrî Kumâra qui a exprimé ses vœux sous les anciens Djinas. ». Ce même mot a encore une autre acception, mais que j’ai lieu de croire plus rare, car je ne l’ai encore rencontrée que dans un seul passage, dans un fragment du Sâra sag̃gaka, publié par Spiegel. Suivant ce texte, adhikâra signifie « le don, l’offrande » (paritchtchâga), pur exemple, le don de son corps, de sa vie que fait un homme en exprimant le désir de devenir un jour un Buddha. L’adhikâra fait partie des conditions sans lesquelles nul ne peut parvenir à cet état sublime[117]. Comme, il s’agit ici justement de Bôdhisattvas, j’ai cru que je ne pouvais pas omettre de mentionner ce sens ; mais il se peut qu’il rentre dans le précédent, celui de « vœu, désir, » avec cette nuance spéciale, que dans l’adhikâra du texte de Spiegel l’objet du vœu serait exprimé.

Il aura profité des grands entretiens d’autrefois sur la loi.] Comme le texte se sert du mot anubhûtâni, « perçus, » il serait plus exact de traduire, « il aura compris les grands entretiens d’autrefois sur la loi. »

f. 6 b.St. 5. Qui en sortent.] Le texte se sert ici d’une expression propre au sanscrit buddhique, et qui se retrouve également dans les textes pâlis ; c’est le radical tchyu, littéralement tomber, qui, par une extension de sens dont on peut suivre la marche dans le sanscrit classique, prend la signification de sortir du monde, c’est-à-dire mourir. On emploie plus ordinairement ce verbe avec un terme déterminatif du lieu où se trouve le sujet auquel on l’applique ; ainsi on ne dit pas seulement tchyutaḥ, « étant tombé, » pour dire « étant mort, » mais en ajoutant tataḥ, on dit tataçtchyataḥ, « étant tombé d’ici, étant sorti de ce monde. » J’en trouve plusieurs exemples dans les textes pâlis ; je me contenterai d’en citer un qui me paraît très-caractéristique. Au commencement d’une des légendes contenues dans la collection dite Rasavâhinî, « le fleuve du goût, » collection dont Spiegel a donné quelques extraits, on trouve le passage suivant : Tatô tchutô dêvalokê nibbatti tassa dvâdasayôdjanikam̃ nakavimânam̃ nibbatti. « Il tomba de ce monde ; revenu dans le monde « des Dêvas, un char céleste de douze Yôdjanas d’étendue servait à ses plaisirs[118]. « Dans un autre passage du même recueil, un Mlêtchha qui a rendu un service à un Pratyêkabuddha, lui adresse la prière suivante : Itô tchavitvâna bhavê bhavê sumahiddhikô dhanavâ sîlavâtcha saddhô, mudu dânapatitcha hutvâ saggâpavaggam abhisambhuṇêyyanti. « Étant tombé d’ici, puissé-je, après avoir été dans chacune de mes existences très-fortuné, possesseur d’une « grande puissance magique, riche, vertueux, plein de foi, doux, libéral, obtenir la délivrance céleste[119] ! » On trouvera d’autres exemples de cette expression dans les fragments publiés par Spiegel, avec quelques renvois au texte du Mahâvam̃sa[120].

St. 10. Aux hommes vertueux et comblés.] Lisez, « aux hommes comblés des saints regards des Buddhas. »

En décrivant complètement.] Le texte se sert du participe sam̃varṇayantô qui se prête également, je dois le dire, à un autre sens dont on rencontre de fréquents exemples, tant dans le sanscrit du Népâl que dans le pâli de Ceylan. C’est le sens de louange, qui est justifié en sanscrit par des autorités classiques. Si l’on préférait ici cette signification, il faudrait dire, « en louant complètement cette règle de la loi. » Nous aurons par la suite de fréquentes occasions de constater l’existence de ce sens de louange donné par les textes buddhiques du Népâl et de Ceylan aux diverses formes du mot varṇa. Je citerai en attendant un bon exemple du pâli vaṇṇa emprunté à la partie philosophique du Djina alam̃kâra ; il s’agit des qualités innombrables d’un Buddha :

Baddhôpi Buddhassa bhaṇêyyà vaṇṇam̃ kappampi tchê aññam abhâsamânô
khîyétha kappô tchiradîgham antaré vaṇṇô na khîyêtha tathâgatassa.

« Quand le Buddha lui-même prononcerait l’éloge du Buddha, même pendant tout un Kappa (Kalpa), sans parler d’autre chose, le Kalpa serait pendant ce récit depuis bien longtemps terminé, que l’éloge du Tathâgata ne serait pas achevé[121] » Comme varṇa signifie louange, avarṇa, qui en est le contraire, prend le sens de blâme. J’en trouve un exemple au commencement d’un des Suttas les plus estimés à Ceylan, le Brahmadjâla sutta : Ayam̃hi Suppiyô paribbâdjdjakô anêkapariyâyéna Buddhassa avaṇṇam̃ bhâsati dhammassa avaṇṇam̃ bhâsati sam̃ghassa avaṇṇam̃ bhâsati. « Le mendiant Suppiya (Supriya) blâme le Buddha, blâme la Loi, blâme l’Assemblée[122]. » C’est dans le sens de louange que j’ai traduit le vadanti varṇam de la stance suivante, fol. 7 a. Il est clair que le sens de description n’irait pas mieux à cette stance, qu’au participe adverbial sam̃varṇya de la stance 76 ci-dessous, qui rapproché de la forme barbare sam̃stuvitvâ, ne peut avoir d’autre signification que celle de ayant loué.

f. 7 a St. 14. Des conques, du cristal.] Ces deux mots représentent le terme composé de l’original çag̃kha çilâ, qui littéralement interprété signifie conque et pierre ; et quand j’ai traduit le Saddharma puṇḍarîka, je n’avais pas le moyen de donner à mon interprétation une précision plus grande. Depuis j’ai eu l’occasion de conjecturer ailleurs que Ce composé, dont les éléments subordonnés l’un à l’autre pourraient signifier pierre de la conque, désignait la nacre de perle[123], mais je n’ai rien trouvé depuis qui confirmât cette conjecture. M. Foucaux, dans la version française qu’il vient de publier du Lalita vistara tibétain, fait des deux termes deux désignations de substances distinctes, et y voit la nacre et le cristal[124]. J’avoue que j’aimerais à pouvoir adopter cette interprétation, et je n’hésiterais pas à le faire, si je trouvais quelque preuve que çag̃kha, « la conque, » désigne aussi la nacre dont plusieurs conques sont formées, ou au moins revêtues ; car en ce qui regarde çilâ, il n’y a aucune difficulté à y reconnaître le cristal, puisque les Tibétains traduisent ou plutôt transcrivent ce mot par chel, auquel les dictionnaires connus donnent le sens de cristal. Je remarque seulement (et c’est ce qui me laisse encore dans le doute sur la question de savoir si çag̃kha çilâ ne désigne pas une substance unique), que l’interprète tibétain du Saddharma puṇḍarîka rend les deux mots sanscrits par man-chel, et que I. J. Schmidt, dans son Dictionnaire tibétain, donne à man-chel la signification de cristal[125].

St. 16. Dans l’enceinte des trois mondes.] Le mot dont se sert le texte est trâidhâtukê ; l’idée d’enceinte, que j’ajoute pour plus de clarté, est indiquée par la forme de dérivé collectif sous laquelle se présente ce mot. Mais comme cette traduction, quand elle n’est pas accompagnée du texte, est insuffisante pour montrer si l’original emploie le mot trâidhâtukê ou celui de trâilôkyê, et que ces deux expressions indiquent des objets et des divisions très-différentes, je crois nécessaire d’y renoncer aujourd’hui, en considération d’une remarque de I. J. Schmidt, sur le mérite de laquelle je me suis expliqué ailleurs[126]. Je propose donc maintenant de traduire trâidhâtukê, « dans l’enceinte des trois régions, » et trâilôkyé, « dans l’enceinte des trois mondes. » Le mot dhâtu, qui signifie d’ordinaire élément, racine, métal, est ici le dénominateur général des trois régions, qui sont kâmadhâtu, « la région du désir, » rûpadhâtu, « la région de la forme, » arûpadhâtu, « la région de l’absence de forme. » C’est très-vraisemblablement du sens de contenance, compréhension, que part cette acception particulière du mot dhâtu. Le sens de compréhension, qui est donné à dhâtu par un commentateur buddhiste[127], se retrouve encore dans le composé lôkadhâtu, littéralement « un contenant de mondes, un univers, » composé où lôka garde le sens de monde qu’il a dans le collectif trâilôkya. Quelque simple que soit cette notion, j’ai cru nécessaire de la rappeler ici, parce que le déplacement des deux mots dhâtu et lôka donnerait naissance à un autre composé d’un sens très-différent. Comme l’examen de ce composé pourrait étendre trop loin cette note, je l’ai rejeté à l’Appendice, où on trouvera quelques développements sur ce sens spécial du mot dhâtu d’après des textes anciens. Voyez Appendice, no IV.

Véhicule.] Je traduis ainsi le mot yâna, char ou moyen de transport en général, expression qui se représentera souvent dans ce volume, et dont le sens est amplement expliqué dans une note étendue, de A. Rémusat sur le Foe koue ki[128]. On compte trois véhicules, désignés collectivement par le titre de triyâna, qui sont comme autant de moyens fournis à l’homme par l’enseignement de Çâkya, pour sortir de l’enceinte des trois mondes, c’est-à-dire pour échapper à la loi de la transmigration, en parvenant à l’état de perfection que le Buddha promet à ses adeptes. Ces véhicules sont celui des Çrâvakas ou des Auditeurs du Buddha, celui des Pratyêkabuddhas, ou des Buddhas personnels, enfin celui des Bôdhisattvas, ou des Buddhas futurs[129]. Le Lotus de la bonne loi a pour objet d’établir, comme l’avait déjà avancé Rémusat d’après des autorités chinoises, qu’il n’existe qu’un seul yâna, ou moyen de transport, quelle que soit la variété des noms que portent les divers véhicules destinés à soustraire l’homme aux conditions de l’existence mortelle. Car cette diversité de véhicules est, comme le dit le Saddharma puṇḍarîka en plus d’un endroit, un moyen inspiré au Buddha par le besoin qu’il éprouve de proportionner son enseignement aux facultés de ceux auxquels il l’adresse. La parabole de la Maison embrasée, celle de l’Enfant égaré, sont d’intéressantes applications de cette théorie.

f. 7 b.St. 23. Savent en donner la définition.] Pour être plus exact, il faudrait dire, « la méditent et savent en donner la définition. »

St. 24. Aux cinq connaissances surnaturelles.] Voyez ci-dessus, chap. I, fol. 1, et ci-dessous, chap. V, fol. 75 a.
f. 8 a.St. 28. Convertissant un grand nombre de Bôdhisattvas.] J’avais traduit par convertissant le mot samodayantâ, comme s’il se rattachait au même thème que le pâli ôvâda, « enseignement. » Mais on ne peut admettre une contraction aussi forte que celle de ovâda en ôda ; et il est bien plus naturel de supposer que la nasale de sam a été oubliée, de sorte qu’on doit lire sam-môdayantâ. Dans cette supposition, il faudra traduire, « comblant de joie un grand nombre de Bôdhisattvas. » Je n’insiste pas sur l’irrégularité que présente la déclinaison de ce mot ; il appartient à la partie versifiée du Lotus, laquelle sera bientôt l’objet d’un examen spécial. Je remarque seulement que ce verbe se rencontre fréquemment avec cette même faute d’orthographe dans les manuscrits pâlis copiés chez les Barmans, tandis que les exemplaires singhalais, en général plus corrects, lisent le mot avec deux m. Ainsi, dans le Pâṭimôkkha, une glose relative au chap. ii, règle 10, donne cette phrase : Yasmâ samaggô sam̃ghô sammôdamânô avivadamânô êkuddesô phâsu viharati. « Parce que l’Assemblée se trouve heureusement pleine de satisfaction, ne discutant pas, donnant une instruction unique[130]. » L’expression « se trouve heureusement » reparaîtra plus tard dans la formule dont on se sert pour saluer un Buddha ou l’Assemblée de ses Religieux[131].

St. 29. Les Maruts.] Le mot que je traduis ainsi est constamment écrit maru sans t final, comme il l’est en pâli[132].

