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Mon Féminisme/3

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CHAPITRE III

Droits revendiqués par le Féminisme rationnel :
Leur Rapport avec la Sociologie.


Commençons par nous occuper des droits de la Femme avant de parler de ses devoirs, ceux-ci ne pouvant se délimiter et se pratiquer qu’autant que ceux-là seront connus et acquis.

Le Féminisme « rationnel » exige que, juridiquement et civilement, la Femme soit traitée comme l’homme. L’adverbe, ici, ne doit pas donner lieu à un malentendu : il ne signifie pas à « égalité de », mais bien « de façon équivalente à ». Cette revendication est mesurée, juste, sage. La compagne qui n’est qu’esclave, soit nominalement, soit effectivement, n’est pas faite pour relever le mariage, pour donner de la dignité à la famille, pour travailler au perfectionnement du corps social. Les améliorations partielles obtenues sont insuffisantes pour poser, encore moins pour résoudre équitablement ce grand problème des rapports sociaux entre les deux sexes.

Puisque la Femme a les mêmes devoirs que l’homme, puisqu’elle encourt les mêmes responsabilités pénales, pourquoi deux poids et deux mesures ? Que signifie, en l’occurrence, deux justices ? N’avait-elle pas raison la « sectaire » Olympe[1] de s’écrier, dans un élan de farouche et superbe franchise : « Les femmes ayant le droit de monter à l’échafaud, elles doivent avoir celui de monter à la tribune. »

L’homme s’entêtant à vouloir l’égalité des êtres et des choses (sauf toutefois vis-à-vis de sa compagne !) a imaginé de faire jouir, civiquement et civilement, des mêmes privilèges le génie et le crétin. Quand les sentiments nobles côtoient l’absurde, ils tombent dans l’incohérence : c’est ainsi que la loi reconnaît l’académicien le plus instruit comme l’égal du pauvre diable le plus ignorant, comme inférieure à ce dernier la plus supérieure des femmes ! Oh ! je sais… pour rectifier si tardivement la claudication par trop accentuée d’une telle justice, il faudrait bouleverser le Code de l’antique droit romain, cher à Napoléon Ier, qui y laissa subsister à l’égard de la Femme tous les édits de rigueur et d’iniquité contre lesquels elle se révolte aujourd’hui. Le despote se cabrait devant l’influence féminine, qu’il redoutait dans les affaires de l’État…, sans pouvoir s’en passer ! C’est lui qui écrivait de sa propre main, au-dessous de la lettre à son ambassadeur en Pologne : « Surtout, soignez les femmes. » La griffe acérée du législateur vengea cruellement la patte de velours du ministre.

Actuellement, en ce qui concerne la Femme, le vénérable Code a fait son temps : ses lois, les mœurs qui en découlent ne sont plus que les formules étriquées du Passé ; elles entravent l’essor du Présent et compromettent la réalisation de l’Avenir.

« La Femme, a dit Hugo, est civilement mineure et moralement majeure. » Ceci est vrai surtout en France, où la Latine a un réel retard sur sa sœur anglo-saxonne.

La raison du tardif développement féministe chez nous et de son extension à l’étranger provient de différentes causes, mais tient essentiellement à ce que les partisans du mouvement sont, dans notre pays, ou des indifférents ou des sectaires. Une autre pierre d’achoppement, c’est l’hostilité très marquée de la majeure partie de la bourgeoisie catholique. Enfin, comme ici tout ce qui est au-dessus des coutumes de la nation est taxé de ridicule, ceux qui osent briser le moule de la routine, autrement dit, ceux qui rompent avec les usages consacrés ne sont épargnés ni par l’ignorance ni par la raillerie, laquelle en France décapite toute innovation.

Il faut bien le dire, les femmes elles-mêmes sont réfractaires à leur amélioration, et A. Bebel a eu raison d’écrire « qu’un esclavage qui dure des centaines de générations finit par devenir une habitude ». Telle la mélancolique histoire de ce pauvre curé français que M. J. Bois visita à Muttra.

Perdu dans ce coin de l’Inde depuis quarante ans, il ne savait même plus parler sa langue ! Chapelain de quelques Irlandais catholiques échoués sur cette terre lointaine, son esprit anémié végétait plus qu’il ne vivait. L’habitude avait façonné ce cerveau, elle l’avait soumis et courbé à son unique fonction, tant et si bien qu’il ne connaissait ni le pays, ni les indigènes, ni leur religion ! Sans doute, une nécessité impérieuse — qui n’arriva pas — eût secoué l’anémie cérébrale gagnée au pays de Chrisna. Pour la Femme, cette nécessité est venue, qui va rompre une torpeur séculaire et nous la montrer ce qu’elle est, et non ce qu’on la fait.

