Martin l’enfant trouvé ou les mémoires d’un valet de chambre/VII/10

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CHAPITRE X.


journal de martin (Suite).


Mon déguisement complet, je sortis du cabinet.

À ma vue les enfants poussèrent des cris d’épouvante d’un excellent augure. Quant à la ménagère de Jérôme, elle resta si stupéfaite qu’elle ne put que me dire en balbutiant :

— Ah ! mon Dieu ! Monsieur Martin… ah ! Monsieur Martin… c’est comme si on voyait un monstre, je n’en dormirai pas de la nuit, j’aurai le cauchemar.

Il ne me manquait plus, comme épreuve décisive, que l’impression de Jérôme ; il rentra dans le même moment, et dit à sa femme dès la porte :

— Martin est-il venu ?

— Pas… encore… — dit-elle.

Puis elle ajouta :

— Tiens, Jérôme… regarde donc.

Et elle le tourna de mon côté.

— Ah ! sacredieu ! ah ! qu’est-ce que c’est que ça ! — s’écria Jérôme en reculant d’un pas.

— Bonjour, Jérôme, — dis-je, sans vouloir même déguiser ma voix, — bonjour, mon brave, comment vous portez-vous ?

— Attendez donc… attendez donc, — dit Jérôme en s’approchant de moi, et m’examinant de si près, que je sentis son souffle.

— Voyons, qui diable ça peut-il être ?

— Comment, Jérôme, vous ne me reconnaissez pas, moi ?… un ami ? regardez-moi donc bien.

— Pardieu, je vous regarde d’assez près, mais que le diable m’emporte si je peux m’y retrouver au milieu de ces ronds noirs, de ces lignes blanches et de ces croisillons rouges, ça papillotte… tant qu’on n’y voit que du feu.

— Tenez,… et de profil ?

— De profil ou de face, je donne ma langue aux chiens, — dit Jérôme, — je renonce…

— Vrai ?…

— Oh vrai.

— Mais ma voix ? vous ne reconnaissez pas non plus ma voix ? cherchez bien.

— Que diable voulez-vous que fasse la voix avec une face pareille… ma femme serait fabriquée comme ça, qu’elle me dirait : — c’est moi… ta femme, — que je dirais : — Ça se peut, mais je ne sais pas.

— Eh bien ! c’est moi… Martin, mon brave Jérôme.

— Martin… vous… Allons donc ! vous en feriez deux comme lui pour la corpulence, mon gaillard ; et puis, vous êtes plus petit que lui.

— Je me suis bourré sous mon costume ; voilà pourquoi je vous parais plus gros, et partant plus petit, mon brave Jérôme.

— Voyons donc, voyons donc, — et Jérôme, m’examinant encore attentivement, ajouta : — Supposons que ce soit vous, il faut que je voie un peu si je m’y reconnaîtrai…

Puis, après un nouvel examen :

— Pas davantage, — s’écria-t-il, — vous n’êtes pas Martin ; si vous êtes quelqu’un… vous ne pouvez être qu’un camarade surnommé Tourniquet… Allons, c’est toi, Tourniquet, hein ? avoue-le.

J’étais complètement rassuré ; je devais être méconnaissable aux yeux du prince ; quant à ma voix, comme il ne m’avait pas cent fois adressé la parole depuis que j’étais au service de sa femme, et que je lui avais toujours répondu, comme il convient, presque par monosyllabes, et d’une voix basse et respectueuse, il était impossible aussi qu’il la reconnût.

Je craignis même un instant d’être trop bien déguisé, car Jérôme, s’imaginant que c’était une farce qu’on lui jouait, s’obstinait dans son erreur.

— On me couperait en quatre, — disait-il, avec l’accent d’une profonde conviction, — que je crierais encore : C’est Tourniquet !

Heureusement il me restait un moyen de prouver mon identité : je citai à Jérôme les termes dont je m’étais servi la veille au soir pour le prier de me réserver sa voiture pour le lendemain. Cette preuve fut triomphante, et le brave homme m’adressa les plus sincères compliments sur mon déguisement.

