Mémoires extraits des recueils de l’Académie royale de Berlin/Mémoire sur la Théorie du mouvement des fluides

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MÉMOIRE
SUR LA
THÉORIE DU MOUVEMENT DES FLUIDES.


(Nouveaux Mémoires de l’Académie royale des Sciences et Belles-Lettres
de Berlin
, année 1781.)


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Depuis que M. d’Alembert a réduit à des équations analytiques les vraies lois du mouvement des fluides, cette matière est devenue l’objet d’un grand nombre de recherches qui se trouvent répandues dans les Opuscules de M. d’Alembert, et dans les Recueils de cette Académie et de celle de Pétersbourg. La Théorie générale a été beaucoup perfectionnée dans ces différentes recherches ; mais il n’en est pas de même de la partie de cette Théorie qui concerne la manière de l’appliquer aux questions particulières. M. d’Alembert paraît même porté à croire que cette application est impossible dans la plupart des cas, surtout lorsqu’il s’agit du mouvement des fluides qui coulent dans des vases.

Après avoir soigneusement étudié tout ce qui a déjà été écrit sur la Théorie rigoureuse du mouvement des fluides, je me suis appliqué à lever, ou du moins à diminuer les difficultés qui ont retardé les progrès de cette Théorie, et ont obligé les Géomètres à se contenter, pour la solution des Problèmes les plus simples, de méthodes indirectes, ou fondées sur des suppositions précaires. C’est ce qui a occasionné les Recherches dont je vais donner le résultat dans ce Mémoire.


SECTION PREMIÈRE.

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES ÉQUATIONS FONDAMENTALES DU MOUVEMENT DES FLUIDES.

1. Soit une masse quelconque de fluide que l’on considérera comme composée d’une infinité de particules et soient les coordonnées rectangles de chaque particule les vitesses de cette particule parallèlement aux mêmes coordonnées et dans le sens dans lequel ces coordonnées augmentent ; et enfin le temps écoulé depuis le commencement du mouvement. Ces quantités devant appartenir, en général, à chaque particule et à chaque instant du mouvement, ne peuvent être que des fonctions des variables et c’est de la détermination de ces fonctions que dépend celle du mouvement du fluide.

Ces fonctions étant connues, on aura, pour le mouvement de chaque particule, les équations


lesquelles, étant intégrées, donneront les valeurs de exprimées en et en trois constantes arbitraires dépendantes du lieu initial de la particule ; ainsi l’on connaîtra le lieu de chaque particule du fluide après un temps quelconque.

Si l’on chasse de ces équations, on aura ces deux-ci


lesquelles expriment la nature des différentes courbes dans lesquelles tout le fluide se meut à chaque instant, courbes qui changent de place et de forme d’un instant à l’autre.


2. Maintenant, à cause de la continuité du fluide, on peut imaginer que chaque particule ait la figure d’un parallélépipède rectangle, et que son volume soit par conséquent exprimé par en supposant que soient les côtés du parallélépipède et représentent les variations des coordonnées pour les particules adjacentes, dans la direction de ces coordonnées.

Si donc on nomme la densité de chaque particule on aura

et la quantité devra être pareillement une fonction de


3. Dans l’instant suivant, le parallélépipède changera à la fois de place et de forme, mais la masse demeurera la même. Pour voir ce que devient le volume, ou l’espace on remarquera que les coordonnées de la particule deviennent, par le mouvement de cette particule, (1) ; donc, faisant varier successivement dans ces dernières expressions les variables de les coordonnées

de la particule adjacente dans la direction de la ligne deviendront

ainsi le côté lequel joint les angles du parallélépipède relatifs aux coordonnées et deviendra évidemment

en négligeant les quantités infiniment petites du troisième ordre. À l’égard des deux autres côtés égaux et parallèles à dont l’un joint les angles relatifs aux coordonnées

et

et l’autre joint les angles relatifs aux coordonnées

et
il est visible que, pour savoir ce que deviennent ces côtés, il n’y aura qu’à augmenter, dans l’expression précédente, de et ensuite de ainsi ces côtés deviendront


valeurs qui se réduisent à


en négligeant les infiniment petits du troisième ordre.

Il s’ensuit de là que les trois côtés parallèles et égaux à du parallélépipède rectangle deviendront dans l’instant suivant


et seront par conséquent encore égaux entre eux. On trouvera par une analyse semblable que les trois côtés parallèles et égaux à se changeront en


et que les trois côtés parallèles et égaux à se changeront en


de sorte que le parallélépipède rectangle se trouvera changé en un autre parallélépipède dont les côtés seront


Or, si ces côtés étaient encore dans la direction des lignes il n’y aurait qu’à les multiplier ensemble pour avoir la capacité du parallélépipède laquelle serait donc, en négligeant ce qu’on doit négliger,

Mais, quelle que puisse être leur déviation, il est certain qu’elle ne peut être qu’infiniment petite ; en effet le côté en devenant


fera avec la ligne des un angle dont la tangente sera égale à

divisé par


de sorte qu’en négligeant les infiniment petits du second ordre on aura


pour l’expression de cet angle ; et ainsi des autres angles de déviation. D’ailleurs, de ce que le parallélépipède rectangle est celui qui a la plus grande capacité parmi tous ceux qui ont les mêmes côtés, il s’ensuit qu’en faisant varier infiniment peu les angles d’un parallélépipède rectangle, sa capacité ne saurait varier que dans une proportion qui ne différera de l’unité que par des quantités infiniment petites du second ordre, celles du premier devant disparaître par la propriété du maximum. Donc la quantité


que nous avons trouvée pour le rapport entre la capacité du nouveau parallélépipède et celle du parallélépipède primitif ne pourra varier, en conséquence de la déviation infiniment petite de ses côtés, que de quantités infiniment petites du second ordre, lesquelles devront par conséquent être négligées vis-à-vis des termes du premier ordre


4. Ainsi la quantité deviendra simplement dans l’instant suivant

Mais la densité devient en même temps (en y faisant varier de )


Par conséquent la quantité


deviendra


laquelle devant toujours être égale à


on aura, en divisant par l’équation


ou

C’est la première équation fondamentale de la Théorie du mouvement des fluides ; et comme elle est relative à la densité du fluide, elle peut être nommée en général l’équation de la densité.


