Mémoires extraits des recueils de l’Académie royale de Berlin/Théorie de la libration de la Lune

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THÉORIE

DE LA LIBRATION DE LA LUNE,

ET

DES AUTRES PHÉNOMÈNES QUI DÉPENDENT DE LA FIGURE NON SPHÉRIQUE DE CETTE PLANÈTE.


(Nouveaux Mémoires de l’Académie royale des Sciences et Belles-Lettres
de Berlin
, année 1780.)


Séparateur


C’est un phénomène reconnu depuis longtemps que la Lune nous présente toujours la même face ; mais ce n’est que depuis l’invention des lunettes qu’on a pu déterminer les lois de la libration, c’est-à-dire de ces balancements que la Lune paraît faire autour de son centre, et par lesquels, dans le cours de chaque mois, elle nous cache et nous découvre alternativement, vers ses bords, quelque partie de sa surface. Galilée est le premier qui ait observé la libration, mais il paraît n’en avoir bien connu qu’une partie, celle qui se fait perpendiculairement à l’écliptique, et qu’on nomme libration en latitude. Hévélius découvrit ensuite la libration en longitude ; mais il était réservé à Dominique Cassini de donner une explication générale et complète de ce phénomène. Il trouva qu’on pouvait satisfaire à toutes les apparences de la libration, en supposant : 1o que la Lune tourne uniformément autour d’un axe dont les pôles, fixes sur sa surface, soient constamment élevés sur l’écliptique de et sur le plan de l’orbite, de et soient toujours sur un grand cercle du globe de la Lune, parallèle au grand cercle qui passe par les pôles de l’orbite et par ceux de l’écliptique ; 2o que la rotation de cette Planète autour de son axe s’achève dans l’espace de jours et heures, par une période égale à celle du retour de la Lune au nœud de son orbite avec l’écliptique.

Cette Théorie ne parut qu’après la mort de Cassini. Son fils Jacques Cassini la donna, en 1721, dans les Mémoires de l’Académie des Sciences de Paris, mais sans aucun détail des observations qui avaient servi à l’établir. Elle avait donc besoin d’être vérifiée par de nouvelles observations, et c’est de feu Tobie Mayer qu’elle a reçu la perfection qui lui manquait encore. Cet Astronome publia en 1750, dans les Kosmographische Nachrichten de Nuremberg, la première Partie d’un Traité sur la rotation de la Lune et le mouvement apparent de ses taches, destiné à servir de base à une nouvelle Sélénographie. On doit regretter que l’Auteur ne l’ait pas achevé ; mais ce qu’il nous en a laissé peut être regardé comme un Ouvrage complet sur la Théorie astronomique de la libration.

Par une suite d’observations de plusieurs taches de la Lune, faites avec soin pendant les années 1748 et 1749, et calculées avec toute la précision et l’élégance qu’on peut désirer, Mayer trouve que le plan de l’équateur lunaire est incliné sur le plan de l’écliptique de degré et minutes, que la section de ces deux plans est toujours à peu près parallèle à la ligne des nœuds moyens de l’orbite de la Lune, en sorte que le plan de l’écliptique tombe entre les deux plans de l’équateur et de l’orbite de la Lune, et que la Lune tourne sur l’axe de son équateur, d’Occident en Orient, de manière que chaque point de cet équateur revient au point équinoxial lunaire dans un temps précisément égal à celui dans lequel la Lune revient au nœud par son mouvement moyen, c’est-à-dire dans l’espace de mois draconitique, lequel est, comme on sait, de Ces déterminations s’accordent avec celles de Cassini, à l’exception de l’inclinaison de l’équateur lunaire, que Cassini a faite de degrés et demi, et que Mayer a diminuée de degré. Cela pourrait faire croire que cette inclinaison est variable et va en diminuant ; mais Mayer prétend qu’on peut prouver, par des observations faites du temps de Gassini, que cet Astronome s’est en effet trompé de degré dans la détermination de l’inclinaison de l’équateur lunaire, et il promet d’en donner la démonstration dans une autre Partie de son Ouvrage. Enfin les déterminations de Mayer se trouvent confirmées par les observations que M. de la Lande a faites en 1763, et dont il a donné les détails et les résultats dans les Mémoires de l’Académie des Sciences de Paris pour il est vrai que M. de la Lande trouve degré et minutes pour l’inclinaison de l’équateur lunaire ; mais cette différence pouvant être attribuée aux erreurs des observations, on n’en saurait encore rien conclure par rapport à la variabilité de cette inclinaison.

Telles sont les lois de la rotation de la Lune qu’on a déduites des observations, et qui étant combinées avec celles du mouvement de cette Planète autour de la Terre suffisent pour déterminer à chaque instant la position apparente du disque lunaire ; mais si la connaissance de ces lois suffit pour les besoins de l’Astronomie, l’Astronomie physique exige de plus la connaissance de leurs causes ; et cette dernière connaissance est d’autant plus intéressante qu’elle peut fournir les moyens non-seulement de constater et de rectifier les lois déjà connues, mais encore d’en découvrir de nouvelles. L’accord des nœuds de l’équateur de la Lune avec ceux de son orbite, et l’égalité entre la révolution de l’équateur de la Lune par rapport à ses nœuds et la révolution de cette Planète dans son orbite par rapport aux nœuds de cette orbite, sont peut-être les phénomènes les plus singuliers du Système du monde. Il résulte de leur combinaison que la durée de la rotation entière de la Lune doit être parfaitement égale à celle du temps périodique de cette Planète ; et cette égalité est évidemment une suite nécessaire de ce que la Lune nous montre toujours la même face ; phénomène qui pour être connu depuis longtemps n’en est pas moins extraordinaire, quoique d’ailleurs il ne paraisse pas unique dans le Système du mbnde. En effet il semble qu’on puisse conclure quelque chose de semblable, à l’égard du premier satellite de Saturne et du quatrième satellite de Jupiter, des observations faites par Cassini et Maraldi sur les taches de ces satellites (voyez l’Histoire de l’Astronomie moderne, livre X, § XIII, et livre XI, § XVI) ; ce qui porterait à regarder cette égalité entre la rotation et la révolution comme une loi générale des Planètes secondaires.

Quoi qu’il en soit, comme le système de l’attraction universelle ne rend jusqu’à présent aucune raison de la rotation des Planètes autour de leurs axes, il n’en peut rendre aucune de l’égalité dont il s’agit. Le mouvement de rotation d’un corps est indépendant de son mouvement de translation ; ces deux mouvements résultent d’une impulsion primitive et arbitraire, et peuvent être par conséquent entre eux dans tel rapport que l’on veut. Si donc la rotation de la Lune est uniforme et parfaitement égale à sa révolution autour de la Terre, il est nécessaire de supposer que la vitesse de rotation primitive, imprimée à cette Planète, est exactement égale à sa vitesse moyenne de translation autour de la Terre ; et il est clair que cette égalité doit être tout à fait rigoureuse ; autrement la différence entre les angles décrits par les méridiens de la Lune autour de son axe et les angles parcourus en même temps par le centre de la Lune autour de la Terre irait continuellement en augmentant ; d’où il s’ensuivrait que cette Planète devrait à la longue présenter successivement ses faces à la Terre. Mais cette égalité rigoureuse n’est plus nécessaire si l’on suppose que le mouvement de rotation de la Lune soit sujet à quelques inégalités dépendantes de l’attraction de la Terre sur cette Planète supposée non sphérique. Il suffit en ce cas que la Lune ait reçu une vitesse de rotation primitive peu différente de sa vitesse moyenne de translation, et qu’ensuite l’action de la Terre détruise l’effet de cette petite différence, en empêchant le côté de la Lune qui est tourné vers la Terre de s’en écarter au delà d’un certain terme, à peu près comme l’action de la gravité retient autour de la perpendiculaire un pendule qui n’a reçu qu’une impulsion assez petite.

Cette manière d’expliquer pourquoi la Lune nous montre toujours à peu près la même face est assez simple et naturelle ; je l’avais déjà proposée dans mes Recherches sur la libration de la Lune présentées à l’Académie des Sciences de Paris en 1763 [voyez le tome IX des Prix de cette Académie[1]]. M. d’Alembert l’a confirmée depuis par une analyse encore plus exacte de ce Problème ; et elle ne paraît rien laisser à désirer sur le phénomène de l’égalité entre la révolution de la Lune autour de son centre, et sa révolution autour de la Terre, du moins en tant que l’atfraction universelle peut en rendre raison.

Mais, si l’on est parvenu à trouver une explication satisfaisante de ce phénomène, il paraît qu’on n’a pas été si heureux à l’égard de l’autre phénomène de la rotation de la Lune, qui concerne l’égalité entre le mouvement des nœuds de l’équateur lunaire et celui des nœuds de l’orbite de la Lune. En considérant cette Planète comme non sphérique, il est clair que l’action de la Terre doit continuellement changer la position de son équateur, comme l’action de la Lune et celle du Soleil déplacent à chaque instant l’équateur de la Terre ; mais le mouvement des points équinoxiaux de la Terre est très-lent (n’étant que de 50 par an) et paraît n’avoir aucun rapport aux mouvements du Soleil et de la Lune ; il n’y a que l’inégalité périodique de ce mouvement, qu’on appelle l’équation de la précession des équinoxes, et la petite variation de l’obliquité de l’écliptique, qu’on nomme la nutation de l’axe de la Terre, qui dépendent du mouvement des nœuds de la Lune. Aussi M. d’Alembert, qui s’est occupé le premier de la Théorie physique de la libration de la Lune, en appliquant à cette Planète les formules qu’il avait données pour la Terre, a d’abord trouvé des résultats peu conformes aux observations (voyez le XVme Mémoire de ses Opuscules, tome II). Je tâchai dans mes Recherches sur la libration de suppléer ce qui manquait à cet égard à la Théorie de M. d’Alembert, en faisant voir que la circonstance de l’égalité entre le temps de la rotation de cette Planète et celui de sa révolution autour de la Terre empêche que les formules du mouvement de l’axe de la Terre ne puissent avoir lieu par rapport à celui de la Lune, et en donnant les véritables équations qui doivent servir à déterminer le vrai mouvement de cet axe ; mais voyant que ces équations, qui sont au nombre de deux, et du second ordre, étaient trop compliquées pour pouvoir être intégrées rigoureusement par les méthodes connues, je me contentai de les traiter comme M. d’Alembert avait fait celles du mouvement de l’axe de la Terre, en les réduisant au premier ordre par l’omission des termes qui contiennent les différences secondes des variables, et que je supposai pouvoir être négligés sans erreur sensible. J’obtins de cette manière de nouvelles formules pour les mouvements de l’axe lunaire, mais dans lesquelles le mouvement des nœuds de l’orbite de la Lune n’avait aucun rapport au mouvement des nœuds de son équateur ; l’égalité de ces deux mouvements étant ensuite supposée, je trouvai qu’il résultait de là que l’axe de la Lune devait s’approcher insensiblement du plan de l’écliptique, ce qui paraît contraire aux observations. M. d’Alembert ayant repris cette matière dans les Mémoires de l’Académie des Sciences de Paris pour 1768, et l’ayant discutée avec beaucoup plus de profondeur et de détail qu’on n’avait encore fait, est parvenu à des résultats analogues aux miens, mais plus généraux ; il a déterminé de plus, par des équations et des constructions géométriques fort simples, les cas où les mouvements des points équinoxiaux lunaires et des nœuds de l’orbite de la Lune doivent être égaux, et ceux où leur plus grande différence en longitude peut être égale ou, moindre que la circonférence, mais toujours dans la supposition que les équations différentielles des mouvements de l’axe de la Lune puissent être regardées et traitées comme des équations différentielles du premier ordre.

On voit par là que le Problème des mouvements de l’axe lunaire n’a été résolu jusqu’ici d’une manière satisfaisante ni du côté de l’Analyse, ni par rapport à l’observation ; et que le système de la gravitation universelle, qui a si bien rendu raison des différents mouvements de la Lune autour de la Terre, n’a pas encore expliqué le point le plus remarquable de la Théorie de cette Planète, la coïncidence des nœuds de l’équateur lunaire avec ceux de l’orbite de la Lune. J’ai donc cru devoir revenir sur cette question et la traiter avec toute l’exactitude et tout le détail qui sont dus à son importance et à sa difficulté ; et, pour ne rien laisser à désirer sur les phénomènes qui peuvent dépendre de l’attraction de la Terre sur la Lune supposée non sphérique, je me suis proposé d’examiner nonseulement ceux qui ont rapport à la rotation de cette Planète, mais aussi ceux qui regardent le mouvement de translation de la Lune autour de la Terre.

Tel est l’objet des Recherches que j’ai l’honneur de présenter à l’Académie elles sont partagées en cinq Sections.

La première est destinée à l’exposition d’une méthode générale et analytique pour résoudre tous les Problèmes de la Dynamique. Cette méthode, que j’ai employée le premier dans ma Pièce sur la libration de la Lune ; a l’avantage singulier de ne demander aucune construction ni aucun raisonnement géométrique ou mécanique, mais seulement des opérations analytiques assujetties à une marche simple et uniforme. Elle n’est autre chose que le principe de Dynamique de M. d’Alembert, réduit en formule au moyen du principe de l’équilibre appelé communément loi des vitesses virtuelles. Mais la combinaison de ces deux principes est un pas qui n’avait pas été fait, et c’est peut-être le seul degré de perfection qui, après la découverte de M. d’Alembert, manquait encore à la Théorie de la Dynamique.

Dans la seconde Section, je considère, en général, le mouvement d’un corps de figure quelconque, et je donne les formules nécessaires pour déterminer ce mouvement. J’indique ensuite une transformation très-utile pour faciliter le calcul, dans le cas où le mouvement de rotation se fait autour d’un axe fixe dans le corps et mobile dans l’espace, mais qui demeure toujours à peu près perpendiculaire à un plan immobile ; ce qui est le cas de la Lune par rapport à l’écliptique. On pourrait aussi s’en servir pour déterminer les oscillations d’un pendule de figure quelconque, lorsque l’axe du pendule ne s’écarte que très-peu de la verticale, et que le pendule a en même temps un mouvement quelconque de rotation autour de l’axe ; Problème jusqu’ici non résolu.

Dans la troisième Section, j’applique les formules au mouvement de la Lune, en tant qu’elle est attirée par la Terre et par le Soleil, et je parviens directement à six équations différentielles du second ordre, dont trois donnent le mouvement du centre de gravité de la Lune autour de la Terre, et les trois autres donnent son mouvement de rotation autour de ce centre. Ces équations sont présentées sous la forme la plus simple, et les trois dernières ont surtout l’avantage que les variables n’y sont que linéaires ; à l’égard des trois premières, elles sont analogues à celles que M. Euler a employées dans sa nouvelle Théorie de la Lune, mais elles contiennent de plus les termes dus à la non-sphéricité de cette Planète et que M. Euler a négligés, Je termine cette Section par des considérations sur la figure de la Lune, que je regarde d’abord pour plus de simplicité comme un sphéroïde elliptique homogène dont l’équateur et les méridiens seraient des ellipses très-peu excentriques ; je prouve ensuite que cette figure est en effet celle que la Lune aurait dû prendre, en vertu de la force centrifuge de ses parties, combinée avec l’attraction de la Terre, si elle avait été primitivement fluide, et je détermine dans cette hypothèse les véritables dimensions de cette figure par une méthode et des formules plus simples à quelques égards que celles qu’on avait déjà données pour cet objet il en résulte que la Lune devrait être élevée sous son équateur, mais quatre fois plus dans le sens du diamètre de cet équateur qui est dirigé vers la Terre, et qui passe par conséquent par le centre apparent de la Lune, que dans le sens du diamètre perpendiculaire à celui-ci et qui passe par les bords apparents de cette Planète.

Dans la quatrième Section, je traite en particulier des mouvements de la Lune autour de son centre ; ces mouvements se réduisent à la rotation de la Lune autour d’un axe fixe dans l’intérieur de cette Planète, et aux mouvements de cet axe, ou du plan de l’équateur lunaire qui liai est perpendiculaire, par rapport au plan de l’écliptique. Suivant la Théorie de la libration donnée par Mayer, le lieu moyen de la Terre vue du centre de la Lune et rapportée à l’équateur de cette Planète doit toujours répondre à un même point de cet équateur ; et le méridien lunaire qui passe par ce point est celui que Mayer prend pour le premier méridien de la Lune, et auquel il rapporte les longitudes sélénographiqucs de ses taches. Mais cette Théorie suppose l’uniformité du mouvement de rotation de la Lune ; si donc ce mouvement n’est pas uniforme, le lieu moyen de la Terre rapportée à l’équateur de la Lune ne répondra pas toujours à un méridien fixe ; mais il y aura une petite différence qui exprimera la libration réelle et physique de la Lune ; cette petite quantité est une des variables du Problème et se trouve déterminée par une équation différentielle linéaire du second ordre dont l’intégration est trèsfacile. Intégrant donc cette équation, on a directement la valeur de a libration réelle de la Lune, toute séparée de sa libration optique ; et cette valeur contient un terme proportionnel au sinus d’un angle qui croît très-lentement, dont l’effet est analogue au mouvement d’un pendule qui fait de très-petites oscillations. Ce terme ayant un coefficient arbitraire sert à expliquer commuent la Lune peut nous présenter toujours à peu près la même face, sans qu’on soit obligé de supposer que la vitesse primitive de rotation, imprimée à cette Planète, soit exactement égale à sa vitesse moyenne de translation autour de la Terre. Je fais d’ailleurs plusieurs remarques importantes sur la nature et la quantité de cette partie de la libration, la seule qui soit l’effet de la non-sphéricité de la Lune ; l’autre partie de la libration, c’est-à-dire la libration optique, n’a par elle-même aucune difficulté, n’étant produite que par le mouvement non uniforme de la Lune autour de la Terre.