St. 30. Et les convertissent à l’état de Buddha.] Il est plus exact de traduire, « et leur inspirent de la joie touchant l’état de Buddha. »

f. 8 b.St. 31. Ceux-là sont arrivés par l’énergie à l’état suprême de Bôdhi.] Cette interprétation est gravement incorrecte. Il ne peut être ici question de personnages arrivés à l’état de Bôdhi, autrement ces sages seraient des Buddhas. Le texte se sert du mot prasthita, parti pour, qui est en route ; » il faut donc traduire, « ceux-là sont partis à l’aide de l’énergie pour l’état suprême de Bôdhi. » La même correction doit être introduite à la fin de la stance 32, où il faut lire, « ceux-là sont partis à l’aide de la morale pour l’état suprême de Bôdhi ; » à la fin de la stance 35, où il faut lire, « ceux-là sont partis à l’aide de la contemplation pour l’état suprême de Bôdhi ; » à la fin de la stance 40, où il faut lire, « ceux-là sont partis à l’aide de l’aumône pour l’état suprême de Bôdhi ; » à la fin de la stance 41, où il faut lire, « ceux-là sont partis à l’aide de la science pour l’état suprême de Bôdhi ; » à la fin de la stance 42, où il faut lire, « ceux-là sont partis à l’aide de la sagesse pour l’état suprême de Bôdhi. »

St. 37. Des centaines de kôṭis de vêtements.] J’avais lu par erreur çatam̃ au lieu de satalam̃, que donnent les manuscrits. Il faut donc traduire, « quelques-uns donnent sans cesse des vêtements par kôṭis. »

St. 38. Vihâra.] C’est le nom que l’on donne aux monastères buddhiques, c’est-à-dire aux lieux où se trouvent, où passent leur vie les Religieux. Georgi a publié le plan d’un de ces édifices, dont Pallas et Hodgson ont reproduit plusieurs représentations[133]. Les Buddhistes qui ont relevé et compté les mérites et les défauts de chaque chose, prétendent qu’il y a cinq perfections sans lesquelles un monastère n’est pas accompli. Je trouve l’énumération de ces cinq perfections dans un des livres les plus estimés des Buddhistes du Sud, l’Ag̃guttara nikâya, dont la Bibliothèque nationale possède un manuscrit en pâli et en barman : « Comment, ô Religieux, un monastère a-t-il les cinq perfections ? C’est lorsqu’il n’est ni trop loin, ni trop près, qu’il est fréquenté, que le jour il ne s’y voit pas de confusion, qu’il est, la nuit, tranquille et sans bruit, qu’on n’y éprouve l’atteinte ni des mouches, ni des cousins, ni des serpents, ni du vent, ni de la chaleur, ni de la réverbération de la lumière. Celui qui habite un tel monastère, a sans peine ce dont il a besoin, le vêtement, le riz préparé, le lit et le siège, les médicaments pour guérir les maladies. D’anciens Religieux d’un grand renom, versés dans la lecture des livres sacrés, qui observent les préceptes du Vinaya et de la Mâtika, qui possèdent la loi, habitent ce monastère. Ces Religieux passent leur temps à interroger et à faire sans cesse de nouvelles questions : Comment ? qu’est-ce que cela veut dire ? Voilà comment ils interrogent et comme ils font de nouvelles questions. Puis ils expliquent à celui qu’ils ont interrogé, ce qu’il y a d’obscur dans le texte. Ce qui n’y est pas dit, ils le disent ; ils dissipent les doutes qui s’élèvent sur divers passages difficiles de la loi. C’est ainsi, ô Religieux, qu’un monastère a les cinq perfections[134]. »

f. 9 a.St. 42. Des hommes connaissant la loi de l’inaction.] Les manuscrits de M. Hodgson et celui de Londres s’accordent à lire nirîhakâm̃ pour nirîhakân, à la place de nirîhakâ du manuscrit de la Société asiatique. Il faut donc détacher cet attribut du suivant, et traduire, « je vois des hommes indifférents connaissant les lois. » Quant à l’expression suivante, parvenus à l’unité, j’avoue que c’était uniquement par conjecture que je traduisais ainsi le texte qui donne dvayapravrĭttam̃ pour pravrĭttân, avec le seul sens possible de « livrés à la dualité, occupés de la dualité. » Tous les manuscrits sont unanimes quant à cette leçon. Mais la version tibétaine, en traduisant ainsi ce terme difficile, gñis-med rab jugs, « parfaitement entrés dans l’indivisible, ou dans l’indubitable, » me semblait partir d’un texte où pravrĭttân serait précédé d’une négation, comme dvayapravrĭttân, « ne s’occupant pas de la dualité. » C’est d’après cette supposition que j’avais traduit ; mais aujourd’hui je doute plus que jamais de l’exactitude de cette version. Ne se pourrait-il pas en effet que le mot dvaya, « réunion de deux êtres, couple, » fût une allusion à l’exposition binaire que les Buddhistes font des lois, lorsque voulant prouver qu’elles n’existent pas substantiellement, ils nient à la fois de chacune d’elles le positif et le négatif, de cette manière : « les lois ne sont ni créées ni incréées. » Dans ces expositions singulières dont nous avons quelques exemples dans notre Lotus même[135], les caractères qu’on veut refuser aux lois, ou conditions, ou êtres, sont rapprochés deux à deux, et forment des dvaya ou des couples, dont la connaissance passe pour être du domaine de la plus haute sagesse. Or ce sont les fils du Buddha, partis à l’aide de la pradjnâ pour l’état suprême de Bôdhi, que la stance 42 nous représente dvayapravrĭttâ, c’est-à-dire occupés à considérer les attributs binaires des lois, ainsi qu’on pourrait traduire cette expression en la commentant. Notre stance offre encore une autre difficulté que font naître et en même temps qu’aident à résoudre les deux manuscrits de M. Hodgson. D’abord j’avouerai que tous nos manuscrits sont unanimes pour lire khagatulya, que j’ai traduit, « semblables à l’étendue du ciel, » ou si l’on veut, de l’espace, m’appuyant ici sur la version tibétaine, et par analogie sur la signification de vent, air que Wilson donne à khaga. Mais ne serait-il pas permis de conjecturer que le texte a pu primitivement porter khaḍga ? On traduirait alors, « semblables au rhinocéros, » c’est-à-dire amis comme lui de la solitude. Ce nom de khadga n’est d’ailleurs pas inconnu aux Buddhistes, puisqu’un lexicographe indien qui passe pour avoir partagé leurs opinions, donne les mots khaḍga, « rhinocéros, » et ékatçhârin, « solitaire, » parmi les synonymes du titre de Pratyêkabuddha[136], et que les Chinois désignent une classe de ces Pratyêkabuddhas par l’épithète de khaḍgavichâṇakalpa, « semblables à la corne du rhinocéros[137]. « La première version serait une similitude destinée à exprimer l’immensité de leur science, la seconde marquerait leurs habitudes solitaires. Enfin le point où les manuscrits de M. Hodgson diffèrent de celui de la Société asiatique, porte sur le dernier mot de la stance qu’ils lisent mâdrĭçân, « semblables à moi, » au lieu de sadrĭçân, « semblables, » qui faisait double emploi avec tulya, déjà joint à khaga. En résumé voici la nouvelle version qu’il faudrait donner de la stance 42 : » Je vois des hommes indifférents, connaissant les lois, occupés à en considérer le double caractère, semblables à l’espace, semblables à moi. » En supposant qu’il faille lire khaḍga, on traduirait, « semblables au rhinocéros, semblables à moi. »

St. 45. Les sept substances précieuses.] Les substances dont il est parlé ici sont très-vraisemblablement celles dont on trouve une énumération ci-dessous, ch. vi, f. 83 a et 84 a. En voici les noms sanscrits : suvarṇa, rûpya, vâiḍurya, sphaṭika, lôhitamukti, açmagarbha, masâragalva. Il ne paraît pas qu’il puisse exister le moindre doute sur le sens des quatre premiers termes ; ce sont l’or, l’argent, le lapis-lazuli et le cristal ; cette interprétation s’appuie sur le Dictionnaire de Wilson pour le sanscrit, et sur celui de Csoma de Körös pour le tibétain. Je laisse de côté le cinquième terme, sur lequel je reviendrai tout à l’heure. Le sixième, açmagarbha, signifie selon Wilson, émeraude, et c’est d’après cette autorité, qui repose elle-même sur celle de l’Amarakôcha, que j’ai traduit ; mais il ne me paraît plus aussi évident que cette interprétation soit exacte. En effet, la comparaison qu’on doit faire de notre liste des sept choses précieuses avec une pareille liste qui a cours chez les Buddhistes du Sud et qui est reproduite par le vocabulaire pâli intitulé Abhidhâna ppadîpika[138], sert à déterminer, comme je le dirai tout à l’heure, le septième terme de l’énumération du Lotus, en y introduisant le corail, là où je voyais le diamant. Il ne reste donc plus de place dans notre liste pour le diamant, cette substance si précieuse que la liste du Sud donne sous son nom de vadjira, pour le sanscrit vadjra. Aussi n’hésité-je pas à traduire açmagarbha par le diamant ; et la signification première de ce mot composé, cœur de pierre, me paraît s’accorder parfaitement avec la dureté connue de cette substance. Les Tibétains, qui traduisent d’une manière si exacte en général, rendent uniquement la signification étymologique par les monosyllabes rdohi-sñid-po, « l’essence de la pierre. » Ce mot composé, que je n’ai pas trouvé dans Csoma, désigne le fer, suivant Schröter ; c’est alors plutôt la traduction d’un des noms sanscrits de ce métal, açmasâra. Je dois ajouter qu’Abel Rémusat, dans une note du Foe koue ki, interprétait açmagarbha par succin[139], sans doute d’après des autorités chinoises. Je ne crois pas que cette interprétation puisse se soutenir après les observations que je viens de présenter.

Le nom de la septième et dernière substance est écrit de plusieurs manières différentes, et ces variétés d’orthographe, qui semblent annoncer un mot de la valeur duquel les copistes ne sont pas sûrs, nous laisseraient dans une assez grande incertitude, si nous n’avions pas ici encore le secours de la liste des Buddhistes du Sud. Ce nom, qui est ordinairement écrit musâragalva, l’est aussi muçâragalva, susâragalva et même musâragalyârka[140] ; la leçon susâragalva résulte certainement de la confusion facile du s avec le m. Les deux parties dont se compose ce terme qui manque dans Wilson, se trouvent chacune à part dans le Dictionnaire de ce savant, mais sous une forme légèrement altérée, celle de masâra, désignant l’émeraude ou le saphir, et celle de galvarka, désignant le lapis-lazuli. Le lapis-lazuli n’a rien à faire ici, puisque nous le trouvons déjà dans notre liste, sous son nom indien de vâiḍurya, et avec cette dentale cérébrale que préfèrent les Buddhistes, et qui conduit directement à l’orthographe du pâli vêḷuriya. Heureusement le vocabulaire pâli déjà cité nous donne un mot très-semblable à celui qui nous occupe, masâragalla, qui est synonyme de pavâla et qui signifie corail[141] ; galla est certainement la forme pâlie de galva, et masâra, quoique justifié par le sanscrit masâra, n’est peut-être qu’une autre forme et une altération d’un primitif musâra qu’auraient conservé les Buddhistes. Ce qu’il y a de certain, c’est que la transcription des Buddhistes chinois, Meou pho lo kie la pho, rappelle plutôt musâragalva que mâsâragalla ; elle est manifestement exécutée sur le sanscrit du Nord, et non sur le pâli du Sud : seulement on a sans doute mal lu le second caractère de la transcription chinoise. Maintenant et quant à la valeur de ce terme, le vocabulaire pâli lui donne celle de corail ; or, dans la liste des sept objets précieux qu’énumère ce même lexique, le corail, sous son nom de pavâla, occupe la dernière place, comme le masâragalva dans celle du Lotus. L’identité de ces deux listes et l’argument que j’en tire touchant la valeur des deux derniers termes de celle du Nord, paraîtront mieux si nous les rapprochons l’une de l’autre telles qu’elles se trouvent et dans le Saddharma et dans l’Abhidhâna.


SADDHARMA.   ABHIDHÂNA.

 
suvarṇa, l’or ;   suvaṇṇa, l’or ;
rûpya, l’argent ; radjata, l’argent ;
vâiḍurya. le lapis-lazuli ; muttâ, la perle ;
sphaṭika, le cristal ; maṇi, toute pierre précieuse ;
lôhitamukti, les perles rouges vêḷuriya, le lapis-lazuli ;
açmagarbha, le diamant ; vadjira, le diamant ;
musâragalva, le corail. pavâla, le corail.

Il serait difficile de ne pas admettre l’identité fondamentale de ces deux listes malgré quelques variantes dans l’ordre et dans les noms ; il est d’ailleurs à remarquer que ces divergences ne portent pas sur des mots contestables. Dans la liste du Saddharma il ne reste plus qu’un mot qui donne lieu à quelque difficulté : c’est celui de lôhitamukti, qu’il faudrait lire lôhitamuktâ ; je ne trouve nulle part ailleurs la mention de ces perles rouges, elles ne sont probablement pas différentes des perles ordinaires, et le mot de rouge est sans doute destiné à rappeler une nuance analogue à celle qu’on remarque sur l’opale. On serait tenté de séparer ce mot en deux et de traduire lôhita comme lôhitaka, « le rubis, » et muktâ, « la perle. » Mais cette division nous donnerait huit ratnas ou substances précieuses au lieu de sept, qu’annoncent les deux listes. Dans la liste de l’Abhidhâna, le cristal est remplacé par le mot maṇi qui désigne généralement toute pierre précieuse ; je suppose que la liste du Saddharma est plus exacte, parce qu’elle est plus précise.

Nous ne citerons plus maintenant que pour mémoire quelques autres interprétations qui ont été données par divers sinologues. Ainsi, selon A. Rémusat, la substance que le Lotus nomme musâragaha, désigne, aux yeux des Chinois, une pierre de couleur bleue et blanche, peut-être une ammonite. Deshauterayes, dans ses Recherches sur la religion de Fo, a exposé, toujours d’après les Chinois, une énumération des sept choses précieuses, dont les principaux termes répondent à celle du Saddharma puṇḍarîka ; ces sept choses sont l’or, l’argent, le verre de Chine, le verre d’Europe, les perles, la nacre et l’agate[142]. Si l’on rapproche cette liste de la nôtre, dans la supposition que les Chinois ou même Deshauterayes n’auraient déplacé aucun des termes de l’énumération primitive que je suppose indienne, on trouvera que le verre de Chine répond au vâidurya, c’est-à-dire au lapis-lazuli ; que le verre d’Europe est le sphaṭika, qu’on nous représente unanimement comme le cristal de roche ; que les perles sont le lôhitamuktâ, avec la correction indiquée tout à l’heure. L’accord des deux listes qui se suivent régulièrement jusqu’ici, semblerait donner quelque valeur à l’interprétation que propose Deshauterayes pour les deux dernières substances, dont la signification peut être en partie contestée : ainsi açmagarbha deviendrait la nacre, et musâragalva l’agate. Quelque autorité que je sois porté à reconnaître au travail fort remarquable pour son temps de Deshauterayes, je ne crois pas devoir substituer ces deux interprétations à celles que m’a fournies la discussion de la liste de l’Abhidhâna pâli. J’ajouterai pour terminer que les peuples Tamouls de la presqu’île indienne connaissent aussi une énumération de pierres précieuses, qui sont au nombre de neuf, et dont M. Taylor donne ainsi la synonymie : l’œil de chat, le saphir, le corail, la topaze, l’émeraude, le rubis, la perle, le cristal et le diamant[143] ; je n’ai pu y trouver de quoi éclaircir celle qui vient de nous occuper. On sait, du reste, que le terme de ratna s’applique à d’autres objets que des pierres ou produits du règne minéral, et qu’il signifie en général tout objet précieux, par suite d’un emploi analogue à celui que nous faisons des mots joyau et perle. Il existe même chez les Buddhistes de fréquentes mentions d’une autre énumération de sept Ratnas ou objets précieux, qui n’a rien à faire avec celle que je viens d’examiner. Je veux parler des sept objets précieux qui sont comme les attributs de la grandeur d’un roi souverain. On les connaissait déjà par des auteurs buddhiques non indiens : mais je les trouve positivement indiqués dans un livre du Nord, et énumérés de la manière suivante : la roue (ou le tchakra), l’éléphant, le cheval, le joyau, la femme, le maître de maison, le général[144]. On les voit encore dans le Lalita vistara, énumérés avec quelques développements qui font connaître de quelle utilité ils sont pour le monarque souverain qui les possède[145] ; j’aurai occasion d’y revenir en examinant les signes caracté­ristiques d’un grand homme. Appendice, no VIII.

f. 9 b. St. 46. Les Maruts.] Voyez ci-dessus, stance 29.

