Monographie de l’abbaye de Fontenay/Chapitre 12

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Librairie Saint-Joseph (p. 72-83).

CHAPITRE XII

Principaux bienfaiteurs de Fontenay

les papes

Les Papes Lucius III, Eugène III, Anastase, Grégoire IX, Alexandre IV, Martin V, ont pris Fontenay sous leur protection, confirmé les donations faites par les seigneurs, menacé d’excommunication tous ceux qui porteraient atteinte aux biens, aux personnes, aux privilèges de l’abbaye, lui ont accordé de grandes faveurs Spirituelles, comme les indulgences, le droit de porter les insignes pontificaux pour ses abbés, exempté les terres des impôts, des dîmes même pour la guerre sainte, le droit d’asile non seulement dans l’abbaye, mais encore dans les métairies.

Toutes ces faveurs étaient couronnées par l’exemption de la Juridiction de l’évêque d’Autun. Avec l’agrément du général de Clairvaux, les moines de Fontenay élisaient leur abbé, qui recevait seulement la bénédiction abbatiale de l’évêque diocésain en lui prêtant le serment suivant, comme Eudes, 18e abbé en 1296.

« Ego, frater Odo, abbas Fonteneti, subjectionem, reverentiam et obedientiam a sanctis patribus constitutam secundum régulam sancti Benedicti, tibi, Domine, pater episcope, tuisque successoribus canonice substituendis et sedi eduensi, salvo ordine nostro, perpetuo me exhibiturum promitto. Actum Edui anno Domini millésime ducentesimo nonagesimo sexto, die sabbati post octaves festi omnium sanctorum. In cujus rei testimonium sigillum nostrum præsentibus litteris apponimus. (Charmasse, cartul. évêché d’Autun, 344.)

Pour bien apprécier l’importance de ces faveurs papales, il faut savoir quelle était l’autorité du souverain Pontife aux xiie et xiiie siècles.

Dans les bouleversements continuels du moyen âge ces faveurs, ces donations auraient été comme un amas de poussière que le premier coup de vent aurait dissipé, s’il n’y avait pas eu une autorité pour les maintenir et les faire respecter, l’autorité souveraine du Pape.

Dans les idées du moyen âge le catholicisme dominait toutes choses. Le Pape, représentant de J.-C., avait reçu le pouvoir de lier et de délier sur la terre ce qui devait être lié ou délié au ciel. Le Pape se trouvait dés lors et tout naturellement appelé dans les imaginations populaires à une sorte de magistrature suprême. Toute question ne venait-elle pas aboutir en définitive au droit de lier et de délier ? L’habileté qui ne Faisait jamais défaut aux représentants de ces idées de leur époque, la science qui n’est que le développement systématique de ces idées, enfin toutes les supériorités qui découlent de ces deux sources vinrent en aide au Pape dans l’accomplissement de sa mission. Mais toutes ces choses qui furent de puissants moyens pour l’accomplissement de cette mission, n’en auraient pas fait le succès si elles n’eussent été d’accord avec le sentiment universel. S’il est un fait incontestable, c’est que le Pape au moyen âge a exercé une grande puissance sur les souverains, qu’il les a jugés, excommuniés, et souvent même il a déclaré les sujets de ces princes déliés du serment dé fidélité. (de Maistre.)

Le pouvoir temporel du Pape a toujours été singulièrement faible ; il n’avait ni grande armée ni grande flotte, ou du moins son armée, sa flotte étaient bien inférieures à celles des rois avec lesquels il guerroya. D’où lui serait donc venu cette force qui lui donna le triomphe, si ce n’est de l’opinion générale ?

Le sacre et l’excommunication sont les deux termes des rapports de la Papauté avec les souverainetés temporelles… L’excommunication mettait hors de la société religieuse le pouvoir qu’elle frappait ; elle le mettait du même coup hors de la société politique, animée du même esprit que la société purement religieuse ; nul n’aurait pu supposer, avec les croyances et les opinions du temps, qu’un personnage séparé de la société religieuse eût pu conserver un pouvoir social ou politique.

La Papauté au moyen âge doit être considérée comme essentiellement constituante. C’est elle qui, au moins on droit, se vit appelée à consacrer l’autorité temporelle à travers les limites où elle devait se renfermer. C’est elle qui la frappait quand elle s’écartait des conditions de son investiture. C’est cette puissance qui garantissait le respect de la propriété. (Gorini. III.vol. 274.)