Fourrier estime qu’elle mettra peut-être plus d’un siècle à conquérir ses droits civils et politiques ; il prédit, jusque-là, l’incohérence sociale. Pourtant, le groupe des Féministes sectaires » voulant prouver la totale infériorité masculine semble marcher à grands pas à la même faillite que le groupe — beaucoup plus nombreux — des hommes qui désirent limiter l’action de la Femme. De jour en jour, le programme de l’illustre Condorcet est mieux compris ; tout homme qui met son jugement au service de ses idées acquiesce à ce que, avec son habituelle précision, le savant philosophe définit :

« Ou aucun individu de l’espèce humaine n’a de véritables droits, ou tous ont les mêmes ; et celui qui vote contre les droits d’un autre, quels que soient sa religion, sa couleur ou son sexe, a dès lors abjuré les siens. »

On accorde maintenant à la Femme que son devoir au travail y égale son droit : ni l’un ni l’autre ne lui seront plus retirés. En France, les institutions exploitent la Femme. Elles font partie de l’arsenal de guerre dont l’homme s’entoure pour se défendre contre elle. Mais, d’une part, l’âpre lutte pour la vie ; de l’autre, l’équivalence des droits civils pour les deux sexes (procès gagné devant l’opinion) ont forcé l’homme à lui ouvrir quelques carrières dont jadis elle était bannie. C’est ainsi que les femmes peuvent être avocats et médecins. Si le préjugé populaire sur l’incapacité féminine hérisse de difficultés leur chemin, la sottise de l’esprit humain ne semble pas entraver leur élan ; l’utilité de la doctoresse est reconnue officiellement, et l’Assistance publique n’a qu’à se louer de l’incorporation des femmes dans son service. Un point intéressant, et tout à l’honneur du Féminisme français, c’est que nulle part, pas même en Amérique, où beaucoup de femmes dirigent des journaux hebdomadaires et autres, aucun de ces organes ne possède une administration et un outillage exclusivement féminins, comme ceux de la Fronde.

La Française excelle dans les affaires : elle sait conduire avec habileté et circonspection des usines, des industries considérables. Les maisons de commerce gérées par elle sont généralement fort prospères, L’incapacité de l’Exclue est donc en train de disparaitre, lentement, doucement, sans heurt, sans secousse, sans révolution apparente. Excellent pronostic : ce n’est pas par une brusque saute de vent qu’un mouvement aussi important dans ses conséquences peut et doit évoluer. Une loi récente accorde à la Femme d’être témoin ; une autre est en gestation pour que son mari ne puisse toucher à son salaire personnel. Ne pas faire droit à cette revendication, dans toutes les catégories et dans toutes les classes, ce serait une honte pour le siècle. De même, pourquoi à tâche identique le salaire féminin serait-il moindre que le salaire masculin ? C’est aux femmes à faire valoir cette réclamation, soit en se syndiquant, soit de toute autre façon. Leur lutte énergique, leur poussée violente dans les nouvelles conditions économiques forceront l’homme à changer les lois. Et ce, non par un noble sentiment ou par esprit de justice, mais simplement parce que dans ce revirement formidable son égoïsme — autrement dit son intérêt — se trouvera face à face avec l’impérieuse nécessité de faire de sa compagne (qui ne veut, ne peut plus être sa servante) une alliée, non une rivale. Quand l’ouvrier voudra faire cesser la concurrence féminine, il admettra les femmes dans ses syndicats. Alors, nous le répétons, aussi intéressées que lui dans le droit du dit syndicat, elles seront les associées, non plus les rivales.

Au point de vue des résultats économiques, il n’y a ni hommes ni femmes : il n’y a que des unités de production.

Avec quelle lenteur inouie cette idée, incomprise, butée à l’ignorance, fera-t-elle son chemin dans des cerveaux obtus et hostiles à leurs propres intérêts !

« La Femme devant la loi, dit très judicieusement Th. Bentzon, est un point qui ne pourra se résoudre qu’avec l’aide même de la Femme. » En lui fermant les emplois faciles et lucratifs, en lui refusant l’accès des hautes situations sociales et administratives, on commet une iniquité : à proprement parler, la question « féminine » n’existe pas : il n’y a qu’une question « humaine ».

L’homme du xxe siècle sera forcé d’abroger l’esprit étroit et brutal des corporations du xviiie siècle, si éloquemment dénoncé par le grand économiste Turgot.

Que pour lutter contre les barrières qui les séparent encore de leur complète libération les vraies féministes mettent leur ardeur, leur douceur puissante au service d’une indomptable volonté, elles seront finalement victorieuses.

D.-B. Montefiore résume ainsi le devoir de la Femme envers elle-même pour commencer à conquérir son indépendance économique et politique :

« Ce que la femme du xxe siècle doit faire pour son affranchissement et celui de sa race, c’est d’insister sur la nécessité d’une instruction professionnelle et technique dans les mêmes conditions que celle donnée aux hommes ; c’est de s’organiser et de se syndiquer en vue d’améliorer les conditions de son travail, ceci pour se garantir du surmenage et de l’exploitation ; et, finalement, c’est de créer une assurance maternelle à laquelle elle participera selon ses moyens, proportionnellement aux taux des cotisations qu’elle aura payées. »

Ce que les femmes demandent pour tous les travaux professionnels ou autres, c’est l’équité, non la faveur. Le Féminisme « rationnel » veut que la Femme puisse développer ses capacités ou ses talents (dans n’importe quelle voie) par un libre accès à des carrières où ces dons et ces capacités — qui peuvent être de premier ordre — soient à même d’être utilisés aux différents travaux qui les réclament. Atrophier les facultés d’un sexe, c’est, politiquement et économiquement parlant, priver l’humanité de valeurs immenses.