St. 48. Je vois.] Au lieu de paçyati que donne le manuscrit de la Société asiatique, et d’où je tirais d’une manière un peu forcée le sens qu’exprime ma traduction, les deux manuscrits de M. Hodgson lisent, avec une forme populaire, paçyichu, de sorte qu’il faut traduire ainsi la stance tout entière : « Moi, ainsi que les nombreux Kôṭis d’êtres vivants réunis ici, nous avons vu tout cela ; ce monde avec les Dêvas est couvert de fleurs ; ce rayon unique a été lancé par le Djina. »

St. 51. Explique-leur l’avenir.] Le terme dont se sert le texte est vyâkarôhi, qui dans le style buddhique a le sens spécial de « annoncer à un autre ses destinées futures. » Ce sens me paraissait d’autant plus convenable que ce verbe est employé ici sans complément direct, tvam̃ vyâkarôhi ; mais en présence des deux manuscrits de M. Hodgson qui ont tam̃ vyâkarôhi, on est conduit à supposer que tam̃ est une forme conçue dans le système des pronoms pâlis, pour tat[146] et alors cette expression signifiera : « explique cela, ô fils du Sugata. »

f. 10 a.St. 56. Les Maruts.] Voyez ci-dessus, stance 29.

Fils de famille.] J’ai traduit ainsi littéralement le terme de kulaputra, pour ne pas en forcer la signification outre mesure. Ce titre, le plus simple de ceux qu’adresse soit Çâkya, soit tout autre sage, à la personne religieuse ou laïque à laquelle il parle, n’a certainement pas d’autre signification que celle de un tel, ou encore honnête homme. Le mot de famille n’emporte ici aucune idée de supériorité, et la dénomination est plutôt de l’ordre moral que de l’ordre civil. Mais comme le mot kula, quand il n’est pas déterminé, s’applique plus ordinairement dans la pratique aux familles de marchands et d’artisans, qu’à celles des Brâhmanes et des Kchattriyas, on s’explique comment les interprètes barmans qui recherchent le mérite d’une parfaite exactitude, traduisent régulièrement le pâli kulaputta par « fils de marchand. » Ils se servent à cet effet de l’expression saṭṭhè sâ sañ, « le fils du saṭṭhê ou du çrêchṭhin, » nom par lequel on désigne un marchand d’une manière honorifique[147]. Cette version, quoiqu’un peu trop précise, vaut encore mieux que celle dont font usage les Tibétains, d’après I. J. Schmidt, qui dans ses traductions emploie d’ordinaire l’expression de « fils ou fille de noble origine[148] ; » cette dernière version irait mieux pour le titre pâli ariyaputta, « fils du respectable. » Mais dans les ouvrages mêmes où il traduit ainsi, Schmidt attribue quelquefois assez peu de valeur aux mots kulaputra et kuladuhitrĭ, pour les omettre complètement et les remplacer par les pronoms il, celui qui. C’est ce que j’ai vérifié en comparant le texte du Vadjra tchtchhêdika sanscrit, dont je possède une copie d’après le manuscrit de M. Schilling de Canstadt, avec la traduction allemande qu’a exécutée Schmidt sur le Vadjra tchtchkêdika tibétain[149].

Dresser le grand étendard de la loi.] Le texte du manuscrit de la Société asiatique porte dhvadjamulchtchhrayanam, ce qui rappelle une règle propre au dialecte pâli, laquelle consiste à insérer un m entre deux mots dont l’un est terminé et dont l’autre commence par une voyelle, lors même que ces deux mots sont réunis en composition[150]. Il est vrai que les grammairiens singhalais qui sont à notre disposition font de cette particularité une règle purement mécanique, tandis que, dans le plus grand nombre des cas où je l’ai remarquée jusqu’ici, il y faut voir un accusatif dont la présence est appelée par la nature et l’action verbale du mot qui termine le composé. C’est du moins ce qui me paraît être, même dans le composé pâli Sirimanubhavanam, « la jouissance de la prospérité, » où Spiegel pense que le m de sirim est purement euphonique[151]. La leçon du manuscrit de la Société asiatique nous offrait donc ici un nouvel exemple des rapports si nombreux qui existent entre le sanscrit des Buddhistes du Nord et le pâli de ceux du Sud. Toutefois, aujourd’hui que je puis consulter les deux manuscrits de M. Hodgson, qui lisent dhvadja­samutchtchhrayam, je suppose que la leçon du manuscrit de la Société résulte de l’omission fautive de la lettre sa. Au reste, les images qui sont accumulées dans ce passage de notre texte sont familières aux Buddhistes de toutes les écoles. On en verra un exemple au commencement de la légende du Chasseur, publiée d’après le texte pâli par Spiegel. Mais il ne faut pas avec cet éditeur traduire la phrase dhammakêtum ussâpênto par « faire des assemblées de la loi[152] » mais bien par « dressant la bannière de la loi. » C’est, avec d’autres mots, la figure même qui fait l’objet de la présente note.

f. 10 b.Produit au dehors la lumière d'un semblable rayon.] Cette expression, qui se trouve quelques lignes plus bas dans la même page, est écrite de deux manières différentes par le manuscrit de la Société asiatique, la première fois raçmipramuñ­tchamânâvabhâsô, et la seconde fois raçmipramuñ­tchanâvabhâsô ; cette dernière leçon est aussi celle des manuscrits de M. Hodgson, et elle est évidemment préférable, quoique le substantif pramuñtchanâ, qu’il faut supposer si on l’adopte, ne se trouve pas dans Wilson. Si l’on conservait le participe présent que donne la première leçon, il semble qu’il faudrait le placer avant raçmi, et traduire, « la lumière du rayon au moment où il s’élance. » Au contraire le sens que fournit la seconde leçon, « la lumière de l’émission d’un rayon, » est beaucoup plus direct.

Avec laquelle le monde entier doit être en désaccord.] L’expression que j’interprétais ainsi est sarvalôka vipratyanîyaka ; je pense aujourd’hui qu’il est plus exact de dire, « avec laquelle le monde entier est en désaccord. » Le sens fondamental de cet adjectif est confirmé par la version tibétaine, qui rend vipratyanîyaka par mthun-pa, « accord, concorde », précédé de la négative mi, de cette manière mi mthun-pa, « qui est en désaccord[153]. » Le même mot, sauf le préfixe vi, remplacé par l’a négatif, et la suppression de la syllabe ya, se trouve sous la forme de apratyanîka, que je traduis par « qui est un objet d’aversion[154]. » C’est de cette dernière forme que vient le terme pâli vipatchtchanika, que je trouve dans un passage du Brahmadjâla sutta, où il ne peut avoir d’autre sens que celui de contradictoire, hostile. Au commencement de ce traité, le Brâhmane Suppiya (Supriya) et son disciple Brahmadatta sont représentés l’un attaquant, l’autre défendant le Buddha, ce que le texte résume ainsi : Itiha te ubhô âtchariyantévâsî aññamaññassa udjuvipatchtchani­kavâdâ bhagavantam̃ piṭṭhitô piṭṭhitô anubaddhâ hônti. « C’est ainsi que tous les deux, le maître et le disciple, ils marchaient sur les pas de Bhagavat, disputant entre eux avec des discours, les « uns justes, les autres hostiles[155]. » Des deux formes vipratyanîyâka et apratyanîka, c’est la seconde qui est la plus fréquemment employée ; elle a de plus l’avantage de trouver son analogue dans le pâli vipatchtchanika.

Autrefois.] Le texte se sert ici de l’expression atilê’dhvani, littéralement, « dans une route passée. » Le terme de adhvan est très-fréquemment employé dans le sanscrit buddhique pour exprimer les voies dans lesquelles s’accomplissent les actions, c’est-à-dire le passé, le présent et l’avenir. Je remarque que les livres réputés canoniques et les commentaires s’occupent à chaque instant de cette triple division de la durée, et c’est, d’après un texte cité dans le commentaire sur l’Abhidharmakôça, un des sujets les plus importants dont les sages puissent s’entretenir : « Il y a, ô Religieux, trois sujets de discours, et non quatre et non cinq, que les Âryas prennent pour objet des entretiens auxquels ils se livrent. « Et quels sont ces trois sujets ? Ce sont le sujet du passé, le sujet de l’avenir, le sujet du présent[156]. » L’avenir se nomme anâgaté ’dhvani, et le présent pratyutpannê ’dhvani. Ces dénominations sont également familières aux Buddhistes du Sud.

Bien avant des Kalpas.] On sait qu’un Kalpa est, pour les Buddhistes comme pour les Brâhmanes, une période comprenant la durée d’un monde. Il y a diverses espèces de périodes de ce genre, lesquelles ont été décrites par les auteurs qui se sont occupés du Buddhisme d’après les Chinois et les Mongols, les Singhalais et les Barmans. Je pourrais me contenter de renvoyer aux recherches de Deshauterayes, Rémusat, Schmidt, Joinville, Sangermano et Turnour, qui ont traité de ce sujet avec plus ou moins de développements ; toutefois plusieurs de ces exposés offrent entre eux des divergences que je n’ai sans doute pas la prétention de concilier, mais sur lesquelles je crois devoir appeler l’attention du lecteur. Suivant Deshauterayes et Rémusat, chaque Kalpa ou période de la durée d’un monde se décompose en deux divisions ou époques, l’une d’accroissement, l’autre de diminution. La vie des hommes étant sujette, selon les Buddhistes, à une double marche, l’une d’accroissement et l’autre de diminution, dont la première la porte à quatre-vingt-quatre mille ans et dont la seconde la réduit à dix, quand la vie humaine diminue, le Kalpa se nomme de décroissement, et quand elle s’augmente, il se nomme d’accroissement[157]. On distingue trois espèces de Kalpas, le petit qui comprend 16,800,000 années, le moyen qui en comprend 336,000,000, et le grand 1,344,000,000. Le moyen Kalpa se compose donc de vingt petits Kalpas, et le grand Kalpa, de quatre moyens Kalpas ou de quatre-vingts petits Kalpas[158].

L’exposé que Schmidt a donné des Kalpas d’après les Buddhistes mongols, se rapproche beaucoup de celui que Deshauterayes et Rémusat ont emprunté aux Chinois ; il en diffère cependant par quelques points que j’examinerai tout à l’heure. Un Mahâkalpa se compose de quatre moyens Kalpas ; un moyen Kalpa embrasse vingt petits Kalpas : d’où il résulte que la somme d’un Mahâkalpa est de quatre-vingts petits Kalpas[159]. C’est la longueur de la vie humaine qui détermine la durée de ces Kalpas, et qui, par ses accroissements et ses diminutions successives, donne lieu aux dénominations diverses de Kalpas de la renaissance, de la stabilité et de la destruction. La vie des hommes, qui au commencement de la période de la renaissance se composait d’un Asam̃khyêya, c’est-à-dire, d’un nombre incalculable d’années, descend à quatre-vingt mille ans pendant les dix-neuf Kalpas succédants au premier Kalpa de même ordre, dont l’ensemble forme ce que Schmidt appelle Kalpa der Gründung, ou de la fondation, c’est-à-dire le Kalpa pendant lequel le monde se reforme de nouveau[160]. À ce Kalpa succède celui de la stabilité ; pendant chacune des vingt sous-divisions de cette période, la vie des hommes descend de quatre-vingt mille ans à dix ans, pour remonter aussitôt à la durée première d’où elle est partie. Le Kalpa de la stabilité est remplacé par le Kalpa de la destruction, lequel passe par les mêmes phases que le Kalpa de la renaissance, mais en les suivant en sens inverse[161]. Enfin, à ce Kalpa où l’existence du monde est en décadence, succède le quatrième et dernier Kalpa, celui du vide, pendant lequel l’anéantissement du monde reste à l’état permanent ; il n’est pas besoin d’ajouter qu’il a une durée égale à celle des autres Kalpas qui le précèdent. N’oublions pas de dire que les éléments tels que le feu, l’eau, le vent, sont les agents de la destruction du monde. Ils se succèdent et s’entremêlent dans des combinaisons définies par les Buddhistes, et dont la réunion forme un total de soixante-quatre destructions, véritable cycle qui recommence aussitôt après qu’il est terminé[162].

Ces détails, comme je l’annonçais tout à l’heure, s’accordent dans leurs traits principaux avec ceux que nous devons aux extraits de Deshauterayes et de Rémusat. Ils en diffèrent toutefois en un point d’une grande importance, savoir la détermination de la durée initiale de la vie humaine, au moment où le monde va renaître. Selon Rémusat, les hommes auraient vécu alors quatre-vingt-quatre mille années, tandis que, selon Schmidt, le nombre des années de leur existence aurait été incalculable, ou, pour parler comme les Buddhistes, aurait été un Asam̃khyêya. Schmidt n’a pas manqué de relever cette divergence, et il n’a pas hésité à la mettre sur le compte de quelque erreur commise par Rémusat, et on devrait ajouter, par Deshauterayes son devancier. Schmidt conteste également, et selon toute apparence avec juste raison, les chiffres assignés par ces habiles sinologues à la durée de chacune des grandes divisions du Mahâkalpa et à celle du Mahâkalpa lui-même. Ses observations me paraissent en effet très-concluantes ; quelque considérable que soit le chiffre que la base de quatre-vingt-quatre mille ans fournit à Rémusat pour la durée d’un grand Kalpa, ce chiffre n’est cependant pas à proprement parler incommensurable, et conséquemment il ne répond que d’une manière imparfaite à l’idée que les Buddhistes nous donnent de l’immensité d’un grand Kalpa.