Je considère ensuite les mouvements de l’axe lunaire, et pour cela j’intègre les deux équations différentielles qui renferment la loi de ces mouvements. Cette intégration y introduit quatre constantes arbitraires ; et l’on voit d’abord qu’en supposant ces constantes nulles, ce qui est le cas le plus simple du Problème, les nœuds de l’équateur lunaire doivent coïncider exactement avec les nœuds moyens de l’orbite de la Lune ; mais rien n’oblige à regarder ces constantes comme tout à fait nulles ; je suppose donc qu’elles aient seulement une valeur fort petite, et je trouve qu’alors les nœuds de l’équateur lunaire peuvent s’écarter des nœuds moyens de l’orbite d’un angle plus ou moins grand, mais qui sera toujours au-dessous de degrés, en sorte que leur mouvement moyen sera néanmoins exactement égal au mouvement moyen des nœuds de l’orbite ce qui est parfaitement conforme aux observations.

À l’égard de l’inclinaison de l’équateur lunaire sur l’écliptique, elle serait constante dans le cas de la coïncidence exacte des nœuds de l’équateur et de l’orbite de la Lune, mais dans l’autre cas elle est sujette à quelques variations périodiques ; ce qui paraît s’accorder aussi avec les observations, et ce qui étant en même temps contraire aux résultats des autres Théories, données jusqu’ici, prouve l’insufnsancé de ces Théories et la nécessité où l’on était de traiter le Problème de la libration de la Lune par des méthodes nouvelles et plus rigoureuses.

Comme la valeur moyenne de l’inclinaison de l’équateur lunaire est à peu près connue par les observations, je m’en sers pour déterminer à très-peu près une des constantes qui dépendent de la figure de la Lune, laquelle, dans le cas où cette figure est supposée elliptique, exprime précisément l’allongement de la Lune dans le sens du diamètre de l’équateur qui est dirigé vers la Terre. Je trouve que cette quantité est nécessairement renfermée entre ces limites le demi-axe de la Lune étant pris pour l’unité ; mais la supposition de la fluidité primitive de la Lune donne pour la même quantité une valeur beaucoup plus petite ; d’où il suit, ou que la Lune n’est pas homogène, ainsi qu’on l’a supposé, ou que sa figure actuelle n’est pas celle qu’elle devrait avoir si ayant été originairement fluide elle eût conservé, en se durcissant, la figure qu’elle aurait dû prendre par les lois de l’Hydrostatique. Il n’y a au reste à cela rien de surprenant ; car M. d’Alembert a trouvé aussi par rapport à la Terre que les phénomènes de la précession des équinoxes et de la nutation ne peuvent s’accorder avec l’hypothèse de l’homogénéité de la Terre et de sa figure elliptique telle qu’elle résulte de la Théorie.

La dernière Section est destinée à l’examen des inégalités que la nonsphéricité de la Lune peut causer dans le mouvement de cette Planète autour de la Terre. Je fais abstraction dans cette recherche des quantités qui ne produiraient que des inégalités de la forme de celles qu’on connaît déjà, parce qu’il ne pourrait résulter de là que des corrections presque insensibles dans les formules du mouvement de la Lune, lesquelles sont encore trop éloignées d’avoir la précision nécessaire pour demander de pareilles corrections ; et je me borne à avoir égard aux termes qui peuvent donner des inégalités nouvelles et d’une forme particulière. Je trouve que les inégalités qui altèrent le mouvement de la Lune autour de son centre peuvent influer aussi dans son mouvement autour de la Terre ; je détermine l’effet de ces inégalités tant dans la longitude que dans la latitude de la Lune ; mais je démontre que cet effet ne peut qu’être insensible, et qu’il est impossible d’expliquer par là, comme on pourrait d’abord le croire, l’accélération que feu M. Mayer a supposée dans le mouvement de la Lune, pour satisfaire à la fois aux observations anciennes des Chaldéens, et à celles des Arabes, faites dans le ixe siècle. J’ai fait voir ailleurs que cette accélération ne pouvait être produite par la non-sphéricité de la Terre ; mais il était nécessaire d’examiner en particulier l’effet de la non-sphéricité de la Lune, à cause de la circonstance de l’égalité entre la rotation et la révolution de cette Planète et cet examen achève de prouver l’impossibilité d’expliquer l’équation séculaire de la Lune par la Théorie de la gravitation.


section première.
exposition d’une méthode analytique pour résoudre tous les problèmes
de dynamique.

1. Le principe donné par M. d’Alembert réduit les lois de la Dynamique à celles de la Statique ; mais la recherche de ces dernières lois par les principes ordinaires de l’équilibre du levier, ou de la composition des forces, est souvent longue et pénible. Heureusement il y a un autre principe de Statique plus général, et qui a surtout l’avantage de pouvoir être représenté par une équation analytique, laquelle renferme seule les conditions nécessaires pour l’équilibre d’un système quelconque de puissances. Tel est le principe connu sous la dénomination de loi des vitesses virtuelles ; on l’énonce ordinairement ainsi : Quand des puissances se font équilibre, les vitesses des points où elles sont appliquées, estimées suivant la dilection de ces puissances, sont en raison inverse de ces mêmes puissances. Mais ce principe peut être rendu très-général de la manière suivante.

2. Si un système quelconque de corps, réduits à des points et tirés par des puissances quelconques, est en équilibre, et qu’on donne à ce système un petit mouvement quelconque en vertu duquel chaque corps parcoure un espace infiniment petit, la somme des puissances multipliées chacune par l’espace que le point où elle est appliquée parcourt suivant la direction de cette puissance est toujours égale à zéro.

D’où il suit que si sont les masses des corps, les forces accélératrices qui sollicitent le corps vers des centres quelconques dont les distances soient et de même les forces qui sollicitent le corps vers des centres dont les distances soient et ainsi de suite ; et qu’on suppose que les lignes

deviennent

par une variation quelconque infiniment petite dans la position des corps ; on aura pour l’équilibre cette équation générale

3. Pour avoir les valeurs des variations ou différences

on différentiera à l’ordinaire les expressions des distances mais en regardant les centres des forces comme fixes, et en faisant varier seulement les quantités relatives à la position de chaque corps dans l’espace, et l’on marquera les différentielles par la caractéristique pour les distinguer des différentielles ordinaires. On réduira ainsi les valeurs de toutes ces différences à un certain nombre de pareilles différences qui dépendront uniquement du changement de position du système, et qui demeureront par conséquent indéterminées ; et comme l’é-

quation précédente doit avoir lieu quel que puisse être ce changement, il faudra la vérifier indépendamment des différences indéterminées dont il s’agit, et par conséquent égaler séparément à zéro la somme des termes multipliés par chacune de ces indéterminées ; ce qui donnera précisément autant d’équations particulières et finies qu’il en faudra pour la détermination de l’équilibre du système proposé.

4. Supposons maintenant que le même système de corps soit en mouvement, et que soient les coordonnées rectangles de la courbe décrite par le corps les coordonnées rectangles de la courbe décrite par le corps et ainsi de suite ; ces coordonnées étant rapportées à trois axes fixes dans l’espace, et ayant une origine commune. Il est clair que le mouvement ou la vitesse du corps dans l’instant peut être regardée comme composée de trois autres vitesses exprimées par

et dirigées parallèlement aux axes des Il est de plus évident que si le corps était libre et qu’aucune force étrangère n’agît sur lui, chacune de ces trois vitesses demeurerait constante ; mais dans l’instant suivant elles se changent réellement en celles-ci

donc, si l’on regarde les vitesses précédentes comme composées de ces dernières et des vitesses

ou bien (en prenant constant)

il s’ensuit que celles-ci doivent être détruites par l’action des forces qui

agissent sur les corps. Mais ces vitesses sont dues à des forces accélératrices égales à

et dirigées parallèlement aux axes des (en exprimant, suivant l’usage reçu, la force accélératrice par l’élément de la vitesse divisé par l’élément du temps), ou, ce qui revient au même, à des forces égales à

et dirigées en sens contraire, c’est-à-dire suivant les lignes mêmes donc il faudra que ces forces, étant supposées appliquées au corps soient détruites par l’action de toutes les autres forces du système. Il faudra par la même raison que les forces

étant supposées appliquées au corps suivant les lignes soient aussi détruites ; et ainsi de suite. D’où il suit qu’il doit y avoir équilibre entre ces différentes forces et les autres forces qui sollicitent les corps, et qu’ainsi les lois du mouvement du système se réduisent à celles de son équilibre ; c’est en quoi consiste le beau principe de Dynamique de M. d’Alembert.

5. Donc, pour avoir les équations du mouvement du système proposé, il n’y aura qu’à chercher celles de l’équilibre des corps sollicités par les forces

suivant les lignes

comme dans le cas du no 2, et de plus par les forces

suivant les lignes

Ainsi il ne faudra qu’ajouter au premier membre de l’équation générale du numéro cité les termes dus à ces dernières forces.

Or les lignes étant toujours parallèles entre elles, on peut les regarder comme concurrentes à un point infiniment éloigné et prendre ce point pour le centre des forces Soit la distance infinie de ce point au plan auquel les lignes sont terminées et qui les rencontre à angles droits, on aura pour la distance du corps au centre des forces dont il s’agit, et sera la variation de cette distance, en supposant que la position du corps varie et que celle du centre demeure fixe, parce qu’à cause de la perpendicularité de la ligne sur le plan, la variation de cette ligne est nulle. Donc le terme dû à la force agissant suivant la ligne sera et ainsi des autres.

Ainsi il faudra ajouter au premier membre de l’équation du no 2 les termes suivants

Et l’on aura cette équation générale pour le mouvement du système

6. Pour en faire usage, on remarquera d’abord que, si l’on dénote par les coordonnées rectangles qui déterminent la position du centre des forces par celles du centre des forces par celles du centre des forces et ainsi des autres, ces coordonnées étant rapportées aux mêmes axes que les coordonnées des corps, on aura

de sorte qu’en différentiant on aura les valeurs de exprimées en Et l’on trouvera de même celles de exprimées en et ainsi de suite.

De plus, en ayant égard à la disposition mutuelle des corps, on aura une ou plusieurs équations de condition entre les variables par le moyen desquelles on pourra exprimer toutes ces variables par quelques-unes d’entre elles, ou bien par d’autres variables en moindre nombre et telles, qu’elles soient entièrement indépendantes et répondent aux différents mouvements que le système peut recevoir. Nommant donc ces variables indépendantes on aura, par la substitution et la différentiation, les différences exprimées par celles-ci et l’équation générale du numéro précédent prendra cette forme

Or les variables étant (hypothèse) indépendantes les unes des autres, leurs différences seront absolument indéterminées ; donc pour satisfaire, en général, à l’équation précédente il faudra faire séparément

Ces équations particulières étant en même nombre que les variables in-

déterminées serviront à déterminer ces mêmes variables, et par conséquent le mouvement de tout le système.

7. Telle est la méthode générale ; mais elle est susceptible de différentes simplifications que nous exposerons ailleurs. Nous nous contenterons ici de montrer comment on peut abréger le calcul nécessaire pour réduire les quantités

en fonctions de

Pour cet effet je remarque que, puisque les deux caractéristiques et représentent des différences ou variations indépendantes entre elles, toute quantité affectée de ces deux caractéristiques à la fois doit avoir la même valeur, dans quelque ordre qu’elles soient placées, ce qui est facile à démontrer et forme le principe fondamental du Calcul des variations. Ainsi sera la même chose que la même chose que et ainsi du reste.

Il s’ensuit de là que la quantité

sera la même chose que celle-ci

de sorte qu’il ne s’agira que de trouver la valeur des deux quantités

en et leurs différences, et de différentier ensuite la premières par et la seconde par c’est-à-dire en afiectant les différences des caractéristiques ou

8. Or étant une fonction de on aura

et de même

Donc

et ainsi des autres quantités semblables

Ainsi la quantité

sera de la forme

étant des fonctions connues des variables finies et de même la quantité

sera de la forme

Donc, en différentiant la première de ces quantités par on aura

et en différentiant la seconde par on aura pareillement

Retranchant donc la quantité précédente de cette dernière, en se souvenant que est la même chose que on aura la valeur de

laquelle sera exprimée ainsi

Cette quantité résulte évidemment de celle qui exprime la valeur de

si l’on y change les signes de tous les termes qui contiennent des différences affectées de la simple caractéristique et que, dans les autres termes où se trouvent les différences affectées de la double caractéristique on efface la après la et qu’on l’applique aux quantités par lesquelles ces différences sont multipliées.

Ainsi l’on changera le terme en le terme en et ainsi des autres.

Cette règle est, comme on voit, très-simple, et facilite extrêmement le mécanisme du calcul que notre méthode demande. On pourrait la démontrer à priori ; mais nous avons préféré la démonstration précédente, comme étant plus sensible et plus convaincante.

9. À l’égard des termes

et de leurs semblables, on remarquera que dans le cas de la nature les forces sont ordinairement des fonctions des distances en sorte que les termes dont il s’agit sont tous intégrables ; ce qui fournit aussi un moyen de simplifier beaucoup le calcul de ces termes ; car il n’y aura qu’à intégrer d’abord à l’ordinaire la quantité

et la redifférentier ensuite relativement à la caractéristique

Dans le Système du monde on a

étant des constantes ; donc on aura dans ce cas

10. De ce que nous venons de démontrer résulte une méthode fort simple pour transformer l’équation générale du no 5 par la substitution d’autres variables quelconques à la place de

Soit, pour abréger,

Et supposons exprimées par d’autres variables quelconques On substituera les valeurs données de en dans les deux quantités et on différentiera ensuite suivant en regardant et comme des variables particulières ; et l’équation générale deviendra

en entendant par le coefficient de dans la différentielle de par le coefficient de dans la même différentielle ; et ainsi du reste.

11. Si les variables sont indépendantes entre elles (et l’on peut toujours les prendre telles, qu’elles le soient), on aura sur-lechamp (6), pour le mouvement du système, ces équations particulières

Mais, si ces variables ne sont pas indépendantes, alors il faudra réduire les différences au plus petit nombre possible, et, égalant ensuite à zéro le coefficient de chacune de celles qui resteront, on aura les équations du Problème.

12. Si l’on multiplie les équations précédentes respectivement par qu’ensuite on les ajoute ensemble, on aura une équation intégrable. En effet, puisque

l’équation dont il s’agit sera

Or, étant une fonction finie de on aura

mais

ce qui est évident par la nature du Calcul différentiel. Donc on aura aussi

On démontrera de même que, puisque est une fonction des quantités finies et de leurs différences premières en regardant comme autant de variables indépendantes les unes des autres, on aura

Ainsi l’équation précédente prendra cette forme

dont l’intégrale est

const.

Je remarque maintenant que par la nature de la quantité on a nécessairement

Car étant une fonction homogène de deux dimensions des différences (10), elle sera aussi une pareille fonction des différences donc, regardant ces différences comme des variables particulières, on aura par la propriété connue de ces sortes de fonctions

ou, ce qui revient au même,

L’intégrale trouvée deviendra donc

const.,

équation qui n’est autre chose que celle qui renferme le principe connu de la conservation des forces vives ; car il est visible que exprime la somme des forces vives actuelles de tous les corps du système, et que

est égal à la valeur de ces forces en supposant les corps libres et isolés (numéro cité).

Notre méthode donne ainsi une démonstration directe et générale de ce fameux principe, mais on aurait tort de la confondre pour cela avec ce même principe ; car ce principe ne donne de lui-même qu’une seule équation, et ne suffit seul que pour résoudre les Problèmes qui ne demandent qu’une seule équation ; au lieu que notre méthode donne toujours toutes les équations nécessaires pour la solution du Problème.