— À la bonne heure ! — s’écria-t-il, — donnez-vous en donc une bonne fois du cancan… du chicard, faites votre Mardi-Gras ! une vie à mort ! hein ! vous allez remplir ma gondole de pierrettes et de débardeuses !

— Ah ! Jérôme, — fit la ménagère.

— Tiens, il a raison, — dit Jérôme, — faut que jeunesse s’amuse… surtout quand elle s’embête !

— Allons, Jérôme, — lui dis-je, — l’heure presse…

— En route, adieu femme, adieu les gamins, — dit le cocher en embrassant sa ménagère et ses enfants.

— À demain matin, Louison, et tiens-moi chaude une crâne soupe à l’oignon… ça restaure après une nuit de février.

Une fois hors de chez lui, je dis à Jérôme :

— Mon brave ami, au risque de perdre dans votre esprit, je dois vous prévenir que je ne me déguise pas pour faire mon Mardi-Gras, mais pour mener à bonne fin une affaire très-importante et très-sérieuse.

— Ah bah ! ah bah ! avec vos enluminures et votre costume de Pierrot, quelque chose de sérieux ?

— De très-sérieux ; je vous dis cela, Jérôme, parce que je puis avoir besoin de vous…

— Vous savez que les amis sont toujours là… Ah çà ! c’est donc quelque chose dans le genre de l’an passé, vous savez… quand j’ai amené le beau grand jeune homme rue du Vieux-Marché avec vous derrière, et qui a ensuite ramené dans ma voiture, une pauvre dame qui ne pouvait pas se soutenir tant elle était faible…

— Oui, mon brave, c’est quelque chose dans ce genre-là… et plus grave encore, si c’est possible… Voilà pourquoi je compte sur vous…

— C’est dit…

Nous étions, en causant ainsi, arrivés au bas de l’escalier de Jérôme.

— Ah çà ! où allons-nous ? — me dit-il.

— Rue du Dauphin… Vous vous arrêterez à quelques pas du no 3, et j’attendrai dans la voiture…

— Bon…

— S’il y a un fiacre à la porte du no 3 ou s’il en vient un plus tard, vous descendrez de votre siège, et, en vous promenant de long en large, vous remarquerez s’il ne sort pas de la maison, pour monter dans ce fiacre, un homme habillé en Pierrot à carreaux bleus…

— Habillé comme vous ?

— Comme moi.

— Et après ?

— Votre voiture suivra celle où il montera, s’arrêtera où elle s’arrêtera, et si vous voyez ce Pierrot en descendre… quelque part, vous me préviendrez.

— C’est entendu ! Seulement, avouez que c’est joliment drôle qu’une affaire si sérieuse, comme vous dites, Martin, se traite entre Pierrots ?

— C’est très-singulier, en effet, mon brave Jérôme ; autre chose de très-important : dans le cas où, plus tard, dans la nuit, vous me verriez revenir et monter dans votre voiture… avec ce Pierrot…

— À carreaux bleus ?

— À carreaux bleus… Ayez surtout soin, je vous en conjure, de ne pas m’appeler Martin… Si mon nom vous échappait, tout serait perdu !!!

— Diable !

— Ce n’est pas tout : afin de mieux dérouter encore… l’autre Pierrot… si, revenant avec lui, nous montions tous deux dans votre voiture, et que je vous dise d’aller à tel endroit, vous me répondrez… vous me répondrez… — Oui, Monsieur le marquis, je suppose.

— Pour que l’autre Pierrot… vous prenne pour un marquis ?

— Justement… Il faut qu’il me prenne pour ce que je ne suis pas.

Jérôme, avant de monter sur son siège, me dit d’un air sérieux, presque ému cette fois :

— Dites donc, mon bon Martin… qui est-ce qui aurait jamais dit tout ça… quand, le premier jour de votre arrivée à Paris, je vous ai trimbalé depuis la rue du Montblanc jusqu’à l’impasse du Renard ?… Je vous parle de ça, parce que c’est comme une idée qui me passe par la tête.