Les Barmans et les Singhalais, dont les croyances reposent sur les mêmes autorités religieuses, nomment Andrakat pour Antarakappa, c’est-à-dire Kalpa intérieur, intermédiaire ou moyen, une période de décroissance et une d’accroissement ; Asam̃khêyyakappa, la réunion de soixante-quatre Antarakappas; et Mahâkappa, la réunion de quatre Asam̃khêyyakappas[163]. Pendant la durée de chaque Antarakappa, la longueur de la vie humaine est réduite d’un nombre d’années dit Asamkhêyya, c’est-à-dire incalculable, à dix années seulement, pour remonter ensuite à sa première longueur[164]. Ce sont ces diminutions et accroissements successifs qui ont lieu soixante-quatre fois avant que soit achevé le cours d’un Mahâkappa, qui se termine par la destruction finale de l’univers[165]. Les éléments destructeurs sont l’eau, le feu et le vent qui se succèdent et s’entremêlent d’après un système indiqué dans les commentaires de Buddhaghôsa, de façon qu’après l’anéantissement successif de soixante-quatre Kappas, l’ordre de renaissance et de destruction recommence[166]. Je n’ai pas besoin de faire remarquer combien l’exposé des Buddhistes du Sud présente d’analogie avec celui des Mongols, tel que le reproduit I. J. Schmidt ; c’est, selon moi, un argument d’un grand poids en faveur de l’exactitude de son opinion. Cet exposé nous donne d’ailleurs une idée beaucoup plus gigantesque de la durée d’un Kalpa que celui que Deshauterayes et Rémusat attribuaient aux auteurs chinois. Quelques détails empruntés aux textes du Sud qui sont entre mes mains vont confirmer encore et éclaircir cette manière d’envisager la durée d’un Mahâkalpa.

L’idée du nombre immense d’années, que renferme une pareille période est tellement familière aux Buddhistes de Ceylan, qu’elle leur a suggéré une mauvaise étymologie du mot de Kalpa, ou en pâli Kappa, dont on doit la connaissance à Turnour : Kappîyati pabbatasâsapopamâdihi. « On se le figure par la comparaison du nombre de graines de moutarde ou autres atomes contenus dans une montagne[167]. » J’ai retrouvé récemment cette explication dans le recueil singhalais nommé Dharma pradîpikâ, mais avec un petit déplacement de mots et une faute facile à corriger : Kappîyati sâsa[pa]pabbatôpamâhîti kappô. « Un Kappa, c’est ce qu’on se représente par les comparaisons d’une montagne de graines de moutarde[168]. » Cette similitude d’une montagne formée de graines de moutarde est commune chez les Buddhistes, et ils semblent se plaire à l’exprimer de plusieurs façons ; car dans le livre que je citais tout à l’heure, j’en trouve la variante suivante : « Soit une ville aux murailles de fer, ayant un Yôdjana en largeur, en longueur et en hauteur ; qu’elle soit remplie de graines de moutarde, et qu’un homme, au bout de chaque centième année, prenne une à une ces graines de moutarde pour les transporter hors de la ville : eh bien ! cette masse de graines serait plus vite épuisée que ne le serait un Kappa[169]. » On se sert encore de la similitude d’une énorme montagne de même dimension que la ville de fer et formée d’une masse homogène de rochers, et on suppose que si un homme venait tous les cent ans la frotter avec le bord de son vêtement fait d’étoffe de Kaçi ou de Bénârès, la montagne serait plus tôt détruite que ne le serait le Kappa[170]. La conception d’une durée indéfinie paraît tellement propre à l’idée que les Buddhistes du Sud se font d’un Kappa, que, suivant un texte cité dans le Dhamma ppadîpikâ singhalais, on reconnaît dans un Kappa quatre Asam̃khêyya ou quatre incalculables, c’est-à-dire quatre de ces durées exprimées par le chiffre gigantesque qui porte le nom d’Asam̃khêyya, nom sur lequel j’ai rassemblé quelques remarques dans un autre endroit de ces notes[171]. Le premier Asam̃khêyya a lieu durant le temps de la destruction ou du sam̃vaṭṭa du Kappa : « Alors ce n’est pas chose facile de dire tant d’années, tant de centaines d’années, tant de milliers d’années, tant de centaines de milliers d’années. » Le second Asam̃khêyya dure tout le temps que le Kappa reste détruit ; le troisième, tout le temps que le Kappa met à renaître ou le temps du vivaṭṭa ; et enfin le quatrième, tout le temps que dure le Kappa une fois que le monde est revenu à l’existence[172]. Ces détails sont parfaitement d’accord avec ceux que Turnour a extraits, tant du Saddhamma ppakâsinî, commentaire du célèbre Buddhaghôsa sur le Paṭisambhida, que de l’Aggañña sutta du Dîgha nikâya[173]. La réunion de ces quatre périodes dites innombrables forme un Mahâkappa ou grand Kappa.

On voit en quoi cette définition diffère de celle des Barmans : le nom d’Antarakappa n’y paraît pas, non plus que le nombre de soixante-quatre Asam̃khêyyakappas ; mais cette omission n’est pas une divergence réelle, car il y a tout lieu de croire que ces sous-divisions n’ont pu être inconnues à l’auteur du Dharma pradîpikâ, puisqu’elles ne l’ont pas été à Turnour, ainsi que nous l’exposions tout à l’heure. Je trouve, de plus, le nom de Antaḥkalpaya dans le Dictionnaire singhalais de Clough, avec le chiffre de 1,774,800,000 pour la durée de cette période et sans autre explication[174] ; je remarque, pour le moment, que dans les textes originaux qui sont à ma disposition, je ne vois pas que l’Antarakappa soit défini par un nombre quelconque. Il semble même que toute détermination soit ici inadmissible. En effet, l’idée de regarder un grand Kappa comme composé de quatre périodes dites Asam̃khêyya ou incalculables en durée, cette autre idée de faire commencer la période de renaissance avec des êtres qui débutent par une existence dont la durée est également incalculable, tout cela est contradictoire à la tentative de limiter ces périodes par des nombres définis. L’application de chiffres précis à ces conceptions fantastiques où l’on recherche l’indéfini en durée, donnerait lieu ici aux mêmes objections que celles qui ont été adressées par I. J. Schmidt aux calculs d’Abel-Rémusat.

Il n’est pas facile, quant à présent, de déterminer quelle est, dans le système des Kalpas buddhiques, la part des idées empruntées aux Brâhmanes et celle des combinaisons propres aux disciples de Çâkya. Lassen a conjecturé quelque part que la théorie des périodes brâhmaniques, — qui sont divisées à l’instar de la vie humaine en journées et en nuits, avait dû inspirer aux Buddhistes l’idée de leurs Kalpas de décroissance, de destruction et de renaissance. Mais quand il détermine la durée du Kalpa complet au moyen de chiffres précis, le composant de mille Mahâyugas ou grandes périodes de quatre âges, ayant chacun 4,320,000, c’est-à-dire en somme 4,320,000,000, il va peut-être un peu loin, car il attribue ainsi aux Buddhistes l’usage de ce calcul qui paraît propre aux Brâhmanes[175]. On voit, en effet, que ce comput est en désaccord avec la manière dont les Buddhistes du Sud se représentent l’accroissement et la diminution de la vie humaine que j’exposais tout à l’heure. Quelque chiffre que l’on place sous la dénomination vague d’Asam̃khyêya (et nous verrons plus bas que les opinions sont très-partagées sur ce point), il n’en est aucun qui ne dépasse de beaucoup la somme de quatre billions trois cent vingt millions d’années, que le calcul rapporté par Lassen assigne à un Kalpa complet.

Il est permis d’espérer qu’une connaissance plus approfondie des textes buddhiques donnera le moyen de résoudre ces difficultés ; aussi me borné-je, pour le moment, à une seule réflexion : c’est qu’ici, comme dans ce qui touche aux origines du Buddhisme, il est de la dernière importance de distinguer avec soin les diverses époques de développement. Ainsi il est très-probable que quand Çâkya et ses premiers disciples employaient le terme de Kalpa, ils ne se faisaient pas, des périodes de création que ce terme exprime, une autre idée que celle qu’en avaient les Brâhmanes eux-mêmes. Pour ces temps donc, Lassen, qui remarque justement que le calcul des Yugas donné par Wilson[176] doit être le plus ancien, est parfaitement dans la vérité historique. Mais à mesure que le Buddhisme se développa, il dut donner son empreinte particulière aux notions qu’il avait empruntées aux Brâhmanes ; et il n’est pas étonnant qu’une théorie qui tenait une si grande place dans la conception que les Indiens se faisaient du passé, ait subi dans le cours des temps des modifications plus ou moins considérables.

Le terme même d’Asam̃khyêya, « le nombre incalculable, » qui est un des éléments essentiels d’un Kalpa, suffit pour faire naître cette supposition. J’ai peine à croire que quand Çâkyamuni disait : « Il y a un Asam̃khyêya d’années ou de périodes, » il voulût exprimer une autre idée que celle-ci : « Il y a un nombre incalculable d’années ou de périodes. » Il fallait même, pour que ces paroles conservassent le sens qu’il avait l’intention de leur donner, que le mot Asâm̃khyêya continuât d’être pris par ses auditeurs dans son acception propre d’incalculable. Le texte du Dharma pradîpikâ que je citais plus haut, peut, sous ce rapport, passer pour une des plus anciennes expressions de l’idée que les Buddhistes ont dû primitivement se faire d’un Kalpa. Ce texte nous donne sans aucun doute une notion plus frappante de l’immensité d’une pareille période, que l’invention des nombres, même les plus gigantesques, parce que ces nombres, visant comme ils font à une précision rigoureuse, s’arrêtent en dernière analyse à une limite que la pensée a toujours le droit de franchir. Le lecteur qui parcourra le troisième mémoire de Turnour sur les annales buddhiques conservées à Ceylan, et qui se placera au point de vue que j’indique, se convaincra que la précision en ce qui touche la détermination des Kalpas et des subdivisions qu’on y a introduites, ne commence qu’avec les commentateurs[177]. Quand le texte passe pour l’expression propre des idées personnelles de Çâkya, on n’y trouve rien autre chose que des termes très-généraux et même des expressions vagues. Au commencement du Sutta pâli intitulé Agganna, qui est un morceau classique sur les destructions et les rénovations de la terre, Çâkyamuni annonce en ces termes que le monde passe par des périodes successives de destruction et de renaissance : « Il y a une époque, ô fils de Vasistha, où à un certain jour, à un certain moment, au bout d’un temps très-long, ce monde est détruit[178]. » Les mots du texte sont dîghâssa addhanô atchtchâyêna, « au terme d’une longue voie, » ce qui exprime l’idée de la longueur du temps d’une manière générale. Il est en même temps très-aisé de comprendre comment la doctrine du Maître se développant et se régularisant entre les mains des disciples, a dû peu à peu se compléter par des combinaisons destinées à substituer une précision apparente à des assertions très-générales. Distinguer ce qui est primitif de ce qui s’est développé après coup, c’est là l’œuvre de la critique, œuvre délicate et qu’on ne peut espérer de voir achevée, si même elle peut l’être pour toutes les questions, que quand tous les matériaux auront été réunis et livrés aux savants, pour que chacun les examine et les discute suivant son point de vue particulier.

Plus innombrables que ce qui est sans nombre.] J’ai traduit un peu librement l’expression du texte asam̃khyêyâiḥ kalpâir asam̃khyêyatarâiḥ, par laquelle l’auteur a probablement voulu dire « des Kalpas incalculables, encore plus incalculables. » Mais j’avoue que je suis plus embarrassé de la leçon des deux manuscrits de M. Hodgson, asam̃khyêyâih kalpâir asam̃khyêyâir bharâiḥ. Je ne comprends pas le mot bharâiḥ, et je ne pourrais tirer un sens de ce passage qu’en supposant une erreur de copiste consistante dans la substitution d’un r à un v, de sorte qu’il faudrait lire bavâiḥ, et traduire, « des Kalpas incalculables, des existences incalculables. » Je ne propose cependant pas encore de substituer ce sens à celui que j’avais anciennement admis d’après le manuscrit de la Société asiatique, et que de nouveaux manuscrits ne m’ont pas fourni le moyen de modifier. Il est d’ailleurs possible que la leçon, des deux manuscrits de M. Hodgson ne soit elle-même qu’une faute de copiste occasionnée par la ressemblance qu’offrent dans l’écriture Randja les lettres t et bh, de sorte que asam̃khyêyâir bharâiḥ reviendrait à asam̃khyêyatarâiḥ.