On aurait pu au reste déduire immédiatement le principe de la conservation des forces vives de l’équation générale du no 5, en y changeant la caractéristique en (ce qui est évidemment permis, puisque les différences marquées par sont indéterminées et arbitraires) et intégrant ensuite ; mais nous avons cru qu’il n’était pas inutile de faire voir comment les différentes équations différentielles du mouvement du système fournissent toujours une équation intégrable, qui n’est autre chose que celle de la conservation des forces vives.

13. Si le système donné était composé d’une infinité de particules animées par des forces quelconques proportionnelles à des fonctions des distances ; nommant, en général, la masse de chaque particule, les forces qui la sollicitent vers des centres donnés et qu’on suppose proportionnelles à des fonctions des distances à ces centres, les coordonnées rectangles qui déterminent la position de cette particule dans l’espace ; et dénotant par le signe des intégrations relatives à la somme de toutes les particules du système ; il est clair que les quantités et du no 10 deviendront

Et l’on pourra après les substitutions faire sortir hors du signe les variables qui sont censées ne dépendre que de la position du système en général.

Dans le Système du monde on aura

donc


section deuxième.
application de la méthode précédente à la recherche des équations pour le mouvement d’un corps solide de figure quelconque, attiré par des forces quelconques.

14. Il faut commencer par chercher les conditions qui résultent de la solidité du corps ; or ces conditions consistent évidemment en ce que les distances mutuelles de tous les points du corps demeurent invariables. Nommant donc, en général, les coordonnées rectangles d’un point quelconque du corps, et les coordonnées rectangles d’un autre point du même corps, il faudra que la quantité

soit toujours la même, et soit par conséquent indépendante du mouvement du corps.

Cela posé, soient les coordonnées d’un autre point du corps pris à volonté et que nous appellerons dans la suite le centredu corps, et soit, en général,

il est visible que seront les coordonnées du même élément du corps auxquelles appartiennent les mais rapportées à des axes passant par le centre du corps et parallèles aux axes des Si donc sont les valeurs de pour l’élément qui appartient aux coordonnées on aura aussi

et la distance

sera exprimée par

De sorte que les conditions provenantes de la solidité ne pourront regarder que les coordonnées et nullement les coordonnées lesquelles demeureront par conséquent indéterminées. C’est ce qui est d’ailleurs évident de soi-même, puisque ces dernières coordonnées se rapportent à un point déterminé de la masse du corps, dont la position dans l’espace peut être quelconque.

15. Toute la difficulté se réduit donc à déterminer la forme des quantités en sorte qu’elles satisfassent aux conditions de la solidité. Or je remarque, en général, que si l’on imagine dans l’intérieur du corps trois axes fixes et pèrpendiculaires entre eux qui se coupent dans le centre du corps, et qu’on rapporte à ces axes la position de chaque point du corps par de nouvelles coordonnées rectangles ces coordonnées serviront à déterminer la position et la distance mutuelle de tous les points du corps ; de sorte que le corps sera solide lorsque ces coordonnées seront constantes pour chaque point du corps, et par conséquent indépendantes du temps ; mais si elles peuvent varier ’un instant à l’autre, le corps changera alors de figure, comme les corps flexibles ou fluides. Il n’y aura donc qu’à chercher les valeurs des premières coordonnées exprimées par les dernières et les conditions de la solidité seront remplies en regardant ces dernières comme constantes.

Or, comme ces différentes coordonnées se rapportent aux mêmes points du corps, et ont d’ailleurs leur origine dans le même point qu’on prend pour le centre du corps, mais ne diffèrent que par la position de leurs axes, il n’est pas difficile de trouver les valeurs dont il s’agit, soit à l’aide de la Trigonométrie, ou par des constructions géométriques, ou, ce qui est encore plus simple, par la Théorie connue de la transformation des coordonnées ; nous les donnerons plus bas, et nous commencerons ici par faire des remarques générales sur les expressions de ces valeurs.

16. Sans chercher ces expressions on peut d’abord conclure, soit de la Théorie de la transformation des coordonnées, soit de cette considération qu’en supposant ou ou constantes (ce qui donne des plans perpendiculaires aux axes de ces mêmes coordonnées) on doit avoir toujours des équations linéaires entre on peut, dis-je, conclure de là que les valeurs de en ne peuvent être que de la forme suivante

les quantités étant les mêmes pour tous les points du corps et dépendant uniquement de la position de ses axes par rapport aux axes fixes des coordonnées

Or les conditions de la solidité du corps consistent en ce que la distance entre deux points quelconques doit être constante, et par conséquent indépendante des quantités donc, si l’on suppose que les coordonnées et répondent à un point du corps, et que pour un autre point elles deviennent il est clair que la distance entre ces deux points sera exprimée également par

et par

en sorte qu’il faudra qu’on ait cette équation identique

Mais il est visible que pour avoir il n’y a qu’à changer en dans les expressions précédentes de et qu’ainsi pour avoir il n’y aura qu’à mettre dans les mêmes expressions au lieu de

Substituant donc ces valeurs dans l’équation précédente et comparant les termes semblables, on aura ces six équations de condition

entre les neuf variables en sorte que ces variables se réduiront à trois indéterminées.

17. Si l’on voulait avoir les valeurs de en il suffirait d’ajouter ensemble les trois équations ci-dessus

après avoir multiplié respectivement ces équations par par et par car en vertu de ces six équations de condition trouvées on aura sur-le-champ

Or, comme ces expressions de doivent satisfaire également à l’équation identique

en les substituant dans cette équation et comparant les termes homologues, on aura ces six autres équations de condition

lesquelles doivent être une suite nécessaire de celles qu’on a trouvées ci-dessus, puisqu’elles résultent de la même équation identique.

18. Substituons maintenant dans les expressions de et du no 13, pour leurs valeurs (14). On aura d’abord

multipliant par et intégrant par rapport à la caractéristique laquelle ne regarde que la variabilité des coordonnées contenues dans les valeurs de puisque ces coordonnées sont les seules quantités qui varient d’un point du corps à l’autre, on aura

et il ne restera plus qu’à substituer les valeurs de

Or, étant égal à on aura, en regardant comme constantes dans la différentiation de et ensuite comme seules variables dans l’intégration marquée par on aura, dis-je,

et l’on aura de même les valeurs de en changeant dans la précédente la lettre en ou

19. Mais je remarque que, si l’on suppose (ce qui est permis et même très-naturel) que le point que nous avons pris pour le centre du corps (14) en soit le véritable centre de gravité, les valeurs des intégrales

qui expriment les sommes des moments de chaque particule du corps par rapport à trois axes passant par son centre, seront nulles par les propriétés connues du centre de gravité. De sorte qu’on aura dans cette hypothèse

ce qui simplifie beaucoup la valeur de et la réduit à

Cette expression de est, comme on voit, composée de deux parties, dont la première dépend uniquement des variables qui se rapportent au centre de gravité du corps, et dont la seconde dépend seulement des variables qui donnent la position de toutes les particules du corps autour de ce centre ; ainsi ces deux parties sont indépendantes entre elles et peuvent être traitées séparément. La première n’est autre chose que la valeur de qui aurait lieu dans le cas où l’on supposerait tout le corps, dont la masse est concentré dans son centre de gravité, et où l’on chercherait le mouvement de ce centre ; la seconde partie exprime au contraire la valeur de qui aurait lieu dans le cas où l’on supposerait le centre du corps fixe (soit que ce centre soit celui de gravité ou non), ce qui donnerait

et où l’on chercherait seulement le mouvement de tous les autres points du corps autour de ce centre.

20. Je désigne la valeur de ou la masse du corps par Ainsi la première partie de la quantité sera représentée par

Comme cette expression ne contient que les variables qui sont (hypothèse) indépendantes tant entre elles que des autres variables du Problème, elle n’a pas besoin d’autre préparation ; ainsi, en l’employant à la place de dans les équations du no 11 et prenant pour on aura les trois équations nécessaires pour le mouvement du centre du corps.

Mais, si au lieu des coordonnées de l’orbite projetée on veut employer à l’ordinaire le rayon vecteur et l’angle parcouru par ce rayon, on fera

et l’on aura, en substituant,

Cette dernière manière de représenter l’orbite du corps est surtout utile lorsqu’elle est peu différente d’un cercle et en même temps peu inclinée au plan des coordonnées comme cela a lieu à l’égard de toutes les Planètes par rapport à l’écliptique ; car alors est une quantité à peu près constante, est à peu près proportionnel au temps, et est toujours une quantité très-petite, ce qui fournit des moyens d’approximation pour la détermination du mouvement du corps.

Si l’on veut éviter les angles, on considérera qu’en représentant, pour plus de simplicité, le temps par l’angle du mouvement moyen, c’est-à-dire par la valeur moyenne de la différence sera toujours un angle fort petit dans l’hypothèse précédente ; d’où il s’ensuit que sera une quantité fort petite et une quantité peu variable.

Faisons donc

on aura

et de là on tirera

Il est aisé de voir que les variables introduites à la place de ne sont autre chose que de nouvelles coordonnées rectangles ayant la même origine que celles-ci, et couchées sur le même plan, mais placées de manière que l’axe des soit mobile et passe toujours par le lieu moyen du corps, et que l’axe des soit toujours perpendiculaire à celui-là. C’est ainsi que M. Euler a représenté le mouvement de la Lune dans sa nouvelle Théorie de cette Planète ; et notre méthode donnera immédiatement les mêmes équations que M. Euler n’a trouvées qu’à l’aide de plusieurs substitutions et réductions.

En employant d’autres substitutions on trouvera des formules différentes, et l’on sera assuré d’avoir toujours par cette méthode les équations les plus simples dont chaque manière de représenter le mouvement du corps est susceptible ; ce qui n’est pas un des moindres avantages de notre méthode.

21. Venons maintenant à l’autre partie de la valeur de laquelle contient les quantités relatives au mouvement de rotation du corps autour de son centre de gravité, et qui est représentée par la formule

On y substituera donc à la place de leurs valeurs tirées des expressions du no 16. Mais je remarque qu’on rendra les résultats beaucoup plus simples, si à la place de la quantité

on prend celle-ci

qui lui est équivalente en vertu des équations de condition du no 17.

En effet, puisque

si l’on fait, pour abréger,

et qu’on ait égard aux équations de condition du no 16 différentiées, on trouvera

Ajoutant ensemble les carrés de ces trois quantités, on aura donc

Ainsi la quantité

deviendra

en faisant, pour abréger,

Ces intégrations sont relatives à toute la masse du corps, en sorte que doivent être maintenant regardées et traitées comme des constantes données par la figure du corps.

22. Il est à présent nécessaire de réduire les neuf variables à trois indéterminées, ce qu’on peut obtenir par le moyen des six équations de condition du no 16, ou plus simplement encore en cherchant directement les valeurs de ces mêmes variables par la méthode connue de la transformation des coordonnées.

En effet, puisque sont les coordonnées rectangles d’un point quelconque de la masse du corps par rapport à trois axes passant par son centre et parallèles aux axes fixes des coordonnées et que sont les coordonnées rectangles du même point par rapport à trois autres axes passant par le même centre, mais fixes au dedans du corps et par conséquent variables à l’égard des axes des il s’ensuit que pour avoir les expressions de en il n’y aura qu’à transformer de la manière la plus générale ces dernières coordonnées dans les autres.

Pour cela nous nommerons l’angle que le plan des fait avec celui des et l’angle que l’intersection de ces deux plans fait avec l’axe des enfin nous désignerons par l’angle que l’axe des fait avec la même ligne d’intersection ; ces trois quantités serviront, comme on voit, à déterminer la position des axes des coordonnées relativement aux axes des coordonnées par conséquent on peut par leur moyen exprimer ces dernières par les autres.

Il est clair que, si l’on imagine que le corps proposé soit la Terre, que le plan des soit celui de l’équateur, et que l’axe des passe par un méridien donné ; que de plus le plan des soit celui de l’écliptique, et que l’axe des soit dirigé vers le premier point d’Aries ; il est clair, dis-je, que sera l’obliquité de l’écliptique, la longitude de l’équinoxe d’automne ou du nœud ascendant de l’équateur sur l’écliptique, et sera la distance du méridien donné à cet équinoxe. Mais, si l’on transporte ces dénominations à la Lune, en prenant cette Planète pour le corps dont il s’agit, on aura pour l’inclinaison de l’équateur lunaire sur l’écliptique, pour la longitude du nœud ascendant de cet équateur, et pour la distance d’un méridien lunaire à ce nœud.

En général sera l’angle que le corps décrit en tournant autour de l’axe des coordonnées axe qu’on pourra appeler, à cause de cela, axe de rotation du corps, sera l’angle d’inclinaison de cet axe sur le plan fixe des coordonnées et et sera l’angle entre la projection de ce même axe et l’axe des coordonnées

23. Cela posé, supposons d’abord qu’on change les deux coordonnées et en deux autres placées dans le même plan, mais telles, que l’axe des tombe dans l’intersection des deux plans et celui des soit perpendiculaire à cette intersection ; on aura

Supposons ensuite que les deux coordonnées et soient changées en deux autres dont l’une soit toujours perpendiculaire à l’intersection des plans, mais soit placée dans le plan des et et dont l’autre soit perpendiculaire à ce dernier plan ; on trouvera de la même manière

Enfin supposons encore qu’on change les coordonnées et qui sont déjà dans le plan des et en deux autres placées dans ce même

plan, mais telles, que l’axe des coïncide avec l’axe des on trouvera pareillement

Et il est visible que les trois coordonnées seront la même chose que les puisqu’elles sont rapportées aux mêmes axes ; de sorte qu’en substituant successivement les valeurs de on aura les expressions cherchées de en lesquelles se trouveront de la même forme que celles du no 16, en supposant

Ces valeurs satisfont aussi aux six équations de condition du même numéro, ainsi qu’à celles du no 17, et résolvent ces équations dans toute leur étendue, puisqu’elles renferment trois variables indéterminées

Si maintenant on fait ces substitutions dans les valeurs de du no 21, on trouvera, après quelques réductions, ces expressions fort simples

24. Puisque les variables sont indéterminées et indépendantes entre elles, il ne s’agira donc plus que d’avoir les quantités et en fonctions de ces variables ; ensuite, différentiant par rapport à la caractéristique on aura trois équations de la forme de celles du no 11, lesquelles serviront à déterminer ces variables par le temps et par conséquent à connaître les lois de la rotation du corps.

Si l’on développe ces équations, on les trouvera analogues à celles que j’ai données autrefois dans ma pièce sur la Libration ; mais elles se présenteront ici sous une forme encore plus simple, ce qui est dû à la manière dont nous avons exprimé la quantité

par le moyen des trois quantités Mais quoique ces équations aient peut-être toute la simplicité que la nature du sujet peut comporter, elles sont néanmoins, comme toutes celles qu’on avait déjà trouvées, peu propres pour la solution du Problème de la libration de la Lune, à cause des sinus et cosinus d’angles qui se trouvent mêlés avec les différentielles de ces angles, et qui rendent l’intégration fort difficile et l’approximation peu exacte.

25. Comme ce Problème ne peut être résolu que d’une manière approchée, on doit s’appliquer principalement à donner aux équations différentielles la forme la plus convenable pour l’approximation, et il n’est pas difficile de se convaincre que les formules les plus propres à cela seraient celles qui ne contiendraient aucun sinus ou cosinus, du moins dans les termes différentiels et indépendants des forces perturbatrices, et dans lesquelles ces termes seraient des fonctions de quelques variables, qui par la nature de la question devraient demeurer très-petites ; en sorte que dans la première approximation on pût réduire ces fonctions à la forme linéaire, qui est, comme on sait, la seule susceptible d’intégration, en général, et quel que soit le nombre des variables et l’ordre de leurs différences. Or, s’il est possible de remplir ces conditions, ce ne peut être qu’à l’aide de quelques substitutions convenables ; mais il serait peut-être difficile de découvrir ces substitutions à posteriori d’après les équations différentielles déjà trouvées ; heureusement notre méthode fournit pour cette recherche des moyens directs ils dépendent des considérations suivantes.

26. On voit, par la forme des équations du no 11, que les termes différentiels et indépendants des forces perturbatrices viennent uniquement de la quantité ainsi la difficulté se réduit à faire en sorte que cette quantité soit elle-même exprimée par des fonctions sans sinus et cosinus de quelques variables, qui doivent rester très-petites ; pour cela il faudra que la quantité et par conséquent chacune des trois quantités soit de la forme dont il s’agit. Or je remarque qu’en appliquant à la Lune les formules du no 23, l’angle qui exprime l’inclinaison de l’équateur lunaire sur le plan de l’écliptique sera toujours très-petit et au-dessous de degrés d’après les observations ; d’où il s’ensuit que, si l’on prenait pour inconnues à la place de deux des trois angles les deux quantités ou les deux ces nouvelles variables auraient la condition demandée, et il ne resterait plus qu’à faire en sorte que les sinus et cosinus du troisième angle disparaissent entièrement des trois quantités

Il est vrai que si l’on voulait appliquer les mêmes formules à la Terre, à l’égard de laquelle serait égal à l’obliquité de l’écliptique, qui est de les quantités ne seraient plus si petites, par conséquent la première approximation ne serait pas à beaucoup près aussi exacte que pour la Lune ; mais il n’y aurait alors qu’à pousser l’approximation plus loin par les méthodes connues.