Et Jérôme sauta sur son siège et cria à ses chevaux :

— En route, Lolotte et Lolo.

Jérôme avait raison.

Qui est-ce qui aurait jamais dit cela, le jour où je me trouvai seul à Paris, sans ressources, sans appui, sans connaissances ?

Une remarque plus étrange encore me fut suggérée par la réflexion de Jérôme… Je m’étais servi de sa voiture pour faire mes premières courses dans Paris, et je m’en serai servi sans doute pour les dernières, car si je ne me suis pas trompé… si l’inspiration à laquelle j’ai obéi dans cette circonstance solennelle a été bonne et juste (je le saurai tantôt), j’irai rejoindre Claude Gérard… j’aurai accompli mon devoir, ma tâche aura fini avec mes forces… car elles sont à bout… malgré mes austères résolutions, l’atmosphère où vit Régina est trop brûlante pour moi.   .   .   .

La voiture s’arrêta au commencement de la rue du Dauphin.

Bien enveloppé dans mon manteau, je me penchai en dehors par la glace de la portière ; je vis, ainsi que je m’y étais attendu, un fiacre à la porte de la maison.

Jérôme descendit de son fiacre. Après s’être promené quelque temps sur le trottoir en sifflant entre ses dents, il s’approcha de son confrère avec qui il lia conversation.

Au bout de dix minutes environ, j’entendis une porte-cochère se refermer et la voix du prince s’écrier :

— Holà !… hé, cocher !

Bientôt Jérôme accourut à la portière, et me dit :

— Le Pierrot est encaissé… mais vous vous êtes trompé.

— Comment ?

— Ce Pierrot n’est pas bleu comme vous !

— Il n’est pas bleu ?

— Non… il est gris… eh… eh !

— Vraiment ? — dis-je à Jérôme très-inquiet, car cette ébriété eût cruellement contrarié mes projets.

— Il est gris ? vous en êtes sûr ?

— Ça me fait cet effet-là… mais, en route, voilà le camarade qui démarre… il faut le suivre de près, n’est-ce pas ?

— Ne le quittez pas de vue une seconde, — m’écriai-je ; — si vous le perdiez, tout serait manqué !

— Soyez calme. La palette de sa voiture va servir de mangeoire à mes chevaux.

Jérôme fouetta son attelage et nous partîmes rapidement.

J’étais absorbé dans mes pensées de plus en plus graves à mesure qu’approchait le moment d’agir, lorsque la voiture s’arrêta subitement.

Il y avait un quart-d’heure à peine que nous étions partis de la rue du Dauphin.

— Eh bien ! — dis-je à Jérôme en ouvrant une des glaces de devant — qu’y a-t-il ?

— La voiture de l’autre s’est arrêté devant la boutique d’un liquoriste — me répondit Jérôme à demi-voix. — Bon… voilà le Pierrot qui descend… bon… il entre dans le débit de consolation… bon.

— Je comprends — lui dis-je avec anxiété, redoutant la suite de ces libations.

— En route — me dit Jérôme — il n’a pas été long à siffler ça… le gaillard a l’habitude.

Et nous continuâmes notre route.

Au bout d’un quart-d’heure, nouveau temps d’arrêt.

— Eh bien ! qu’y a-t-il encore ? — demandai-je à Jérôme.

— La voiture de l’autre arrête à une boutique d’épicier…

— Malédiction ! — m’écriai-je.

— Il paraît que ce diable de Pierrot a la pépie, — me dit Jérôme ; — après tout, il a le droit, c’est la maladie des oiseaux.

Puis, une seconde ensuite, Jérôme reprit :

— Le voilà sorti… Il faut qu’il soit breveté pour avaler si vite… En route !

Nous nous étions remis en marche depuis vingt minutes. Je commençais à me rassurer, car j’avais craint de nouvelles stations. Nous étions alors dans la rue du Faubourg-Saint-Martin. Nouvel arrêt.