5. Lorsque le fluide est incompressible, la densité de chaque particule ne varie point d’un instant à l’autre ; ainsi il faudra que l’on ait dans ce cas


et l’équation précédente se réduira alors à celle-ci

Donc pour les fluides incompressibles l’équation de la densité se décompose en deux de cette forme


dont la première sert à déterminer la densité en fonction de et la seconde renferme la condition de l’incompressibilité du fluide, et peut être nommée en conséquence équation de l’incompressibilité.


6. Considérons présentement l’effet des forces accélératrices qui agissent sur le fluide.

Soient les forces par lesquelles chaque point du fluide est sollicité parallèlement aux coordonnées et dans le sens suivant lequel ces coordonnées augmentent. Si l’on suppose d’abord le fluide en repos et en équilibre en vertu de ces forces, il faudra, par les principes connus de l’équilibre des fluides, que la quantité


soit une différentielle exacte par rapport à et son intégrale exprimera la pression du fluide sur le point qui répond aux coordonnées pression qui sera ainsi représentée par une fonction finie de ces mêmes variables.

Si donc on nomme en général cette pression produite par les forces on aura, dans le cas où le fluide doit être en équilibre en vertu de ces forces,


équation qui doit ètre intégrable d’elle-même, et dont les conditions de l’intégrahilité donneront celles auxquelles doivent être soumises les forces données pour l’existence de l’équilibre.

À la surface extérieure la pression doit être nulle, lorsque le fluide est libre ; mais si le fluide est pressé par une force quelconque donnée, il faut que cette force soit balancée par la même pression . Ainsi la valeur de la fonction sera donnée à la surface du fluide, ce qui fournira une équation entre les variables laquelle déterminera la figure de cette surface dans l’état d’équilibre.


7. Supposons maintenant que le fluide animé des mêmes forces soit en mouvement, et que chaque particule ait les vitesses fonctions de (1). Dans l’instant suivant le temps devient et les coordonnées de la particule deviennent à cause du mouvement de cette particule. Donc les variations des quantités seront

Or, par les principes de la Mécanique, ces variations étant divisées par l’élément du temps donnent les forces accélératrices capables de les produire, lesquelles doivent être par conséquent équivalentes aux forces qui agissent réellement sur le fluide. Donc les premières dirigées en sens contraire doivent faire équilibre à ces dernières ; d’où il s’ensuit que le fluide étant animé dans chaque point par les forces accélératrices


dirigées suivant les lignes dans le sens où ces lignes augmentent, devra être en équilibre de lui-même.

Ainsi, en nommant la pression qui naît de toutes ces forces dans chaque point du fluide, on aura (6)


équation qui devra pareillement être intégrable par rapport aux variables le temps étant regardé comme constant.

C’est la seconde équation fondamentale du mouvement des fluides, et qui peut être nommée équation de la pression.


8. L’intégrabilité de cette équation donne (en regardant comme une fonction finie de ) ces trois équations partielles

Or dans les fluides compressibles la densité est toujours donnée par une fonction connue de dépendante de la loi de l’élasticité du fluide et de celle de la chaleur qui est supposée régner à chaque instant dans tous les points de l’espace. Ainsi, combinant les trois équations précédentes avec l’équation générale de la densité (4), on aura quatre équations aux différences partielles entre les quatre inconnues et les variables lesquelles équations contiendront toute la Théorie du mouvement des fluides compressibles et élastiques.


9. Pour les fluides incompressibles nous avons vu (5) que l’on a deux équations, l’une relative à la loi de la densité, l’autre relative à la condition de l’incompressibilité.

Or, éliminant la quantité des trois équations du numéro précédent, on a ces deux-ci

lesquelles étant combinées avec les deux dont nous venons de parler, on aura de nouveau quatre équations aux différences partielles entre les inconnues et les variables et ces équations contiendront toute la Théorie du mouvement des fluides incompressibles.


10. Les équations que nous venons de donner étant aux différences partielles, leurs intégrales renfermeront nécessairement des fonctions arbitraires des variables et la détermination de ces fonctions dépendra de l’état initial du fluide, c’est-à-dire des valeurs de lorsque et des conditions particulières auxquelles la surface même du fluide devra être assujettie pendant le mouvement.

On suppose tacitement dans la Théorie du mouvement des fluides que les particules, qui sont une fois à la surface du fluide, y restent toujours pendant tout le mouvement. Cette condition paraît en effet nécessaire pour que le fluide ne se divise pas, mais forme toujours une masse continue ; cependant nous verrons qu’il y a des cas où elle ne doit pas avoir lieu.

Soit, en général,

l’équation de la surface du fluide, étant une fonction de Puisque par le mouvement du fluide les coordonnées d’une particule quelconque deviennent tandis que le temps devient (1), pour que les mêmes particules se trouvent encore à la surface après l’instant il faudra que l’équation ait lieu également en y mettant à la place

de Mais par ces substitutions il est visible que devient

donc on aura, pour la condition dont il s’agit, l’équation

laquelle devra par conséquent avoir lieu en même temps que l’équation de la surface.

Si le fluide est contenu par des parois d’une figure donnée, il est clair que la partie de la surface du fluide, laquelle sera contiguë à ces parois, devra avoir la même figure que les parois ; ainsi l’équation devra être celle de la figure donnée des parois.

Mais, dans les endroits où la surface du fluide sera libre, il faudra que la pression y soit nulle ; et si le fluide y était comprimé à l’extérieur par des forces quelconques données il faudrait que ces forces fussent égales et de direction contraire aux pressions Ainsi on aura dans le premier cas et dans le second pour l’équation de la surface libre du fluide.

Désignant donc, en général, ces équations par

on prendra à la place de et l’on aura, pour la condition que les mêmes particules du fluide soient toujours à la surface, l’équation

laquelle devra subsister en même temps que l’équation et par conséquent appartenir à la même surface courbe.


11. L’équation

est intégrable par la méthode générale que j’ai donnée pour ces sortes

d’équations dans les Nouveaux Mémoires de l’Académie de Berlin de 1779[1]. Suivant cette méthode il faut intégrer les quatre équations

et, nommant les quatre constantes arbitraires, on aura

pour l’intégrale de la proposée, dans laquelle il faudra mettre pour leurs valeurs en la caractéristique dénotant une fonction quelconque de L’équation donne d’abord ainsi l’on aura

les quantités étant les trois constantes arbitraires qui entreront dans les intégrales des équations

ou plutôt les valeurs de ces constantes en déduites de ces intégrales. Or nous avons vu dans le no  1 que ces intégrales servent à déterminer les valeurs des coordonnées de chaque particule pour un temps quelconque et que les constantes arbitraires dépendent du lieu initial de la particule. Ainsi 1"équation

indique que la quantité regardée comme une fonction de doit être telle, que si l’on y substitue pour leurs valeurs en et en elle devienne une fonction de sans c’est-à-dire que s’évanouisse. C’est aussi ce qu’on peut démontrer à priori par le raisonnement suivant.

