Myrtes et Cyprès/Envoi de la précédente à Mme S***

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Librairie des Bibliophiles (p. 35-36).


ENVOI
DE LA POÉSIE CALMPTHOUT

À Madame S***


 
Il faut au ciel d’azur la jeune aube ou l’étoile ;
À la vierge timide il faut les plis du voile,
Aux arbres les fruits d’or dans leurs dais verdoyants,
Aux bosquets les oiseaux, aux époux les enfants.

Il faut au vin mousseux une coupe vermeille,
Son parfum à l’œillet, son doux miel à l’abeille ;
Le nautonier se guide aux lueurs du fanal ;
Le prêtre a la vertu, l’artiste a l’idéal.

Il faut au papillon les ailes nuancées,
À nos cœurs les chansons ; aux moissons les rosées ;

Il faut du sang au glaive et des flots à la mer,
Des ombres au tableau, de la neige à l’hiver.

Il faut aux grands bois sourds l’haleine du zéphyre,
À la lèvre un baiser et le son à la lyre ;
Il faut, lorsqu’on se sent oppressé de chagrin,
Que les pleurs mouillent l’œil et soulagent le sein.

Il faut à l’exilé le souvenir fidèle ;
Il faut le flocon blanc au nid de l’hirondelle,
Il faut que chaque objet retourne en son milieu,
La dépouille à la tombe et les âmes à Dieu.

Il faut la tiède nuit à la paupière close,
L’innocence à l’enfant, l’amour à la beauté ;
Le bouquet le plus beau n’est rien sans une rose :
À Calmpthout, frais séjour, il manquait quelque chose…
Madame, en l’habitant, vous l’avez complété.


7 juillet 1874.