Tchandrasûryapradîpa.] Ce nom signifie « celui qui répand la lumière du soleil et de la lune. » C’est le premier exemple de ces noms fabuleux dont j’ai parlé ailleurs, et dont la présence forme un des caractères les plus frappants des Sûtras développés[179]. Le Lotus de la bonne loi nous en offrira d’autres bien plus démesurément longs et bien plus exagérés par l’idée qu’ils expriment. Je regrette seulement de ne les avoir pas imprimés en séparant les unes des autres les parties dont ils se composent, de cette manière Tchandra sûrya pradipa ; autrement ils sont à peu près impossibles à prononcer.

f. 11 a. Dont le sens est bon, dont chaque syllabe est bonne.] Ceci est traduit d’après le manuscrit de la Société asiatique qui donne svartham̃ suvyañdjanam, et cette traduction, qui repose sur la division naturelle de ces deux mots, comme il suit, su-artham̃ et su-vyañdjanam, est également celle qu’ont admise les Tibétains, d’après M. Foucaux, qui traduit ces deux épithètes par « au but excellent, bien exprimé[180]. » Il semble qu’ici le doute ne soit pas possible ; cependant deux manuscrits de M. Hodgson lisent le dernier mot svavyañdjanam, les deux syllabes सु su et स्व sva se confondant très-aisément dans l’écriture des manuscrits du Népâl, qui tient à la fois du Randjâ, du bengali et du dêvanâgari. Maintenant cette dernière épithète se décomposant en sva vyañdjanam̃, et signifiant, à n’en pas douter, « avec ses attributs, ou avec ses consonnes, ses lettres, » et la vraisemblance autorisant à penser que les deux épithètes sont formées de la même manière, on devra traduire, par analogie, svartham, « avec son sens ; » seulement on devra reconnaître que svartham est une orthographe fautive pour svârtham. Mais ne se pourrait-il même pas que svârtham fût la véritable leçon, leçon oubliée chez les copistes du Nord ? C’est du moins celle à laquelle nous mènent directement les textes pâlis du Sud, où se trouve la phrase même du Lotus, qui est comme une définition classique de la loi enseignée par le Buddha. Ainsi, dans le commentaire du Djina alam̃kâra, je rencontre cette définition reproduite mot pour mot dans les termes suivants : Âdikalyâṇam̃ madjdjhê kalyâṇam̃ pariyôsânam̃ (lis. pariyôsânakalyâṇam̃) sâttham̃ savyañdjanam kêvalam̃ paripuṇṇam̃ parisuddham̃ brahmatchariyam̃ pakâsêti. Ici les mots sâtthani savyandjanam signifient assurément « avec son sens et ses caractères » (ou ses lettres), car on en trouve le commentaire suivant dans la glose du Nidâna vagga : Atthabyañdjanasampannassa Buddhânam̃ dêsanâññânagambhîrabhavam sam̃sûtchakassa imassa suttassa sukhâvagâhanattham. « Pour la facile intelligence de ce Sutta qui manifeste la profondeur de l’enseignement des Buddhas, y compris le sens et les lettres[181]. » Il est clair que le composé attha byañdjana sampannassa, littéralement « muni de sens et de lettres, » est une véritable glose du sâttham̃ savyañdjanam du précédent texte pâli. Et si cette interprétation est bonne pour ce texte, elle doit avoir une égale valeur pour la définition du Lotus qui donne lieu à la présente note. De tout ceci il résulte que si l’on garde la leçon svârtham̃ savyañdjanam, on devra conserver la traduction admise dans mon texte ; que si au contraire on lit sârtham̃ savyañdjanam, comme le font les textes du Sud, il faudra remplacer la phrase « dont le sens est bon, dont chaque syllabe est bonne, qui est homogène, » par la traduction suivante : « [il enseignait la loi] tout entière, sens et lettres compris. » Peut-être est-il maintenant nécessaire de justifier le sens de lettre que je donne à vyañdjana, mot dont la signification fondamentale est celle de signe, marque, attribut, et qui, parmi divers sens d’extension, a celui de consonne. Le sens que j’adopte me paraît ressortir nettement de l’opposition que marque le rapprochement des deux mots artha et vyañdjana ; artha est le sens, vyañdjana est le signe du sens, ce qui le caractérise, ce qui l’exprime. C’est ce que dit formellement l’auteur de la grammaire pâlie intitulée Padarûpa siddhi, quand il commente le mot vyañdjana, « consonne, » de cette manière : vyañdjîyati êtêhi atthôti vyañdjana, « le sens est exprimé par elles, voilà pourquoi on les nomme vyañdjana[182]. « Il est bien naturel qu’en parlant de l’enseignement de la loi, on signale et le sens et les syllabes qui l’expriment ; traduire vyañdjana par caractère, attribut, serait, ce me semble du moins, donner une idée moins précise de ces deux termes artha et vyañdjana, qui reviennent, en dernière analyse, à exprimer le fonds et la forme. J’ai essayé de retrouver ce sens dans un des édits de Piyadasi, comme on le verra à l’Appendice, no X.

La naissance, la vieillesse, etc.] Dans une discussion relative à l’enchaî­nement des éléments constitutifs de l’existence, et qui fait partie du Vinaya sûtra, l’un des manuscrits de M. Hodgson, je trouve le passage suivant qui jette quelque jour sur plusieurs mots de notre texte : « De bhava, l’existence, vient djâti, la naissance ; la naissance, c’est la production d’un skandha (agrégat), qui n’est pas encore né ; or la naissance vient de l’existence. De la naissance viennent plus tard les peines de la vieillesse et de la mort, « de la douleur et autres, y compris les lamentations, le chagrin, le désespoir ; c’est-à-dire que la vieillesse et la mort et les autres maux ont pour origine la naissance. Voici « l’explication de chacun de ces termes, conformément aux Sûtras. La complète maturité « de l’agrégat [existant], c’est la vieillesse ; la séparation d’avec l’agrégat complètement « vieilli, c’est la mort. La douleur de cœur qu’on éprouve au moment où un homme « meurt, où il s’en va, c’est la peine ; les discours et les paroles que nous arrache la peine, « ce sont les lamentations ; la mort des cinq organes des sens, c’est la douleur ; la mort du « cœur, c’est le chagrin ; le désespoir résulte de l’accumulation de la douleur et du chagrin[183]. » Comme le manuscrit est très-incorrect, j’ai été obligé d’abréger de quelques mots la définition de çôha, que je traduis par peine, et celle de duḥkha, que je rends par douleur. Ces termes sont assez rigoureusement fixés, tant par eux-mêmes que par le voisinage des autres expressions, pour que cette perte de quelques mots soit peu regrettable. Au reste, ces expressions sont en quelque sorte sacramentelles, et elles appartiennent aux notions les plus anciennes que nous possédions sur la théorie morale du Buddhisme. Elles jouent en effet le même rôle dans les écoles du Sud que dans celles du Nord, et j’en trouve un exemple caractéristique dans le Djina alam̃kâra pâli, dont je possède le texte avec un commentaire ; c’est, comme on va le voir, une stance des mètres Djagatî et Trichṭubh.

Êkôva sô sattikarô pabham̃karô sam̃khâya ñêyyâni asêsitâni
tésam̃ hi madjdjhê paramâsabhim̃ vadam̃ sivañdjasam̃ dipayitum̃ samatthâti :

Tassatthô sô êkakôva asahâyabhûtô mahâpurisô sattikarô sabbasattânam̃ nibhânasâdhakô kilêsadâham̃ nibbâpakô râgaggi dôsaggi môhaggi djâtiaggi djarâaggi vyâdhiaggi maraṇaggi sôkaggi paridêvaggi dukkhaggi dômanassupâyâsaggîti imêhi êkâdasaggîhi santattânam̃ tam̃ aggim̃ dêsanâmatavassêna nibbâpêtâ[184].

« Cet homme, quoique seul, faisant le bien [du monde], répandant la lumière, après avoir embrassé, sans en rien omettre, toutes les choses à connaître, faisant entendre au milieu des êtres sa voix suprême et dominatrice, est capable d’enseigner la voie du bonheur et de la rectitude. Voici le sens de cette stance : Ce grand homme seul, c’est-à-dire sans compagnon, faisant le bien [du monde], c’est-à-dire accomplissant le Nibbâna pour toutes les créatures, c’est-à-dire leur faisant anéantir l’incendie des vices, fait avec la pluie de l’ambroisie de son enseignement, éteindre le feu, en faveur des êtres consumés par ces onze espèces de feux, savoir, le feu de la passion, celui du péché, celui de l’erreur, celui de la naissance, celui de la vieillesse, celui de la maladie, celui de la mort, celui de la peine, celui des lamentations, celui de la douleur, celui du chagrin et celui du désespoir. »

La production de l’enchaînement mutuel des causes de l’existence.] C’est là une paraphrase un peu verbeuse de l’expression concise du texte pratîtya samutpâda, que j’ai essayé d’expliquer dans une note spéciale de mon Introduction à l’histoire du Buddhisme indien, en me servant du passage même qui nous occupe ; j’y renvoie le lecteur, ainsi qu’aux développements que j’ai donnés de la théorie elle-même dans une autre partie du même ouvrage[185], et dans l’Appendice, no VI du présent volume.

Les quatre vérités des Aryas.] J’avais ainsi traduit dans le principe le terme spécial âryasatyâni, entraîné par l’autorité de M. Abel-Rémusat ; mais depuis et chaque fois que s’est rencontrée cette expression dans l’Introduction à l’histoire du Buddhisme indien, j’ai préféré, avec Deshauterayes, faire du mot ârya une épithète, comme saint, ou mieux encore sublime[186]. M. Foucaux, d’après les Tibétains, adopte également le même système d’interprétation, et il choisit le mot respectable[187]. Je prie donc le lecteur de corriger ainsi ce passage : « les quatre vérités sublimes. » L’exposition de cette théorie qui devrait trouver ici sa place, nécessitant quelques développements étendus, j’en ai fait l’objet d’une note spéciale à l’Appendice, sous le no V.

Parfaitement maîtres des six perfections.] Cette traduction est conforme au texte du manuscrit de Londres, qui lit chaṭpâramitâpratisam̃yuktânâm, épithète qui est en rapport avec Bôdhisattvânâm ; et cette leçon est confirmée par un des manuscrits, par le plus incorrect il est vrai, de ceux de M. Hodgson. Mais le manuscrit de la Société asiatique et une autre copie de M. Hodgson lisent pratisam̃uktâm, en faisant rapporter cet attribut à samyaksam̃bôdhim. D’après cette lecture, il faudrait traduire, « l’état suprême de Buddha parfaitement accompli qui embrasse les six perfections. » Cette version me paraît aujourd’hui préférable à celle que j’avais adoptée, parce qu’elle marque un parallélisme plus complet entre la formule de l’enseignement donné aux Bôdhisattvas, et celle de l’enseignement donné aux Çrâvakas. Ce serait ici le lieu d’examiner ce que sont les six perfections auxquelles il est fait allusion dans notre texte ; mais cette recherche exigeant des développements trop étendus pour une note, je l’ai rejetée à l’Appendice, où l’on trouvera, sous le no VII, ce que j’ai pu réunir de plus précis et de plus clair touchant les six perfections.

La science de celui qui sait tout.] C’est la science d’un Buddha ; l’épithète de sarvadjña, « omniscient, » est si bien synonyme du titre de Buddha, qu’un des manuscrits de M. Hodgson lit dans ce passage même Buddhadjñâna.

Ô toi qui es invincible.] Cette qualification est exprimée dans le texte par le mot adjita ; elle s’applique au Bôdhisattva ou Buddha futur Mâitrêya. J’en ignore jusqu’à présent l’origine : je remarque seulement qu’elle doit être classique, car on la trouve dans le vocabulaire intitulé Trikâṇḍa çêcha, au nombre des synonymes du nom de Mâitrêya[188].

f. 12 a. Huit fils.] La courte légende des huit fils du Buddha Tchandra sûrya pradîpa est racontée au commencement du Sugatâvadâna, qui est un Sûtra en vers, f. 35 et suiv. En examinant ce récit qui est conçu en vers sanscrits très-plats, mais nullement mélangés de pâli, il est impossible de ne pas rester convaincu de la postériorité de la rédaction poétique, comparée à la version en prose du Saddharma puṇḍarîka. La différence se remarque surtout aux traits qu’ajoute le Sugatâvadâna, connue à ceux qu’il retranche, et aussi à la liberté avec laquelle il dispose des données du récit, déplaçant par exemple, dans l’énumération des titres du Buddha, les épithètes qui sont caractéristiques et dont l’ordre est en quelque sorte réglé, non pas seulement chez les Buddhistes du Nord, mais aussi chez ceux du Sud, depuis une époque qui a certainement précédé la séparation du Buddhisme en deux grandes écoles.

Que le Bienheureux avait quitté le séjour de la maison.] L’expression dont se sert le texte est abhinichkrântagrĭhâvâsam ; elle est consacrée pour exprimer le départ de celui qui abandonne sa maison, c’est-à-dire le monde, afin de se faire Religieux. On y retrouve le sens classique donné par Wilson dans son Dictionnaire, et justifié par la décomposition des éléments : nichkrânta, « sorti, » et abhi, « vers, » c’est-à-dire, « sorti (de la maison) pour « aller vers l’état d’ascète. » Cette explication, qui est concluante pour le verbe, l’est également pour le substantif abhinichkramaṇa. La signification est en quelque manière légalement établie par le titre même du chapitre que le Lalita vistara a consacré à la description du départ de Siddhârtha, quittant son palais pour aller se faire Religieux ; le titre de ce chapitre, qui est le quinzième, est abhinichkramaṇa parivarta[189]. Ce mot, qui revient dans le Lotus autant de fois qu’il est question de personnages sortants du monde pour entrer en religion, n’est pas moins fréquent dans les textes pâlis de Ceylan. Il me suffira d’en donner un exemple emprunté à un commentaire de Buddhaghôsa, où il dit de Çâkyamuni Buddha : katamahâbhinikkhamatô, « depuis qu’il eut accompli le grand départ[190]. » Ainsi le terme abhinichkramaṇa ne peut signifier « l’entrée dans le monde, » car la préposition abhi ne doit pas prévaloir contre le sens parfaitement connu de nichkramaṇa ; et le pâli abhinikkhama n’a rien à faire non plus avec le terme nêkkhamma, qui répond au sanscrit nâichkarmya, « l’inaction, la quiétude. »

Ils parvinrent tous à l’état suprême, etc.] Il faut lire, « ils partirent tous pour l’état suprême, etc. » comme je l’ai montré plus haut, dans une note sur le fol. 8 b, st. 31.

f. 12 b. Après s’être couché.] Ceci est un faux sens ; il faut traduire par « s’étant assis les jambes croisées, » cette expression du texte, paryag̃kam âbhudjya, dont j’ignorais le sens spécial quand j’ai traduit le Saddharma puṇḍarîka. Le mot paryag̃ka exprime la position d’un homme qui ramène ses jambes sous son corps en les croisant, et s’assied ainsi en tenant droit le haut du corps. Ce sens se trouve en partie dans le composé sanscrit donné par Wilson, paryag̃ka banḍhana, « binding a cloth round the knees, thigs and back, as seated on the hams ; » mais paryag̃ka seul ne signifie, d’après Wilson, que lit, et c’est de cette signification que je m’étais autorisé pour traduire paryag̃ka âbhudjya par « s’étant couché. » On écrit souvent paryag̃ka avec un l, palyag̃ka, d’où est venue la forme prâkrite et pâlie pallag̃ka, qui signifie à la fois lit[191], et litière ou palanquin, comme l’a déjà fait remarquer Lassen[192]. L’expression que nous trouvons dans les textes du Nord se présente naturellement aussi dans ceux du Sud, et, en pâli, pallag̃kê âbhuñdjitvâ signifie « s’étant assis les jambes ramenées sous le corps[193]. »

f. 13 b. Soixante moyens Kalpas.] Le mot que je rends par moyen est antara ; il pourrait également se traduire par intérieur ou intermédiaire. Le terme sanscrit antara désigne aussi bien un objet placé entre deux points donnés qu’un objet renfermé dans l’intérieur d’un contenant plus vaste. Voyez sur les Kalpas et leurs divisions, ci-dessus, f. 10 b.