Quant à l’autre condition qui regarde l’évanouissement des sinus et cosinus, pour peu que l’on considère nos formules, on s’apercevra aisément qu’elle se trouvera remplie en prenant pour inconnues les deux quantités

avec la somme des deux angles et car il arrivera nécessairement que les sinus et cosinus de s’en iront des expressions de

Mais au lieu de prendre pour inconnues les deux quantités et il vaudra mieux, pour éviter les radicaux, prendre ces deux-ci

qui ont en même temps l’avantage d’être toujours plus petites que celles-là.

27. Je ferai donc

et, substituant d’abord dans les formules du no 23

à la place de ensuite à la place de et à la place de on aura

28. Substituant ensuite ces valeurs dans les expressions de du no 21, on aura, après les réductions, celles-ci

lesquelles ne contiennent, comme on voit, ni sinus ni cosinus d’angles, mais seulement les variables finies avec leurs différentielles premières et la différence de l’angle

29. Il ne restera plus qu’à faire les mêmes substitutions dans-la quantité V, laquelle dépend des forces particulières qui agissent sur le corps (13) ; mais ce calcul n’ayant par lui-même aucune difficulté, nous remettrons à la Section suivante à le développer relativement à la Lune, en tant qu’elle est attirée par la Terre et par le Soleil.

30. Mais avant de terminer celle-ci, nous croyons devoir faire remarquer que l’axe autour duquel nous avons considéré la rotation du corps (22), et qui est fixe dans l’intérieur du corps, mais mobile dans l’espace, n’est pas le vrai axe autour duquel le corps tourne à chaque instant et qu’on peut nommer axe spontané de rotation. Celui-ci est mobile tant à l’égard du corps que dans l’espace, et sa position dans le corps dépend des trois quantités En effet la formule

du no 21 fait voir que si l’on prend les coordonnées proportionnelles respectivement à la quantité

devient nulle pour tous les points qui répondent à ces coordonnées ; de sorte qu’il y a par rapport au centre du corps une suite de points en

repos, formant une ligne droite qui passe par ce centre et fait avec les axes des coordonnées des angles dont les cosinus sont respectivement

c’est l’axe spontané dont il s’agit. On peut démontrer aussi que

exprimera la vitesse de rotation autour de cet axe, et que

seront les vitesses particulières de rotation que le corps peut être supposé avoir à la fois autour des axes des coordonnées et qui par leur composition donnent la vitesse

autour de l’axe spontané.


section troisième.
développement des formules nécessaires pour déterminer les mouvements de la lune qui dépendent de la non-sphéricité de cette planète.

31. Nous venons de donner les formules qui renferment la solution générale de ce Problème ; ainsi il ne s’agit que d’appliquer ces formules au cas particulier de la Lune, en tant qu’on la regarde comme non sphérique, et que chacune de ses particules est attirée par la Terre et par le Soleil en raison inverse des carrés des distances.

32. Quelle que soit la manière dont on représente le mouvement d’un corps de figure quelconque, nous avons vu que ce mouvement dépend de six variables, dont trois déterminent la position d’un point quelconque donné du corps (point que nous appelons en général le centre du corps) et dont les trois autres déterminent la position même du corps autour de son centre ; et nous avons montré que chacune de ces variables fournit pour le mouvement du corps (11) une équation de la forme

étant une de ces six variables, et des fonctions de ces mêmes variables ainsi tout se réduit à déterminer ces fonctions.

33. La fonction ne dépend que des forces accélératrices qui proviennent de l’inertie du corps, et la fonction dépend uniquement des forces accélératrices extérieures qui sont supposées agir sur le corps.

En nommant le temps dont l’élément est supposé constant, les trois coordonnées rectangles du centre du corps, qu’on suppose être son centre de gravité (ces coordonnées étant rapportées à des axes fixes dans l’espace), les coordonnées rectangles de chaque particule du corps par rapport à trois axes passant par son centre et parallèles aux mêmes axes fixes, les distances rectilignes de la particule au centre des forces on a trouvé, en général, (13, 19)

la caractéristique dénotant des intégrales totales et relatives à la masse entière du corps.

Examinons successivement les différents termes de ces formules et voyons ce qu’ils deviennent par rapport à la Lune.

34. Nous regarderons la Terre comme en repos, et nous prendrons pour les coordonnées de l’orbite décrite par le centre de gravité de la Lune autour de la Terre ; les deux premières seront prises dans le plan de l’écliptique, l’axe des étant dirigé vers le premier point d’Aries, et l’axe des vers le point qui répond à degrés de longitude ; et l’axe de la troisième coordonnée sera perpendiculaire à l’écliptique et dirigé vers son pôle boréal.

Comme la latitude de la Lune est toujours assez petite, il est clair que la variable sera aussi très-petite ; mais il n’en est pas de même des deux autres variables cependant si l’on considère que le mouvement de la Lune autour de la Terre est à peu près circulaire et uniforme, on verra qu’en introduisant à la place de ces coordonnées le rayon vecteur de l’orbite projetée sur l’écliptique et l’angle de la longitude vraie, on aura

expressions dans lesquelles sera presque constant et à peu près proportionnel au temps.

Supposons pour plus de simplicité que la distance moyenne de la Lune à la Terre soit représentée par l’unité, et que le temps soit représenté par l’angle du mouvement moyen, c’est-à-dire par la longitude moyenne de la Lune ; on aura

et étant des quantités fort petites.

Mais au lieu de ces substitutions il vaudra mieux employer celles que nous avons indiquées dans le no 20, et qui consistent à faire

est, comme on voit, une quantité fort petite et une quantité peu différente de l’unité. De cette manière on aura

et de là on tirera

35. Nous mettrons pour plus de simplicité à la place de à la place de et à la place de Ainsi les trois coordonnées rectangles et de l’orbite du centre de gravité de la Lune autour de la Terre seront représentées par

et l’on aura

expressions dans lesquelles les trois variables seront toujours fort petites ; et ces trois variables seront les mêmes que M. Euler a employées et désignées par les mêmes lettres dans sa Nouvelle Théorie de la Lune.

Nous adoptons ici cette manière de représenter le mouvement de la Lune d’autant plus volontiers qu’on trouve dans cet Ouvrage de M. Euler les valeurs des quantités en tant qu’elles dépendent de l’action de la Terre et du Soleil sur la Lune, regardée comme un point, déjà exprimées par les mouvements moyens et calculées avec une grande précision et nous ferons usage de ces valeurs dans nos recherches sur l’effet de la non-sphéricité de la Lune.

36. Ainsi la première partie de l’expression de celle qui se rapporte au mouvement progressif du centre de la Lune, sera (en nommant la masse de la Lune)

Je dénoterai dans la suite cette quantité par

37. Pour représenter le mouvement de rotation de la Lune autour de son centre de gravité, on imaginera dans l’intérieur de la masse de cette Planète trois axes fixes, perpendiculaires entre eux, qui passent par ce centre et qui demeurent toujours fixes au dedans du corps ; et l’on rapportera à ces trois axes la position de chaque particule de la masse de la Lune par le moyen de trois coordonnées On aura (ainsi qu’on l’a vu dans la Section précédente, no 16) pour les coordonnées de cette particule les formules

dans lesquelles sont indépendantes de la position de cette particule dans l’intérieur du corps, et sont uniquement des fonctions des variables qui déterminent la position du corps autour de son centre.

38. Maintenant je regarde le plan qui passe par les deux axes des coordonnées et comme l’équateur de la Lune, et par conséquent le troisième axe des coordonnées comme l’axe de rotation de cette Planète. Je nomme l’inclinaison de l’équateur lunaire sur l’écliptique, la longitude du nœud ascendant de cet équateur, lequel est en même temps le nœud descendant de l’écliptique par rapport au même équateur, c’est-à-dire l’équinoxe d’automne de la Lune, cette longitude étant vue du centre de la Lune et prise à l’ordinaire sur l’écliptique, ou sur un plan parallèle à l’écliptique et passant par le centre de la Lune ; enfin je nomme la distance du point de l’équateur lunaire, par lequel passe l’axe des abscisses au nœud ascendant de cet équateur, c’est-à-dire l’angle formé au pôle de la Lune par le méridien fixe qui passe par cet axe, et par le méridien mobile qui passe par le nœud ascendant de l’équateur, et qui est par rapport à la Lune le colure de l’équinoxe d’automne. Il est visible que ces trois angles suffisent pour déterminer dans un instant quelconque la position du corps de la Lune par rapport à l’écliptique ; ainsi l’on pourrait les prendre pour les variables dont nous avons parlé plus haut, et réduire par conséquent la détermination du mouvement de la Lune sur son centre à trois équations entre ces variables, comme on en a usé jusqu’ici dans toutes les recherches de ce genre. Mais nous avons déjà indiqué les inconvénients auxquels les équations trouvées de la sorte sont sujettes, et nous avons donné dans le no 26 un moyen de les éviter, lequel consiste à employer au lieu des angles les fonctions

dont les deux premières ont, par rapport à la Lune, l’avantage d’être toujours très-petites, puisqu’on sait par les observations que l’inclinaison est fort petite, cette inclinaison ayant été trouvée par Cassini de par Mayer de et par M. de Lalande de

39. À l’égard de l’angle son emploi a aussi un avantage particulier par rapport à la Lune ; en effet, puisque est la longitude moyenne de la Lune (34), sera la longitude moyenne de la Terre vue du centre de la Lune, et retranchant l’angle on aura pour la longitude moyenne de la Terre comptée depuis le nœud ascendant de l’équateur lunaire ; donc sera cette longitude comptée depuis le nœud descendant de cet équateur, c’est-à-dire depuis l’équinoxe du printemps de la Lune. Or il résulte des observations exactes de la libration de la Lune faites par Mayer que, si l’on transporte cette longitude sur l’équateur lunaire en partant du même équinoxe lunaire, elle doit répondre toujours à un même point de cet équateur, en sorte que le méridien lunaire qui passera par ce point sera fixe sur la surface de la Lune. Mayer prend ce méridien pour le premier méridien de la Lune, et y rapporte les longitudes sélénographiques des taches de la Lune ; nous le nommerons aussi d’après lui le premier méridien lunaire, et nous supposerons, ce qui est permis, qu’il coïncide avec le méridien fixe par lequel passe l’axe des coordonnées et qui fait avec le colure de l’équinoxe d’automne de la Lune l’angle or nous venons de voir que le premier méridien fait avec le colure de l’équinoxe du printemps l’angle ainsi il fera avec celui de l’équinoxe d’automne l’angle donc on aura et de là

Cette détermination est fondée sur le phénomène connu de la non-rotation apparente de la Lune, et sur l’hypothèse de l’uniformité de la rotation réelle de cette Planète autour de son axe, et du mouvement des nœuds de l’équateur lunaire sur l’écliptique ; si ces mouvements sont sujets à quelques inégalités, alors la distance du premier méridien à l’équinoxe du printemps ne sera plus exactement égale à mais elle sera étant une quantité dépendante de ces inégalités, et par conséquenttrès-petite, puisque jusqu’ici les observations n’ont pu la faire connaître. Dans ce cas la valeur de ou de deviendra

40. De cette manière donc le mouvement de la Lune autour de son centre sera déterminé par les trois variables très-petites de même que celui de son centre autour de la Terre l’est par les trois variables aussi fort petites. Mais les trois premières sont beaucoup plus petites que ces dernières, et l’on pourra les regarder comme des quantités très-petites du premier ordre, vis-à-vis desquelles il sera permis de négliger celles des ordres suivants ; cependant il faudra tenir compte des quantités du second ordre dans les expressions de et de parce que celles de se trouveront rabaissées au premier.

41. Nous avons déjà donné dans la Section précédente (27) les valeurs exactes des quantités en fonctions de ainsi il ne s’agira que d’y substituer pour sa valeur et par conséquent pour

et pour

et de négliger les termes où les quantités formeraient ensemble des produits de plus de deux dimensions, en mettant pour cet effet à la place de et leurs valeurs approchées et

Nous donnerons d’abord les expressions des valeurs dont il s’agit en y conservant les et parce que nous pourrons avoir occasion d’en faire usage sous cette forme ; on aura ainsi, en négligeant les dimensions de et au-dessus de la seconde,

42. Substituant maintenant à la place de et à la place de et négligeant toujours les produits de au delà de deux dimensions, les expressions précédentes se changeront en celles-ci

Si l’on fait les mêmes substitutions dans les expressions des quantités du no 28, et qu’on y néglige aussi les troisièmes dimensions de on aura

43. Or nous avons déjà réduit la quantité

qui est la seconde partie de la valeur de à une simple fonction de (21) ; ainsi, faisant les substitutions précédentes et négligeant toujours les mêmes dimensions, on aura pour la quantité dont il s’agit et que je désignerai par la formule

44. Réunissant donc les deux quantités et on aura la valeur complète de la quantité laquelle aura ainsi l’avantage d’être une fonction rationnelle et entière des six variables très-petites et de leurs différences premières, sans aucun mélange de sinus et cosinus d’angles.

45. Il faut chercher maintenant la valeur de la fonction qui dépend uniquement des forces accélératrices qu’on suppose agir sur le corps.

Ces forces dans la question présente ne peuvent être que l’attraction de la Terre et celle du Soleil, lesquelles étant exprimées par et relativement à chaque particule de la Lune, on aura (33)

46. Considérons d’abord le terme venant de l’attraction de la Terre, sera la distance rectiligne de la particule de la Lune au centre de la Terre, par conséquent elle sera exprimée ainsi

car étant les coordonnées rectangles du centre de la Lune par rapport au centre de la Terre, et celles de la particule de la Lune par rapport au centre de cette Planète, il est visible que

seront celles de la même particule par rapport au centre de la Terre.

Or, par le no 35, on a

et si dans les formules

du no 37, on substitue les valeurs de du no 42, on trouvera

en faisant, pour abréger,

ainsi l’on aura

donc

expression qui à l’avantage d’être délivrée de l’angle

47. Comme dans l’expression intégrale le signe se rapporte uniquement à la variabilité des coordonnées de la particule par rapport aux axes du corps, il est nécessaire de développer la valeur de relativement aux quantités renfermées dans or ce développement n’a point de difficulté ; car les quantités ne pouvant jamais surpasser le demi-diamètre de la Lune, elles seront toujours des fractions très-petites (la distance moyenne de la Lune à la Terre étant prise pour l’unité), et même beaucoup plus petites que les quantités du premier ordre et il en sera de même des quantités

Soit la valeur de lorsque et sont nuls, c’est-à-dire la distance du centre de la Lune à la Terre, ou le rayon vecteur de l’orbite réelle de la Lune, on aura

et par conséquent

Donc, en ne poussant l’approximation que jusqu’aux secondes dimensions de on aura

multipliant par et ensuite intégrant relativement à la caractéristique laquelle ne regarde que la variabilité de on aura

Il ne s’agit donc plus que de remettre à la place de leurs valeurs du numéro précédent, en faisant sortir hors du signe les quantités qui doivent être regardées comme constantes dans ces intégrations.

48. On voit d’abord que les valeurs des trois intégrales renfermeront dans tous leurs termes les quantités qui sont nulles par les propriétés du centre de gravité, puisqu’on suppose que ce centre est l’origine des coordonnées ainsi l’on aura

Pour avoir la valeur des autres intégrales il faut commencer par chercher celles de et comme les valeurs de ne sont exactes qu’à la troisième dimension près de et il faudra également négliger cette dimension dans les valeurs dont il s’agit. On trouvera ainsi

Or nous avons déjà supposé (21)

d’où

donc, multipliant les valeurs précédentes par intégrant et substituant ces dernières valeurs, on aura

On fera donc ces substitutions dans l’expression de trouvée ci-dessus, et multipliant ensuite tous les termes par on aura la partie de la fonction qui est due à l’attraction de la Terre sur la Lune.

49. Cette partie de sera donc représentée de la manière suivante, en mettant à la place de

Cette formule est encore susceptible de quelques réductions, à cause

de la petitesse des quantités mais nous avons cru devoir donner d’abord la valeur complète, pour qu’on puisse ensuite mieux voir quels sont les termes qu’on y peut négliger.

