Napoléon et la conquête du monde/I/14

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H.-L. Delloye (p. 67-69).

CHAPITRE XIV.

L’ÎLE DE MAN.



L’empereur se rendit à Glasgow, où s’étaient réunis les parlements d’Écosse et d’Irlande. Ainsi qu’il l’avait déjà fait pour le roi de Pologne Poniatowski, il remit, en présence des membres de ces parlements, le sceptre au roi Georges, et, dans un discours assez court, il assura à ces deux royaumes la jouissance de leurs constitutions et de leurs privilèges, avec les modifications que le système de l’Europe lui avait imposées, disait-il, et la première fut l’émancipation de l’Irlande catholique.

Cette investiture de ce double royaume lui assurait une suzeraineté de fait, quoiqu’elle ne fût pas officiellement promulguée.

De Glasgow il fit écrire, par le duc de Bassano, ministre secrétaire d’état, la décision suivante à Louis XVIII :

« Napoléon, etc. ;

« Avons ordonné ce qui suit :

« Les bâtiments, parc et dépendances du château d’Hartwell sont réunis à notre domaine privé.

« Dans le délai d’un mois, à compter de ce jour, le comte de Lille et sa famille, ainsi que les personnes qui les accompagnent, se rendront dans l’île de Man, qui deviendra le lieu de leur résidence.

« Donné au palais de l’Université de Glasgow, ce 22 juillet 1814.

« Napoléon.
« Duc de Bassano. »

Une lettre du duc de Bassano accompagnait cette décision ; pleine de respect pour les illustres proscrits, elle leur annonçait que cette résidence était comme une propriété même de l’île, et que tant que la famille des Bourbons resterait sur son territoire, aucune autorité française n’y séjournerait, et ne pourrait y avoir d’action.

Louis XVIII affecta de refuser la seule apparence d’une souveraineté sur cette île ; MM. de Montesquiou et de Blacas l’administrèrent, sans même rendre un compte qu’il ne voulut jamais recevoir.

Ainsi, une sorte de royaume fut comme imposé à celui qui se disait le roi de France. Il y avait dans cette modération de l’empereur une tactique adroite qui ne pouvait échapper à Louis XVIII ; aussi, tout en acceptant cet exil, auquel il ne pouvait se soustraire, il protesta encore par une de ces nobles déclarations qui sont si connues.

L’île de Man a environ dix lieues de long sur cinq de large. Elle est assez fertile ; Douglas en est la capitale, port et ville d’environ trois mille habitants. D’autres villes d’une moindre importance s’y trouvent encore ; la population entière est d’environ quarante mille âmes.

C’est dans cette île que, long-temps après, en 1824, Louis XVIII étant mort, son frère, M. le comte d’Artois, fut proclamé, sans que l’Europe en sût quelque chose, roi de France, sous le nom de Charles X.