Or, extraire de cerveaux supérieurs un travail supérieur, c’est une grosse question d’économie sociale. Nous la comprenons mal ; même, nous ne la comprenons pas du tout. Notre hostilité naturelle nous pousse à limiter une concurrence nouvelle : nous souffrons déjà trop de celle qui existe entre nous.

Si l’on objecte que le champ du travail est insuffisant pour la masse qui s’y rue, pour quelle raison en donne-t-on l’accès aux hommes et le refuse-t-on aux femmes ?

Si l’on veut interdire à celles-ci les carrières où les hommes se sont spécialisés, d’accord ; mais à condition de supprimer également aux hommes les professions essentiellement féminines. Alors plus de couturiers, de gynécologues, de commis et vendeurs d’articles de femmes ; plus de doucheurs, de masseurs pour dames, etc.

Tout cela n’est donc qu’une répartition arbitraire faite par l’homme afin de se réserver, au détriment de sa faible compagne, le monopole des fonctions lucratives. Mais celle-ci va entrer dans la lutte. Les conditions de la vie s’étant modifiées, il faut pourtant qu’elle vive. Et de cette phase nouvelle dans laquelle pénètrent les peuples dépend l’évolution sociale qui y correspond.

Il faut se méfier des sophismes économiques qui pèchent par la base. Il y a gaspillage et perte pour une nation lorsqu’elle condamne à la paresse — ou à un labeur inférieur — des facultés créées pour l’activité, organisées pour un travail supérieur. Voilà encore un exemple où la question sociale et le Féminisme ne font qu’un.

En attendant les réformes du Code qui lui sont dues, qu’elle sache attendre, la Résignée des siècles. Elle sait très bien que la vraie Femme — au grand sens de ce mot — ne sera jamais uniquement une forte en mathématiques, une rhétoricienne accomplie, une polyglotte : humble ou éclatante, elle sera toujours à la hauteur de sa destinée.

Je lis quelque part : « Ne me parlez pas « culture » pour la Femme ; parlez-moi « exemples. »

La Femme cultivée ne parlera jamais d’exemples : elle les donnera. Sous ce nouveau nom de « Féministe », elle n’est pas une révoltée. Elle est une aspirante au mieux, à des droits équivalents, non pas égaux à ceux de l’homme. Quant à la concurrence entre les sexes, le jour où certains métiers interdits à l’organisation féminine feront place à d’autres à elle exclusivement réservés, elle sera moins amère. En se substituant à l’homme dans quelques travaux sédentaires, tels ceux des bibliothèques, bureaux, ministères, comptoirs, etc., la Femme rendra à celui-ci l’incomparable service de le « défémmiser ». Elle le forcera, en effet, à exercer des métiers plus rudes, à s’atteler à des besognes plus pénibles, à s’élancer dans des entreprises hardies, voire dangereuses, où le mouvement, les découvertes, les voyages développeront sa vigueur et sa volonté.

L’énergie féminine s’est élevée alors que l’énergie masculine s’abaissait.

Les professions libérales qui viennent se heurter à des questions d’ordre physiologique — que les Féministes « sectaires » veulent ignorer — devront rester hors de cause : elles seraient une anomalie semblable à celle du commis de magasin qui du matin au soir, mesure de la dentelle.

La Femme ne doit pas plus être forgeron que l’homme nourrice. Elle a fait toutes ses preuves comme éducatrice, comme professeur. Quant à son accès à l’École des Beaux-Arts, au Prix de Rome, ce sont deux victoires tardives : lui refuser les moyens d’éducation artistique à la portée de l’homme, c’était une injustice absurde. On l’a supprimée comme on en supprimera bien d’autres.

Restent les droits politiques. Je le répète : à notre insu, les nouveautés de demain ont leurs racines dans le Passé.

Dès 1302, en France, pour élire les députés aux États-Généraux, les femmes votaient comme les hommes.

Un fait curieux à relever dans le Plaid général d’Apples de 1327 (à trois lieues et demie de Lausanne), c’est que les femmes étaient admises dans l’Assemblée générale ou Plaid de cette terre. Un certain nombre d’entre elles figurent comme parties dans cet acte de 1327. De plus, l’office de la Foresterie devait passer par droit d’aînesse aux filles, de préférence aux garçons puinés[2].

À l’époque de la chevalerie, dans notre pays et en Angleterre, les femmes siégeaient à l’égal des pairs dans les conseils du Roy.