Çramaṇas.] J’ai expliqué ailleurs ce titre, qui dans les livres du Nord, comme dans ceux du Sud, est spécialement appliqué à l’usage des Buddhistes, et désigne les ascètes sectateurs du Buddha[194]. Je remarque seulement ici que, dans ces livres, le titre de Çramaṇa précède ordinairement celui de Brâhmaṇa.

Où il ne reste aucune trace de l’agrégation [des éléments matériels]. J’ai essayé ailleurs d’expliquer cette expression difficile[195] ; je n’ai pas trouvé depuis de textes faits pour modifier ma première interprétation. Je citerai seulement ici deux nouveaux passages empruntés aux textes pâlis des Buddhistes de Ceylan, qui prouvent que cette expression ne leur est pas moins familière qu’aux Buddhistes du Nord. Dans un des Suttas du Dîgha nikâya on lit : Yañtcha rattim anupâdisêsâya nibbânadhâtuyâ parinibbâyati. « Et la nuit où il entre complètement dans l’élément du Nibbâna [Nirvâṇa], où il ne reste rien de l’agrégation[196]. » Dans le Thûpa vam̃sa cette expression est appliquée au dernier Buddha, et le passage où elle se trouve offre comme un résumé de sa mission en tant que Buddha : Sô Dîpamkarâdînam̃ tchatuvîsatiyâ Buddhânam̃ santikê laddhavyâkaraṇô samatim̃sapâramiyô pûrêtvâ paramâbhisambhôdhim̃ patvâ dhammatchakkappavattanalô paḷṭâya yâva subhadda­paribbâdjakavinayanâ sabbabuddha­kitchichâni niṭṭhapêtvâ anupâdisésâya nibbâna­dhâtayâ parinibbutô. « Ayant entendu la prédiction [qu’il serait un Buddha], de la bouche des vingt-quatre Buddhas dont Dîpam̃kara est le premier, après avoir entièrement accompli les trente perfections, ayant obtenu complètement la science suprême de la Bôdhi, après avoir rempli tous les devoirs d’un Buddha, depuis le moment où il fit tourner la roue de la loi, jusques et y compris la conversion du mendiant Subhadda, il entra complétement dans l’élément du Nibbâna où il ne reste rien de l’agrégation[197]. » Le Subhadda (Subhadra), cité ici, est la dernière personne que Çâyamuni ait convertie à sa doctrine, selon les légendes du Nord, et en particulier le Dîvya avadâna[198], comme aussi selon celles du Sud[199].

f. 14 b. Qui attachait un prix extrême au gain.] L’expression dont se sert ici le texte est adhimâtram̃ lâbhagurukô ’bhût satkâragurukaḥ. Le mot guru, « pesant, grave, » par une translation de sens facile à comprendre, donne naissance à un grand nombre de dérivés qui expriment des idées de respect et de considération. C’est ainsi que le sanscrit gâurava, « gravité, poids, respectabilité, » signifie, dans les dialectes prâkrits, le sentiment qu’on éprouve pour quelque chose de grave, c’est-à-dire le respect. J’ai retrouvé ce sens dans un des édits de Piyadasi, comme on le verra au no X de l’Appendice.

Réjouis du principe de vertu qui était en lui.] Je reconnais maintenant que j’ai mal divisé les termes dont se compose cette phrase ainsi conçue : तेनापि तेन कुशलनूलेन बहुबुडकोटिनियुतशतसहस्त्राणि आरागितान्यभूवन् ; elle doit se traduire littéralement ainsi : « par lui, cependant, en suite de ce principe de vertu, plusieurs centaines de mille de myriades de Kôṭis de Buddhas avaient été réjouis. » On s’étonnera peut-être de trouver quelque chose à louer, ou, comme disent les Buddhistes, une racine de vertu, dans le caractère de ce Bôdhisattva, qui était vaniteux et indolent. Mais la vanité de Yaçaskâma était une sorte d’hommage rendu au savoir et au caractère d’un Bôdhisattva respectable ; c’est d’ailleurs un principe qui revient à chaque instant dans les Sûtras simples ou développés, qu’un fonds de vertu, quelque faible qu’il soit, quelque mêlé qu’il soit de vices n’en produit pas moins les fruits qui y sont attachés, dans le temps et selon la mesure fixée pour ces fruits. J’ai cité ailleurs un Sûtra où est exposée cette doctrine en ce qui touche les actions complètement bonnes, complètement mauvaises, et mélangées de bon et de mauvais[200] ; je reviendrai sur ce passage dans une note relative à la stance 92 de ce chapitre. Toutefois je dirai en attendant, que l’expression serait mieux d’accord avec l’idée, si au lieu de têna kaçalamûlêna, on lisait tênâkuçalamûlêna, car on traduirait, « par lui, malgré cette racine de vice ; » cette correction serait confirmée par ce que je dirai tout à l’heure sur la stance 92.

f. 15 a. Dans cette circonstance.] Au lieu de ces mots, lisez « dans cette occasion, » Je ne me suis aperçu qu’au fol. 63 b de la mauvaise consonnance que produit la rencontre de ce mot avec le terme de stance qui le suit immédiatement. Cette faute se trouve donc encore chap. ii, fol. 19 b ; fol. 21 b ; fol. 23 a ; fol. 28 a ; ch. iii, fol. 36 b ; fol. 40 a ; fol. 41 a ; fol. 49 a, où elle doit être corrigée.

St. 57. Un Kalpa inconcevable.] Lisez, « à l’époque d’un Kalpa inconcevable. » En effet, le mot kalpê est au locatif dans le texte.

St. 58. Le Guide des créatures.] La leçon pradjâya, que donnent les deux manuscrits de M. Hodgson, au lieu de pradjâna du manuscrit de la Société asiatique, m’a fait revenir sur ce vers et remarquer que le titre de Nâyaka. « le Guide, » est, dans le style du Saddharma puṇḍarika, une expression absolue, rarement suivie d’un déterminatif. On peut donc traduire ici, et probablement cette version est la meilleure : « Le Guide enseignait la loi aux créatures. » Dans ce sens, pradjâna serait la forme altérée du génitif pluriel de pradjâ, employée avec le sens du datif ; et pradjâya serait le génitif où le datif singulier, à forme pâlie, du même mot employé collectivement, « la créature, » pour dire les créatures.

f. 16 a. Ces êtres qui existent par eux-mêmes.] Je traduis ainsi le terme de svayam̃bhuvaḥ, que nous trouvons fréquemment donné aux Buddhas dans les livres sanscrits du Népâl. Il importe de ne pas confondre ce terme, qui est une épithète, avec le nom de Svayam̃bhû qui joue, comme on sait, un autre rôle dans la mythologie brahmanique. Je suppose que cette épithète exprime, pour les Buddhistes, le caractère d’indépendance d’un Buddha, qui, au moment où il est arrivé à reconnaître le vide de toutes les lois et de toutes les conditions, n’a plus d’autre soutien et d’autre raison de son existence que lui-même. Cette épithète est également employée par les textes pâlis de Ceylan, et je la trouve dans la préface du commentaire pâli de Mahânâma sur le Mahâvam̃sa, dans un passage consacré à l’énumération des perfections du Buddha et à l’explication de ses noms divers. Voici ce passage tel que le donne mon manuscrit : Apitcha yô sô Bhagavâ sayambhû anâtchariyakô pubbê ananussutêsu dhammêsu sâmam̃ satchtchâni abhisambudjdjhi tatthatcha sabbaññutam pattô balêsutcha vasîbhâvappattôti Buddhô. « Ce bienheureux, cet être existant par lui-même, qui, sans maître, quand les lois n’avaient pas encore été entendues, pénétra complètement de lui-même les vérités et y obtint l’omniscience, et qui parvint à la domination entière des forces, celui-là est Buddha[201]. L’Abhidhâna ppadîpikâ donne sayambhû au nombre des synonymes du nom de Buddha[202]. Ce titre avait déjà suggéré à Turnour une observation analogue à celle que je viens d’exposer[203]. Je ne crois donc pas que le nom de svayam̃bhû, donné au Buddha, soit un emprunt que les Buddhistes ont fait à la mythologie brahmanique ; et qu’en appelant un Tathâgata svayam̃bhû, ils aient voulu le placer sur le même rang que le svayam̃bhû des Purâṇas.

St. 67. Comme des colonnes d’or.] Il faudrait dire plus littéralement, « comme des poteaux d’or ; » je modifie en outre la fin de cette stance de la manière suivante, en plaçant un point et une virgule après « des colonnes d’or ; semblables à une statue d’or entourée de lapis-lazuli, ils enseignaient la loi au milieu de l’Assemblée. »

St. 68, Et les Çrâvakas.] Je propose de traduire d’après les deux mss. de M. Hodgson, qui lisent tâvâpramâṇâh, « tant les Çrâvakas de [chaque] Sugata sont infinis. » Cependant ce composé, qui donne un meilleur sens que la leçon tâtchâpra, la seule que je connusse en rédigeant ma traduction, n’est pas conforme à la règle du sanscrit classique, puisque tâvat y a perdu son t final nécessaire.

St. 71. Arrivés à l’état suprême de Bôdhi.] Il faut lire, « partis pour l’état suprême de Bôdhi à l’aide de la contemplation. »

St. 73. Tckandrârkadîpa.] Ce nom n’est qu’un synonyme de celui de Tchandra sûrya pradîpa. Le titre que je traduis par protecteur est tâyinaḥ, génitif singulier masculin de tâyin, altération du sanscrit trâyin, qui est tout à fait conforme au génie du dialecte pâli. La version tibétaine, en rendant ce mot par skyong-bahi, « du protecteur, » ne permet pas de douter de l’exactitude de cette interprétation.

f. 16 bSt. 77. Assis sur son siége.] Le texte a êkâsanastha ; il faut donc traduire, « assis sur le même siége, » c’est-à-dire n’en ayant pas changé pendant un si long temps.

St. 80. Pleins de confiance.] Je ne suis pas sûr d’avoir exactement traduit l’expression du texte adhimuktisârâḥ ; au moment où j’imprimais ma traduction, je n’avais d’autre secours que la version tibétaine que je n’entendais d’ailleurs qu’imparfaitement. J’y trouvais adhimukti constamment interprété par mos-pa, qui a, selon Csoma, le sens d’ estime, goût, signification qui ne me paraissait pas convenir partout. Mais depuis j’ai trouvé deux moyens de fixer avec plus de précision le sens de ce terme. En premier lieu, les Singhalais le connaissent vulgairement et en font un adverbe qu’ils traduisent par « volontairement, de son propre gré[204]. » On pourrait donc interpréter adhimukti par volonté, et le composé qui nous occupe par « ayant la bonne volonté pour essence, » c’est-à-dire « pleins de bonne volonté. » Mais, après une comparaison attentive des passages du Lotus et d’autres textes où se présente ce terme, je trouve que ce sens, qui dans la présente stance serait fort admissible, ne s’applique pas avec une égale facilité à tous les endroits où se montrent, soit le mot adhimukti même, soit les autres dérivés du verbe mutch, précédé de la préposition adhi. En second lieu, plusieurs des passages où se rencontrent des dérivés du verbe adhimutch demandent qu’on lui assigne la valeur de « comprendre, diriger son esprit vers, » comme en grec συνιέναι. Je signalerai entre autres un texte qui viendra plus bas, fol. 104 b, où la notion de comprendre est nécessairement contenue dans ce verbe, avec une indication de pouvoir ou de capacité qui nous ramène jusqu’à un certain point à la notion de volonté admise par les Singhalais. Enfin je citerai en faveur de ce sens le témoignage de la version tibétaine du Vadjra tchtchhêdika, version dont I. J. Schmidt a donné une traduction allemande. On lit, en effet, vers la fin du texte sanscrit de ce petit traité, le passage suivant : Yah subhûté bôdhisattvô nirâtmânô dharmâ nirâtmânô dharmâ iti adhimutchyatê (adhimutchyêta ?), que I. J. Schmidt traduit ainsi : « Wenn irgend ein Bôdhisatva also denken möchte : Alles Seyn ist ohne Ich, ohne Ich ist alles Seyn[205], » d’après le tibétain, et qu’on pourrait rendre ainsi d’après le sanscrit : « Le Bôdhisattva qui serait capable de comprendre ceci : Les conditions (ou les êtres) n’ont pas de moi. » En faisant l’application de ce sens au terme de notre texte, adhimuktisârâḥ, on devra traduire, « avant l’intelligence pour essence, » et tout le passage signifiera « soyez attentifs, soyez toute intelligence. » C’est bien certainement aussi le sens à l’intelligence ou de pénétration qu’il faut chercher dans le terme adhimukti, dont le Lalita vistara fait une des cent huit portes de la loi. Cette qualité conduit en effet, selon la définition de cet ouvrage, au résultat suivant : avitchikitsâparamatâyâi sam̃vartatê, « cela conduit à l’exemption absolue du doute, ou à la certitude absolue[206]. »