Puisque est l’équation de la surface du fluide, étant une fonction des coordonnées et du temps qui est comme le paramètre variable de cette surface ; il s’ensuit que, si l’on y substitue pour leurs valeurs en et et qu’on suppose pour plus de simplicité que soient les valeurs de lorsque c’est-à-dire les coordonnées initiales de chaque particule, il s’ensuit, dis-je, que l’équation sera entre ces coordonnées et le temps et représentera par conséquent la surface que formaient dans l’état initial les mêmes particules, qui après le temps forment la surface représentée par l’équation donnée entre Donc, pour que les particules qui sont une fois à la surface y demeurent toujours, il faudra que l’équation entre représente la surface initiale du fluide, et ne contienne par conséquent point le temps Par conséquent, si la surface initiale est connue, en sorte que pour cette surface on ait exprimé par une fonction donnée de et et qu’on substitue cette valeur de dans l’équation l’équation résultante devra subsister d’elle-même, c’est-à-dire indépendamment d’aucune relation entre donc

Ce que nous venons de démontrer à l’égard des équations


doit s’appliquer également aux équations


12. Tels sont les principes et les formules générales de la Théorie des fluides. La difficulté ne consiste que dans leur application ; mais cette difficulté est si grande, que jusqu’à présent, même dans la solution des questions les plus simples, on s’est contenté d’employer des méthodes particulières et fondées sur des hypothèses très-limitées. Pour diminuer autant qu’il est possible cette difficulté, nous allons examiner maintenant comment et dans quel cas les formules générales peuvent être simplifiées ; nous en ferons ensuite l’application au mouvement des fluides dans des vases ou des canaux de figure quelconque.


13. Considérons d’abord l’équation de la densité trouvée dans le no 4 pour les fluides compressibles, et supposons

en regardant les quantités comme des fonctions inconnues de Cette équation deviendra par ces substitutions

laquelle est intégrable relativement à et dont l’intégrale donnera

étant une fonction arbitraire de sans dépendante de la densité initiale du fluide.

Ensuite on aura

Donc, faisant ces substitutions dans les trois équations du no 8, et mettant pour sa valeur donnée en on n’aura plus à intégrer que trois équations entre les inconnues et les variables mais cette intégration surpassera les forces de l’analyse connue.

Si le fluide est incompressible, on considérera l’équation de l’incompressibilité (5)

et l’on y fera

ce qui la réduira à la forme

laquelle est intégrable relativement à et donne


n’étant point nécessaire d’ajouter ici aucune fonction arbitraire, à cause des valeurs indéterminées de et Ainsi l’équation dont il s’agit sera satisfaite par ces valeurs


lesquelles étant ensuite substituées dans l’équation de la densité du même no 5, ainsi que dans les deux équations du no 9, on aura de nouveau trois équations entre les inconnues et les variables et la Théorie du mouvement des fluides incompressibles sera réduite à l’intégration de ces équations ; mais cette intégration surpasse aussi les forces de l’analyse.


14. Considérons présentement l’équation générale de la pression trouvée dans le no 7, et voyons si cette équation n’est pas susceptible en elle-même de quelque simplification.

Nous supposerons ici que la densité soit ou constante, ou simplement proportionnelle à une fonction, quelconque de la pression ce qui est le cas de tous les fluides connus, tant qu’on y fait abstraction de la chaleur.

Nous supposerons de plus que les forces accélératrices du fluide soient telles, que


soit une différentielle complète ; ce qui a lieu, en général, lorsque ces forces viennent d’une ou de plusieurs attractions proportionnelles à des fonctions quelconques des distances.

De cette manière, si l’on fait

l’équation proposée étant divisée par se réduira à cette forme

Ainsi le premier membre de cette équation devra être en particulier une différentielle complète relativement à puisque le second en est une.

Qu’on retranche de part et d’autre la différentielle de

prise relativement à laquelle est

on aura, en ordonnant les termes, cette transformée

Donc le premier membre de cette équation devra être pareillement une différentielle exacte.


15. Il est visible que, si l’on suppose que la quantité

soit elle-même la différentielle exacte d’une fonction quelconque composée de et on aura

Donc

Ainsi l’équation précédente deviendra par ces substitutions

laquelle est évidemment intégrable par rapport à de sorte qu’en intégrant, on aura

On pourrait ajouter à l’un des membres de cette équation intégrale une fonction arbitraire de puisque la variable a été regardée dans l’intégration comme constante. Mais j’observe que cette fonction arbitraire peut être censée renfermée dans la valeur de en effet, si l’on augmente d’une fonction quelconque de le premier membre de l’équation précédente se trouvera augmenté de la fonction arbitraire et les valeurs des quantités demeureront les mêmes qu’auparavant. Ainsi on peut sans déroger à la généralité de l’équation se dispenser d’y ajouter aucune fonction arbitraire de

On aura donc, dans la supposition dont il s’agit, l’équation

par laquelle on connaîtra la pression étant supposée une fonction donnée de

Et il ne restera plus qu’à satisfaire à la première équation fondamentale du no 4, laquelle, en y mettant aussi pour leurs valeurs deviendra

Ainsi, en substituant à sa valeur donnée par l’équation précédente, on aura une seule équation finale en de l’intégration de laquelle dépendra la détermination du mouvement du fluide.


16. Dans les fluides élastiques connus la densité est toujours proportionnelle à la pression ; de sorte qu’on a pour ces fluides étant un coefficient constant qu’on déterminera en connaissant la valeur de la pression pour une densité donnée.

Ainsi pour l’air, la pression étant déterminée par la pesanteur de la colonne de mercure dans le baromètre, il est clair que, si l’on nomme la force accélératrice de la gravité (force qui doit être exprimée, comme on sait, par le double de l’espace qu’un corps grave abandonné à lui-même parcourt dans le vide pendant le temps qu’on prend pour l’unité des temps), la hauteur du baromètre pour une certaine densité de l’air qu’on prendra pour l’unité des densités, le rapport numérique de la densité du mercure à celle de l’air, rapport qui est le même que celui des gravités spécifiques de ces deux fluides, il est clair, dis-je, qu’on aura pour cet état de l’air

donc

Faisant donc

on aura

par conséquent la première équation du numéro précédent sera

Or la seconde équation du même numéro se réduit à cette forme

Donc, substituant pour sa valeur donnée par la première, on aura après avoir ordonné les termes

équation qui contient seule la Théorie du mouvement des fluides élastiques dans l’hypothèse dont il s’agit.