Plus près de nous, avant la Révolution, les femmes influentes nommaient leurs déléguées aux Assemblées provinciales ; mais c’était à charge par celles-ci d’élire les députés aux États-Généraux. Ce qui faisait que beaucoup de ces derniers devaient aux dames l’honneur de siéger. Condorcet voulut faire bénéficier la propriété bourgeoise de la vertu politique du fief féminin féodal. C’était juste : aussi y échoua-t-il. Mais, vraiment, l’illustre marquis n’eut rien à se reprocher si ni la Constituante, ni la Législative, ni la Convention n’accordèrent à la Femme un seul droit politique. Dès 1787, il écrivait dans son Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain : « Parmi les progrès les plus importants pour le bonheur général, nous devons compter l’entière destruction des préjugés qui ont établi entre les deux sexes une inégalité de droits funeste à celui même qu’elle favorise ! »

Puis, insistant, il invoque la croyance de son siècle rationaliste à la Raison : « N’est-ce pas en qualité d’êtres sensibles, capables de raison, ayant des idées morales, que les hommes ont des droits ? Les femmes doivent donc avoir absolument les mêmes. »

Condorcet ne put faire prévaloir rien contre le préjugé des hommes, les seuls mâles de la création assez gonflés d’orgueil pour se croire supérieurs à leurs femelles.

Dans aucun règne de la nature, le mâle n’a plus de valeur que sa compagne. S’il possède de plus belles couleurs ou de plus beaux ornements qu’elle, c’est pour lui plaire, pour l’aider : tels les bois du cerf faits pour protéger la biche et son faon lors de la gestation et de l’allaitement. Repousser la Femme au second plan ne fut jamais dans l’ordre de la création. Ce faisant, l’homme déchaîna un désordre immense dans la marche du progrès.

Si, revêtu de plus d’humilité au lieu d’éclater d’orgueil, il eût moins méprisé les frères soi-disant « inférieurs », il leur eût, pour son plus grand profit, découvert quelques supériorités.

J’ai observé cet été les mœurs d’un nid de merles. L’habitat des gentils volatiles était suspendu aux treillis de ma maison. Les lattes de bois disparaissaient entièrement sous un rideau de velours vert en feuilles d’aristoloche. Rien de plus joli que la petite corbeille ronde aérienne. Cachée avec amour et mystère sous l’épais feuillage discret, les plus grosses gouttes de pluie n’y pouvaient pénétrer. Le soleil filtrait son or à travers la plante protectrice, répandant une ombre verte et fraîche sur le nid, enveloppant de paix et de beauté les rites que la nature y accomplissait, Un paulownia[3] voisin, complice du couple ailé, prêtait à l’air le parfum de ses fleurs.

Tant que dura la couvée, le mâle, pour charmer sa femelle, chanta éperdument. Pour elle, il égrena, de son gosier magique, des perles de pur cristal. Les oisillons nés, le chant cessa.

L’incomparable artiste vaqua immédiatement à d’autres soins. Sans que son zèle fléchit un seul jour, il apporta la nourriture nécessaire à la mère et aux petits. Jamais il ne satisfit sa propre faim avant que ceux-ci fussent pourvus : divergence entre la loi naturelle et la loi humaine ! Ce que je vis, ce que j’observai, ne me permit pas un seul instant de penser que l’un des deux oiseaux fût supérieur à l’autre.

Avec des fonctions différentes, mais équivalentes, le mâle et la femelle concouraient l’un par l’autre à l’harmonie parfaite, indispensable au bonheur des êtres créés.

Les droits politiques de la Femme continuent à être nuls en France. Au lieu de baser le vote électoral sur l’intelligence, le nombre et la richesse, on le fait reposer sur le sexe… Incohérence qui promet une douce hilarité aux siècles futurs !

Le suffrage politique des femmes, revendiqué par le Féminisme « rationnel », se heurte à celles d’entre elles dont l’horizon est borné uniquement par leurs devoirs d’intérieur et de famille ; puis, aux autres, à celles qui s’adonnent uniquement à des occupations frivoles.

Celles-ci, comme celles-là, ne font qu’imiter les hommes, plongés dans les « affaires » ou dans le « sport ».

Mais si, pour le moment, le sens des obligations civiques manque à la majorité des femmes, il n’en est pas de même pour toutes. Il importe de laisser la liberté de le remplir à celles qui sentent un devoir à accomplir envers leur pays.

En France, les seuls êtres auxquels la Loi refuse le droit de vote sont : le fou, l’enfant, le tenancier de maisons de débauche, le vagabond, le criminel et… la Femme ! Voilà donc cette dernière (quelque supérieure qu’elle soit d’ailleurs) assimilée, de par la hurlante absurdité et la pesante imposture de l’homme, aux tarés du crétinisme, de la folie, de la criminalité !

Nous rendons-nous compte que, de nos propres mains, nous jetons dans la hotte d’ignominie — d’où jamais elles ne sortent — nos mères, nos femmes, nos sœurs ? Parvenu à sa majorité, le mineur vote ; à l’expiration de sa peine, le vagabond vote ; guéri de sa folie, l’ex-aliéné vote ; seule, la Femme ne votant pas, reste, de par la Loi, à jamais flétrie, sans droits. Le suffrage, dit pourtant universel, ne la concerne pas. Se taire est tout ce que la Loi lui accorde. Mais, ô summum de notre injuste et égoïste préjugé ! en ce qui concerne ses délits, elle est soumise aux lois : elle en est responsable ! et… elle paie les impôts ! C’est trop monstrueux pour être croyable ! Pourtant cela est !