50. Il reste à examiner l’autre partie de la fonction laquelle doit provenir de l’action du Soleil sur la Lune. Or, en désignant par la distance rectiligne du Soleil à chaque particule de la Lune, l’action directe du premier de ces deux astres sur toute la masse de l’autre donne dans la fonction la quantité et pour avoir la valeur de il suffit de se rappeler que sont les coordonnées rectangles de chaque particule de la Lune par rapport aux axes fixes passant par le centre de la Terre ; de sorte que, si l’on nomme et les deux coordonnées du lieu du Soleil dans l’écliptique par rapport aux mêmes axes, on aura évidemment

Soit la distance du Soleil à la Terre, c’est-à-dire le rayon vecteur de son orbite, et la longitude de la Terre vue du Soleil, en sorte que soit la longitude vraie du Soleil, on aura

et ces valeurs étant substituées dans l’expression précédente de ainsi que celles de trouvées dans le no 46, on aura

d’où l’on déduira la valeur de et ensuite celle de par des opérations semblables à celles, des numéros précédents ; mais il y a ici une remarque importante à faire.

51. Nous avons supposé jusqu’ici la Terre en repos pour n’avoir à considérer que les différents mouvements de la Lune par rapport à la Terre, lesquels sont les seuls qu’il nous importe de connaître ; cette supposition est permise, mais elle demande qu’on retranche de la force directe du Soleil sur la Lune la partie employée à lui donner le mouvement qui lui est commun avec la Terre, et par lequel ces deux corps circulent autour du Soleil or cette force est évidemment égale à l’attraction du Soleil sur la Terre ; par conséquent il faudra joindre à la force provenant de l’action directe du Soleil sur chaque particule de la Lune, une force égale et directement contraire à celle du Soleil sur la Terre. Or il est visible que la force deviendra celle dont il s’agit, en y faisant négatif, et en supposant que dans l’expression de les quantités s’évanouissent vis-à-vis de et ou, ce qui revient au même, en y regardant le rayon de l’orbite du Soleil comme infiniment grand. Donc, puisque la force donne dans la fonction le terme la nouvelle force dont il s’agit y donnera un autre terme égal à en dénotant par ce que devient la fonction lorsqu’on y regarde comme infiniment grand. Mais dans cette hypothèse on a, en réduisant la valeur de en série,

(il est nécessaire de tenir compte du second terme, parce que le premier disparaît dans les différentiations de ) ; multipliant donc cette quantité par et intégrant par rapport à la caractéristique on aura, en remarquant (48) que

Et la valeur exacte de la fonction en tant qu’elle est due à l’action du Soleil sur la Lune, sera exprimée par

52. Avant d’aller plus loin, il est bon de déterminer le rapport entre les deux constantes et qui expriment les forces absolues de la Terre et du Soleil à la distance égale à et qui sont par conséquent proportionnelles aux masses de ces deux corps. Or ces masses sont à très-peu près, par les Théorèmes connus, en raison directe des cubes des distances moyennes de la Lune et du Soleil, et en raison inverse des carrés des temps périodiques de ces deux astres, ou bien en raison directe des carrés de leurs mouvements moyens. Donc ayant supposé la distance moyenne de la Lune à la Terre égale à si l’on nomme celle du Soleil, et qu’on désigne par le rapport du mouvement moyen du Soleil à celui de la Lune, on aura

et par conséquent

Ainsi la partie de la fonction qui dépend de l’action du Soleil sera représentée par la formule

53. Il ne s’agit plus que de développer la quantité mais j’observe d’abord que les termes provenant des quantités qui dépendent de la figure de la Lune se trouveront divisés par en désignant par la valeur de lorsqu’on y suppose ces quantités nulles, c’est-à-dire la distance rectiligne du centre de la Lune à celui du Soleil ; donc ces termes seront multipliés par et seront par conséquent aux termes semblables provenant de l’action de la Terre sur la Lune dans le rapport de à mais est à peu près égal à (47) et est aussi à peu près égal à à cause du peu d’excentricité de l’orbite du Soleil et de la grandeur de la distance du Soleil vis-à-vis de celle de la Lune ; d’où il s’ensuit que le rapport dont il s’agit sera n très-peu près égal à celui de à Or on a par les Tables, en prenant les mouvements moyens qui répondent à une année commune,

donc

donc le rapport cherché sera à très-peu près de à

Je conclus de là qu’on peut négliger en toute sûreté les inégalités de l’action du Soleil sur la Lune dues à la non-sphéricité de cette Planète vis-à-vis de celles de l’action de la Terre sur la Lune dues à la même cause. Par conséquent on pourra substituer partout à la place de ce qui donnera

étant la valeur de lorsque, sont nulles, c’est-à-dire

54. Rassemblant ce que nous venons de trouver depuis le no 45, on aura la valeur complète de la fonction laquelle sera composée de deux parties, l’une indépendante de la figure de la Lune, et qui se trouvera toute multipliée par la masse de cette Planète, l’autre due entièrement à la non-sphéricité de la Lune, et dont chaque terme sera multiplié par une des six constantes qui dépendent uniquement de la figure de la Lune (21).

La première partie sera

et, à cause de

la seconde partie sera

55. Ayant donc par ces formules les valeurs de et de ainsi que celles de et de par les formules des nos 36 et 43, on aura les valeurs complètes de et de en fonctions des six variables dont les trois premières déterminent le mouvement du centre de la Lune autour de la Terre, et dont les trois dernières déterminent le mouvement de cette Planète autour de son centre de gravité et l’on aura par rapport à chacune de ces variables une équation de la forme

en faisant varier séparément dans les fonctions et les quantités et marquant ces variations par la caractéristique

56. Comme et sont des fonctions de sans , et que est une fonction de sans il est clair que les trois équations dues aux variations de et de leurs différentielles seront de la forme

et que les trois autres provenant des variations de et de leurs ditférentielles seront de la forme

Les trois premières serviront donc à déterminer c’est-à-dire le mouvement de la Lune autour de la Terre, et les trois dernières serviront à déterminer et par conséquent à connaître la rotation de cette Planète.

57. Puisque

par le no 36, on aura par la différentiation

ensuite ayant

et

on trouvera par la différentiation

58. Substituant ces valeurs dans les trois premières des équations du no 56 et divisant par on aura

Ce sont les équations qui doivent servir à déterminer l’orbite de la Lune, et elles s’accordent avec celles de M. Euler, dans sa Nouvelle Théorie de la Lune, aux quantités près, lesquelles résultent de la non-sphéricité de cette Planète (54) et que M. Euler a négligées.

59. Pour faire usage de ces équations, on commencera par réduire en série les quantités irrationnelles et ainsi que leurs puissances, ce qui n’a aucune difficulté à cause de la petitesse des quantités et vis-à-vis de l’unité ; ensuite on intégrera par les méthodes connues ; l’Ouvrage cité de M. Euler ne laisse rien à désirer sur cet objet, du moins en tant qu’on fait abstraction de la figure de la Lune ; ainsi nous pourrons prendre les valeurs de trouvées dans cet Ouvrage, pour celles qui satisfont aux trois équations précédentes dans le cas où l’on néglige les quantités extrêmement petites et il ne restera qu’à chercher l’effet de ces quantités.

Voici ces valeurs, dans lesquelles je n’ai conservé que les termes dont les coefficients sont au-dessus de et où j’ai nommé les arguments que M. Euler désigne par c’est-à-dire l’anomalie moyenne de la Lune, l’argument moyen de sa latitude, la distance moyenne de la Lune au Soleil, et l’anomalie moyenne du Soleil,

Les angles croissent proportionnellement au temps, en sorte que sont des quantités constantes, et égales aux rapports des mouvements moyens de l’anomalie de la Lune, de son argument de latitude, de sa distance au Soleil, et de l’anomalie du Soleil, au mouvement moyen de la longitude de la Lune, à cause que nous exprimons le temps par ce dernier mouvement (34) ; ainsi l’on aura par les Tables de Mayer, en prenant les mouvements moyens qui répondent à une année Julienne,

60. Avant de quitter ces équations, il est bon de déterminer par leur moyen la constante qui exprime l’attraction absolue de la Terre, et qui multiplie aussi tous les termes de la quantité

Pour cela il suffit de considérer la première équation, laquelle devant avoir lieu dans l’hypothèse que soient des quantités assez petites, il faudra aussi qu’elle ait lieu, à très-peu près, en supposant ces quantités nulles ; or dans ce cas, si l’on néglige les termes venant du Soleil et affectés du coefficient très-petit ainsi que ceux qui proviendraient de la non-sphéricité de la Lune, le premier membre de l’équation dont il s’agit se réduira à à cause que devient égal à par conséquent on aura à très-peu près

Si l’on veut aussi avoir égard aux termes dus au Soleil, on considérera qu’à cause de très-grand, on a à peu près

substituant cette valeur, mettant pour sa valeur moyenne et ne retenant que les termes tout constants, le premier membre de la même équation se réduira à

savoir

ce qui étant égalé à zéro donnera

quantité très-peu différente de l’unité, à cause de environ (53).

61. À l’égard des constantes on ne saurait les déterminer sans connaître la figure et la constitution intérieure de la Lune.

En général, puisque (21)

il est visible que les trois constantes ne sont autre chose que les moments d’inertie de la masse de la Lune autour des axes des coordonnées c’est-à-dire autour de son axe de rotation, du diamètre de son équateur, perpendiculaire au premier méridien, et du diamètre de l’équateur qui est dans ce méridien ; et que les trois autres constantes sont proportionnelles aux sommes des moments des forces centrifuges par rapport à ces mêmes axes, en sorte qu’en supposant ces dernières constantes nulles on a les conditions nécessaires pour que les trois axes dont il s’agit soient des axes naturels de rotation. Cela est assez connu par la Théorie des axes de rotation, pour que nous soyons dispensé d’entrer là-dessus dans aucun détail.

Si la Lune était homogène et sphérique, il est clair qu’on aurait

et la même chose aura lieu aussi en supposant la Lune composée de couches sphériques de différentes densités ; ce n’est donc qu’autant que la figure de la Lune et celle de ses couches s’écartent de la sphérique, que les constantes peuvent être inégales, et les constantes différentes de zéro.

Soient la distance d’une particule quelconque au centre de la Lune, l’angle du rayon avec le plan des et l’angle de la projection de sur ce plan avec l’axe des on aura

de plus on aura

pour le volume de la particule de sorte qu’en nommant la densité de cette particule on aura

ainsi l’on aura

Il y a ici trois intégrations consécutives à exécuter, la première par rapport à et l’on prendra cette intégrale depuis jusqu’à (en nommant la valeur de à la surface de la Lune) ; ayant ensuite substitué pour sa valeur en et donnée par la figure de la Lune, on exécutera les deux autres intégrations, l’une par rapport à depuis jusqu’à l’autre par rapport à depuis jusqu’à et comme ces intégrations sont indépendantes, il sera libre de commencer par celle qu’on voudra.

La densité doit être donnée en fonction de et et si elle est constante, ou du moins constante dans chaque rayon, en sorte que ne contienne point il est clair qu’on pourra exécuter d’abord, en général, la première intégration, et il viendra

62. La supposition la plus simple et la plus naturelle qu’on punisse faire à l’égard de la figure de la Lune est de la regarder comme un sphéroïde elliptique homogène, dont les méridiens et l’équateur soient des ellipses telles, que l’un des axes de l’équateur passe har le premier méridien, en sorte qu’il en résulte une figure elliptique élevée sous l’équateur et allongée vers la Terre, cette figure étant en effet celle que la Lune aurait dû prendre naturellement en vertu de sa rotation et de l’action de la Terre, si cette Planète avait été primitivement fluide.

Qu’on désigne par les coordonnées pour la surface de la Lune, et qu’on nomme les trois demi-axes de l’ellipsoïde, lesquels sont en même temps les axes des coordonnées en sorte que soit le demi-axe proprement dit de la Lune, le demi-axe de l’équateur qui passe par le premier méridien, et l’autre demi-axe de l’équateur ; on aura pour l’équation d’un pareil sphéroïde, entre les coordonnées celle-ci

Or, si est la valeur de à la surface, on aura pour les mêmes expressions que pour en y changeant seulement en donc, substituant ces valeurs dans l’équation précédente, on en tirera

Telle est la valeur de qu’il faudrait substituer dans les formules précédentes, pour pouvoir procéder ensuite aux intégrations relatives à et mais les intégrations générales étant sujettes à trop de difficultés, nous nous contenterons d’examiner le cas où le sphéroïde est à très-peu près sphérique, en sorte que les différences entre les trois demi-axes soient très-petites ; ce qui paraît être le cas de la Lune.

63. Nous ferons donc

et étant deux constantes très-petites, qui expriment les ellipticités du premier méridien de la Lune et de celui qui le coupe à angles droits, et dont nous négligerons les produits et les puissances qui passent la première dimension.

Substituant donc ces valeurs dans l’expression précédente de on aura à très-peu près

donc

et faisant ces dernières substitutions dans les expressions des quantités on trouvera après les intégrations, qui n’ont aucune diffi-

culté en supposant la densité constante,

donc

étant la masse entière de la Lune, et son demi-axe.

À l’égard des constantes on les trouvera égales à zéro ; en sorte que les trois axes du sphéroïde seront des axes naturels de rotation.

64. Voyons maintenant quelles sont les forces qui pourraient donner à la Lune supposée fluide une figure telle que celle que nous venons d’examiner. Dénotons par les forces qui agissent sur chaque particule suivant les trois coordonnées de cette particule ; on sait, par la Théorie de l’équilibre des fluides, que l’équilibre aura lieu dans toute la masse du fluide, si les quantités, sont des fonctions de telles que

soit une quantité intégrable ; et alors l’intégrale de cette quantité, égalée a une constante, sera l’équation de la surface extérieure, en supposant que deviennent que nous prenons pour les coordonnées de la surface. Donc, si sont ce que deviennent les fonctions

lorsque y deviennent on aura

pour l’équation différentielle de la surface du fluide. Mais nous supposons que cette surface est représentée (62) par l’équation

dont la différentielle est

donc il faudra que cette équation soit identique avec la précédente, et par conséquent que les quantités soient respectivement proportionnelles à donc, en général, les forces devront être proportionnelles respectivement à Donc, faisant successivement on aura les forces qui doivent agir aux extrémités des trois axes de l’ellipsoïde, lesquelles devront par conséquent être proportionnelles à c’est-à-dire en raison réciproque de ces demi-axes ; donc aussi les trois demi-axes de l’ellipsoïde devront être réciproquement proportionnels aux forces qui agissent à leurs extrémités.

65. Pour appliquer cette Théorie à la Lune, il ne s’agit que de déterminer les forces qui peuvent agir sur chacune des particules de sa masse ; or ces forces sont : 1o l’attraction de toute la masse de la Lune ; 2o l’attraction de la Terre ; 3o la force centrifuge provenant du mouvement de la Lune.

Quant à la première de ces forces, en supposant la densité égale à et la force attractive de chaque particule égale à sa masse divisée par le carré de la distance, on trouve, par les formules que j’ai données dans mon Mémoire sur l’attraction des sphéroïdes elliptiques, année 1773[2], que l’attraction d’un sphéroïde représenté par l’équation

sur un point quelconque pris dans l’intérieur de ce sphéroïde et déterminé par les coordonnées parallèles à se réduit à trois forces dirigées suivant et exprimées par les quantités étant des fonctions de et telles qu’en faisant

on ait

Or l’équation du sphéroïde du numéro précédent étant

(en changeant en ), on aura par la comparaison de cette équation avec la précédente

et, mettant pour leurs valeurs (63), et étantdes quantités très-petites, on aura

donc

donc, puisque est une quantité fort petite, on aura

et de là

donc

donc

Donc enfin les forces suivant seront représentées par les formules

et si l’on voulait que la densité du sphéroïde fût exprimée, en général, par il n’y aurait qu’à multiplier ces mêmes expressions par Or on a trouvé plus haut (63) que la masse d’un pareil sphéroïde est exprimée par

donc, multipliant les valeurs précédentes par

on aura, en général, pour les forces qui agissent suivant sur un point quelconque pris dans l’intérieur de la Lune et déterminé par les coordonnées ces expressions

étant la masse totale de la Lune et son demi-axe.

66. Pour déterminer les autres forces venant de l’attraction de la Terre et des forces centrifuges de la Lune, nous ferons abstraction des inclinaisons de l’orbite de cette Planète et de son équateur sur l’écliptique, ainsi que des inégalités de ses mouvements périodiques et de rotation moyennant quoi l’axe des coordonnées c’est-à-dire le demi-axe de l’équateur étant prolongé passera toujours par la Terre ; en sorte que chaque point de la Lune répondant aux coordonnées décrira autour de l’axe de l’écliptique un cercle dont le rayon sera et avec une vitesse angulaire égale à puisque nous avons pris la distance moyenne du centre de la Lune à la Terre pour l’unité, et l’angle du mouvement moyen de la Lune pour représenter le temps. Donc cette particule aura une force centrifuge pour s’éloigner de l’axe dont il s’agit, égale à laquelle donnera dans la direction de la ligne la force et dans la direction de la ligne la force Ensuite nommant la masse de la Terre, et exprimant l’attraction de la Terre par sa masse divisée par le carré de la distance, on aura

pour la force avec laquelle la même particule tend vers le centre de la Terre, et qui donnera par la décomposition une force suivant égale à

une force suivant égale à

et une force suivant égale à

Donc chaque particule de la Lune répondant aux coordonnées se trouvera soumise à trois forces, l’une suivant et égale à

l’autre suivant et égale à

la troisième suivant et égale à

Or il faut que ces forces se contre-balancént, et soient par conséquent nulles dans le centre de la Lune, où donc on aura savoir en sorte que la masse de la Terre devra être prise pour l’unité par rapport à la masse de la Lune. Faisant donc et regardant comme des quantités très-petites, les trois forces précédentes deviendront suivant suivant et suivant .