De ces trois significations, celle d’inclination, que donnent les Tibétains et aussi les Singhalais, celle de confiance, que j’avais choisie dans le principe, et celle d’intelligence ou de pénétration, c’est évidemment cette dernière qui convient le mieux à la définition du Lalita vistara. Mais le sens d’inclination, ou plus généralement de disposition, d’intention, est admis par les lexicographes du Sud, et l’Abhidhâna ppadîpikâ énumère positivement adhimutti parmi les synonymes du terme signifiant intention[207]. Je trouve un exemple de ce sens dans le Djina alam̃kâra, où le participe adhimutta est employé concurremment avec le verbe duquel il vient : Iti êvam anêkadhâtunânâdhâtukassa yam̃ yadéva dhâtum̃ sattâ adhimutchanti tam̃ tadêva adhiṭṭhahanti abhinivissanti kêtchi rûpâdhimuttâkêtchi nibhânâdhimuttâ. « Celui des éléments, parmi les divers et nombreux éléments, pour lequel les créatures se sentent de l’inclination, elles s’y arrêtent, elles s’y livrent tout entières. Quelques-uns ont de l’inclination pour l’élément de la forme… d’autres pour l’élément du Nibbâna (Nirvâṇa)[208]. » On voit qu’ici le sens d’inclination convient mieux que celui de pénétration ou d'intelligence. Il n’est cependant pas douteux que le radical mutch, précédé du préfixe adhi, n’exprime en pâli, comme dans le sanscrit buddhique, un des actes de l’intelligence, car le vocabulaire pâli donne adhimôkkha avec le sens de « détermination, certitude acquise[209]. » Voici, de plus, un texte de Mahânâma, qui, dans son Commentaire sur le Mahâvam̃sa, s’exprime ainsi : Nânâdhimuttikañtcha sattalôkam̃ adhimuttânurûpêhi bahûhi vividhadêsanânayappakâréhi vinêtvâ. « Ayant converti le monde des créatures, dont les dispositions intellectuelles sont diverses, par des modes nombreux et divers d’enseignements et d’instructions, conformes à ces dispositions (de leur intelligence)[210]. »

f. 17 a.St. 84. Comme une lumière dont la source est éteinte.] Le texte s’exprime ainsi : परिनिर्व्दतो हेतुक्षयेव दीपः, littéralement, « il fut anéanti comme une lampe dans la destruction de « sa cause. » De pareils textes justifient l’emploi des mots extinction, anéantissement pour rendre le terme capital de Nirvâṇa. On voit que les idées de parinirvrĭta et parinirvâṇa, « complètement entré dans le Nirvâṇa, et le Nirvâṇa complet, » n’ont, pour les Buddhistes, d’autres analogues dans le monde matériel, que les notions d’extinction, d’anéantissement. Cette assimilation est confirmée encore par d’autres textes. Je n’en pourrais cependant pas citer de plus solennel que la stance prononcée, suivant la tradition, au moment de la mort de Çâkyamuni, par Anuruddha son cousin ; elle se trouve dans le Mahâparinibbâna sutta des Buddhistes du Sud :

asallinêna tchittêna vêdanam̃ adjdjhavâsayi
vipadjdjôtassêva nibhânam̃ vimôkhô tchêtasô ahu

« Avec un esprit qui ne faiblissait pas, il a souffert l’agonie (de la mort) ; comme l’extinction d’une lampe, ainsi a eu lieu l’affranchissement de son intelligence[211]. »

St. 85. Qui étaient arrivés à.] Lisez, « qui étaient partis pour, » comme plus haut, f. 8 b, st. 31.

f. 17 b.St. 88. Et s’annoncèrent successivement qu’ils étaient destinés à parvenir à l’état suprême de Buddha.] Nous trouvons ici le verbe krĭ, précédé des prépositions vi et â, et employé avec le sens spécial qu’il a dans le sanscrit buddhique, celui de « annoncer à quelqu’un ses destinées futures, » ainsi que je l’ai montré ailleurs[212]. J’ajoute seulement ici que cette sion est familière aux Buddhistes de toutes les écoles, et qu’on la trouve aussi fréquemment dans les livres pâlis du Sud que dans les livres sanscrits du Nord. Ainsi, pour n’en citer qu’un exemple, en ce qui regarde les livres pâlis, on trouve au commencement du Mahâvam̃sa de Turnour, l’expression têhi hôdhâya vyâhatô, pour le sanscrit tâir bôdhâya vyâkrĭtaḥ, ce que Turnour traduit, « By them also his admission into Buddhohood was foretold[213] » Le sens que j’adopte ici, et qui est confirmé par un très-grand nombre d’exemples, dérive assez régulièrement des éléments qui entrent dans la composition du verbe vyâkrĭ, « expliquer, développer. »

St. 92. Grâce au mélange de bonnes œuvres qu’il avait accumulées.] En traduisant ainsi, je n’ai pas lait attention que le manuscrit de la Société asiatique écrivait distinctement, म चापि तेनाकुशलेन कर्मणा, leçon qui est confirmée jusqu’à un certain point par les deux manuscrits de M. Hodgson qui ont, quoique avec une faute, तेनोकुशलेन. Cette leçon donne akuçalêna au lieu de haçalêna, c’est-à-dire le vice pour la vertu ; de façon que ce vers signifie : « et lui, même avec cette action coupable. » Le vers suivant, कलमाषभूतेनभिसंस्कृतेन, littéralement, « devenue mélangée, accumulée, » se lie alors très-bien à celui qui précède ; car le mot mélangé s’appliquant à une action qui n’est ni complètement mauvaise ni complètement bonne, laisse la place à quelques vertus dont je regrettais tout à l’heure de ne pas trouver trace dans l’exposition en prose[214]. Cette leçon achève de montrer qu’il faudrait lire dans le passage précité du fol. 14, ténâkuçaléna, comme le fait ici le manuscrit même de la Société asiatique ; par là seraient mises d’accord l’exposition en prose et l’exposition versifiée. Quoi qu’il en puisse être de la correction indiquée pour le passage examiné plus haut, je propose maintenant de rendre comme il suit la stance 92 : « Mais, même avec cette conduite coupable qui se mélangea [de bonnes œuvres] accomplies par lui. » C’est à des actions mélangées et semblables à celles dont il est ici question, que s’adressent des paroles comme celles que le commentateur du Dharmakôça vyâkhyâ met dans la bouche du Buddha : « J’aperçois, dit Bhagavat, le germe infiniment petit d’affranchissement qui est en lui, comme l’or qui est engagé dans les interstices d’un minerai[215]. » Et cette théorie n’est pas moins familière aux Buddhistes du Sud, car elle fait partie intégrante de la doctrine de la transmigration. Ainsi dans un recueil de légendes en pâli qui jouit d’une certaine célébrité à Ceylan, je trouve cette stance :

ahô aichtchhariyam êtam abbhutam̃ lômaham̃sanam̃
appassa paññakammassa anubhâvamahantatâ

« Ah ! quelle merveille étonnante, capable de faire frissonner ! cela résulte de la grande puissance d’une petite action vertueuse[216] ! » Quant à la distinction des actions en bonnes, mauvaises et mélangées, elle se rencontre également chez les Buddhistes du Sud, avec quelques différences toutefois dans les divisions et dans leur nombre. J’en trouve un résumé succinct au milieu de l’énumération des dix forces d’un Buddha, que donne le Djina alam̃kâra en pâli : « Selon les inclinations qu’ont les êtres, ils s’attachent à telle ou telle combinaison. Ils s’attachent à l’action qui est de six espèces, les uns par cupidité, quelques-uns par méchanceté, quelques-uns par erreur, quelques-uns par foi, [d’autres par énergie[217],] d’autres enfin par sagesse. L’action se divise en deux espèces, [celle qui conduit au ciel[218],] et celle qui ramène dans le cercle de la transmigration. Maintenant, l’action qu’on accomplit par cupidité, par méchanceté, par erreur, cette action est noire, elle produit un résultat noir. L’action qu’on accomplit avec foi, mais non par énergie, ni [par sagesse,] cette action est blanche, elle produit un résultat blanc. L’action qu’on accomplit par cupidité, mais non par méchanceté, ainsi que par erreur, avec foi, par énergie, cette action est à la fois blanche et noire, elle produit un résultat blanc et noir. L’action qu’on accomplit par énergie, mais non par sagesse, cette action n’est ni noire ni blanche, elle produit un résultat qui n’est ni noir ni blanc ; c’est l’action parfaite, l’action excellente ; elle va à la destruction de l’action. Il y a quatre combinaisons de l’action. Il y a la combinaison de l’action qui donne dans le présent le plaisir, et dans l’avenir la douleur pour résultat. Il y a la combinaison de l’action qui donne dans le présent la douleur, et dans l’avenir le plaisir pour résultat. Il y a la combinaison de l’action qui donne dans le présent la douleur, et dans l’avenir la douleur pour résultat. Il y a la combinaison de l’action qui donne dans le présent le plaisir, et dans l’avenir le plaisir pour résultat[219]. »

f. 18 a. St. 100. Parvenus ici à l’état de Bôdhi.] Lisez, « qui sont partis ici pour l’état de Bôdhi, » comme plus haut, fol. 8 b, st. 31.