Terrassés par ce fait, aussi brutal qu’indéniable, les anti-féministes se redressent avec le pileux argument que voici :

« Si la femme est exclue du suffrage parlementaire, c’est parce qu’elle est exonérée du plus terrible des impôts… l’impôt du sang. »

— Pardon ! — Si elle n’est pas soldat, qui donc les fait, les soldats ? Qui donc les enfante dans la douleur ? Et ne le paie-t-elle pas comme l’homme, l’impôt du sang ? Chaque année, dans le monde, trois cent mille d’entre elles meurent victimes de la maternité !

Ignore-t-on aussi que les femmes qui font partie de la Croix-Rouge contractent un engagement militaire (qui passe entre les mains du Ministre de la guerre), lequel les oblige à se rendre, au premier appel, aux ambulances ou aux hôpitaux auxiliaires ?

Puis, ceux qui ne sont pas soldats : les réformés, les soutiens de famille, les instituteurs, les prêtres ne jouissent-ils pas des droits politiques ?

Tant que les femmes n’auront pas acquis le droit de vote, les victoires du Féminisme seront minces : c’est en participant à la confection des lois que l’homme a conquis son émancipation.

L’exclusion de la Femme de l’électorat cessera lorsque l’éducation contemporaine à laquelle aspire le Féminisme « rationnel » lui aura formé son Moi, que sa mentalité prendra une plus grande vigueur à mesure qu’elle sera plus libre. L’affranchissement de son esprit la rendra consciente d’injustices légales à son égard, qu’elle soupçonne sans les comprendre, dont elle souffre insciemment, et qui, par la suite, seront abolies. Quant à l’éligibilité, le Féminisme estime que cette faculté est essentiellement du domaine masculin, qu’elle doit y rester. Il en donne cette très simple raison que « le temps nécessaire à consacrer aux sessions la Femme le doit à son foyer » : le droit de suffrage lui confère une influence suffisante pour maintenir l’équilibre des sexes dans l’État.

La Proscrite des siècles est une grande optimiste ; or, « il n’y a que les optimistes qui fussent quelque chose[4] ».

Cet optimisme ne synthétise-t-il pas toute l’action de la Foi, de l’Espérance, de la Charité ?

L’Histoire témoigne que dès la plus haute antiquité le cerveau féminin a fait honneur à la science du politicien. Mais faire de la politique au grand jour, éviter la sournoiserie à laquelle ce cerveau a été courbé, serait d’un grand avantage pour tous.

Passons aux pays étrangers où, depuis cinquante ans, le Féminisme « rationnel » s’est développé d’une façon qu’on ignore totalement ici.

Pourquoi ?

Parce qu’en France on ne sent pas, comme en Angleterre, comme en Amérique, que l’heure est à la Femme. On n’y comprend pas encore qu’en elle sont incarnés les ineffables espoirs du xxe siècle. Une étonnante efflorescence d’énergie féminine, accompagnée de patiente ténacité, a déjà donné des améliorations sociales (impossibles à réaliser alors que la Femme était moins libre) auxquelles, parce qu’il y fallait une persévérance et un sens pratique d’eux inconnus, les hommes n’auraient pu parvenir.

À partir de l’heure où elle lutte pour vivre, le rôle social de la Femme change, il doit changer.

Si chaque jour il devient plus important, c’est que les efforts très hauts, très nobles des Féministes rationnelles se traduisent constamment par la création d’œuvres neuves de solidarité utilitaire. En agissant ainsi, la compagne de l’homme fait fonction de citoyenne active, bien que méconnue. Par ses actes, elle s’imposera chaque jour davantage.

Il n’y a encore que quelques années, le Féminisme était en Angleterre un sujet importun et désagréable. La « femme nouvelle » agitait et troublait le pays ; ses idées générales, fertiles en discussions, étaient confuses au début. Aujourd’hui qu’elle a trouvé son chemin, qu’elle y marche sans bruit, en toute tranquille assurance, on ne pense plus à elle. Devenue une force non discutée, elle est acceptée partout où il y a vingt-cinq ans, on la repoussait. Les Féministes d’outre-mer améliorent et cultivent leurs talents personnels pour coopérer (et voilà où leur Féminisme est vraiment rationnel) avec les travailleurs masculins. Leurs plus puissants moyens d’action sont les Congrès internationaux quinquennaux, appuyés du nom d’une grande dame, et étayés de sa haute compétence et de son autorité[5]. On n’accomplit rien sans idée, ce qui prouve que toute idée a sa force en elle-même. Le but des Congrès est de proposer des idées. Les femmes qui en font partie sont pleines de zèle efficace pour la cause. En Amérique, elles ont donné un élan neuf et vigoureux aux enseignements des arts manuels et domestiques. À elles sont dus l’intérêt des patronages et orphelinats, la réforme des prisons, l’amélioration du sort des émigrants, la surveillance du travail dans les usines, manufactures, ateliers, écoles professionnelles ; enfin, la fondation d’une école d’infirmières,

Je voudrais faire connaître en France cette dernière institution, si remarquable, et destinée, je l’espère, à s’introduire un jour chez nous.