2. les évêques

Étienne de Bagé, 52e évêque d’Autun, donne la place de Fontenay en 1130 ; Humbert, 54e évêque, donne le territoire de Saint-Aignan prés Saulieu, qui, en 1740. sera vendu à un Charlraire de Montigny par le Comte Zaleusky, abbé commendataire. À cette donation il ajouta encore quelques terres de Courcelles-sous-Grignon. L’évêque de Norwick dans l’Est-Anglie paie la construction de l’église de 1139 à 1147. Godefroy, premier abbé de 1118 à 1130, puis devenu évêque de Langres, donna la ferme des Bergerosses sur Poiseul-la-Grange ; Hugues de Mâcon, évêque d’Auxerre, fondateur de Pontigny, céde quelques terres dans le comté d’Auxerre entre les rivières Coza et la Cure, à cause de saint Bernard qu’il avait suivi à Cîteaux. Les autres évêques d’Autun ont aussi été les bienfaiteurs en accordant à Fontenay quelques muids de blé sur l’éminage de leur ville.

2. les rois

Au moyen âge les rois disaient « si nous établissons des monastères, si nous nous efforçons d’avoir pour amis les serviteurs de Dieu, dont les vertus font notre gloire et les prières notre défense ; si nous les élevons le plus haut possible dans les honneurs, les entourant de notre vénération et de nos complaisances, c’est parce que nous croyons par là augmenter la stabilité de notre royaume, la gloire de notre siècle, et notre part du céleste empire » (Étormay, 7.) Quelle différence entre les rois de la 3e race et nos républicains de 1880. Les rois voient leur salut dans les abbayes, nos républicains y voient la perte de la nation.

En 1259, saint Louis à Asnières exempte le couvent de tout droit fiscal, et lui donne la permission de parcourir librement les terres et les eaux de ses états sans payer aucune redevance, pedagio, pontanagio et alia quacumque costuma, fonde des prières pour son père Louis VIII et pour sa mère Blanche de Castille. (Cart. Font.)

En 1361, le roi Jean donne à Fontenay 40 livres tournois pour des prières à l’intention de son père ; Philippe de Rouvres, donne la permission d’acheter jusqu’à 147 livres sans payer de droit au fisc, et d’acquérir dans tous ses états la haute, moyenne et basse Justice. (Cart. Font.)

La même année, le roi d’Angleterre Édouard, envoya 40,000 moutons d’or pour aider à réparer les bâtiments de l’abbaye. Dans cette munificence aussi grande, le roi se souvenait peut-être du pillage de l’abbaye par les Anglais en 1359, ou de la sépulture accordée à sa cousine Eustachie de Mellot rapportée de Carthage, en l272, à l’abbaye de Fontenay. (Arch. de Dijon.)

Charles VIII étant à Dijon prend l’abbaye sous sa protection, et commande à tous ses débiteurs d’avoir à lui payer ce qu’ils devaient pour l’aider à réparer les dégâts causés par les Robeurs ou gens de guerre.

Louis XII permet aux moines de bâtir des murs, des tourelles, de creuser des fossés pour se défendre contre les gens de guerre ; il ordonne à son bailli d’Auxois de veiller à ce que ses ordonnances pour Fontenay soient exécutées ponctuellement. (Cart. Font.)

Sur les réclamations de Jean de Brosse, abbé commendataire, Henri IV a Dijon renouvelle l’ordonnance de Louis XII, n’accorde que 40 jours pour acquitter les dettes vis-à-vis l’abbaye ; ce laps de temps écoulé, la justice agira sévèrement contre les retardataires. Déjà a cette époque les fermiers, les colons, les serfs quittaient les terres de l’abbaye, se retiraient dans les villes afin de rester inconnus et d’échapper à leurs obligations. (Cart. Font.)

À la demande de Louis de Lorraine, abbé commendataire, Louis XIII promulgue de nouveau les ordonnances de ses deux prédécesseurs, donne de l’argent pour aider à relever les murs détruits par les ligueurs campés au château de Montfort.

Ces protections et faveurs accordées à Fontenay à différentes époques par plusieurs rois en ont fait une abbaye royale, non de fondation, mais d’adoption. C’est pour cela qu’elle a mis la fleur de lis dans ses armoiries.

4o les ducs de bourgogne

En 1169, Eudes II, duc de Bourgogne, et Henry, évêque d’Autun, son parent, terminent la difficulté que Fontenay soutenait contre le monastère de Saint-Martin d’Autun, sans doute pour des terres entre Sequanam et Branam, les champs depuis chemino romano ad Estormer. Ce chemin romain allait d’Alise à Langres par Bussy, la Bretonnière, Baigneux et Orret. C’est ce chemin que suivit saint Bénigne se rendant d’Autun à Langres. (Orret, par M. Lereuil, chanoine.)

Hugues III, en 1189, donne à Fontenay le droit d’éminage à Autun, ratifie la donation que Mathieu d’Étais avait fait à Fontenay d’une partie de la forêt du côté du Fain, et des terres qui plus tard seront appelées la Croix-Prieur ou Perrier. Cette donation sera invoquée plus tard par le couvent dans son procès avec Marmagne pour le Gros-Buisson, en 1739. (Charmasse, 257.)