Si le fluide est incompressible et la densité constante, alors la pression sera donnée par l’équation

et l’équation de l’incompressibilité (5) deviendra par la substitution de au lieu de

laquelle servira à déterminer la quantité


17. On voit donc que la supposition que

soit une différentielle exacte d’une fonction de simplifie beaucoup

la Théorie du mouvement des fluides élastiques ou non ; ainsi il est important d’examiner dans quels cas cette supposition peut et doit avoir lieu.

Soit, pour abréger,

le premier membre de l’équation du no  14 deviendra de cette forme

et la question se réduit à faire en sorte que cette quantité soit une différenitielle exacte, étant des fonctions de

Supposons que soit une quantité fort petite, il est visible qu’on pourra donner à les formes suivantes

dans lesquelles seront des fonctions de sans

Ces valeurs étant substituées dans les trois quantités elles deviendront

en supposant

Ainsi la quantité

deviendra après ces différentes substitutions, et en ordonnant les termes par rapport aux puissances de

et, comme cette quantité doit être une différentielle exacte indépendamment de la valeur de il faudra que les quantités qui multiplient chaque puissance de soient chacune en particulier une différentielle exacte.


18. Cela posé, supposons que


soit une différentielle exacte, on aura par les Théorèmes connus


donc


donc la première quantité qui doit être une différentielle exacte sera


Il faudra donc que cette quantité soit aussi une différentielle exacte, ce qui donnera les conditions

et alors la seconde quantité qui doit être une différentielle exacte se réduira à

Ainsi il faudra que l’on ait aussi

de sorte que la troisième quantité qui doit être une diflérentielle exacte sera

On aura donc de même

et ainsi de suite.

Donc, si

est une différentielle exacte, il faudra que

soient aussi chacune en particulier des différentielles complètes. Par conséquent la quantité

sera elle-même une différentielle complète, le temps étant supposé fort petit.


19. Il s’ensuit de là que, si la quantité

est une différentielle exacte lorsque elle devra l’être aussi lorsque aura une valeur quelconque très-petite ; d’où l’on peut conclure, en général, que cette quantité devra être toujours une différentielle exacte, quelle que soit la valeur de Car puisqu’elle doit l’être depuis jusqu’à ( étant une quantité quelconque donnée très-petite), si l’on y substitue partout à la place de on prouvera de même qu’elle devra être une différentielle exacte depuis jusqu’à par conséquent elle le sera depuis jusqu’à et ainsi de suite.

Donc, en général, comme l’origine des est arbitraire, et qu’on peut prendre également positif ou négatif, il s’ensuit que si la quantité

est une différentielle exacte dans un instant quelconque, elle devra l’être pour tous les autres instants. Par conséquent, s’il y a un seul instant dans lequel elle ne soit pas une différentielle exacte, elle ne pourra jamais l’être pendant tout le mouvement ; car si elle l’était dans un autre instant quelconque, elle devrait l’être aussi dans le premier.


20. Lorsque le mouvement commence du repos, on a alors

lorsque donc


sera intégrale pour ce moment, et par conséquent devra l’être toujours pendant toute la durée du mouvement.

Mais, s’il y a des vitesses imprimées au fluide au commencement du mouvement, tout dépend de la nature de ces vitesses, selon qu’elles seront telles, que

soit une quantité intégrable ou non ; dans le premier cas la quantité

sera toujours intégrable, et dans le second elle ne le sera jamais.

Lorsque les vitesses initiales sont produites par une impulsion quelconque sur la surface du fluide, on peut démontrer que

doit être intégrable dans le premier instant. Car il faut que les vitesses que chaque point du fluide reçoit en vertu de l’impulsion donnée à la surface, soient telles, que si l’on détruisait ces vitesses en imprimant en même temps à chaque point du fluide des vitesses égales et en sens contraire, toute la masse du fluide demeurât en repos ou en équilibre. Donc il faudra qu’il y ait équilibre dans cette masse en vertu de l’impulsion appliquée à la surface, et des vitesses ou forces appliquées à chacun des points de son intérieur ; par conséquent, suivant la loi connue de l’équilibre des fluides, les quantités devront être telles, que

soit une différentielle exacte. Ainsi dans ce cas la même quantité devra toujours être une différentielle exacte dans chaque instant du mouvement.


21. On pourrait peut-être douter s’il y a des mouvements possibles dans un fluide, pour lesquels

ne soit pas une différentielle exacte.

Pour lever ce doute par un exemple très-simple, il n’y a qu’à considérer le cas où l’on aurait

étant une constante quelconque. On voit d’abord que dans ce cas

ne sera pas complète, puisqu’elle devient

qui n’est pas intégrable ; cependant la quantité

du no  16 est intégrable ; car on aura

de sorte que la quantité dont il s’agit sera

dont l’intégrale est

À l’égard de l’équation dépendante de l’incompressibilité du fluide, savoir (5)

elle est aussi satisfaite, puisque

Au reste il est visible que la supposition précédente de

représente le mouvement d’un fluide qui tourne autour de l’axe fixe des coordonnées avec une vitesse angulaire constante et égale à et l’on sait qu’un pareil mouvement peut toujours avoir lieu dans un fluide.

Il s’ensuit de là que dans le calcul des oscillations de la mer en vertu de l’attraction du Soleil et de la Lune, on ne peut pas supposer que la quantité

soit intégrable, puisqu’elle ne l’est pas lorsque le fluide est en repos par

rapport à la Terre, et qu’il n’a que le mouvement de rotation qui lui est commun avec elle.

En général, si l’on suppose et fonctions de et sans ni et constante, on aura

et la quantité qui doit être intégrable (17) sera

Or par l’incompressibilité du fluide on aura

étant nul ; donc devra être intégrable. Soit donc

on aura

et la quantité

deviendra

laquelle devant être elle-même intégrable, il faudra que l’on ait

Ainsi, pourvu que soit une fonction de sans ni laquelle

satisfasse à cette équation, on aura un mouvement possible dans le fluide en prenant

sans qu’il soit nécessaire que soit intégrable.

Si l’on fait

on aura

et

comme dans l’Exemple précédent.