Les détails suivants sont dụs à l’extrême obligeance de Miss M.-A. Nutting, surintendante des infirmières, directrice de la « Training School » de Baltimore, de qui je les tiens directement. La « John’s Hopkins Hospital School for Nurses » fut fondée par Johns Hopkins, marchand de Baltimore, qui, ayant acquis une grande fortune dans son commerce, laissa plus de trois millions pour l’Université et l’Hôpital qui portent son nom. En 1889, l’Université ouvrit ses portes à l’enseignement des femmes désirant consacrer leur carrière à l’art de soigner les malades.

Cet enseignement comprend une période de trois ans se terminant par des examens oraux et écrits lesquels, victorieusement passés, confèrent un diplôme si haut prisé que médecins, chirurgiens, particuliers, établissements de tous genres, s’arrachent ces infirmières de tout premier ordre. Tous les ans, des centaines de demandes d’admission pour cet enseignement triennal sont adressées à Miss M.-A. Nutting ; mais le nombre des postulantes est limité ; il se réduit à cent vingt admissions.

Une infirmière de la « John’s Hopkins Hospital School for Nurses » munie de son diplôme gagne 25 dollars par semaine à soigner les malades à domicile ; la position qu’elle occupe dans de nombreux établissements, soit comme infirmière en chef, soit comme auxiliaire dans les différentes fonctions de son état, est rémunérée par une somme qui varie entre 40 et 60 dollars par mois. La surintendante d’hôpital et d’université a un salaire qui oscille entre 900 et 1, 500 dollars par an.

Partout elles sont défrayées du loyer, de la nourriture, du blanchissage. Considérées par chacun comme des professionnelles, elles sont traitées avec l’estime et les égards qui leur sont dus. Il est à remarquer qu’aucuns conflits ne s’élèvent entre les infirmières et le médecin ou le chirurgien. Presque toutes sont célibataires.

L’enquête sur la moralité de ces femmes était intéressante. C’est une question qui n’a même pas été soulevée, et, croit Miss M.-A, Nutting, qui ne le sera jamais, du moins en Amérique. Lorsque les infirmières quittent l’Université, ici, comme dans d’autres professions, il y a quelques rares exceptions de mœurs relâchées, qu’on ne peut considérer que comme des cas isolés n’attaquant en rien la corporation.

Ce mouvement progressif, en Angleterre et en Amérique, est d’un intérêt tout spécial : jusqu’à présent, dans ces divers établissements, l’homme poursuivait avec ses méthodes viriles — bonnes ou non — la réalisation de son idéal masculin. La Femme est venue avec son idéal à elle, qu’elle a mis en pratique. Or, son assistance, l’adversaire le reconnaît, est sans prix. Au Congrès de Chicago, il n’a pas craint d’affirmer que « la société tout entière a besoin de son esprit d’ardeur, de sa main habile, de sa vive intuition, de sa conscience plus délicate, de son infatigable dévouement. Empêcher ses énergies de se manifester, ce n’est pas seulement la dépouiller de son droit, c’est priver le monde d’une activité bienfaisante et laisser se perdre des dons divins ».

Son ingérence s’est manifestée par des effets humanitaires qu’on ne pouvait prévoir. Ainsi, en Angleterre, les filles nobles soignent les malades à l’instar de nos sœurs de charité ; une partie de l’aristocratie des femmes russes renonce à son luxe. Dans l’immense empire du czar, l’éducation du peuple est à un niveau très bas. La population mâle étant répartie dans les cadres militaires, le développement intellectuel des masses s’est trouvé entre les mains des femmes de la classe moyenne. Il y a considérablement gagné.

La guerre turco-russe eut un nombre de docteurs et de chirurgiens insuffisant. L’aide des étudiantes en médecine fut sollicitée : leurs services, leur dévouement, ont été publiquement reconnus. En Russie, les femmes possèdent dans la pédagogie une position éminente ; elles sont également pourvues de nombreux emplois dans le service de l’État.

Enfin, en Suède, en Norwège, en Finlande, des femmes se font professeurs d’universités qu’elles fondent en pleine campagne !

Il est évident que le grand mouvement dotera chaque pays d’une forme de liberté féminine différente. Cette liberté devra s’adapter aux besoins spéciaux des nations, aux génies des diverses races. Mais partout où la liberté de la Femme sera étendue, plus — et mieux — elle sera à même de venir en aide au rouage social.

En Angleterre, ses droits politiques sont considérables. Il s’en est fallu de peu que celui du suffrage ne lui ait été reconnu par la session parlementaire de 1897. Plus libérale pour sa colonie australienne, la mère-patrie avait, dès 1894, accordé le vote électoral aux femmes.