67. Joignant ces forces à celles que nous avons trouvées plus haut, on aura, pour chaque particule de la Lune dont sont les coordonnées, trois forces dirigées suivant et exprimées par ces formules

lesquelles ont, comme on voit, la forme requise pour l’équilibre d’un sphéroïde elliptique. Il ne s’agira donc que de faire en sorte que ces forces soient proportionnelles à (64), ou bien, à cause de

proportionnelles à

ce qui donnera ces deux équations

lesquelles se réduisent à

d’où l’on tire

Mais étant le demi-axe de la Lune exprimé en parties de sa distance moyenne de la Terre, et la masse de la Lune exprimée en parties de celle de la Terre, il est clair que sera un nombre très-grand, et qu’ainsi l’on aura sans erreur sensible

68. La valeur de est assei bien connue, étant égale au sinus du demi-diamètre apparent et moyen de la Lune, lequel est de donc substituant pour la valeur de on aura

69. À l’égard de la valeur de il n’y a encore rien de bien décidé ; on n’a pu la déduire jusqu’ici que du rapport entre les forces de la Lune et du Soleil pour produire les marées ou la précession des équinoxes. Ces forces sont proportionnelles aux masses de la Lune et du Soleil divisées respectivement par les cubes de leurs distances à la Terre ; par conséquent le rapport dont il s’agit sera composé de la raison des masses de la Lune et de la Terre, et de la raison des masses de la Terre et du Soleil divisées respectivement par les cubes des distances de la Terre à la Lune et du Soleil à la Terre ; mais cette dernière raison est égale à celle des carrés des vitesses angulaires moyennes de la Lune et du Soleil autour de la Terre ; donc si l’on exprime par le rapport de ces vitesses ou des mouvements moyens de ces deux Planètes, on aura pour le rapport des forces en question de la Lune et du Soleil, lequel, à cause de à très-peu près, devient égal à

Or Newton a trouvé, par quelques phénomènes de la hauteur des marées, ce rapport égal à ce qui donne à très-peu près ; mais M. Daniel Bernoulli a trouvé, par quelques observations des marées qu’il croit plus exactes que celles de Newton, le même rapport égal à ce qui donne à peu près. M. d’Alembert, d’aprèsles formules de la précession des équinoxes et de la nutation de l’axe de la Terre, fixe ce rapport à en supposant la nutation totale de ce qui donne à peu près ; mais il observe en même temps que la valeur de ce rapport peut varier beaucoup en supposant une erreur de quelques secondes dans la quantité de la nutation. (Voyez la deuxième Partie des Recherches sur le Système du monde ; page 182.)

Au reste comme le rapport du diamètre de la Lune à celui de la Terre est égal à en nommant celui de leurs densités, on aura, en regurdant ces deux corps comme sphériques, ou à très-peu près sphériques,

en sorte qu’en supposant les densités égales et par conséquent on aura à très-peu près valeur qui tient le milieu entre celles de Newton et de M. d’Alembert. Et en adoptant cette valeur de on aura

70. En général quelles que soient la figure de la Lune et la loi de sa densité, comme on a, par les formules du no 61,

il est visible que si est la plus grande valeur de c’est-à-dire le plus grand rayon de la Lune, on aura nécessairement pour les valeurs de ces limites et et pour les valeurs de celles-ci Or le demi-axe de la Lune est connu par les observations, étant égal à (en prenant la distance moyenne de la Lune à la Terre pour l’unité, ainsi que nous en usons toujours) ; donc

Si la Lune était sphérique, on aurait or le disque apparent de la Lune étant à très-peu près circulaire, il est clair qu’on ne peut supposer qu’en admettant un allongement dans le diamètre qui est dirigé vers la Terre, et il serait hors de toute vraisemblance que l’on eût Ainsi on est comme certain que

d’où il s’ensuit que les valeurs de seront nécessairement moindres que et celles de moindres que

Donc, puisque ces quantités multiplient tous les termes des fonctions qui expriment l’effet de la non-sphéricité de la Lune dans les équations du mouvement de cette Planète (58), on voit combien ces termes doivent être petits, et combien par conséquent on est en droit de les négliger vis-à-vis des autres termes des équations de l’orbite de la Lune, ainsi qu’on en a usé jusqu’à présent. Il y a cependant quelques-uns de ces termes auxquels il est à propos d’avoir égard, à cause de leur forme d’où pourraient résulter des équations séculaires ; c’est ce que nous discuterons à part, après avoir analysé dans la Section suivante les équations qui donnent les lois de la rotation de la Lune autour de son axe.


section quatrième.
détermination de la libation de la lune et des mouvements de l’axe
de cette planète.

71. Cette détermination est renfermée dans les trois équations suivanles (56)

dans lesquelles il faut substituer à la place de et de leurs valcurs données dans les nos 43 et 54.

En différentiant successivement la valeur de par rapport aux on aura

En différentiant de même la valeur de par rapport à on aura

72. Faisant ces substitutions dans les trois équations dont il s’agit, et mettant pour sa valeur approchée (60), on aura les trois équations suivantes, dans lesquelles

Première équation.
Deuxième équation.
Troisième équation.

73. Il ne s’agit donc plus que d’intégrer ces équations ; or cette intégration n’a aucune difficulté : car 1o les variables inconnues ne paraissent que sous la forme linéaire ; 2o les quantités sont déjà connues en par les formules du mouvement de la Lune (59) ; 3o comme les quantités doivent être très-petites, et que les quantités sont aussi assez petites, on pourra dans la première approximation rejeter tous les termes où les trois premières se trouveraient multipliées par les trois dernières ; 4o enfin on pourra mettre partout, à la place de sa valeur approchée

en négligeant toujours les termes où formeraient ensemble des produits de plus de deux dimensions.

De cette manière on aura ces trois équations approchées

74. On peut encore simplifier ces équations par les considérations suivantes. On voit que leurs premiers membres renferment les termes tout constants il faut donc que ces termes soient nuls, ou à peu près nuls, pour que les variables puissent être très-petites. Or on a vu dans le no 61 que les équations renferment les conditions nécessaires pour que l’axe de rotation de la Lune, et les deux diamètres de son équateur qui sont, l’un dans le premier méridien, et l’autre perpendiculaire à ce méridien, soient des axes naturels de rotation ainsi, sans connaître la figure et la constitution intérieure de la Lune, on est d’abord assuré que son axe de rotation, et les deux diamètres de son équateur dont nous venons de parler, sont, ou exactement, ou à très-peu près, des axes naturels de rotation de cette Planète, c’est-à-dire tels, qu’elle pourrait tourner librement et uniformément autour de chacun d’eux. Mais on sait que dans tout corps il y a toujours trois axes de rotation possibles, qui sont perpendiculaires entre eux, et qu’on nomme les axes principaux du corps ; donc il faudra que l’axe de la Lune et les deux diamètres de son équateur coïncident exactement, ou à très-peu près, avec les axes principaux de cette Planète ; dans le premier cas les constantes seront nulles, et dans le second elles seront seulement très-petites. Or il est naturel de supposer le premier cas : 1o parce qu’en faisant les trois équations du numéro précédent se simplifient beaucoup, en sorte que le mouvement de rotation de la Lune autour de son axe, et le mouvement de cet axe par rapport a l’écliptique, deviennent les plus simples, et en même temps les plus indépendants entre eux qu’il est possible ; circonstance qu’on suppose tacitement avoir lieu, lorsqu’on cherche à déterminer ces mouvements d’après les observations ; 2o parce qu’en supposant que la Lune ait la figure qu’elle aurait prise étant fluide, en vertu des lois de l’Hydrostatique, les constantes sont nulles, comme nous l’avons vu plus haut (63).

Par ces raisons donc, nous ferons dans les trois équations du numéro précédent ce qui les réduira à ces trois-ci

dont la première donnera immédiatement la valeur de et dont les deux autres donneront celles de et les valeurs de étant déjà connues par les formules du no 59.

De la libration de la Lune.

75. Il ne sera question ici que de la libration physique et réelle de la Lune, c’est-à-dire de celle qui vient des inégalités réelles de la rotation de cette Planète autour de son axe ; la libration connue des Astronomes est purement optique, et n’a par elle-même aucune difficulté, n’étant produite que par le mouvement non uniforme de la Lune autour de la Terre, et par l’inclinaison de l’orbite de la Lune à l’égard de son équateur ; cette libration aurait également lieu quand la Lune serait absolument sphérique, et quand son mouvement de rotation serait uniforme ; mais la libration physique dépend de l’action de la Terre sur la Lune supposée non sphérique ; elle est représentée par l’angle très-petit lequel exprime de combien le premier méridien de la Lune est plus ou moins avancé dans sa révolution, qu’il ne devrait l’être s’il répondait toujours au lieu moyen de la Terre vue de la Lune (39).

Pour déterminer cet angle il faut donc intégrer l’équation

laquelle, en faisant d’abord abstraction des termes sans donnera

étant une constante indéterminée et un angle qui augmente uniformément, en sorte que soit une quantité constante.

En effet, substituant pour cette expression dans l’équation

on aura (après avoir divisé par ) celle-ci

d’où l’on tire

et la constante demeurera arbitraire.

Qu’on substitue maintenant dans les termes tout connus de l’équation proposée les valeurs de et du no 59, on aura pour une suite de termes de cette forme

dans lesquels sont des coefficients numériques, et des angles qui croissent uniformément, en sorte que sont des nombres donnés. Or soient

les termes correspondants dans la valeur de on aura par la substitution et la comparaison des termes analogues ces équations

d’où l’on tire

Ainsi la valeur complète de sera, par la Théorie connue des équations linéaires,

les deux constantes arbitraires étant l’une et l’autre renfermée dans l’angle

76. Telle est l’expression générale de la libration réelle et physique de la Lune ; si cette libration pouvait être sensible, elle devrait altérer également toutes les longitudes sélénographiques des taches de la Lune, déterminées par la méthode de Mayer, dont nous avons parlé plus, haut (39) ; mais en examinant la Table que cet Astronome donne à la fin de son Traité sur la rotation de la Lune, et qui renferme les longitudes et les latitudes sélénographiques des taches ou points lumineux nommés Ma- nilius, Dionysius et Censorinus, déduites de plusieurs observations faites pendant toute l’année 1748, on voit que les différentes déterminations des longitudes de ces taches s’accordent assez entre elles, pour qu’on doive rejeter sur les erreurs des observations les différences qui s’y trouvent, et qui sont presque toutes au-dessous d’un demi-degré ; d’ailleurs comme ces différences ne sont pas les mêmes pour les trois taches, et qu’il se trouve des différences presque aussi grandes entre les différentes déterminations des latitudes, il s’ensuit qu’on ne peut attribuer les différences dont il s’agit à la libration réelle de la Lune ; et l’on en doit plutôt conclure que cette libration est nécessairement très-petite.

Ainsi donc il faudra : 1o que les coefficients soient très-petits ; 2o que les angles soient tous réels, et cette seconde condition est la plus essentielle ; car autrement l’expression de contiendrait l’angle même lequel croît à l’infini. Or les angles sont réels par leur nature, mais l’angle n’est réel qu’autant que la valeur de savoir est réelle. Donc il faudra que soit une quantité positive.

À l’égard des coefficients comme le premier est arbitraire, on pourra lui supposer une valeur aussi petite qu’on voudra ; mais pour les autres il faudra, pour les rendre très-petits, supposer une valeur fort petite à la quantité

77. En effet, en examinant l’expression de du no 59, on voit que le terme

( étant l’anomalie moyenne de la Lune) est beaucoup plus considérable que les autres ; de sorte qu’on pourra sans erreur sensible réduire à ce seul terme la valeur de que nous avons représentée ci-dessus (75) par la série

ainsi on aura

ou plus exactement (en ayant égard au terme tout constant de la valeur de )

D’ailleurs on a, par le même no 59,

Donc on aura (75)

Or, pour que le terme de la valeur de soit beaucoup plus petit que le terme de la valeur de lequel renfermant la principale partie de l’équation du centre de la Lune produit un effet très-sensible, dans la libation optique en longitude, il est visible qu’il faut que soit une fraction assez petite ; en sorte qu’on aura à très-peu près

Et si l’on veut que la valeur de soit au-dessous d’un demi-degré, ce qui paraît devoir être d’après les observations (76), il faudra qu’on ait

et par conséquent

78. Il faut pourtant remarquer que, quoique le terme soit le plus considérable de tous ceux qui peuvent entrer dans la valeur de cependant si cette valeur contenait un terme de la forme dans lequel l’argument serait tel, que fût un nombre fort petit, alors quand même serait un coefficient fort petit, il en pourrait résulter dans l’expression de un terme tel que dans lequel serait assez grand, à cause que, étant égal à

le dénominateur de deviendrait très-petit. Or l’expression de contient le terme

( étant l’anomalie moyenne du Soleil), dans lequel

de plus la quantité contiendra un terme proportionnel à dans lequel

et dont le coefficient sera moindre que celui de \sin\varepsilon dansy. On trouverait peut-être encore d’autres termes de cette espèce, mais il paraît que le terme proportionnel à \sin\varepsilon est celui qui peut donner la plus grande valeur de 11 ; ainsi il suffira d’examiner l’effet de ce terme.

Faisant donc

on aura

Cette expression de devient

environ,

lorsque est une quantité infinie ; ensuite la valeur de augmente à mesure que diminue, jusqu’à devenir infinie lorsque

elle passe après cela à l’infini négatif, et va en diminuant (étant toujours négative) jusqu’à devenir nulle lorsque

Si maintenant on suppose

on trouve

et si l’on fait

on trouve

ainsi, pour que la valeur du coefficients tombe entre ces limites il faudra que celle de soit ou

79. Mais nous avons vu ci-dessus que pour que le terme proportionnel à soit au-dessous de il faut que soit donc, pour que le terme proportionnel à soit en même temps moindre que il faudra que la valeur de soit renfermée entre ces deux limites et ou entre ces deux-ci et à cause que cette valeur doit être nécessairement positive.

On peut conclure de tout ceci que la valeur de doit être effectivement une fraction assez petite, afin que la partie de la libration réelle, due aux inégalités du mouvement de la Lune autour de la Terre, soit peu considérable, ainsi que les observations paraissent le démontrer. Au reste, quand même cette partie de la libration aurait une valeur sensible, elle ne pourra jamais être bien reconnue ni déterminée par les observations, parce qu’elle se trouvera toujours comme fondue dans la libration optique de la Lune, qui est égale à l’équation du centre de cette Planète.

80. À l’égard du premier terme de l’expression de (75), puisque

et par conséquent fort petite, l’argument sera fort lent ; et par cette raison ce terme pourrait être considérable sans qu’il pût être sensible, dans des observations faites dans un court espace de temps dans lequel l’angle varierait très-peu, parce qu’alors toute l’influence de ce terme dans les longitudes sélénographiques des taches de la Lune se réduirait à avancer ou à reculer, d’une quantité à peu près constante, la position du premier méridien lunaire. Ainsi ce n’est que par des observations faites à des intervalles assez grands pour que les variations de l’angle soient sensibles, qu’on pourra connaître et déterminer l’équation de la libration réelle de la Lune.

Au reste il est clair que cette équation doit produire dans la Lune une libration analogue aux balancements d’un pendule, qui ferait de petites oscillations isochrones dont l’étendue serait et dont la durée serait

savoir de mois périodiques, puisque nous représentons le temps par l’angle du mouvement moyen de la Lune.

81. En regardant la Lune comme un sphéroïde homogène et elliptique peu différent d’une sphère, suivant l’hypothèse du no 63, on aura

puisque nous négligeons les puissances et les produits de et donc il faudra que et par conséquent mais est l’ellipticité du premier méridien de la Lune, et l’ellipticité du méridien qui le coupe à angles droits, l’axe de rotation de la Lune étant le petit axe commun

de tous les méridiens ; ainsi la Lune aura, dans cette hypothèse, une figure allongée dans le sens du diamètre de l’équateur qui répond au premier méridien, et qui est dirigé vers la Terre ; de sorte que ce diamètre sera le grand axe de l’ellipse qui forme l’équateur lunaire, et sera l’ellipticité de cette ellipse.

La durée des balancements de la Lune provenant du terme sera donc, dans l’hypothèse présente, de mois périodiques, et ne dépendra par conséquent que de la seule ellipticité de son équateur.