— Encore !… — dis-je à Jérôme.

— Cette fois-ci, c’est différent, c’est chez un marchand de vin… le Pierrot a soif, il va se rafraîchir ; après l’eau-de-vie et la liqueur… une bouteille, ça repose.

— A-t-il l’air bien ivre ? — demandai-je à Jérôme avec une anxiété croissante.

— Mais, non, pas trop… tenez le voilà qui sort… il salue un passant avec beaucoup de respect… il va encore, ma foi, très-droit, c’est à peine s’il festonne… Bon ! le voilà remballé… En route.

Enfin, nous traversâmes la barrière Saint-Martin ; dix minutes après, la voiture s’arrêta devant une porte éclairée de lampions, placés au-dessus d’un transparent, où je lus écrit en grosses lettres rouges :

AU RENDEZ-VOUS DES TITI,
GRAND BAL PARÉ ET TRAVESTI.
OHÉ ! LES AUTRES, OHÉ !

J’ouvris la portière, je sautai à bas du fiacre, et je dis à Jérôme, en lui montrant de l’autre côté de la rue l’angle d’une ruelle obscure :

— Attends-moi dans cette ruelle, mon cher Jérôme, ne quittez pas votre siège, je vous en supplie… et rappelez-vous ma recommandation.

— Soyez tranquille, Monsieur le Marquis, — me répondit Jérôme à demi-voix, pour me prouver qu’il n’avait rien oublié.

— Mais filez vite… voilà l’autre Pierrot qui prend son billet au bureau.

En effet, à son rang, derrière cinq ou six autres personnes déguisées, l’autre Pierrot, le prince de Montbar… attendait son tour de payer son entrée à un petit guichet gardé par deux gardes municipaux.

Je me mis immédiatement derrière le prince, afin de ne pas le perdre de vue.

Je pris mon billet après M. de Montbar, et je le suivis pas à pas.

Après avoir traversé une sorte d’allée assez longue, de chaque côté de laquelle s’ouvraient des cabinets destinés aux buveurs, nous entrâmes dans une salle immense, éclairée par des lustres garnis de quinquets rares, fumeux, qui ne jetaient qu’une lumière diffuse, et laissaient presque dans l’obscurité une galerie ou tribune exhaussée de six ou sept pieds, qui occupait les deux côtés de ce long parallélogramme. Dans cet espace étaient disposés une grande quantité de tables et de tabourets destinés aux buveurs, qui de cet endroit élevé, pouvaient jouir du coup d’œil du bal costumé.

Je fus un moment abasourdi par le tapage infernal de l’orchestre, uniquement composé d’instruments de cuivre assez retentissants pour dominer le tumulte de cette immense cohue où plus de cinq cents personnes parlaient, chantaient, riaient, criaient, hurlaient, tandis que le plancher, d’où s’élevait une brume poudreuse, tremblait sous les piétinements frénétiques des danseurs.

Je reconnus bientôt à la physionomie sinistre et aux paroles crapuleuses de la plupart des coryphées de ce bal, qu’il devait être surtout fréquenté par cette lie grossière, oisive, dépravée, qui fourmille dans ces grands repaires.

Les costumes étaient presque tous sales, ignobles, hideux, ou d’un cynisme que la licence des jours de carnaval pouvait seule imaginer. J’eus de la peine à surmonter l’espèce de vertige que devaient causer aux nouveaux initiés cette chaleur, ce tumulte, cette odeur nauséabonde et suffocante ; ma figure, si étrangement enluminée, m’attira d’abord force interpellations en langage intraduisible, puis je fus oublié.

M’éloignant quelque peu du prince, je le dépassai, puis je revins sur mes pas afin de le croiser et de l’examiner attentivement.

Malgré ses fréquentes libations, et quoi qu’en eût dit Jérôme, M. de Montbar ne me parut pas gris ; sa démarche était ferme, ses traits pâles, ses yeux rougis et ardents, son sourire amer.