Elle ne s’en est jamais repentie, non plus que de l’électorat conféré aux femmes de la Nouvelle-Zélande. Là, n’en déplaise aux anti-féministes, ce privilège a fortement consolidé l’organisation de la famille. L’électrice n’accorde son vote qu’après enquête faite sur la moralité du candidat : elle le lui refuse s’il est mauvais époux ou mauvais père.

Quant à l’affirmation de l’impossibilité du cumul entre les fonctions maternelles et les devoirs civiques, elle est grotesque. Elle est sortie tout armée du cerveau de l’homme. Celui-ci, en effet, à quelque classe qu’il appartienne, se trouve à merveille de l’état de choses présent. Il veut à tout prix éviter un changement qui frustrerait son égoïsme.

Déposer tous les trois ou quatre ans un bulletin dans une urne ne saurait vraiment détourner la Femme de ses devoirs, de ses occupations de famille. Plût au Ciel qu’elle n’en fût jamais autrement distraite !

En attendant qu’un Parlement plus juste ratifie leur droit naturel, les femmes de la Grande-Bretagne s’organisent de façon tout à fait supérieure. Parmi les célibataires (spinsters), plaisamment surnommées « le troisième sexe », la vieille fille acariâtre, qui a un attachement romanesque pour son perroquet, n’existe plus. De jour en jour, et par leur nombre, et par leur intelligence, elles deviennent une force sociale remarquable. Elles ont monté victorieusement à l’assaut de toutes les professions libérales de leur pays, puis ont fondé deux très puissantes associations : la « Primrose League » [6] (conservatrice), et la « Women’s Liberal Federation » [7] (libérale), où hommes et femmes collaborent au bien du pays, au soutien de la religion, à l’amélioration des classes sociales.

Nous n’avons rien de semblable. Le célibat ne jouit nullement, chez nous, de la considération qui lui est accordée chez nos voisins. Ici, les célibataires, méprisées, ridiculisées, se retranchent dans une vie généralement étriquée, nulle, hargneuse. Cette vie, plus justement cotée, mettrait en valeur des capacités qui, faute d’être utilisées, sont perdues. Les femmes faisant partie des Ligues plus haut citées ont une influence considérable sur la politique du pays.

Fières de l’emploi qu’elles font de leur temps, dédaigneuses de leurs sœurs qui ne se groupent pas autour d’une bannière qu’elles portent haut et ferme, elles ont gagné du terrain : l’armée des vierges est très puissante.

L’amour conjugal et l’amour maternel, ces deux forces vives de l’humanité, sont ici captées à leur source par des occupations sérieuses et multiples.

Tout le développement de l’intelligence, toute l’ardeur du cœur qui ne se sont déversés ni sur l’époux ni sur l’enfant sont des réserves intactes de volonté et d’énergie. Le pays et la question sociale bénéficient grandement de ce capital de force non entamé.

Il convient d’en signaler le danger.

Les joies conjugales étant souverainement indifférentes à ces femmes, il émane de leur célibat (volontaire bien plus souvent qu’on ne le pense) un contentement qui, vis-à-vis des autres femmes, diminue singulièrement l’importance de l’homme. Ce contentement leur montre, en effet, que la vie peut être belle, bonne et heureuse en dehors de lui. Autrement dit, cette satisfaction enseigne plutôt le mépris de l’amour et du mariage. C’est là un point inquiétant pour le Féminisme. Il peut craindre qu’à un moment donné, les unions qui inclinent le moins vers lui ne se jettent dans une voie d’exception. Or, ici, l’exception confirme la règle, mais ne la remplace jamais. Cette règle est une loi de nature qui régit la création. Il est donc nécessaire que la femme non mariée soit et reste l’exception.

Les « spinsters » s’entendent bien dire de temps à autre que celles qui bercent les enfants gouvernent le monde. Tout d’abord, que de femmes ont agité des berceaux sans rien gouverner ! Puis, arrive l’heure où le berceau est vide, où l’enfant est devenu homme. C’est alors que les « spinsters », unissant leurs efforts à l’expérience spéciale de leurs sœurs, mettent au service des affaires du pays tout ce qu’elles ont en elles. L’État a ses fils : qu’ils soient dans les prisons, les écoles, les hôpitaux, l’armée ou la marine, n’ont-ils pas encore plus besoin de mère que de père ?

La Suède est le vrai pays du Féminisme, bien que ni l’amazone ni la prêtresse n’y soient en honneur. Mais, sauf l’Église et l’armée, les femmes ont un libre accès dans toutes les carrières masculines. Une à une, elles ont jeté bas les barrières qui entravaient leurs droits.

En ont-elles abusé ? En aucune façon. Si l’Histoire témoigne que chaque fois qu’elles l’ont conquise, les femmes ont fait un abus irréfléchi et souvent terrible de leur liberté, c’est que jadis cette liberté leur fut mesurée si parcimonieusement que, la sentant éphémère, elles voulurent en jouir à outrance, de façon désordonnée, comme d’un bien qui allait leur être ravi. Aujourd’hui que, en toute sécurité, elles possèdent ce bien, elles en jouissent et s’en servent pour le soulagement de tous.