En 1208, Eudes III donne à Fontenay la propriété de Pommard, origine du Petit-Fontenay de Beaune. En 1234, ce même duc échange le château de Saint-Remy, le territoire de Morville et Fresne pour cette propriété de Pommard, où il établit les Chartreux. Il permet aux religieux de parcourir ses terres sans payer aucune redevance. Le comte de Champagne leur accorde la même faveur. (Cart. Font.)

Hugues IV prend la forêt sous sa protection, se réserve la chasse à l’exclusion de tout autre ; cependant l’abbé pourra y faire chasser aussi. L’un et l’autre auront moitié des amendes prononcées contre les délinquants. C’est à cause de cette chasse que les ducs de Bourgogne avaient un château à Fontenay.

Le même duc, en 1261, réconcilie la dame du Fain, Marguerite de Cuisseney, avec le couvent pour la forêt du Fain qui touchait aux murs de l’abbaye. En 1269, il donne aux hommes de Fontenay qui habitaient Marmagne, le droit d’usage du bois dans le Grand-Jailly, à condition qu’ils lui donneront chaque année à la Toussaint 18 setiers d’avoine. (Cart. Font.)

En 1275, Robert II donne des lettres patentes pour prendre Fontenay sous sa protection ainsi que tous ses biens.

Eudes IV, en 1330, donne la Briaille et la Briallotte dans les environs de Quarré-les-Tombes près Saint-Branchet. (Cart. Font.)

Philippe le Hardi, en 1364, exempte les moines de ses chevauchées, de la nourriture pour ses varlets, du pain pour ses chiens, quand il viendra chasser dans les environs de Fontenay. (Cart. Font.)

les seigneurs

Dés le xiie siècle, Pierre, comte de Nevers, pour l’âme de Philippe d’Issoudun son beau—frère, cède à Fontenay son serf de Gigny avec tous ses héritiers et tous ses biens, affranchissant cet homme de tout droit de laitage, de dîmes de blé, d’ostel, de chevauchée, de la garde des murs et des fossés de Gigny, à la condition qu’il demeurera toujours lui et ses hoirs sujets à la coutume de Tonnerre. (Rousset, IIIe vol. Gigny.)

Les Rainard, les André, les Nariold de Montbard donnent Fontaines-les-Sèches, Planay, Éringes ; Othon de Châtillon, mari de Diane, le Pâtis de Nan ; Huon de Châtillon, ses vignes de Laignes ; les Mellot, comtes d’Auxerre et de Tonnerre, des biens dans leurs comtés; les sires de Noyers, Soulangy et Marsoif, origine du Petit-Fontenay de Tonnerre en 1255 ; Raina] et Catin de Joigny, leurs dîmes de La-Villeneuve et s’engagent par serment à ne pas donner d’aumônes à d’autres communautés qu’à Fontenay. Les Vaubon et Olivier de Grignon donnent leurs biens de Poiseul-la-Grange et La Villeneuve ; les Thibaud de Salivcs, Gérard d’Échalot donnent Préjelan, le Quartier et la maison où seront reçues les femmes des maris qui quitteront le monde pour la vie monacale. Les sires de Sennevoi, de Champ-d’oiseau, de Thil, de Frolois, d’Époisses, de Darcey se font un bonheur d’accorder quelques biens à l’abbaye de Fontenay. (Cart. Font. passim.)

Il ne serait pas possible de citer tous les colons ou manants qui abandonnent leurs biens pour avoir droit aux prières, à la sépulture ou à la retraite dans une maison de Fontenay, tels que les Haymon, les Huilard, les Adéline de Marmagne et les Racena de Fresnc.

On peut trouver l’explication de l’empressement à combler Fontenay de biens non seulement dans la foi vive de ces jours, mais dans la parenté de Bernard avec toute la féodalité de la Bourgogne, les ducs, les comtes d’Auxerre, de Tonnerre, les Grancey, les Sombernon, les Satires, les Mellot, les Thibaud de Salives et les Gérard d’Échalot. (Cart. de Font.)

les abbesses

Agnès, abbesse du Puits-d’Orbe, peut-être sœur de Godefroy, premier abbé de Fontenay, net plus tard Évêque de Langres, pour conserver les rapports d’un bon voisinage donne à Fontenay 32 ouvrées de vigne au Fain et à la Maladière, qu’elle tenait de Richard de Curtisrabodi comme dot de sa fille Ermengarde, qui avait fait profession religieuse en 1151. Elle reçut en échange huit livres provins, un manteau, des manchettes et des bottines… (Cart. Fain).