22. Il y a encore un cas très-étendu dans lequel la quantité

doit être une différentielle exacte. C’est celui où l’on suppose que les vitesses soient très-petites et qu’on néglige les quantités très-petites du second ordre et des ordres suivants. Car alors l’équation du no  14 se réduit à celle-ci

de sorte que

doit être intégrable par rapport à et par conséquent aussi la quantité

laquelle étant représentée par en supposant une fonction très-petite de on aura les mêmes formules que dans les nos 15 et 16, en y négligeant seulement les secondes et les ultérieures dimensions de

On pourra de plus dans ce cas déterminer les valeurs mêmes des coordonnées pour un temps quelconque. Car il n’y aura pour cela qu’à intégrer les équations (1)

dans lesquelles, à cause que sont supposées très-petites et que par conséquent sont très-petites vis-à-vis de on pourra regarder comme constantes vis-à-vis de De sorte qu’en traitant seule comme variable dans et ajoutant les constantes arbitraires on aura sur-le-champ

Donc si l’on fait, pour abréger,

et qu’on y change en on aura

et les quantités seront les valeurs initiales de pour chaque particule du fluide, si l’on prend la fonction de manière qu’elle soit nulle lorsque


23. Le cas dont nous venons de traiter a lieu surtout dans la Théorie de la propagation du son. En supposant, comme dans le no  16, et ne conservant que les premières dimensions de la quantité supposée très-petite, on aura

et l’équation en sera

Or dans l’état de repos ou d’équilibre on a donc

et par conséquent

Supposons donc que la densité naturelle de l’air soit augmentée, lorsque l’air est en vibration, en raison de à étant une quantité fort petite, on aura

et de là, en négligeant les carrés de

donc

Comme (14)

il est clair qu’on aura

étant les forces accélératrices de chaque particule suivant les lignes (6). Donc si l’on prend les ordonnées verticales et dirigées de haut en bas, et qu’on nomme, comme dans le no  16, la force accélératrice de la gravité, on aura

et la Théorie de la propagation du son sera renfermée dans l’équation

Ayant déterminé par cette équation, on aura les vitesses et la condensation de l’air par les formules

Le coefficient est égal à en nommant la hauteur du baromètre et le rapport de la gravité spécifique du mercure à celle de l’air (16).


24. Au reste, si la masse du fluide était telle, que l’une de ses dimensions fût considérablement plus petite que chacune des deux autres, en sorte que les coordonnées par exemple, fussent très-petites vis-à-vis de et cette circonstance pourrait servir aussi à faciliter et simplifier l’intégration des équations principales.

Car il est clair qu’on pourrait alors donner aux inconnues la forme suivante

dans laquelle

seraient des fonctions de sans De sorte qu’en faisant ces substitutions on aurait des équations en séries, lesquelles ne contiendraient que des différences partielles relatives à

Pour donner là-dessus un essai de calcul, nous supposerons, pour plus de simplicité, qu’il ne s’agisse que d’un fluide incompressible et homogène dont la densité soit égale à 1.

Substituant premièrement les valeurs précédentes dans l’équation de l’incompressibilité

et ordonnant les termes par rapport à on aura

De sorte que, comme ne doivent point contenir on aura ces équations particulières

par lesquelles on déterminera d’abord les quantités et les quantités demeureront encore indéterminées.

On fera ensuite les mêmes substitutions dans l’équation de la pression (14), et il est visible qu’elle se réduira à cette forme

en faisant, pour abréger,

et ainsi de suite.

Donc, pour que le premier membre de cette équation soit intégrable, il faudra que les quantités

soient chacune intégrable en particulier.

Si donc on dénote par une fonction de sans on aura ces conditions

Alors l’équation intégrée sera

et il ne s’agira plus que de satisfaire aux conditions précédentes par le moyen des fonctions indéterminées


25. Le calcul deviendrait encore plus facile si les deux variables et étaient très-petites vis-à-vis de car alors on pourrait supposer

et les quantités seraient simplement des fonctions de et

Ainsi l’équation de l’incompressibilité donnerait d’abord

Ensuite l’équation de la pression deviendrait

dans laquelle

Et il faudra, pour que l’équation soit intégrable, que l’on ait ces conditions

moyennant quoi l’équation intégrée sera


26. Enfin on pourra aussi quelquefois simplifier le calcul par le moyen des substitutions, en introduisant à la place des coordonnées d’autres variables lesquelles soient des fonctions données de

Supposons qu’on ait différentié ces fonctions et qu’on en ait tiré les valeurs lesquelles seront de cette forme

étant des fonctions données de <math\xi,\eta,\zeta.</math>

En regardant la quantité d’abord comme fonction de et ensuite comme fonction de on aura

Donc, substituant à la place de les valeurs précédentes, et comparant les termes affectés de on aura

et l’on aura de pareilles formules pour les valeurs de

Faisant ces substitutions dans les équations fondamentales, elles ne contiendront plus que des différences partielles relatives à et et si par la nature de la question proposée la variable par exemple, ou les deux variables et sont très-petites vis-à-vis de on pourra employer des réductions analogues à celles que nous avons développées dans le numéro précédent.


27. Telles sont les méthodes et les formules principales par lesquelles on peut déterminer rigoureusement les lois du mouvement des fluides. Nous allons maintenant en montrer l’application à quelques cas particuliers.


SECTION SECONDE.

DU MOUVEMENT DES FLUIDES PESANTS ET HOMOGÈNES DANS DES VASES
OU DES CANAUX DE FIGURE QUELCONQUE.

28. Nous supposerons d’abord que le fluide parte du repos, ou qu’il soit mis en mouvement par l’impulsion d’un piston appliqué à la surface, moyennant quoi les vitesses de chaque particule devront être telles, que

soit une différentielle exacte (20) ; de sorte qu’on pourra employer les formules données dans le no 16.

29. Soit donc une fonction de dépendante de l’équation

on aura d’abord pour les vitesses de chaque particule, suivant les directions des coordonnées ces expressions

Ensuite la pression dans chaque point du fluide sera (en supposant la densité )

La quantité est égale à

en nommant les forces accélératrices tendantes à augmenter les coordonnées Or nous supposons ici que le fluide n’est animé que par sa gravité naturelle. Donc, prenant pour exprimer la force accélératrice de la gravité, ainsi que nous l’avons déjà fait plus haut (16), et nommant les angles que la verticale fait avec les axes des coordonnées on aura

et par conséquent


30. Maintenant soit l’équation d’une des parois du vase ou du canal, étant une fonction donnée de sans ni On aura donc, suivant les formules du no  10,

et les deux équations

se réduiront à

Ces deux équations devant avoir lieu à la fois, il faudra qu’elles donnent l’une et l’autre la même valeur de donc, en substituant dans la seconde à la place de sa valeur donnée par la première, il faudra que l’équation résultante ait lieu d’elle-même.