Évidemment pour moi, une pensée triste, profondément triste, dominait le prince malgré lui, au milieu de l’étourdissement, de l’hébétement passager où il cherchait à se plonger.

Je remarquai sur sa physionomie une expression de dégoût, de colère concentrée, lorsque, balloté çà et là par le courant de cette tourbe ignoble, il était brutalement repoussé ou apostrophé en langage des halles.

Un quart-d’heure après notre arrivée, voulant sans doute triompher de ces délicatesses inopportunes, et s’étourdir jusqu’au vertige, M. de Montbar choisit l’occasion d’un galop furieux qui tourbillonnait dans la salle, prit sans façon par la taille une horrible bergère isolée qui se prêta de la meilleure grâce à cet enlèvement, et se précipita, avec sa danseuse, au milieu de la ronde effrayante, en poussant, comme les autres danseurs, des cris forcenés.

D’un saut je fus sur les marches de l’escalier qui conduisait aux galeries latérales.

De là je pus presque toujours suivre le prince du regard ; malgré ses emportements désordonnés, il n’y avait chez lui ni joie, ni enivrement, il me parut possédé d’une sombre frénésie. Au lieu de se colorer par l’animation de cette course furibonde, son visage devenait de plus en plus livide… son sourire de plus en plus contracté…

Ce prince, si incroyablement doué par la nature et par la fortune… cet homme, le mari de la femme la plus adorable qui fût au monde… cet homme, portant un des plus beaux noms de France… cet homme m’apparaissant ainsi emporté dans le torrent d’êtres crapuleux, m’inspira de nouveau une commisération profonde…

Se jeter à corps perdu dans une telle fange pour oublier de grands chagrins, cela me paraissait pire que le suicide.

Le galop était terminé.

Son évolution avait ramené le prince presque au pied de l’escalier où je me tenais. La politesse de céans exigeait sans doute que le danseur fît rafraîchir sa danseuse ; car la repoussante bergère, rouge, suante, haletante, aux bas et à la jupe crottés, s’empara résolument du bras dont le prince venait de l’entourer, et lui dit d’une voix rauque :

— Maintenant que nous avons galopé à mort, mon ami Pierrot, paie-moi un coup de piqueton ? fiston.

Le prince, dont la figure me parut de plus en plus sombre, se dégagea brusquement de la confiante étreinte de la bergère, et lui dit :

— Va-t’en au diable !…

— Je ne te lâche pas comme ça, — dit la hideuse créature en se cramponnant encore au bras du prince.

— Quand nous aurons piqueté… À la bonne heure.

— T’en iras-tu — s’écria le prince furieux, — et il repoussa violemment la bergère, qui trébucha et se mit à accabler d’ignobles injures son ex-danseur.

Puis, avisant dans la foule un turc à figure sinistre et à carrure d’Hercule, la bergère lui parla avec véhémence, et, du geste, lui indiqua le prince. Celui-ci, sans plus s’occuper de cet incident, gravit lentement l’escalier où je me trouvais, et alla s’asseoir dans un coin obscur de la galerie, devant une table isolée, comme toutes celles placées au second rang et n’ayant pas vue sur le bal.

La bergère et le turc que je ne quittais pas des yeux, continuaient de parler à voix basse, et se recrutant bientôt d’autres personnages non moins ignobles qu’eux, ils se perdirent dans la foule en se retournant plusieurs fois pour jeter sur le prince des regards courroucés et menaçants.

J’entendis alors M. de Montbar assis à quelques pas derrière moi, s’adresser au garçon et lui demander :

— Une bouteille d’eau-de-vie.

Puis le prince s’accouda sur la table, laissa retomber son front dans ses deux mains, et resta morne, silencieux.

Pour moi, le moment était venu d’agir, je ne voulais pas laisser le prince s’enivrer, il me paraissait se posséder plus encore que lors de son arrivée au bal, car l’ignoble entraînement auquel il venait de céder, semblait avoir plutôt glacé qu’enflammé ses esprits.