Si l’on veut que la Lune ait été originairement fluide, et qu’elle ait conservé en se durcissant la figure qu’elle aurait dû prendre par les lois de l’Hydrostatique, on aura, d’après ce que nous avons trouvé dans le no 68,

et faisant (69) on aura

quantité, comme on voit, renfermée entre les limites et du no 79. Dans ce cas la durée des balancements de la Lune sera de mois périodiques ; mais ces déterminations sont trop hypothétiques pour qu’on doive s’y arrêter.

En général, quelles que puissent être la figure et la constitution intérieure de la Lune, on pourra toujours supposer

cette quantité étant très-petite et positive, et les lois de sa libration réelle seront les mêmes que si cette Planète était homogène et ellipsoïdique, étant l’ellipticité de son équateur.

82. Au reste le terme de la libratiou réelle de la Lune est nécessaire dans la Théorie pour expliquer comment la Lune peut nous présenter toujours à peu près la même face, sans qu’on soit obligé de supposer que la vitesse de rotation primitive, imprimée à cette Planète, a été exactement égale à sa vitesse moyenne de translation autour de la Terre.

En effet, en faisant abstraction de l’inclinaison de l’équateur lunaire sur l’écliptique, laquelle est très-petite, il est visible que la rotation totale et réelle de la Lune autour de son axe doit être représentée par la somme des deux angles et dont l’un représente la révolution de la Lune autour de son axe par rapport au point équinoxial ou au nœud de son équateur, et dont l’autre représente le mouvement en longitude de ce nœud. Or, par la Théorie de Cassini et de Mayer, on a simplement (39)

de sorte que dans cette Théorie on vitesse de la rotation de la Lune vitesse moyenne de la Lune autour de la Terre. Mais, en ayant égard à la quantité on a par notre Théorie

et par conséquent

de sorte qu’à cause de la constante arbitraire la valeur primitive de la vitesse de rotation peut être supposée quelconque, pourvu qu’elle soit peu différente de l’unité ou de la vitesse moyenne de la Lune autour de la Terre, à cause que la constante doit être très-petite, et qu’elle se trouve de plus ici multipliée par la quantité très-petite

J’ai donné le premier cette explication de la libration de la Lune dans la Pièce qui a remporté en 1764 le prix de l’Académie des Sciences de Paris sur ce sujet ; et elle a été adoptée par ceux qui ont depuis traité la même matière.

Du mouvement des points équinoxiaux de la Lune, et de l’inclinaison
de l’équateur lunaire sur l’écliptique.

83. La détermination de ces deux points de la Théorie de la Lune dépend de l’intégration des deux dernières équations du no 74, savoir

Commençons par faire abstraction des termes tout connus qui contiennent les variables et ne considérons d’abord que les deux équations

il est visible par la forme de ces équations qu’on y peut satisfaire en supposant

et étant des constantes indéterminées, et un angle tel, que soit aussi une quantité constante.

Faisant ces substitutions, et divisant la première équation par la seconde par on aura ces deux-ci

La seconde donne

cette valeur étant substituée dans la première, la quantité s’en ira par la division, et l’on aura cette équation

laquelle servira à déterminer la constante l’autre constante demeurant indéterminée et par conséquent arbitraire.

Si l’on fait pour plus de simplicité

on aura, en ordonnant les termes, cette équation du second degré

laquelle aura par conséquent deux racines que nous dénoterons par et

De là et de la Théorie connue des équations linéaires, il s’ensuit que si l’on prend deux angles et tels que

avec deux constantes arbitraires et on aura

en supposant

et il est visible que ces valeurs de et sont complètes, puisqu’elles renferment quatre constantes arbitraires, dont deux sont et et dont les deux autres sont renfermées dans les angles et

84. Il ne s’agit plus maintenant que d’avoir égard aux termes tout connus des équations proposées, savoir aux termes

de la première équation, et

de la seconde. Pour cela nous observerons qu’en substituant pour leurs valeurs données plus haut (59), la quantité se réduit à une suite de termes de la forme

et que la quantité se réduit de même une suite de termes de la forme

étant des coefficients donnés, et des angles tels que sont aussi des quantités données ; cela est évident à cause que la valeur de est exprimée par une suite de cosinus, et celles de et par des suites de sinus de pareils angles.

Soient maintenant

les termes qui en résultent dans l’expression de et

les termes qui en résultent dans l’expression de il n’y aura qu’à faire ces substitutions dans les deux équations proposées (numéro précédent) et égaler séparément à zéro les parties affectées de dans la première équation et de dans la seconde. On aura par

rapport à l’angle ces deux équations d’où l’on tire

d’où l’on tire

On aura de semblables équations par rapport à l’angle lesquelles donneront pour et des valeurs pareilles à celles de et en y changeant seulement en et en et ainsi de suite.

85. Joignant donc ces différents termes à ceux qu’on a trouvés dans le numéro précédent, on aura les valeurs suivantes de et savoir

lesquelles résolvent les équations proposées dans toute leur étendue, et renferment par conséquent les véritables lois du mouvement des points équinoxiaux de la Lune et de l’inclinaison de son équateur.

En effet, puisque (38)

on aura

étant l’inclinaison de l’équateur lunaire sur l’écliptique, et la distance du premier méridien de la Lune au nœud ascendant de l’équateur, c’est-à-dire au point équinoxial d’automne par rapport à la Lune. Or on a, par le même numéro,

donc

mais est la longitude du nœud ascendant de l’équateur lunaire ; donc sera celle de son nœud descendant, ou bien de l’équinoxe du printemps de la Lune. Donc la longitude de cet équinoxe, ou bien sa distance à l’équinoxe de la Terre, sera exprimée par

l’angle étant celui de la libration réelle de la Lune (75).

86. On voit par les expressions précédentes de et que, pour que ces quantités soient et demeurent toujours fort petites (ce qui est nécessaire pour l’exactitude de la solution, et qui est en même temps conforme aux observations suivant lesquelles l’inclinaison est toujours très-petite), il ne suffit pazs que les coefficients soient eux-mêmes fort petits, mais qu’il faut de plus que les angles soient réels ; or les angles sont réels par leur nature, mais les angles et demandent, pour être réels, que les valeurs de c’est-à-dire de soient réelles ; ainsi il faudra que les racines de l’équation en (83) soient non-seulement réelles, mais encore positives ; ce qui donne ces trois conditions

Si l’une de ces conditions manque, les valeurs de et renfermeront

l’angle et pourront augmenter à l’infini, ce qui est contraire aux observations.

En joignant à ces trois conditions celle que nous avons trouvée plus haut (76), savoir et qui est nécessaire pour que la libration réelle soit toujours très-petite, on a quatre conditions entre les trois constantes c’est-à-dire entre les moments d’inertie de la Lune autour de ses trois axes principaux, lesquelles doivent nécessairement avoir lieu, quelle que puisse être d’ailleurs la figure de cette Planète ; et si ces conditions ne suffisent pas pour déterminer la vraie figure de la Lune, elles pourront néanmoins servir à donner l’exclusion à une infinité de figures ; mais c’est un détail qui nous mènerait trop loin.

87. Examinons maintenant plus particulièrement les expressions que nous venons de trouver pour et et voyons surtout les conséquences qui en résultent par rapport aux mouvements de l’axe lunaire.

On remarquera d’abord que le premier terme de la valeur de (59), lequel est étant l’argument moyen de latitude de la Lune, on remarquera, dis-je, que ce terme est beaucoup plus considérable que tous les autres de la même quantité ; de sorte que dans la première approximation on pourra réduire à ce seul terme toute la quantité et négliger en même temps les quantités et comme fort petites par rapport à Ainsi les termes tout connus de la première équation se réduiront à ou plus exactement (en tenant compte aussi du terme constant de la valeur de ) à

et les termes tout connus de la seconde équation pourront être négligés.

On aura donc, dans les formules du no 84,

et tous les autres coefficients seront nuls. De sorte que les expressions

de et du no 85 se réduiront à celles-ci

dans lesquelles on aura

en supposant, pour abréger,

Or la valeur de est égale à par le no 59 ; d’où il s’ensuit d’abord qu’on a très-peu près

À l’égard du dénominateur j’observe qu’en faisant, pour abréger,

en sorte que

on peut le mettre sous cette forme

laquelle, à cause de la petitesse de , peut se réduire à celle-ci

en sorte qu’on aura à très-peu près

88. Maintenant je remarque que puisque

on aura, en ajoutant ensemble les carrés des valeurs précédentes de et et ne retenant que les termes tout constants et sans sinus et cosinus, la quantité

pour la valeur moyenne de étant l’inclinaison de l’équateur lunaire sur-l’écliptique. Or on sait par les observations que cette inclinaison est très-petite, et l’on ne s’écartera pas beaucoup de la vérité en prenant degrés pour la valeur moyenne de , ce qui tient le milieu entre les déterminations de Cassini et de Mayer ; ainsi l’on aura pour la valeur moyenne de

Si les valeurs des constantes arbitraires et étaient nulles, et par conséquent aussi celles des constantes et qui en dépendent (83), il est clair que la quantité que nous venons d’assigner pour la valeur moyenne de devrait être égale à mais en supposant que et ne soient point nulles, la même quantité devra être plus grande que (abstraction faite des signes) ; par conséquent on aura nécessairement

abstraction faite du signe de

Or ayant trouvé, dans le numéro précédent,

on aura

d’où l’on voit que doit être un très-petit nombre. En effet, en mettant pour sa plus grande valeur positive ou négative, c’est-à-dire en faisant

on aura ces deux valeurs de savoir

lesquelles seront donc les limites de la quantité mais nous donnerons plus bas des limites plus exactes pour cette quantité.

89. Nous remarquerons ici que, étant un nombre très-petit, ainsi que (comme nous venons de le voir), le dénominateur des coefficients et devient aussi très-petit du même ordre, et que les termes que nous avons négligés dans la valeur de sont alors très-petits du second ordre, en sorte qu’on peut les négliger avec raison.

Si la valeur de n’était pas très-petite, celle de ne le serait pas non plus, et les valeurs de et seraient au contraire beaucoup plus petites qu’elles ne le sont ; mais la circonstance de très-petite, laquelle vient de ce que est un nombre très-peu différent de l’unité (59), en rendant le dénominateur fort petit, augmente considérablement la valeur des coefficients et des termes et des expressions de et d’où l’on voit que le terme auquel nous avons réduit la valeur de outre qu’il est par son coefficient le plus grand de tous les autres termes de est encore par la nature de l’angle celui qui doit donner les plus grands termes dans et car quoique la valeur de ainsi que celle de que nous avons entièrement négligée, puissent contenir encore d’autres termes pour lesquels soit aussi un fort petit nombre, tels, par exemple, que les termes qui auraient pour arguent l’angle ou ces termes ne donneraient pourtant pas une valeur de aussi petite que celle qui vient du terme puisque

par conséquent la valeur du dénominateur serait toujours plus grande pour ces termes que pour ceux qui viennent du terme D’où il s’ensuit que ce terme est en effet le seul auquel on doive avoir égard.

90. En supposant la Lune un sphéroïde elliptique homogène peu différent d’une sphère, suivant l’hypothèse du no 63, on a

et étant des quantités fort petites ; ces valeurs étant substituées dans l’équation en du no 83, on aura, en faisant attention que les valeurs de ne sont exactes qu’aux secondes dimensions près de et

laquelle donne, par approximation, ces deux valeurs de et en sorte qu’on aura

et par conséquent

de sorte qu’il faudra que et soient des quantités toutes deux positives ou toutes deux négatives pour que ait une valeur-réelle.

Substituant ces valeurs dans les expressions de et de du même no 83, on aura (à cause de la petitesse de et )

à très-peu près.

Mais, en général, quelles que soient la figure de la Lune et sa constitution intérieure, nous pouvons toujours supposer

étant un nombre très-petit par le no 88 ; d’ailleurs on a déjà (81)

étant une quantité positive et fort petite ; donc on aura

et par conséquent

et étant des quantités très-petites, et ces valeurs étant substituées dans l’équation en donneront les mêmes résultats que ci-dessus ; en sorte que ces résultats seront de cette manière indépendants de la figure de la Lune.

91. De ce que nous venons de démontrer il s’ensuit donc que les valeurs de et c’est-à-dire de et se réduisent à cette forme

et étant deux coefficients arbitraires, et étant deux angles tels que

étant égal à étant l’argument moyen de latitude de la Lune, et étant deux nombres fort petits qui doivent être tels que et soient positifs, et qui dans le cas où la Lune est supposée un ellipsoïde homogène représentent les ellipticités du premier méridien et de celui qui le coupe à angles droits.

Ainsi il ne reste plus pour connaître les angles et c’est-à-dire l’inclinaison de l’équateur lunaire sur l’écliptique, et la distance du premier méridien au nœud ascendant de cet équateur, ou à l’équinoxe lunaire d’automne, qu’à résoudre les équations que nous venons de trouver. La connaissance de l’angle donnera celle de la longitude des nœuds de l’équateur lunaire, puisque nous avons déjà vu (85) que la longitude du nœud descendant ou de l’équinoxe du printemps lunaire est représentée par ainsi l’on connaîtra les deux éléments d’où dépend la position de l’équateur ou de l’axe lunaire à chaque instant.

92. Considérons d’abord le cas le plus simple, celui où les deux constantes arbitraires et seraient nulles. On aura donc dans ce cas

or est une quantité positive par l’hypothèse du calcul ; donc, si est une quantité positive, on aura

mais, si est une quantité négative, on aura

Voyons donc lequel de ces deux cas peut s’accorder avec les observations.

Si on aura pour la longitude du nœud descendant de l’équateur lunaire ; et comme est une quantité très-petite qui ne peut renfermer que des sinus et des cosinus d’angles (cette quantité représentant la libration réelle de la Lune que nous avons examinée plus haut), il est visible que sera la longitude moyenne de ce nœud ; mais étant l’argument moyen de latitude de la Lune, c’est-à-dire la distance du nœud moyen de la Lune à son nœud ascendant moyen, et étant (hypothèse) la longitude moyenne de la Lune, sera la longitude moyenne du nœud ascendant de l’orbite lunaire. Donc, dans le cas dont il s’agit, le lieu moyen du nœud descendant de l’équateur lunaire coïncidera avec le lieu moyen du nœud ascendant de l’orbite de la Lune. Or c’est précisément ce qui s’accorde avec la Théorie établie par Cassini sur des observations faites dans le siècle passé, et confirmée par Mayer et par M. de Lalande d’après des observations faites depuis trente ans. De sorte qu’on est assuré que le cas dont il s’agit donne, par rapport au lieu moyen des nœuds de l’équateur lunaire, des résultats exactement conformes aux observations.

Dans l’autre cas on aurait pour la longitude moyenne du nœud descendant, ce qui ferait coïncider le nœud ascendant de l’équateur avec le nœud ascendant de l’orbite ; ce cas pourrait, comme on voit, avoir lieu également si était une quantité négative ; mais puisque les observations répondent parfaitement au cas précédent, il en faut conclure que est nécessairement une quantité positive.

93. Mais la supposition de et étant trop limitée, examinons maintenant l’influence de ces quantités dans la valeur de l’angle Pour cela je déduis des deux équations du no 91 ces deux transformées

lesquelles, en faisant, pour abréger,

donnent

On voit par cette formule que l’angle ne pourra jamais être si la valeur de ne peut pas devenir infinie positive ou négative, et comme le numérateur de cette valeur est toujours fini, il s’ensuit qu’on n’aura jamais si le dénominateur ne peut pas devenir nul ; de sorte que dans ce cas on aura un angle au-dessous de degrés, et par conséquent la valeur moyenne de sera encore égale à

Il n’en sera pas de même si le dénominateur de la valeur de peut devenir nul ; car puisque les sinus et cosinus qui entrent tant dans le numérateur que dans le dénominateur peuvent recevoir successivement toutes les valeurs possibles comprises entre et la valeur de pourra aussi recevoir toutes les valeurs possibles comprises entre et par conséquent l’angle même pourra aller au delà de degrés et devenir égal à plusieurs circonférences en tel nombre qu’on voudra.

94. Donc, puisque les observations ont appris que le nœud descendant de l’équateur lunaire ne s’éloigne jamais beaucoup du nœud moyen ascendant de l’orbite de la Lune, et qu’ainsi doit toujours être un angle peu considérable, il s’ensuit que la quantité

ne doit jamais devenir nulle, quels que puissent être les angles et Or pour cela il est clair qu’il faut que la valeur de soit plus grande que la somme des coefficients abstraction faite des signes de Or nous avons déjà vu que, lorsque et sont nuls, doit avoir une valeur positive pour que soit nul ; donc, lorsque et ne sont pas nuls, il faudra que ait une valeur positive et plus grande que la somme des valeurs de (ces quantités étant aussi prises

positivement) pour que soit toujours un angle assez petit ou du moins au-dessous de degrés, comme les observations le demandent ; or comme les constantes et sont arbitraires, cette dernière condition est toujours facile à remplir, et l’on doit la regarder comme une donnée fournie par les observations.