Ainsi l’équation

devra être satisfaite en faisant Et chaque paroi fournira une condition semblable à remplir.


31. À la surface extérieure du fluide la pression doit être nulle, lorsque le fluide est libre ; mais si le fluide est pressé par une force donnée, alors la valeur de doit être égale à cette force.

Nous supposerons, pour plus de simplicité, que le fluide se meuve uniquement en vertu de sa gravité ; ainsi la quantité devra être nulle à sa surface extérieure ; par conséquent sera l’équation de cette surface.

On fera donc dans les formules du no  10 et l’on aura ces deux équations

lesquelles devant avoir lieu en même temps, il s’ensuit que, si l’on élimine une des variables comme l’équation résultante devra subsister d’elle-même.

Au reste, comme la seconde de ces équations résulte de la condition, que les particules du fluide qui sont une fois à la surface y demeurent toujours, elle ne sera pas nécessaire lorsque cette condition cessera d’avoir lieu (numéro cité).


32. Cela posé, il faut commencer par déterminer la fonction au moyen de l’équation

Mais cette équation n’étant intégrable, en général, par aucune des méthodes connues, nous supposerons que l’une des dimensions de la masse fluide soit fort petite à l’égard des deux autres, en sorte que les coordonnées par exemple, soient très-petites vis-à-vis des coordonnées et

Par le moyen de cette supposition, il est visible qu’on pourra représenter la fonction par une série de cette forme

dans laquelle seront des fonctions de sans

Faisant cette substitution dans l’équation précédente, elle deviendra

De sorte qu’en égalant séparément à zéro les termes affectés des différentes puissances de on aura

Ainsi l’expression de deviendra

dans laquelle les fonctions et sont indéterminées, ce qui fait voir que cette expression est intégrale complète de l’équation proposée.


33. Ayant ainsi l’expression de nous aurons en différentiant

Et, substituant ces valeurs dans l’expression de du no  29, elle deviendra de cette forme

dans laquelle

et ainsi de suite.


34. Maintenant, si est l’équation des parois, étant une fonction fort petite de sans l’équation de condition pour que les mêmes particules du fluide soient toujours contiguës aux parois sera (30)

laquelle devant avoir lieu en même temps que l’équation il faudra qu’elle soit vraie en y mettant à la place de

Ainsi l’équation de condition dont il s’agit se réduira à cette forme plus simple

laquelle devra avoir lieu pour tous les points de la paroi donnée.


35. Enfin l’équation de la surface extérieure du fluide sera savoir

Et l’équation de condition pour que les mêmes particules demeurent toujours à la surface sera après les substitutions et les réductions (31 et 33)

Ainsi, chassant de ces deux équations, on aura une équation sans qui devra subsister d’elle-même pour tous les points de la surface dont il s’agit.


Du mouvement d’un fluide qui coule dans un vase étroit et presque vertical.


36. Imaginons maintenant que le fluide coule dans un vase étroit et à peu près vertical, et supposons que les abscisses soient verticales et dirigées de haut en bas ; on aura (29)

donc

Supposons de plus, pour simplifier la question autant qu’il est possible, que le vase soit plan, en sorte que, des deux ordonnées et les premières soient nulles et les secondes soient fort petites.

Enfin soient

les équations des deux parois du vase, et étant des fonctions de connues et très-petites. On aura relativement à ces parois les deux équations (34)


lesquelles serviront à déterminer les fonctions et


37. Nous regarderons les quantités comme très-petites du premier ordre, et nous négligerons, du moins dans la première approximation, les quantités du second ordre et des ordres suivants. Ainsi les deux équations précédentes se réduiront à celles-ci

lesquelles étant, retranchées l’une de l’autre donnent celle-ci

dont l’intégrale est

étant une fonction arbitraire de laquelle doit être très-petite du premier ordre.

Or il est visible que est la largeur horizontale du vase, que nous représenterons par Ainsi l’on aura

et, intégrant de nouveau par rapport à

en désignant par une nouvelle fonction arbitraire de

Si l’on ajoute ensemble les mêmes équations et qu’on fasse

on en tirera

où, en substituant la valeur de

D’où l’on voit que, puisque sont des quantités très-petites du premier ordre, sera aussi très-petite du même ordre.


38. Donc, en négligeant toujours les quantités du second ordre, on aura, par les formules du no  33, la vitesse verticale

la vitesse horizontale

ou bien

Ensuite, à cause de la quantité sera aussi très-petite du premier ordre. Par conséquent la valeur de la pression se réduira à

Et cette quantité étant égalée à zéro donnera la figure de la surface du fuide. De sorte que, comme la même quantité ne renferme point l’ordonnée mais seulement l’abscisse et le temps il s’ensuit que la surface du fluide devra être à chaque instant plane et horizontale.

Enfin l’équation de condition pour que les mêmes particules du fluide soient toujours à la surface se réduira pareillement à celle-ci (35)

savoir

laquelle ne contient pas non plus mais seulement et


39. Pour distinguer les quantités qui se rapportent à la surface supérieure du fluide de celles qui se rapportent à sa surface inférieure, nous marquerons les premières par un trait et les autres par deux traits. Ainsi seront l’abscisse, la largeur du vase, etc., pour la surface supérieure, et seront de même l’abscisse, la largeur du vase, etc., à la surface inférieure. De même dénoteront dans la suite les valeurs de pour les deux surfaces ; de sorte qu’on aura pour la surface supérieure l’équation

et, pour la surface inférieure, l’équation semblable

Enfin

sera l’équation de condition pour que les mêmes particules qui sont une fois à la surface supérieure y restent toujours ; et

sera l’équation de condition pour que la surface inférieure contienne toujours les mêmes particules du fluide.

Cela posé, il faut distinguer quatre cas dans la manière dont un fluide peut couler dans un vase, et chacun de ces cas demande une solution particulière.


40. Le premier cas est celui où une quantité donnée de fluide coule dans un vase indéfini. Dans ce cas il est visible que l’une et l’autre surface doit toujours contenir les mêmes particules, et qu’ainsi l’on aura pour ces deux surfaces les équations

et de plus les deux équations de condition

et ces quatre équations serviront à déterminer et en moyennant quoi le mouvement du fluide sera connu.