Ces réflexions au sujet des droits de la Femme, de l’importance sociale qui en découle, ne sauraient se terminer sans quelques mots sur l’assujettissement de honte que le Féminisme « rationnel » a pour mission de détruire : j’ai nommé la prostitution, issue de l’antique matriarcat[8].

Le nombre des prostituées est difficile à évaluer, même approximativement. La police peut faire le dénombrement des infortunées dont c’est le gagne-pain, non celui des malheureuses qui ne se livrent à cette… « profession » qu’accessoirement. Les chiffres connus sont terribles pour Paris seulement, ils oscillent entre soixante mille et cent mille !  !

Quand le respect de l’individualité humaine primera la question d’hygiène (question purement illusoire d’ailleurs), l’État cessera d’être l’approvisionneur de la débauche publique. En attendant, il y aurait de grandes réformes à faire au point de vue de l’intervention administrative.

Tant que sera légale la recherche des plaisirs de l’amour sans amour, la Femme sera la serve. L’histoire de la sœur pauvre, dégradée, peureuse, vénale, est abominablement triste.

Vendre son corps pour le nourrir est une honte amère, une inénarrable douleur. L’impôt charnel dont l’homme écrase la Femme est une cruauté qui devrait être la première supprimée du Code. Elle en sera vraisemblablement la dernière, notre égoïsme et notre sensualité mettant tout en œuvre pour déjouer de justes lois.

La moralité n’a pas de sexe : ce qui est immoral pour une femme est immoral pour un homme. En affirmant encore aujourd’hui le contraire, l’orgueil masculin s’amuse à jongler avec le raisonnement. C’est pour la femme française une humiliation de plus, ajoutée à tant d’autres, que de savoir que cette recherche de la paternité — recherche de justice si jamais il en fut ! — est légale dans tous les pays d’Europe… sauf dans le sien. Cette question nous fera regimber et nous cabrer : elle touche à notre vice. Il faudrait écrire un volumineux chapitre pour parler avec une précision brutale sur un tel sujet de misère. Des plumes très compétentes, très autorisées lui ayant consacré des pages éloquentes, je le mentionne sans l’approfondir.

Malgré tout, on peut prédire que la prostitution officielle — qui s’est aggravée avec les siècles — aura vécu le jour où, la Femme ayant acquis son indépendance économique, l’homme ne sera plus dans son existence un facteur pécuniaire. Il y aura là une révolution incalculable dans les mœurs.

Dans l’attente prolongée des droits de l’avenir, des efforts partiels ont réalisé une amélioration ; le Féminisme a conduit la charité militante dans les classes ouvrières vers la Femme sans droit, c’est-à-dire sans protection. Il fera plus encore : pour parvenir à un résultat efficace dans cette question, grosse de difficultés et de douleurs, il armera la Femme en lui mettant en main un outil qui lui permette d’affronter l’âpre lutte plutôt que de choir. Les recrues de la prostitution seront alors moins nombreuses, l’armée des esclaves pour les basses besognes du plaisir de l’homme sera plus clairsemée.

Quant au mariage forcé de la jeune fille pauvre de la bourgeoisie, lorsque la Femme gagnera son argent au même taux que celui de l’homme, ce vil marché n’existera plus.

Où réside la différence essentielle entre un mariage d’argent et la prostitution ? Pourquoi respecte-t-on l’un et méprise-t-on l’autre ?

Se vendre à plusieurs ou se vendre à un seul, c’est toujours se vendre ; prostitution publique ou prostitution légale, c’est toujours de la prostitution.

Dès maintenant, le trafic de honte et de misère peut être atténué. Cette atténuation sera due à des carrières ouvertes jadis fermées, aussi à des établissements d’aide et de secours de toutes sortes, comme ceux de l’association de l’Aiguille, le nouvel hôtel meublé de la Société Philanthropique[9], etc., etc. Les droits revendiqués par le Féminisme « rationnel » ne sont donc que de la bonne et saine sociologie. Tout ce qui concourt au bien de l’individu est d’un apport précieux à la masse. Le xviiie siècle a vu naître les Droits de l’Homme, le xxe siècle verra surgir ceux de la Femme.


  1. Olympe de Gouges
  2. Renonciation de 1331
  3. Arbre aux grappes blanches odorantes, ainsi nommé en l’honneur de la princesse A. Paulownia, fille de l’empereur Paul Ier de Russie.
  4. Glizoi
  5. La comtesse d’Aberdeen.
  6. Fondée en 1883
  7. Fondée en 1893
  8. Voir l’étude de morale comparée la Famille dans la société romaine, par Paul Lacombe.
  9. De récente fondation. 37, rue des Grandes-Carrières, ou, moyennant 0 fr. 60 par jour, la femme peut se croire logée dans l’aisance.