  1. Introduction à l’histoire du Buddhisme indien, t. I, p. 62 et 63
  2. Amarakocha, l. I, c. ii, sect. 3, p. 65, éd. Lois,
  3. Journal asiatique, IVe série, t. XIV, p. 357.
  4. Introduction à l’histoire du Buddhisme indien, t. I, p. 45.
  5. Mém. de l’Acad. des sciences de S. Pétersbourg, t. IV, p. 185.
  6. Foucaux, Rgya tch’er rol pa, t. Ier, p. 2.
  7. Introd. à l’hist. du Buddh. indien t. I, p. 99.
  8. Ibid. t. I, p. 286.
  9. Ibid., t. I, p. 72, note.
  10. Foe houe ki, p. 269 et 270.
  11. Intr. à l’hist. du Buddh. indien, t. I, p. 382 et suiv.
  12. ibid. t. I, p. 295.
  13. Singhal. Diction. t. II, p. 810.
  14. I. J. Schmidt, Geschichte der Ost-Mongolen, p. 314, note 52.
  15. Abhidkarma kôça vyakhyâ , f. 7 a, fin, man. de la Soc. asiat.
  16. Mahavanso t. I, ch. IV, p. 16, éd. Turnour.
  17. Ci-dessous, Appendice, no XIV.
  18. Schol. in Hématchandra, st. 202, p. 311, éd. Bœhtlingk et Rieu.
  19. Voyez ci-dessous ce terme cité dans la note sur le fol. 16 a, st. 67.
  20. Djina alam̃kâra, f. 24 b de mon man.
  21. Lalita vistara, f. 220 b de mon man. A.
  22. Lalita vistara, f. 221 a de mon man. A ; f. 223 b du man. de la Soc. asiat.
  23. Râdjâ Râdhâkânta Dêva. Çabda kalpa druma, t. I, p. 247, col. 2.
  24. Djina alam̃kâra, f. 4 a, l. 7.
  25. Examin. of pâli Buddh. annals, dans Journ. asiat. Soc. of Bengal, t. VII, p. 793.
  26. Aṭânâṭiya sutta, dans Dîgh. nik. f. 175 a, l. 8.
  27. Djina alam̃kâra, f. 4 a.
  28. Lalita Vistara, f. 221 a de mon man. A.
  29. Examin. of pâli Buddh. Annals, dans Journ. asiat. Soc. of Bengal, t. VII, p. 698.
  30. Turnour, Examin. of pâli Baddhist. annals, dans Journ. asiat. Soc. of Bengal, t. VII, p. 698.
  31. Introduction à l’histoire du Buddhisme indien t. 1, p. 79, note 2.
  32. Introd. à l’hist. du Buddh. t. I, p. 503 et suiv.
  33. Mahâparinibbâna sutta, dans Dîgh. nik. f. 88 b. Turnour, Examin. of pâli Buddhist. annals, dans Journ. asiat. Soc. of Bengal, t. VII, p. 1001 et 1002.
  34. Ci-dessous, ch. v, f. 75 a, p. 83, fin.
  35. Voyez encore Introd. à l’hist. du Buddh. indien t. I, p. 296 et suiv.
  36. A. Rémusat, Foe koue ki, p. 310 ; Introduction à l’histoire du Buddhisme indien, tome I, page 156, note 2.
  37. Introd. à l’hist. du Buddh. indien t. I, p. 156, note 2, p. 157, p. 158, note 3, et p. 627.
  38. Introd. à l’hist. du Buddh. t. I, p. 158, note 3.
  39. Ibid. p. 48, note 5.
  40. Ibid. p. 181, note 3.
  41. Ibid. p. 391, note 2.
  42. Ibid. p. 396, note 2.
  43. Ibid. t. I, p. 163, note. Comp. Foe koue ki, p. 149.
  44. Hyacinthe et Klaproth, Descript. du Tibet, dans le Nouv. Journal asiatique, t. IV, p. 117 et suiv.
  45. Foe koue ki, p. 131.
  46. Sumâgadhâ avad. fol. 7 b.
  47. Foe koue ki, p. 168. Cette comparaison est, on le sait, très-familière aux Brâhmanes.
  48. Abhidharma kôça vyâkhyâ, f. 18 a, init.
  49. Wilson, Vishṇu pur., p. 187 et 452 ; Lassen, Ind. Alterthumsk, t. I, p. 601.
  50. Foucaux, Rgya tch’er rol pa, t. II, p. 3.
  51. Sumâgadhâ avad. f. 14 a et b.
  52. Foe koue ki, p. 168.
  53. Introd. à l’hist. du Buddh. ind. t. I, p. 260, n. 1.
  54. Rgya tch’er rolpa, t. II, p. 3.
  55. Introd. à l’hist. du Buddh. ind. t. I, p. 322, note, Abhidhâna tchintâmaṇi, p. 13, éd. Bœhtlingk et Rieu.
  56. Abhidhân. ppadîp. l. II, c. v, st. 28, éd. Clough.
  57. Ibid. l. I, c. I, sect. 1, st. 9.
  58. Mahâpadhâna, dans Dîgh. nik. f. 67 b.
  59. Turnour, Mahâwanso, c. iii, p. 12 et 13.
  60. Mahâvam̃sa ṭîkâ, fol. 52 b.
  61. Abhidhân. ppadîp. l. III, c. iii, st. 5 ; Clough, Singhalese Dictionary, t. II, p. 70.
  62. Thûpa vam̃sa, f. 15 b.
  63. Mahâvam̃sa ṭikâ, f. 15 a.
  64. Introd. à l’hist. du Buddh. indien, p. 278.
  65. Ibid. p. 181 et 278.
  66. Prinsep, Facsimiles of var. ancient Inscr. dans Journ. asiat. Soc. of Bengal, t. V, p. 667, 669 et 660.
  67. Bhotanta Diction., p. 249, col. 1.
  68. Rgya tch’er rol pa, t. II, p. 3, 67, 58 et pass.
  69. Abhidhân. ppadîp. l. I, ch. ii, sect. v, st. 9, et l. III, ch. iii, st. 194.
  70. Abhidhâna tchintâmaṇi, st. 309, p. 53, éd. Bœhtl. et Rieu.
  71. Abhidhân. ppadîp. l. III, ch. i, st. 41.
  72. Foe koue ki , p. 28, note 6.
  73. Trikâṇḍa çêcha, ch. 1, sect. 1, st. 30, éd. Calc. p. 2 ; Wilson, Notice of three Tracts, etc. dans Asiat. Researches, t. XVI, p. 470.
  74. Introd. à l’hist. du Buddh. t. I, p. 113 et suiv.
  75. Ibid. t. I, p. 101, note 2.
  76. Foe koue ki, p. 120.
  77. Ibid. p. 160.
  78. Rgya tch’er rol pa, t. II, p. 4.
  79. Foe koue ki, p. 33 et 34.
  80. Introd. à l’hist. du Buddh. t. I, p. 109.
  81. Ch. xxvi, f. 245 a.
  82. Schiefner, Eine tibet. Lebensbeschreibung Çâkyamuni’s, p. 23.
  83. Turnour, Examin. of pâli Buddh. annals, dans Journ. as. Soc. of Bengal, t. VII, p. 992, comp. avec le Mâhâparinibbâna sutta, dans Dîgh. nikâya, f. 81 b. Nous verrons ailleurs ce nom de vêdêhiputta.
  84. Djina alam̃kâra, f. 17 a.
  85. Ibid. f. 17 b.
  86. Ibid. f. 37 a et b.
  87. Lalita vistara, f. 178 a de mon man. A.
  88. Lalita vistara, fol. 136 a de mon manuscrit A ; Foucaux, Rgya tch’er rol pa, t. II, p. 249.
  89. Sakkapañha, dans Dîgh. nik. f. 118 b.
  90. Abhidh. ppadîp. l.II, cap. v, st. 8.
  91. J. S. Burt, Inscription found near Bhabra, dans Journ. asiat. Soc. of Bengal, t. IX, p. 618.
  92. Rgya tch’er rol pa, t. II, p. 69, 337 et 338.
  93. Foe koue ki, p. 217 et suiv.
  94. Introd. à l’hist. du Buddh. indien, t. I, p. 81.
  95. Foe koue ki, p. 134.
  96. Rgya tch’er rol pa, t. II, p. 14 et suivantes.
  97. Foe koue ki, p. 131 et suiv.
  98. Humboldt, Ueber die Kawi-Sprache, t. Ip. 276.
  99. Lassen, Ind. Alterthamsk. t. I, p. 810, note 2 ; t. II, p. 76, note 5. La question est, dans les deux endroits cités, traitée de main de maître.
  100. Singhal Diction. t. II, p. 83.
  101. Rémusat, Essai sur la cosmographie et la cosmog. Buddh. dans Mélanges posthumes, p. 91.
  102. Saddharma Lag͂kâvatâra, f. 57 b, man. Bibl. nat.
  103. Des Hauterayes, Rech. sur la relig. de Fo, dans Journ. asiat. t. VIII, p. 45 et 312 ; Rémusat, Mél. posth. p. 80 et 92 ; Klaproth, dans le Foe koue ki, p. 288, note. Voyez ci-dessous, chap. 11, fol. 29 b, st. 63.
  104. Des Hauterayes, dans Journ. asiat. t. VIII, p. 45.
  105. Rémusat, Mélanges posthumes, p. 113.
  106. Upham, The Mahâvansi, t. III, p. 25 ; Clough, Singhal. Diction., t. II, p. 697.
  107. Djina alam̃kâra, f. 5 b init.
  108. Anecdota pâlica, p. 83.
  109. Djina alam̃kâra, f. 26 b.
  110. Introd. à l’hist. du Buddh. t. I, p. 462 et suiv.
  111. Pallas, Sammlung. hist. Nachricht. t. II, p. 386 ; I. J. Schmidt, Geschichte der Ost-Mongol. p. 312 ; Foe koue ki, p. 32, 246 et 248.
  112. Foe koue ki, p. 32, note 6.
  113. Introd. à l’hist. du Buddh. indien, t. I, p. 75, 625 et 626.
  114. Divya avadâna, f. 98 b, man. Soc. asiat.
  115. Vocabulaire pentaglotte, sect. xxvii.
  116. Abhidhâna ppadîpikâ, l. III, c. iii, st. 91, éd. Clough, p. 115.
  117. Spiegel, Anecdota pâlica, p. 63 et 64.
  118. Rasavâhinî, f. 131 a de mon man.
  119. Ibid. f. 100 b.
  120. Spiegel, Anecdota pâlica, p. 64 et 67.
  121. Djina alam̃kâra, f. 20 b, fin.
  122. Brahmadjâla sutta, dans Dîgh. nik. f. 1 a.
  123. Introd. à l’hist. du Buddh. indien, t. I, p. 91, not. 1.
  124. Rgya tch’er rol pa, t. II, p. 54.
  125. Tibet. deutsch. Wörterb. p. 414.
  126. Introd. à l’hist. du Buddh. t. I, p. 601, note 4.
  127. Abhidharma kôça vyâkhyâ, f. 27 a, fin et b, init.
  128. Foe koue ki, p. 9 et suiv.
  129. Rémusat, Observ. sur l’hist. des Mongols orient. dans Nouv. Journ. asiat. IIe série, t. VIII, p. 629.
  130. Pâṭimôkkha, man. pâli-barman de la Bibl. nat. f. 11 b, et p. 84 de ma copie.
  131. Ci-dessous, ch. xxiv, f. 224 a.
  132. Abhidhân. ppadîp. l. 1, ch. i, sect. I, st. 10.
  133. Georgi, Alphab. tibet. p. 407 ; Pallas, Sammlung. histor. Nachricht. über die Mongol. Völkerschaft. t. II, p. 143, pl. X, XI ; B. Hodgson, Sketch of Buddhism, dans Transact. of the Roy. asiat. Soc. t. II, p. 245, 257, pl. III, V, VI, VII ; voyez encore Introd. à l’hist. du. Buddh. indien, t. I, p. 262, note 1, et p. 317, note 1.
  134. Aḡguttara nikâya, fol. khi verso, fin.
  135. Ci-dessous, chap.  v, fol. 77 a.
  136. Trikâṇḍa çêcha, chap. i, sect. i, st.13.
  137. A. Rémusat, Foe koue ki, p. 165.
  138. Abidhâna ppadîpikâ, l. II, c. vi, st.44, Clough, p. 64.
  139. Foe koue ki, p. 90.
  140. Divya avadâna ; fol. 67 a.
  141. Abhidhâna ppadîpikâ, lib. II, cap. vi. st. 46.
  142. Journ. asiat. t. VIII, p. 313.
  143. Orient. hist. manuscr. l. 1, p. 97, note.
  144. Divya avadâna, fol. 29 a.
  145. Rgya tch’er rol pa, t. II, p. 14.
  146. Clough, Pali grammar, p. 56.
  147. Suvaṇṇasâma djâtaka, man. pâli-barman, f. 3 b ;
  148. Vadjra tchtchhed. fol. 16 a : I. J. Schmidt, Ueber das Mahâyâna, dans Mém. de l’Acad. de Saint-Pétersbourg, t. IV, p. 190.
  149. Vadjra tchtchhêd. fol. 4 b ; I. J. Schmidt, Mém. de l’Acad. de Saint-Pétersbourg, t. IV, p. 186.
  150. Clough, Pali grammar, p. 11.
  151. Anecdota pâlica, p. 66.
  152. Ibid. p. 25 et 49.
  153. Voyez encore Rgya tch’er rol pa, t. II, p. 95 et 368, comp. au Lalita vistara, fol. 52 a et 204 a de mon man. A. M. Foucaux traduit bien cet adjectif par « qui est en désaccord. »
  154. Ci-dessous, chap. III, fol. 55 a, st. 117.
  155. Brahmadjâla sutta, dans Dîgh. nik. fol. 1 a de mon manuscrit.
  156. Abhidharma kôça vyâkhyâ, fol. 17 b.
  157. Recherches sur la relig. de Fo, dans Journ. asiat. t. VIII, p. 182 ; Foe koue ki, p. 132 ; I. J. Schmidt, Geschichte der Ost-Mongolen, p. 304 et suiv.
  158. Deshauterayes, Recherches sur la religion de Fo, dans Journ. asiat. t. VIII, p. 181 et 182 ; Rémusat, Essai sur la cosmogonie buddhique, primitivement inséré dans le Journal des Savants, année 1831, et reproduit dans les Mél. post. et suiv. p. 116 et 117.
  159. Ueber die tausend Buddhas, dans Mém. de l’Acad. de Saint-Pétersbourg, t. II, p. 59.
  160. Ibid. t. II, p. 60 et 82.
  161. Ibid. t. II, p. 60 et 61.
  162. Ibid. t. II, p. p. 62.
  163. Fr. Buchanan. On the rel. and liter. of the Burmas, dans Asiatic Researches, t. VI, p. 82, éd. Lond. in-4o.
  164. Turnour, Examin. of Pâli Buddh. Annals, dans Journ. asiat. Soc. of Bengal, t. VII, p. 689 ; Sangermano, Descript. of the Burman Empire, p. 7, éd. W. Tandy ; Buchanan, On the rel. and liter. etc. dans Asiat. Res. t. VI, p. 181.
  165. Sangermano, Descript. etc. p. 7 et 26 ; Buchanan, Asiat Res. t. VI, p. 182 ; J. Low, On Buddha and Phrabât, dans Transact. roy. asiat. Soc. of London, t. III, p. 84.
  166. Turnour, Examin. of Pâli Buddh. Annals, dans Journ. as. Soc. of Bengal, t. VII, p. 701 ; Sangermano, Descript. etc. p. 7 et 26.
  167. Turnour, Mahâwanso, index, p. 12.
  168. Dharma pradîpikâ, fol. 30 b.
  169. id. ibid.
  170. Ibid. fol. 30 b ; Joinville, On the Relig. and Manners of the people of Ceylon, dans Asiat. Res. t. VII, p. 404, éd. Calcutta, in-4o.
  171. Ci-dessous, ch. xvii, f. 185 a : Append. no XX.
  172. Dharma pradîpikâ, fol. 30 a.
  173. Turnour, Examin. etc. dans Journ. asiat. Soc. of Bengal, t. VII, p. 691 et 699.
  174. Clough, Singhal. Diction. t. II, p. 33.
  175. Indische Alterthumsk. t. II, p. 227, note 1.
  176. Wilson, Vishṇu purâṇa, p. 24, note.
  177. Examin. of Pâli Budd. Annals, dans Journ. as. Soc. of Bengal, t. VII, p. 690 et suiv.
  178. Aggañña sutta, dans Dîgh. nik. fol. 154 b.
  179. Introduction à l’histoire du Buddhisme indien, t. I, p. 128.
  180. Rgya tch’er rol pa, t. II, p. 106.
  181. Nidâna vagga, fol. 2 a.
  182. Padarûpa siddhi, fol. 3 a, l. 2 de mon man.
  183. Vinaya sûtra, fol. 175 b.
  184. Djina alam̃kâra, fol. 59 a, init.
  185. Introd. à l’hist. du Buddh. indien, t. I, p. 485 et suiv. p. 628 et 624.
  186. Introd. à l’hist. du Buddh. ind. t. I, p. 82 et 85, aux notes.
  187. Rgya tch’er rolpa, t. II, p. 392.
  188. Trikâṇḍa çêcha, ch. i, sect. I, st. 24 ; éd. Calc. p. 3.
  189. Rgya tch’er rolpa, t. II, p. 191 et suiv.
  190. Spiegel, Anecdota pâlica, p. 64 et 65.
  191. Abhidh. ppadîpikâ, l. II, ch. iii, st. 26 ; Clough, p. 35.
  192. Institut. ling. pracrit. p. 260.
  193. Nêmi djât. f. 7 b, p. 40 de ma copie.
  194. Introd. à l’hist. du Buddh. indien t. I, p. 275, note 2.
  195. Introd. à l’hist. du Buddh. indien, t. I, p. 580 et suiv.
  196. Mahâpurinibbâna sutta, dans Dîgh. nik. f. 93 b.
  197. Thûpa vam̃sa, fol. 2 a.
  198. Divya avadâna, f. 99 b, man. Soc. asiat.
  199. Turnour, Mahâwanso, p. 11, l. 6.
  200. Introd. à l’hist. du Buddh. indien, t. I, p. 274.
  201. Mahâvamsa tikâ, f. 12 b, fin.
  202. Abhidhân. ppadîp. l. I, ch. i, sect. 1, st.4.
  203. Turnour, Mahâwanso, introd. p. lv.
  204. Clough, Singhal. Dictionn. t. II, p. 25.
  205. Mém. de l’Acad. de Saint-Pétersbourg, VIe série, t. IV, p. 204.
  206. Lalita vistara, f.21 b du man. A ; f.23 b et 24 a du man. B ; f.18 b et 19 a du man. de la Soc. asiat.
  207. Abhidhân. ppadîp. l.III, c. ii, st. 10.
  208. Djina alam̃kâra, f. 16 b.
  209. Abhidh. ppadîp. l.I, c. ii, sect. 5, st.15.
  210. Makâvam̃sa ṭîkâ, f. 20 b.
  211. Mahâparinibbâna sutta, dans Dîgh. nik. f. 98 a ; Turnour, Examin. of Pâli Buddhist. Annals, dans Journ. asiat. Soc. of Bengal, t. VII, p. 1008.
  212. Introduction à l’hist. du Buddh. ind. t. I, p. 54 et 55 ; comp. ci-dessus, p. 322, à la st. 51.
  213. Turnour, Mahâwanso, t. I, p. 2, l. 3.
  214. Dharmakôça vyâkhyâ, f.a, init.
  215. Voyez la seconde note sur le fol. 14 b.
  216. Rasavâhinî, f. 84 b.
  217. Je rétablis l’énergie, qui est nécessaire pour parachever le nombre des six causes de l’action, et qui d’ailleurs revient plus bas dans l’énumération.
  218. C’est par conjecture que je rétablis ce terme ; le manuscrit donne seulement na tcha.
  219. Djina alam̃kâra, f. 16 b et suiv.