L’équation étant différentiée donne

donc

substituant cette valeur dans la première équation de condition et divisant par on aura

On trouvera de même, en combinant l’autre équation avec la seconde équation de condition, celle-ci

De sorte qu’on aura

équations séparées.

On aura donc en intégrant

étant une constante, laquelle exprime évidemment la quantité donnée du fluide qui coule dans le vase. Ainsi cette équation donnera d’abord en

Maintenant si l’on substitue, dans la première équation pour sa valeur elle devient

laquelle étant multipliée par donne celle-ci

qu’on voit bien être intégrable, et dont l’intégrale sera

On trouvera de même, en substituant à la place de dans l’équation et multipliant par une nouvelle équation intégrahle, et dont l’intégrale sera

Donc, retranchant ces deux équations l’une de l’autre pour en éliminer le terme on aura celle-ci

dans laquelle les quantités

et

expriment les intégrales de et de prises depuis jusqu’à et où est une constante arbitraire.

Cette équation donnera en puisque est déjà connue en par l’équation trouvée plus haut. Ayant ainsi en on trouvera aussi en par l’équation

dont l’intégrale est

étant une constante arbitraire.

À l’égard des deux constantes et on les déterminera par l’état initial du fluide. Car, lorsque la valeur de sera donnée par la position initiale du fluide dans le vase ; et, si l’on suppose que les vitesses initiales du fluide soient nulles, il faudra qu’on ait lorsque (38). Mais si le fluide avait été mis d’abord en mouvement par des impulsions quelconques, alors les valeurs des pressions et seraient données lorsque Or on a (39)

donc on aura (en faisant ) une équation qui servira à déterminer la valeur initiale de

Ainsi le Problème est résolu et le mouvement du fluide est entièrement déterminé.


41. Le second cas a lieu lorsque le vase est d’une longueur déterminée et que le fluide s’écoule par le fond du vase. Dans ce cas on aura, comme dans le précédent, pour la surface supérieure les deux équations

mais pour la surface inférieure on aura simplement l’équation puisqu’à cause de l’écoulement du fluide il doit y avoir à chaque instant de nouvelles particules à cette surface. Mais d’un autre côté l’abscisse pour cette même surface sera donnée et constante ; de sorte qu’il n’y aura plus que trois inconnues à déterminer, et

Les deux premières équations donneront d’abord, comme dans le Problème précédent, celles-ci

Ensuite l’équation donnera (39)

où l’on remarquera que et sont des constantes que nous dénoterons pour plus de simplicité par Ainsi, en substituant à sa valeur multipliant ensuite par on aura l’équation

[2]
Donc, retranchant de celle-ci l’équation précédente pour en éliminer le terme on aura

équation qui ne contient que les deux variables et et par laquelle on pourra donc déterminer une de ces variables en fonction de l’autre.

Ensuite on aura exprimé par la même variable en intégrant l’équation

Et l’on déterminera les constantes par l’état initial du fluide, comme dans le Problème précédent.


42. Le troisième cas a lieu lorsqu’un fluide coule dans un vase indéfini, mais qui est entretenu toujours plein à la même hauteur par de nouveau fluide qu’on y verse continuellement. Ce cas est l’inverse du précédent car on aura ici pour la surface inférieure les deux équations

et pour la surface supérieure on aura la simple équation à cause du changement continuel des particules de cette surface. Ainsi il n’y aura qu’à changer dans les équations du numéro précédent les quantités en et prendre pour les valeurs données de

Au reste nous supposons ici que l’addition du nouveau fluide se fait de manière que chaque couche nouvelle prend d’abord la vitesse de celle qui la suit immédiatement, et qu’ainsi l’augmentation ou la diminution de vitesse de cette couche pendant le premier instant est la même que si le vase n’était pas entretenu plein à la même hauteur durant cet instant.


43. Enfin le dernier cas est celui où le fluide sort d’un vase de longueur déterminée, et qui est entretenu toujours plein à la même hauteur. Ici les particules des surfaces supérieure et inférieure se renouvellent continuellement ; par conséquent on aura simplement pour ces deux surfaces les équations

mais en même temps les deux abscisses et seront données et constantes, en sorte qu’il n’y aura que les deux inconnues et à déterminer en

Soient donc

les deux équations deviendront

d’où chassant on aura

d’où l’on tire

équation séparée et qui est intégrable par des arcs de cercle ou des logarithmes.


44. Les solutions précédentes sont conformes à celles que les premiers Auteurs, qui ont écrit sur le mouvement des fluides dans des vases, ont trouvées d’après la supposition que les différentes tranches du fluide conservent exactement leur parallélisme en descendant dans le vase. (Voyez l’Hydrodynamique de M. Daniel Bernoulli, l’Hydraulique de Jean Bernoulli, et le Traité des fluides de M. d’Alembert.) Notre Théorie fait voir que cette supposition n’est exacte et rigoureuse que lorsque la largeur du vase est infiniment petite, mais qu’elle peut être employée dans tous les cas pour une première approximation, et que les solutions qui en résultent sont exactes aux quantités du second ordre près, en regardant les largeurs du vase comme des quantités du premier ordre.

Mais le grand avantage de cette Théorie est qu’on peut par son moyen approcher de plus en plus du vrai mouvement des fluides dans des vases de figure quelconque. Car ayant trouvé, ainsi que nous venons de le faire, les premières valeurs des inconnues, en négligeant les secondes dimensions des largeurs du vase, il sera facile de pousser l’approximation plus loin en ayant égard successivement aux termes négligés. Comme ceci n’est qu’un essai, nous n’entrerons maintenant dans aucun détail sur cet objet, mais nous pourrons y revenir dans une autre occasion.


Du mouvement d’un fluide contenu dans un canal peu profond et presque horizontal, et en particulier du mouvement des ondes.


45. Puisqu’on suppose la hauteur du fluide fort petite, il faudra prendre les ordonnées verticales et dirigées de haut en bas ; les abscisses et les autres ordonnées deviendront donc horizontales, et l’on aura (29)

En prenant les axes des et dans le plan horizontal formé par la surface supérieure du fluide dans l’état d’équilibre, soit

l’équation du fond du canal, étant une fonction donnée de et Nous regarderions les quantités et comme très-petites du premier ordre, et nous négligerons les quantités du second ordre et des ordres suivants, c’est-à-dire celles qui contiendront les carrés et les produits de et

L’équation de condition relative au fond du canal donnera d’abord (34)

d’où l’on voit que est une quantité du premier ordre.