Élisabeth, aussi abbesse du Puits-d’Orbe, donne à Haymon, abbé de Fontenay, le reste du Desertum de Fontanis finibus Segestri contiguum, dont l’autre partie avait été cédée par Rainard de Montbard.

L’abbesse des Bénédictines de Rougemont, Marguerite 1re, de Mellot, donne des pâturages et le droit de pêche dans les rivières de Buffon et de Rougemont.

Marguerite, prieure de Jully-les-Nonnains en 1177, avait cédé à Fontenay ses tierces sur Sennevoi. À son exemple, Isabeau, aussi prieure de la même communauté, vend aux moines de Fontenay ses biens de Blaisy et Cruchy, en 1272.

les dames

Les Dames les plus célèbres pour leurs bienfaits à l’abbaye de Fontenay sont :

Marguerite, reine de Jérusalem et de Sicile, veuve du duc d’Anjou, frère de saint Louis. En 1287, pour 350 livres tournois, elle donne à nos moines une quittance à décharge pour tous les biens qu’ils avaient acquis dans le comte de Tonnerre depuis 40 ans. C’est le roi Philippe qui avait établi ces impôts. Cette bienfaitrice donne encore des vignes au Petit-Fontenay de Tonnerre. (Cart. Tonnerre, 86.) Mathilde, comtesse de Grignon, borne avec les moines de Fontenay les finages de Poiseul-la-Grange, Échalot, et Étalente, leur donne le droit de pécher dans ses eaux d’Étalente deux jours durant sa vie, et à sa mort, un jour et une nuit comme honoraires du service qu’ils feront pour son âme, elle accorde encore une partie de la ferme de Flacey, une vigne pour le vin des messes, et si les revenus de cette vigne ne sont pas usés, le reste servira à acheter de la toile pour corporaux. (Cart. Grignon.)

Cette comtesse Mathilde était née de Raymond, fils de Hugues II, duc de Bourgogne ; elle eut quatre maris, Eudes d’Issoudun ; Guy, comte de Nevers ; Pierre, frère du comte de Flandre ; enfin Robert de Dreux. Elle fit ces quatre unions conjugales entre 1165 et 1196. (Chifflet, gen. illus. Sti Bern.)

Blanche, fille de Mathieu d’Étais, veuve de Hervé de Sombernon, donne 100 sous à prendre sur les foires de Sombernon, des vignes à Villeberny, et charge trois exécuteurs testamentaires, Étienne, prieur de Notre-Dame du Val-des—Écoliers, prés de Chaumont, Guillaume, abbé de Flavigny, et Simon, maître de la maison d’Étais, de donner a Fontenay tous ses biens de Nogent. (Cartul. passim.)

Jeanne de Riégo en 1358, duchesse d’Athènes, comtesse d’Eu, de Château-Chinon, de Lormes, de Sombernon, fonde quatre messes, et pour les honoraires donne ses biens de Bussy et quatre familles serves de Sombernon, les Garin, Letardif, Bachelet, Michel le Pitois et sa femme. Cette duchesse avait été mariée à un Mellot d’Époisses, comte de Tonnerre et d’Auxerre. C’est peut-être cette duchesse qui repose à côté de son mari sur une tombe en. marbre noir qui est sous les cloitres. (Cart. Font.)

La duchesse de Longueville, dame de Montbard en 1504 devait aux moines 110 sous pour la grange du Jailly et un bois qu’ils avaient abandonnés au duc. Cette duchesse de Longueville était fille de Philippe de Hocberg, maréchal de France, auquel Louis XI avait donné Montbard, parce que le duché de Bourgogne était échu, comme fief mâle, à la couronne à la mort du dernier duc de Bourgogne, Charles le Téméraire. (Montbard —— 25.)

Marie de Thil, dame de Beaujeu et de Borboillot donne à Fontenay 16 livres pour trois messes chantées chaque semaine et un anniversaire. (Cart. Font.)

Hila ou Élisabeth de Villers-Montigny, dame de Mont-St-Jean, en 1220, laisse à Fontenay 300 marcs d’argent. Sur les plaintes de ses héritiers, à sa mort 150 marcs appartiendront au couvent et les 150 autres à Guy, chanoine de Langres et d’Auxerre, fils de Bernard, seigneur d’Époisses, mari de Hila, parent de saint Bernard par sa mère Aleth. (Cart. Font}

Enfin Béatrix, demoiselle du Fain, donne tout le Pressoir, dont les champs, touchent les murs du château. C’est pour cela que sous l’abbé commendataire, Jean de la Brosse, Pierre de Damas, sire de Marande et seigneur du Fain, voulait avoir la haute justice pour l’assassinat d’un Mathieu de Montbard commis sur les terres du Pressoir. (Cart. Font.)

Ce chapitre est extrait des Archives départementales de Dijon.

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