95. Soit, pour abréger, en sorte que on aura (85) pour la longitude du nœud descendant de l’équateur lunaire, mais est le lieu moyen du nœud ascendant de l’orbite ; donc, pour avoir le lieu vrai du nœud descendant de l’équateur, il n’y aura qu’à corriger le lieu moyen du nœud ascendant de l’orbite par les équations étant la libration réelle de la Lune, et un angle toujours au-dessous de degrés, déterminé par l’équation

Comme la valeur de est supposée plus grande que la somme de on pourra, si l’on veut, réduire le dénominateur du second membre de cette équation en une série convergente ; de plus, comme est au-dessous de degrés, on pourra réduire aussi en série et de là on pourra déduire la valeur même de l’angle exprimée par une suite de différents sinus ; mais on peut trouver directement cette série par la méthode que j’ai donnée dans les Mémoires de cette Académie de 1776, et que j’avais déjà employée avec succès dans mes Recherches sur le mouvement des nœuds des Planètes[3].

Suivant cette méthode, on aura

ces logarithmes peuvent se réduire en séries convergentes, puisque (hypothèse) est plus grande que la somme des coefficients pris positivement ; et l’on aura, en substituant les sinus correspondants aux exponentielles imaginaires,

96. Considérons maintenant l’inclinaison de l’équateur lunaire sur l’écliptique ; pour en déterminer la valeur, il n’y aura qu’à ajouter ensemble les carrés des deux équations du no 93 ; on aura

savoir, en développant les termes, et réduisant les produits des sinus et cosinus en cosinus simples,

97. Les termes constants

donnent la valeur moyenne de laquelle est à peu près connue par les observations, et que nous pouvons supposer comme ci-dessus (88) égale à

Mais si l’on suppose, pour plus de généralité, que la valeur moyenne de soit égale à on aura (93)

Or nous avons vu ci-dessus (94) que doit être une quantité positive plus grande que la somme des coefficients pris positivement ; donc à plus forte raison on aura

Donc on aura

et par conséquent

Mais on a (91)

donc

substituant ici les deux limites de qu’on vient de trouver, on aura ces deux limites de savoir

Si l’on fait les deux limites precédentes deviennent

entre lesquelles la valeur de sera nécessairement renfermée.

98. Quelles que puissent donc être la figure de la Lune et la densité de ses parties, il faudra que la quantité (90) soit positive et renfermée entre ces limites et et la quantité (numéro cité) devra par conséquent être aussi positive, mais pour que et soient des quantités positives, comme nous avons vu qu’elles doivent l’être (81 et 90). Et comme ces quantités et sont les seuls éléments dépendants de la figure de la Lune, qui entrent dans les formules des mouvements de cette Planète autour de son centre, il s’ensuit que ces mouvements seront toujours les mêmes pour toutes les figures pour lesquelles les valeurs de et seront les mêmes. Donc ils seront aussi les mêmes que si la Lune était un sphéroïde homogène et elliptique, dans lequel l’axe de rotation serait le petit axe commun de tous les méridiens, et où l’ellipticité du premier méridien qui passe à peu près par le centre apparent serait et l’ellipticité du méridien perpendiculaire à celui-là et qui passe par les bords apparents serait (63).

99. Dans l’hypothèse de l’homogénéité et de la fluidité primitive de la Lune on aurait (68)

étant le rapport de la masse de la Lune à celle de la Terre ; égalant donc cette valeur de aux deux limites de qu’on vient de trouver, on aura deux valeurs de savoir

qui seront donc les limites du rapport des masses de la Lune et de la Terre, dans les suppositions dont il s’agit. Ainsi la masse de la Lune devrait être moindre qu’un millième de celle de la Terre, ce qui ne peut se concilier avec les résultats des phénomènes des marées et de la précession des équinoxes (69). D’où l’on peut conclure, ou que la Lune n’est pas homogène, ou que sa figure actuelle est différente de celle qu’elle aurait dû prendre en vertu de la force centrifuge de ses parties combinée avec l’attraction de la Terre, si elle avait été primitivement fluide.

100. Revenons maintenant à l’expression générale de du no 96 ; il est facile de voir que cette quantité deviendra un maximum ou un minimum lorsque les sinus des différents angles seront nuls ; alors leurs cosinus seront et la valeur de deviendra

en sorte qu’on aura pour les plus grandes ou plus petites inclinaisons de l’orbite lunaire

Donc, si l’on nomme la somme des trois coefficients et chacun pris positivement, on aura pour la plus grande valeur de

et pour la plus petite

étant toujours par le no 88. Si donc on pouvait, par les observations, déterminer avec assez de précision la plus grande et la plus petite inclinaison de l’équateur lunaire, on déterminerait en même temps les valeurs de et de mais il n’y a pas d’apparence qu’on puisse y parvenir sitôt.

101. Au reste, à cause des coefficients inconnus et et des quantités et dont la première n’est connue qu’à peu près et dont la seconde est encore inconnue, il ne sera guère possible de faire usage des équations qui expriment les variations de (96), non plus que de celles qui expriment les variations de l’angle (95), pour déterminer avec précision la position de l’équateur lunaire à chaque instant ; ces équations servent seulement à faire voir que le lieu du nœud descendant de l’équateur lunaire et l’inclinaison de cet équateur sur l’écliptique peuvent faire des oscillations plus ou moins grandes autour du lieu moyen et de l’inclinaison moyenne, sans néanmoins que les nœuds vrais puissent s’éloigner de degrés des nœuds moyens, et que l’inclinaison puisse devenir nulle ; ce qui suffit pour expliquer les irrégularités que l’on a trouvées, dans les résultats des différentes observations relativement à ces deux éléments. (Voyez le Traité de Mayer dans les Kosmographische Nachrichten de Nurenberg, et le Mémoire de M. de Lalande dans le volume de l’Académie des Sciences de Paris pour 1764.)

section cinquième.
recherche des inégalités du mouvement de la lune autour de la terre,
qui proviennent de la figure non sphérique de cette planète.

102. Après avoir examiné l’effet de l’attraction de la Terre sur la Lune supposée non sphérique, par rapport aux différents mouvements que cette Planète peut avoir autour de son centre de gravité, il ne reste plus qu’à examiner l’effet de la même action, relativement au mouvement de ce centre autour de la Terre. Cet examen n’a aucune difficulté, et se réduit simplement à chercher, d’après les équations différentielles du no 58, les termes des valeurs de dus aux quantités qui expriment l’effet de la non-sphéricité de la Lune dans les équations de son mouvement autour de la Terre. On commencera donc par chercher les valeurs de ces quantités par la différentiation de l’expression de du no 54, et pour réduire d’abord le calcul le plus qu’il est possible, on remarquera : 1o que les trois constantes doivent être nulles suivant la supposition du no 74 ; 2o que, les quantités étant très-petites, il suffira d’avoir égard aux termes où elles ne passent pas la première dimension, puisque les différentiations qu’il s’agit de faire sont indépendantes de ces quantités ; 3o que, les variables étant aussi assez petites, il suffira, du moins dans la première approximation, de n’avoir égard qu’aux termes où ces variables ne montent pas au delà du premier degré.

De cette manière l’expression de se réduira à cette forme

d’où, en faisant varier séparément on tirera les valeurs cherchées de

103. On remarquera maintenant que les termes de qui ne sont que des fonctions de sans ne donneront que de pareilles fonctions dans les valeurs dont il s’agit, d’où il ne pourra résulter dans les équations du mouvement de la Lune, que des termes de la même forme que ceux qui entrent déjà dans ces équations, mais avec des coefficients extrêmement petits, à cause de la petitesse des quantités (70).

L’effet de ces termes ne consisterait donc qu’à altérer infiniment peu les coefficients de quelques-unes des équations lunaires, ainsi que les mouvements de l’apogée et du nœud déterminés par la Théorie ; mais ces altérations ne sauraient être d’aucune importance dans la Théorie de la Lune, dont les résultats ne peuvent être qu’approchés, à cause de la multitude des quantités qu’on est déjà forcé d’y négliger. Ainsi l’on pourra dans la recherche présente négliger tous ces termes, et n’avoir égard par conséquent dans la valeur de qu’aux termes qui renferment les quantités et et qui peuvent donner dans le mouvement de la Lune des équations particulières et différentes de toutes celles que l’on connaît déjà.

On négligera donc dans l’expression de les termes qui ne sont que de simples fonctions de et l’on réduira par là cette expression à celle-ci

laquelle donnera par la différentiation

104. On substituera ces quantités dans les trois équations de l’orbite de la Lune du no 58, et comme il ne s’agit pas ici de déterminer les valeurs complètes des variables mais seulement les parties très-petites de ces valeurs, lesquelles peuvent résulter des quantités dont il s’agit, il suffira d’avoir égard aux termes où ces variables seront linéaires et ne se trouveront multipliées par aucun sinus ou cosinus.

On mettra donc simplement à la place de et

à la place de et l’on aura ces trois équations

Mais (60)

à très-peu près, étant une quantité très-petite, égale à environ ; on fera donc cette substitution, et l’on pourra négliger partout les et même les dans les termes très-petits qui contiennent et on aura ainsi les équations suivantes

dans lesquelles il ne s’agira plus que de substituer les valeurs de et trouvées dans la Section précédente.

105. Mais nous remarquerons encore, à l’égard de cette substitution, qu’il serait inutile d’y tenir compte des termes de et qui sont proportionnels à c’est-à-dire qui sont semblables aux termes des expressions complètes de parce qu’il ne pourrait résulter de là que de très-petites corrections pour ces mêmes termes, corrections qu’on doit négliger par les raisons alléguées ci-dessus. Ainsi il suffira de substituer pour le seul terme (75) et pour les deux termes (85).

De plus, comme nous avons déjà fait (90)

on mettra à la place de et à la place de et, faisant pour plus de simplicité

on aura

Dans ces équations les angles croissent uniformément, et l’on a (75, 90)

les constantes et dépendent de la figure de la Lune et sont inconnues, mais très-petites et positives ; doit être renfermée entre les limites et et doit être les constantes sont encore indéterminées, mais doivent être aussi fort petites ; la constante dépend aussi de la figure de la Lune et est pareillement inconnue, mais très-petite et positive ; si la Lune était homogène et à très-peu près sphérique, on aurait à très-peu près (63), étant le demi-diamètre apparent de la Lune, lequel est égal à mais si la Lune n’est pas homogène, alors la valeur de sera différente, mais sera nécessairement (70).

106. Pour intégrer ces équations on remarquera que, comme on ne demande pas les valeurs complètes de mais seulement les parties de ces valeurs qui dépendent des termes en \sin\alpha,\sin\mu,\sin\nu, il suffira de supposer

les coefficients étant constants et indéterminés ; en effet, en faisant ces substitutions et ayant égard à ce que sont des quantités constantes, on trouvera ces quatre équations

par lesquelles on déterminera les quatre inconnues

La première équation donne

substituant cette valeur dans la seconde, on aura

mais

donc, puisque et sont des quantités fort petites, on aura à très-peu près

et de là

à très-peu près.

La troisième et la quatrième équation donneront immédiatement, en substituant pour et leurs valeurs et

à très-peu près.

107. Si donc on dénote par les parties des valeurs de qui résultent des termes proportionnels à et dus à la non-sphéricité de la Lune, on aura

Ainsi il faudra ajouter ces quantités aux expressions de données par M. Euler dans sa Théorie de la Lune, pour avoir les valeurs complètes de ces variables. Mais pour mieux connaître l’effet des quantités dont il s’agit, dans le mouvement de la Lune, nous remarquerons que nommant la distance de la Lune à la Terre, réduite à l’écliptique, sa longitude vraie et sa latitude, on a

d’où l’on tire

De sorte que, si l’on désigne par les petites parties des valeurs de dues aux parties des valeurs de on trouvera

à très-peu près, à cause de la petitesse de vis-à-vis de l’unité, et de vis-à-vis de

D’où il s’ensuit que exprimera l’altération de la distance de la Lune à la Terre, l’altération de la longitude de la Lune, et l’altération de la latitude de cette Planète.

108. Comme les arguments et croissent très-lentement, à cause de

et étant des quantités très-petites, il est clair que les équations qui dépendent de ces arguments doivent être des espèces d’équations séculaires, qui ne peuvent devenir sensibles qu’au bout d’un temps fort long.

Il n’en est pas de même de l’équation qui dépend de l’argument lequel, à cause de

augmente à peu près comme la longitude moyenne de la Lune ; de sorte que cette équation doit disparaître et se renouveler à chaque période de la Lune.

Voyons donc si ces équations peuvent avoir un effet sensible dans le mouvement de la Lune, et examinons principalement celle de la longitude, laquelle est d’autant plus essentielle à considérer qu’elle paraît pouvoir donner l’équation séculaire de Mayer, dont la cause a été vainement cherchée jusqu’à présent.

Cette équation est représentée par le terme dont la valeur est étant celle de l’angle de la libration réelle de la Lune, abstraction faite des termes qui dépendent des inégalités du mouvement périodique. On peut donc représenter l’équation dont il s’agit par or nous avons déjà vu que la quantité est nécessairement (105) ; donc on aura Si donc la plus grande valeur de est d’un degré, la plus grande valeur de sera au-dessous d’une seconde ; de sorte que, quand on supposerait que l’angle pût aller jusqu’à degrés, ce qui serait d’ailleurs contraire aux observations de la libration, l’angle ne pourrait pas même monter à une minute, et serait par conséquent toujours insensible.

À l’égard des autres équations on prouvera de même, en employant les valeurs trouvées, dans la Section précédente, pour les quantités que ces équations doivent être tout à fait insensibles.

109. Comme l’équation proportionnelle à l’angle de la libration serait très-propre à expliquer l’équation séculaire de Mayer, si elle avait un coefficient assez considérable pour cela, il est bon de calculer ce coefficient avec plus d’exactitude, d’autant plus que, recevant de l’intégration un diviseur très-petit, il ne serait pas impossible qu’il eût à la seconde approximation une valeur assez différente de ce qu’elle est à la première.

Je reprends pour cela les deux équations en et du no  104, mais je remets dans la seconde, à la place du terme la quantité qui l’a produit ; j’aurai ainsi

Je reprends de même l’équation en du no  75, et je la remets sous sa forme primitive (71)

et il ne s’agira que d’avoir égard dans l’expression de aux termes qui contiennent et

Or on voit par les formules des nos 54 et précédents que la quantité n’est autre chose que la partie de la quantité où entrent les quantités, étant égal à

Ainsi, comme on ne veut avoir égard qu’aux termes qui peuvent renfermer et on pourra d’abord réduire la valeur de à celle-ci

et celle de à

Maintenant on a, eti général, par les formules du no 46,

donc

de plus, en substituant les valeurs rigoureuses de données dans le no 41, on aura

d’où l’on voit que

La valeur de trouvée ci-dessus deviendra donc

c’est-à-dire

en supposant

Si donc on fait

on aura

pour les termes de la quantité dont on doit tenir compte dans la re-

cherche présente ; ainsi l’on aura dans les équations différentielles ci-dessus

où l’on pourra négliger encore le terme parce que nous faisons abstraction, dans la valeur de des termes venant des inégalités du mouvement de la Lune autour de la Terre.

110. Ces équations seront donc par ces substitutions

Substituant dans la seconde la valeur de tirée de la troisième, on aura donc ces deux-ci

à cause de

Je suppose maintenant

( et étant des constantes) ; on aura par ces substitutions

mais étant (hypothèse) exprimé par des sinus d’angles qui croissent très-lentement, il est visible que sera une quantité beaucoup plus petite que ainsi négligeant vis-à-vis de on aura ces deux équations

d’où l’on tire

et, négligeant le nombre très-petit

précisément comme dans les formules du no 106 ; d’où l’on voit que ces formules, ainsi que les conclusions que nous en avons tirées, ont toute l’exactitude qu’on peut désirer.

111. Nous remarquerons ici, en finissant, que l’équation

pourrait servir à déterminer plus exactement la libration de la Lune dans le cas où l’on ne voudrait pas la supposer très-petite ; cette équation étant intégrée donne

en désignant par la valeur de lorsque c’est-à-dire lorsque a sa plus grande valeur ; et il ne restera plus qu’à intégrer l’équation

dans laquelle est une fonction de et Mais nous ne nous arrêterons pas sur ce point, qui n’est que de pure curiosité.


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  1. Le Mémoire dont il est ici question appartient à la troisième Section des Œuvres de Lagrange.(Note de l’Éditeur.)
  2. Œuvres de Lagrange, t. III, p. 640.
  3. Œuvres de Lagrange, t. IV, p. 275.