Ensuite la valeur de la pression se réduira à (33) ; et il faudra négliger dans l’expression de les quantités du second ordre et dans celle de les quantités du premier. Ainsi, à cause de

on aura par les formules du même numéro

On aura donc (35) pour la surface supérieure du fluide l’équation

et ensuite cette équation de condition


46. L’équation donne sur-le-champ

pour la figure de la surface supérieure du fluide à chaque instant ; et comme l’équation de condition doit avoir lieu relativement à la même surface, il faudra qu’elle soit vraie en y substituant à cette même valeur Cette équation deviendra donc par là de cette forme

et substituant encore pour sa valeur trouvée ci-dessus, elle se réduira à celle-ci

dans laquelle il n’y aura plus qu’à mettre à la place de sa valeur

et l’on aura une équation aux différences partielles du second ordre, qui servira à déterminer la quantité en fonction de

Après quoi on connaîtra la figure de la surface supérieure du fluide par l’équation

et si l’on voulait connaître aussi les vitesses horizontales de chaque particule du fluide, on les aurait (33) par les formules


47. Le Calcul intégral des équations aux différences partielles est encore bien éloigné de la perfection nécessaire pour l’intégration d’équations aussi compliquées que celle dont il s’agit ; et il ne nous reste d’autre ressource que de tâcher de simplifier cette équation par quelque limitation.

Nous supposerons pour cela que le fluide dans son mouvement ne s’élève ni ne s’abaisse au-dessus ou au-dessous de son niveau qu’infiniment peu, en sorte que les ordonnées de la surface supérieure soient toujours très-petites, et qu’outre cela les vitesses horizontales et soient aussi infiniment petites. Il faudra donc que les quantités soient infiniment petites, et qu’ainsi la quantité elle-même soit infiniment petite.

Ainsi, négligeant dans l’équation proposée les quantités infiniment petites du second ordre et des ordres ultérieurs, elle se réduira à cette forme linéaire

et l’on aura

Cette équation contiendra donc la Théorie générale des petites agitations d’un fluide peu profond, et par conséquent la vraie Théorie des ondes formées par les élévations et les abaissements successifs et infiniment petits d’une eau stagnante et contenue dans un canal ou bassin peu profond. La Théorie des ondes que Newton a donnée dans la Proposition 46 du second Livre étant fondée sur la supposition précaire et peu naturelle que les oscillations verticales des ondes soient analogues à celles de l’eau dans un tuyau recourbé, doit être regardée comme absolument insuffisante pour expliquer ce phénomène.


48. Si l’on suppose que le canal ou bassin ait un fond horizontal, alors la quantité

se sera constante et égale à la profondeur de l’eau, et l’équation pour le mouvement des ondes deviendra

Cette équation est entièrement semblable à celle qui détermine les petites agitations de l’air dans la formation du son, en n’ayant égard qu’aux mouvements des particules parallèlement à l’horizon. En effet, si dans les formules du no  23 on suppose les vitesses verticales nulles, et par conséquent une fonction de sans on a l’équation

qui est, comme on voit, tout à fait semblable à la précédente.

Et comme pour les ondes formées à la surface de l’eau, les élévations au-dessus du niveau et les vitesses horizontales de chaque particule sont données par les formules

ainsi, dans les agitations de l’air ou ondes sonores, les condensations et les vitesses horizontales sont données par les formules semblables

Il y a donc une parfaite analogie entre les ondes formées à la surface d’une eau tranquille par les élévations et les abaissements successifs de l’eau, et les ondes formées dans l’air par les condensations et raréfactions successives de l’air ; analogie que plusieurs Auteurs avaient déjà supposée, mais que personne jusqu’ici n’avait encore rigoureusement démontrée.


49. On pourra donc aussi traiter l’équation des ondes par les méthodes que l’on a déjà employées dans la Théorie de la propagation du son, et l’on expliquera par ces mêmes méthodes les phénomènes singuliers de la propagation uniforme des ondes, de son indépendance des ébranlements primitifs de l’eau, du mélange et de la réflexion des ondes, etc., ainsi que je l’ai fait autrefois à l’égard des ondes sonores dans les deux premiers tomes des Mémoires de l’Académie des Sciences de Turin[3]. Sur quoi voyez aussi les Mémoires de cette Académie pour les années 1759 et 1765, ainsi que les Nouveaux Commentaires de Pétersbourg, t. xvi.

À l’égard de la vitesse des ondes, elle sera exprimée par la racine carrée du coefficient comme celle du son l’est par la racine carrée du coefficient (23). Or, par ce même numéro, est égal au double de l’espace qu’un corps grave parcourt librement dans le temps qui est pris pour l’unité des temps ; ainsi, en exprimant le temps en secondes et les espaces en pieds de Paris, on aura, comme on sait par l’expérience, Donc, si la profondeur de l’eau est de pied, la vitesse des ondes sera de pieds par seconde. Et, si la profondeur de l’eau est plus ou moins grande, la vitesse des ondes variera en raison sous-doublée des profondeurs, pourvu qu’elles ne soient pas trop considérables.


50. Au reste, quelles que puissent être la profondeur de l’eau et la figure de son fond, on pourra toujours employer la Théorie précédente, si l’on suppose que dans la formation des ondes l’eau n’est ébranlée et remuée qu’à une profondeur très-petite, supposition qui est très-plausible en elle-même à cause de la ténacité et de l’adhérence mutuelle des particules de l’eau, et qui se trouve d’ailleurs confirmée par l’expérience, même à l’égard des grandes ondes de la mer.

De cette manière donc la vitesse des ondes déterminera elle-même la profondeur à laquelle l’eau est agitée dans leur formation : car, si cette vitesse est de pieds par seconde, on aura

pieds.

On trouve dans le tome X des anciens Mémoires de l’Académie des Sciences de Paris des expériences sur la vitesse des ondes, faites par M. de la Hire, et qui ont donné environ  pied et demi par seconde pour cette vitesse, ou plus exactement pieds par seconde. Faisant donc on aura la profondeur de de pied, à voir de de pouce, ou  lignes à peu près.


fin du tome quatrième.
  1. Œuvres de Lagrange, t. IV, p. 624
  2. Lagrange a écrit ici, par inadvertance, au lieu de Cette faute qui rejaillit sur l’équation suivante se retrouve dans les deux dernières éditions de la Mécanique analytique, où l’illustre Auteur a reproduit le présent Mémoire. Nous avons cru devoir rétablir l’exactitude des formules. (Note de l’Éditeur.)
  3. Œuvres de Lagrange, t. i, p. 39 et 151.